Le député Renaissance Marie-Pierre Rixain a fait adopter en Commission des finances un amendement au projet de loi de finances, concernant l’individualisation du prélèvement à la source. Le député explique dans l’exposé de cet amendement :
Le système fiscal français a été conçu sur un modèle de solidarité familiale entre conjoints mariés dans un contexte où les couples mono-actifs (homme actif et femme au foyer) représentaient le modèle dominant et la norme portée par les politiques publiques. Si des ajustements ont été apportés depuis, certains mécanismes de base restent très favorables au conjoint le plus aisé, dans 78 % des cas l’homme. Ainsi, les femmes en couple perçoivent un revenu annuel inférieur de 42 % à celui de leur conjoint, contre 9 % entre les femmes et les hommes sans conjoint. Un écart qui s’explique, en partie, par une charge fiscale qui tend à pénaliser les revenus du conjoint le moins aisé : plus l’écart de salaires est important entre les deux apporteurs, plus la fiscalité est avantageuse pour le foyer. Un biais fiscal qui, comme le montre les travaux de l’OCDE, pénalise l’emploi des femmes : le taux d’emploi des femmes est inférieur de 6 points à celui des hommes, et plus d’une femme sur quatre travaille à temps partiel contre moins d’un homme sur dix.
En France, l’impôt est prélevé à la source sur les revenus de chaque membre du couple. Par défaut, l’administration fiscale calcule un taux de prélèvement par foyer fiscal, qui tient compte de l’ensemble des revenus et charges, qu’elle applique pareillement à chacun des conjoints, indistinctement de leurs revenus propres. Néanmoins, même en couple, il est possible d’opter pour un taux de prélèvement individualisé afin de prendre en compte les écarts de revenus entre conjoints. Un mode de calcul qui évite de pénaliser le conjoint ayant les plus faibles revenus par un taux d’imposition disproportionné. Rappelons que l’imposition commune augmente le taux marginal d’imposition du conjoint ayant les revenus les plus faibles de 6 points tandis qu’elle diminue de 13 points celui du conjoint ayant les revenus les plus élevés.
Le présent amendement aménage le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu pour les couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune. Il inverse, à compter de 2025, la logique qui prévaut actuellement s’agissant du taux de PAS en proposant l’application par défaut du taux individualisé, tout en ménageant la possibilité pour les contribuables concernés d’opter pour le maintien du taux du foyer fiscal.
Cette mesure qui fait partie de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité fiscale et successorale entre les femmes et les hommes, déposée par Marie-Pierre Rixain le 7 mars 2023, a été annoncée par la Première ministre lors de la présentation du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027) à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2023.
L’application systématique du taux de PAS individualisé – sauf option contraire – en lieu et place du taux du foyer fiscal vise ainsi à garantir une plus grande égalité entre les femmes et les hommes par une répartition des prélèvements entre les membres du foyer fiscal plus favorable à celle ou celui dont les revenus sont les plus faibles.
Compte tenu de la nécessité d’assurer l’information des contribuables en amont et des travaux de gestion nécessaires à la mise en œuvre du dispositif, l’entrée en vigueur de la mesure est fixée au 1er septembre 2025.
En pratique, cet amendement ne change rien, puisque l’impôt au final sera le même qu’avant, et que l’individualisation du taux est déjà possible. Le taux individuel de prélèvement à la source est calculé sur l’impôt qu’aurait payé la personne si elle n’avait pas été en famille. Or dans le cas de deux revenus différents, on sait que l’imposition de la somme des revenus est plus favorable à la famille que l’imposition de chaque revenu séparément, à cause du taux progressif et de l’application du quotient familial. Donc une des conséquences de cet amendement sera que dans bien des cas la somme prélevée sera supérieure à l’impôt. Ce n’est pas grave en principe, car la somme sera réajustée avec remboursement en fin d’année. C’est très intéressant pour la trésorerie de Bercy… mais pas pour la trésorerie de la famille.
L’ “Exposé sommaire” de l’amendement a une argumentation qui n’est ni juste, ni cohérente. On parle d’un prélèvement à la source favorable ou défavorable au conjoint le plus aisé ou le moins aisé. Cela n’a pas de sens puisque au final c’est la communauté qui est imposée, donc personne n’est ni lésé ni avantagé, et d’ailleurs le couple y gagne du fait du quotient familial. Ce qui compte, c’est que conformément à l’article 214 du code civil, les époux contribuent chacun aux charges du mariage “à proportion de leurs facultés respectives”, à eux de faire les comptes.
Il est écrit dans cet exposé sommaire “une charge fiscale qui tend à pénaliser les revenus du conjoint le moins aisé”, puis dans la phrase suivante on reconnaît que “plus l’écart de salaires est important entre les deux apporteurs, plus la fiscalité est avantageuse pour le foyer”. Au lieu de capitaliser sur cette vérité, le rédacteur la qualifie immédiatement de “biais fiscal”, et change de sujet en rendant cette disposition favorable aux familles coupable de “pénaliser l’emploi des femmes”, ce qui est plus que discutable (les travaux de l’OCDE invoqués ne font que constater les différences entre l’emploi des femmes et celui des hommes, et ne prouvent en rien que le bénéfice fiscal accordé aux familles en soit responsable).
La conclusion est donc que cet amendement ne change rien sauf l’option par défaut d’un taux global ou individualisé pour le prélèvement à la source, donc un avantage financier par défaut pour L’État.
Alors si cette opération est neutre, pourquoi un tel amendement ?
On a l’impression que le rédacteur ne parle pas d’une famille, mais de la juxtaposition de deux célibataires, que les charges de familles et de l’éducation des enfants seraient une corvée. L’impression que donne le texte est que la famille est une aliénation de l’individu, et particulièrement de la femme. On sent derrière ça la volonté d’abandonner à terme la notion de famille, que le seul interlocuteur doit être l’individu. Or nous savons que la famille est la clé de voûte de la société, et la famille est fondée sur la solidarité de ses membres. Cet amendement est dangereux car il oriente encore plus vers l’individualisation (chacun pour soi) au détriment de la solidarité du couple.
Le même député a déposé un autre amendement pour permettre de faire des dons exonérés aux associations féministes et autres wokes, amendement également adopté en commission.