Une réaction qui dit la réalité que l’on devine depuis des jours à travers les non-dits, les mal-dits, les trop-dits. Un procureur, aux ordres de la Chancellerie, rappelons-le, obligé de préciser que le principal suspect serait de nationalité française, né de mère française. Pourquoi, aujourd’hui, en France, est-il nécessaire d’apporter d’emblée cette précision ? Du reste, une précision bien maladroite : et le père, du coup, de quelle nationalité est-il ? Des non-dits, mal-dits ou trop-dits qui en disent long. Parce que les Français savent très bien lire entre les lignes : ils ont le décodeur. Si ces suspects avaient été des jeunes issus de la mouvance d’extrême droite, comme on dit, si l’un d’eux avait été le cousin issu de germain par alliance d’un candidat FN en 1985 à une élection cantonale dans la Creuse, pas de doute qu’on ne se serait pas gêné pour nous révéler ce scoop avec, en sus, son prénom et, pourquoi pas, sa généalogie depuis Louis XIV.
La prédiction de Gérard Collomb
Une réaction qui révèle que le pouvoir sait et qu’il a peur. Qu’il a peur que la prédiction de Gérard Collomb se réalise. Ou, plutôt, que cela aille bien au-delà de la prédiction. Jusqu’à maintenant, cette « France des territoires » n’a pas provoqué d’émeutes, n’a pas trouvé son Assa Traoré. Il y a bien eu les gilets jaunes, dont on « fêtait », la semaine dernière, le cinquième anniversaire. Les gueux s’étaient levés contre le coût du carburant et cette dîme des temps modernes qui consiste à payer, à travers des taxes, le droit d’aller travailler à une demi-heure, voire plus, de chez soi. Le sinistre Castaner avait réprimé tout ça comme il se devait et Macron avait terminé le travail à travers une grande séance d’anesthésie collective baptisée « Grand débat national ». Mais cette France ne brûle pas de bagnoles, ne se victimise pas et rentre sagement chez elle après la marche blanche. Jusqu’à quand ? C’est bien là, la grande peur du gouvernement : « Vous verrez ce que ça suscitera dans le pays… », confesse ce ministre. Et puis, en juin prochain, il y a les élections européennes. Si vous voyez ce que je veux dire…
Une réaction qui résume tout. L’échec, le gâchis, le désastre, après des décennies de politiques de la ville, de plans ci, de plans ça, de lutte contre un racisme plus ou moins fantasmé, de politique de l’excuse. Tout ça résumé dans la pitoyable intervention d’Élisabeth Borne, ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, mercredi au Sénat, nous resservant l’éternelle rengaine que l’on connaît par cœur : « Ce moment appelle à la retenue et à la décence. Utiliser ce drame pour jouer sur les peurs, c’est manquer de dignité et de respect pour les victimes. » L’idée, on l’a bien compris : tout finit par se savoir et « cela » va donc se savoir. Alors, gagnons du temps. Glissons sur l’émotion du moment. Demain sera un autre jour et les Français, vous savez, ont la mémoire courte. Regardez comment ils ont été « résilients » (le grand mot à la mode, depuis une décennie) face aux attentats islamistes. Alors, une « rixe » en marge d’un bal de village, vous pensez-bien… Jusqu'à quand ?
Georges Michel