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Italie. Paolo Borchia : « La Lega n’est pas hostile à l’immigration, mais seulement à celle qui est illégale » [Interview]

Paolo Borchia est un député européen de la Ligue (Lega), le parti italien dirigé par Matteo Salvini. Lionel Baland l’a rencontré et interrogé pour Breizh-info.

Breizh-info : De quelle partie de l’Italie êtes-vous originaire ?  

Paolo Borchia : Je suis de Vérone, la cité de Roméo et Juliette. Une très belle ville.

Breizh-info : Comment avez-vous débuté en politique ?  

Paolo Borchia : J’ai été attiré par Umberto Bossi [à l’époque, le dirigeant de la Ligue du Nord]. Mon père était un petit entrepreneur et lorsque j’ai entendu parler pour la première fois d’Umberto Bossi, je devais avoir neuf ans. Ce type était en mesure de diffuser une énergie impressionnante et de dire la vérité. Les idées qui m’importaient étaient la liberté d’entreprise et la nécessité que les régions du nord de l’Italie disposent de plus de pouvoir afin de préserver un niveau de taxation moins élevé grâce à une réforme fédérale du pays. Lorsque j’ai débuté en politique, c’était mon but et, après une décennie, celui-ci est le même. Nous sommes allés dans cette direction. La Lega Nord avait été fondée pour cela.

Breizh-info : La Ligue du Nord est devenue la Ligue et est désormais présente dans l’ensemble de l’Italie.  

Paolo Borchia : Oui. C’est la conséquence du fait que la réforme fédérale est un avantage pour chaque région. Nous proposons différentes formes d’autonomie. Le fédéralisme que nous préconisons est le même pour toutes les régions, mais chacune de ces dernières peut décider si elle demande plus de compétences pour elle-même, en accord avec la Constitution italienne. Nous sommes impliqués dans une transition vers un parti national. Nous ouvrons notre audience, mais l’esprit, l’identité et le but sont les mêmes.

Breizh-info : Arrivez-vous à trouver des cadres dans le sud de l’Italie ?  

Paolo Borchia : Nous avons quelques personnes. Nous trouvons malgré tout des profils intéressants.

Breizh-info : Quelles est la différence entre la Ligue et le parti patriotique Frères d’Italie qui reçoit aussi des votes dans le nord de l’Italie ?  

Paolo Borchia : Fratelli d’Italia est issu d’un autre héritage politique qui tourne plus autour de l’étatisme et d’une gestion centrale du pouvoir. Avant les élections législatives de 2018, il a décidé de soutenir nos positions, nos buts et nos engagements électoraux. Attendons de voir ce qu’il réalisera.

Breizh-info : La Ligue est allée au pouvoir avec le Mouvement 5 Étoiles (M5S).

Paolo Borchia : À l’issue des élections législatives de 2018, cela constituait la seule alternative. La seule coalition possible pour le M5S était avec la Lega. Nous avons tenté cette expérience. Nous sommes passés de 17 % lors des élections législatives italiennes de mars 2018 à 34 % lors des élections européennes de mai 2019. Cela signifie que les électeurs italiens nous ont envoyé le message que nous sommes en mesure de réaliser une action politique concrète et cela constituait pour nous un signe positif. Dans le même temps, le M5S connaissait un déclin car son audience est désormais constituée de personnes qui désirent recevoir une assistance de l’État et des subsides publics. J’ai une autre idée à propos de cela.

Breizh-info : Le gouvernement dirigé par Giorgia Meloni de Frères d’Italie et auquel la Ligue prend part est critiqué par de nombreuses personnes pour sa gestion de l’immigration illégale. Bien que des tentatives d’arrêter les vagues de migration voient le jour, cela ne semble pas réellement porter ses fruits.  

Paolo Borchia : Oui, de nombreuses personnes apprécient Matteo Salvini, car lorsque ce dernier était ministre de l’Intérieur, il était en mesure de stopper l’immigration illégale. Des électeurs du centre droit reprochent à Giorgia Meloni la situation actuelle, alors qu’elle promettait avant de devenir Premier ministre d’instaurer un blocus naval. Afin de stopper l’immigration illégale, vous devez être prêt à prendre des risques ce qu’a fait Matteo Salvini qui a des problèmes avec des juges pour cette raison. La Lega n’est pas hostile à l’immigration, mais seulement à celle qui est légale. Nous sommes opposés à l’immigration de masse, sans règle et sans projet.

Breizh-info : Quel groupe la Ligue rejoindra-t-elle à l’issue des élections européennes de 2024 ?  

Paolo Borchia : La position en matière européenne est établie par le parti. Au niveau européen, nous devons être en mesure de travailler de la manière la plus sérieuse possible. Mon rêve est de voir l’ensemble des partis patriotiques de centre droit unis en un seul groupe politique. Les gens du centre droit, pas seulement en Italie, en ont ras le bol du fait que des partis politiques leur demandent leurs voix, tous en s’alliant au niveau européen, afin de gouverner, à la gauche. Le Parti Populaire européen (PPE) doit être plus coopérant et plus ouvert à la droite car, pour le moment, il n’agit pas de manière conforme aux intérêts des Européens. En effet, plutôt que de s’allier à la droite, il préfère capituler et travailler avec le centre gauche. Ce n’est pas ce pourquoi leurs électeurs les ont élus. En conséquence, il est important de modifier cette dynamique.

Breizh-info : Pensez-vous que le parti du défunt Silvio Berlusconi, Forza Italia, survivra ?  

Paolo Borchia : Cette question est intéressante. Silvio Berlusconi était en mesure de changer et d’influencer non seulement la politique mais aussi la société italienne et la communication politique durant trente ans. Je n’ai jamais voté pour lui, mais il était un innovateur. Nous verrons si une nostalgie se développera au sein du centre droit au cours des mois précédents les élections européennes de juin 2024, parmi les électeurs de Fratelli d’Italia, de la Lega et de Forza Italia. Mais pour cette dernière formation politique, les élections européennes seront difficiles si le groupe du PPE, auquel elle appartient au Parlement européen, ne modifie pas sa ligne qui consiste à coopérer avec la gauche.

Breizh-info : Estimez-vous que Forza Italia obtiendra malgré tout des députés européens ?  

Paolo Borchia : Oui.

Breizh-info : Quelle est la différence de ligne idéologique entre celle de l’ancien dirigeant de la Ligue du Nord Umberto Bossi et celle de l’actuel leader Matteo Salvini ?  

Paolo Borchia : Je connais nettement mieux Matteo Salvini car nous avons coopéré durant huit ans à Bruxelles. Je pense qu’il est une personne bonne et honnête. Il est très impliqué dans la politique et pour la Lega. Il donne tout pour le parti. Il travaille très durement. Il a d’immenses compétences dans le domaine de la communication. Je pense qu’il a été très bon dans le fait de réaliser les objectifs d’Umberto Bossi car ce dernier, au cours de certaines parties de sa carrière politique, a tenté de transformer la Ligue du Nord en un parti national. Il n’a pas été en mesure de le faire, mais Matteo Salvini le fait bien et je pense que son habilité politique réside en cela.

Breizh-info : Quelle est la position de la Ligue à propos de la partie francophone et de la partie germanophone de l’Italie ?  

Paolo Borchia : Nous sommes pour l’autodétermination des peuples. Nous sommes très heureux de coopérer avec des minorités linguistiques, tout particulièrement en matière culturelle. L’aspect le plus important pour nous est le respect des identités locales. Nous sommes très ouverts aux minorités linguistiques, non seulement en Italie, mais partout en Europe.

Breizh-info : La Ligue et Frères d’Italie n’adoptent pas la même position à propos de la guerre en Ukraine.  

Paolo Borchia : La situation est très compliquée. Je pense qu’il est clair que la Russie a débuté la guerre. Le plus important est de garder un haut degré de sens commun dans les décisions et afin de trouver la possibilité de mettre fin le plus tôt possible à ce conflit.

Breizh-info : Pensez-vous que le Mouvement 5 Étoiles et la Ligue ont, en partie, des électeurs communs ?

Paolo Borchia : Lors des élections législatives de 2018, le Mouvement 5 Étoiles a obtenu près de 33 % des votes. Ce n’était pas un vote structurel, mais émanant de personnes qui n’étaient pas contentes des partis traditionnels. Cela a duré un an. Désormais, le Mouvement 5 Étoiles est autour de 15 %. Mais depuis qu’il a entamé une coopération et des alliances structurelles avec le centre gauche, il n’apparaît plus aux électeurs de centre droit comme fiable.

Breizh-info : Quelle est la différence entre le Mouvement 5 Étoiles et le Parti démocrate ? 

Paolo Borchia : Le Parti démocrate est le parti de l’establishment. Il considère pouvoir gérer le pays sans devoir gagner les élections et nommer les chefs de cabinets dans les ministères, les fonctionnaires et la direction des entreprises publiques. Le M5S a perdu son esprit original de mouvement anti-establishment. Il est désormais le parti du centre et du sud de l’Italie, d’électeurs qui désirent recevoir des allocations et des subsides de l’État.

Breizh-info : Pensez-vous que la Ligue va voir ses scores remonter ?

Paolo Borchia : Nous travaillons à cela. Lors des dernières élections législatives de 2022, nous avons obtenu 8,7 %. Nous n’étions pas contents de ce résultat. Nous espérons obtenir un bon score lors du scrutin électoral de juin 2024.

Breizh-info : Exercez-vous des pressions sur le parti Frères d’Italie afin que le gouvernement prenne des mesures plus restrictives en matière d’immigration et combatte plus efficacement l’immigration illégale ?  

Paolo Borchia : Nous essayons de suggérer les meilleurs solutions, mais la chose la plus importante est que la coalition de centre droit est forte. Nous ne la sabotons pas.

Propos recueillis par Lionel Baland  

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