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Bruno et Patricia Perez : « Comment ne pas penser sans cesse aux parents et aux frères de Thomas ? »

Bruno et Patricia Perez, parents d'Adrien.

Bruno et Patricia Perez, parents d'Adrien. © DR
Propos recueillis par Charlotte d'Ornellas 
Parents d'Adrien, poignardé mortellement à la sortie d'une boîte de nuit en 2018 à Meylan, près de Grenoble (Isère), Bruno et Patricia Perez ont voulu prendre la parole après la mort de Thomas à Crépol.  

Le JDD. Vous avez perdu votre fils Adrien, poignardé à la sortie d’une boîte de nuit à Meylan en juillet 2018. Vous ressentiez le besoin de prendre la parole après la mort de Thomas

Bruno et Patricia Perez. Parce que la mort de Thomas nous a inévitablement ramenés à la mort de notre fils. Ils étaient à une soirée, ils jouaient au rugby, ils étaient jeunes, ils n’étaient pas armés, ils n’avaient rien demandés et ils nous ont été arrachés. Avec des couteaux, avec des gens qui « plantent » gratuitement, à répétition. Rien que ce mot est insupportable…

Nous voulons d’abord présenter nos condoléances aux parents de ce petit Thomas, leur dire que nous les soutenons du fond de nos cœurs meurtris. Nous savons… C’est tout simplement insupportable en réalité.

Il faut que les gens qui se permettent toutes sortes de commentaires plus ignobles les uns que les autres, qui cherchent des excuses et relativisent ce qui arrive comprennent que nos vies ont basculé. Nos enfants ne nous diront plus « papa » ou « maman » et nous n’avons plus que du marbre à embrasser. Qu’ils gardent ça en tête avant de parler. Comment ne pas penser sans cesse aux parents et aux frères de Thomas ? Impossible. Alors nous avons eu besoin de parler, non pas à leur place mais à la nôtre.  

Certains ont été accusés de « récupération » après ce drame, on évoque la décence vis-à-vis des familles… Comprenez-vous cette accusation ?

Les débats sont proprement insupportables. Nous ne sommes pas politisés, nous ne voulons pas rentrer dans ces débats politiques mais nous trouvons ces accusations insupportables. Tous les parents réagissent sans doute différemment mais nous, nous ne pouvons que remercier tous les gens qui dénoncent ces actes et qui en parlent. Nous ne voulons plus nous taire alors que nos enfants tombent pour rien.

Nous sommes les parents d’Adrien, mort poignardé lui aussi, et nous vous le disons : nous nous réjouissons que certains politiques ou journalistes osent parler et dénoncer ce qu’il se passe. Bien sûr qu’il faut en parler, pour obliger enfin nos gouvernants à agir. On n’en parlera jamais assez.

Parce que sinon, on « condamne fermement » et on passe à autre chose. On a déjà vu le Président se déplacer, le ministre de l’Intérieur aussi, pour des choses bien moins graves. Mais là c’est le porte-parole, 10 jours plus tard, pour ne rien dire ?
Ce n’est même pas ce gouvernement plus que les précédents que nous fustigeons, tous ont été lâches et ont laissé cette violence s’installer dans la société. Le vrai mot qui nous vient à l’esprit est le dégoût en réalité. Vous n’imaginez pas comme les mots utilisés, même, font mal.  

C’est-à-dire ?

Il y a un débat sur le mot « ensauvagement », sérieusement ? Mais quel autre mot pour décrire ces gamins tués pour rien, sur le sol de France ? Il faut être sacrément déconnecté de la réalité pour se permettre de tels débats sans fin… Vous n’imaginez pas combien ces propos font mal.

On parle de faits divers également… En 2018, mon mari avait été sur un plateau de télévision et monsieur Castaner, alors ministre de l’Intérieur, avait également utilisé ce mot. Fait divers, on l’évoque rapidement et on en parle plus… Mais faudrait-il qu’ils soient eux-mêmes touchés dans leur chair pour qu’ils comprennent ? Qu’ils réagissent ?
Cette violence détruit des vies, en plus de détruire les nôtres. Des enfants meurent et ce sont des familles qui pleurent, des amis qui ne s’en remettent jamais. Ce n’est pas un fait divers, c’est une déflagration dans la vie de trop de familles françaises. Ce n’est pas exactement anecdotique. Il y en a eu avant Adrien, il y en aura après Thomas. Peut-être est-il temps de se réveiller. Et de regarder la réalité en face.  

Qu’avez-vous pensé des mots « rixe » ou « remarques désobligeantes » qui avaient également été utilisées après la mort de votre Adrien ?

Là encore, personne n’imagine comme ça fait mal au cœur. Nous pouvons vous faire une litanie de prénoms de gosses qui sont morts sans n’avoir jamais rien demandé, dans les mêmes circonstances ou à peu près. Le nôtre est allé défendre un ami qui se faisait agresser pour une remarque. Qu’a fait Thomas pour tomber sous les coups de couteaux ? Il était ami avec quelqu’un qui a fait une blague ? Les gens sont-ils seulement sérieux lorsqu’ils utilisent ces mots.

Nos enfants sont tués par des individus qui n’acceptent rien, ni un regard, ni une parole, et qui sont prêts à tuer. D’ailleurs, ils sortent avec des couteaux. Qui sort avec un couteau à une soirée ? Eux, seulement eux.

Il faudrait que tous ces commentateurs cessent enfin de leur trouver des excuses ou des circonstances atténuantes. Ils n’en ont pas, aucune. Il faut simplement leur infliger des peines sérieuses, et respectées jusqu’au bout. Cela ne nous rendra pas nos enfants, mais nous aurons au moins l’impression d’être considérés et soutenus.

Et, dans notre malheur, nous avons eu la « chance » d’avoir des caméras là où Adrien s’est fait poignarder. Parce que ses meurtriers ont eux-aussi tenté de partager les tords, de dire que nos enfants étaient racistes, de salir notre fils qu’ils venaient de tuer. D’ailleurs nous avons vu à la télévision un avocat de la défense qui était également là en face de nous, pendant le procès des meurtriers de mon fils… Pour Adrien, la vidéo est venue prouver leur extrême-violence. Et nous sommes sûrs que la même a été exercée à Crépol.  

D’autres, dans le débat public, affirment que cette violence a toujours existée. Que leur répondez-vous ?

Nous leur demandons pardon, mais nous ne reconnaissons plus notre pays. Evidemment qu’il y a eu des criminels de tout temps. Mais cette violence quotidienne, certainement pas. Nous n'avons jamais vu ça dans notre enfance ou notre adolescence. On ne faisait pas attention, nous n’avions pas peur en sortant. Evidemment qu’il y avait des bagarres à la fin des bals : à coups de poings. Les garçons en échangeaient quelques-uns et terminé. Y’avait pas de morts, on ne sortait pas des couteaux !!

Non, un tel degré de violence n’a pas toujours existé. Pas même dans les livres de Shakespeare… parce que nous avons également entendu parler cette « intellectuelle » qui compare ce qu’il est arrivé à Thomas et « Roméo et Juliette ». Nous me demandons ce que sont devenus les « intellectuels » de notre pays… C’est comme le résumé de Patrick Cohen. Ces gens imaginent-ils une seconde les parents meurtris qui les écoutent ? 

Vous avez sans doute entendu parler du débat autour des prénoms des agresseurs également… qu’en avez-vous pensé ?

Mais quelle honte là encore. Nous pouvons vous assurer que si notre Adrien avait tué qui que ce soit, il aurait évidemment fait la Une des journaux. Et là non ? Juste parce qu’ils n’ont pas des prénoms à consonnance européenne ? Alors personne ne veut qu’ils aient honte ?

Ce silence fait partie de la lâcheté des politiques et des journalistes. Personne ne veut regarder la réalité en face. Ils se taisent pour acheter la paix sociale en réalité, et ils savent donc exactement quelle est cette réalité.
Nous avons toujours les mêmes profils, la police et la justice les connaissent d’ailleurs, mais personne ne veut s’occuper une bonne fois pour toute de ces personnes capables de tant de violence.

Mais la colère existe malgré tout…

Évidemment que nous sommes en colère. Comme beaucoup de gens.

 Nous n'en pouvons plus des marches blanches...Et nous pleurons de voir qu'à chaque fois la page se tourne, et nous oublions ces enfants tombés en France.

lejdd

https://by-jipp.blogspot.com/2023/12/bruno-et-patricia-perez-comment-ne-pas.html

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