Pour l’Elysée et Matignon, le problème apparaît simple : les sondages portant sur les intentions de vote pour les élections européennes de juin 2024 donnent – pour l’instant – un net avantage à la liste du Rassemblement national. Jordan Bardella (RN) fait la course en tête (29 %) devançant Stéphane Séjourné (majorité présidentielle) de neuf points (20 %). « Le score du RN qui gagne cinq points par rapport à juin est extrêmement impressionnant, souligne Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Il est en tête dans toutes les catégories sociologiques, sauf les plus de 70 ans. Il prend beaucoup chez les électeurs de droite, où Emmanuel Macron semble avoir pris le maximum. » (sondage Ipsos, La Tribune dimanche, 12 novembre 2023). L’exécutif se doit donc de réagir…
Si battre le RN n’est pas possible, il faut au moins chercher à réduire l’écart en grignotant quelques points à la liste de Bardella. D’où l’opération Alliance rurale pour laquelle des rumeurs évoquent un « téléguidage élyséen ». A la manœuvre Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs. Notre homme se souvient du coup « Chasse, pêche, nature et traditions » ; cette liste avait obtenu 6,8 % des suffrages exprimés et envoyé six députés au Parlement européen (élections européennes du 13 juin 1999). Conduite par Jean Saint-Josse, un homme qui barbotait dans les eaux du RPR, et sponsorisée par Jacques Chirac, alors président de la République, elle avait permis de réduire notablement le résultat du Front national (Jean-Marie Le Pen).
En Bretagne (5), la liste CPNT avait obtenu 84 733 voix (6,29 % des exprimés), tandis que le FN se contentait de 47 379 suffrages (3,52 %). Evidemment, aujourd’hui, la situation est différente ; le Rassemblement national a le vent en poupe et Marine Le Pen sait parler aux classes populaires. Ce que ne voulait pas faire son père qui, bien que soutenu par des électeurs ouvriers et employés, tenait un discours libéral à destination de la droite bourgeoise – l’erreur de cible était manifeste. Mais le RN doit tenir compte de la situation en Bretagne : son électorat se concentre principalement dans les communes rurales de l’intérieur, il est faible dans les métropoles et dans les communes de la bordure maritime. Or c’est justement dans ces communes rurales que la liste Alliance rurale peut obtenir des résultats significatifs ; elle sera donc bien utile pour concurrencer le RN.
Si, un moment, le nom de Bernard Hinault avait circulé pour figurer sur la liste, pour l’instant la Bretagne sera représentée par Jérémy Grandière, président de la Fédération des pêcheurs d’Ille-et-Vilaine. Notons que Willy Schraen a soutenu Emmanuel Macron aux élections présidentielles de 2017 et de 2022. Il est donc bien placé pour obtenir ce dont il a besoin pour fonctionner : de l’argent (fonds spéciaux), une aide pour trouver de « bons » candidats et une ouverture dans les médias.
Bernard Morvan
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