Bernard Germain
Depuis la fin des années 60 en France, la tendance en agriculture est à l’industrialisation du process de production. Ne cherchant pas à comprendre pourquoi nos anciens étaient arrivés, sur la base de leur sagesse et de leur expérience, à avoir tout un système de haies et des parcelles à taille raisonnable, les « experts » décrétèrent qu’il fallait remettre tout cela en cause. On arracha donc les haies afin de mettre en place des parcelles énormes, le matériel agricole devint lui aussi de taille monstrueuse…
Mais nos experts avaient juste oubliés que les haies jouaient un rôle majeur sur plusieurs plans. D’abord sur un plan écologique, ces haies abritaient une quantité phénoménale d’oiseaux qui pour se nourrir mangeaient les insectes qui attaquaient les cultures. Ensuite et c’est beaucoup plus grave, ces haies retenaient l’eau et évitaient qu’elle ne ruisselle. Aujourd’hui tout le monde se désole de voir lors de fortes précipitations des torrents de boue emporter tout sur leur passage. En fait c’est la terre agricole qui part à la mer. C’est l’indiscutable bilan de l’arrachage des haies. Ce désastre est tellement vrai et sa cause tellement évidente que les autorités sont en train de souhaiter remettre des haies.
Reste qu’au final, ces funestes orientations ont gravement transformé les campagnes et impactées les agriculteurs.
- En 2019, l'INSEE recensait 400 000 agriculteurs et 250 000 ouvriers agricoles en France, représentant un peu plus de 2 % de la population active, alors que leur nombre était évalué à respectivement 1,6 million et 310 000 en 1982. Cette diminution de la part des actifs agricoles dans la population active française est encore plus forte lorsqu'on l’observe depuis 1945, où leur nombre était évalué à 10 millions. Aucun autre secteur économique n’a connu une régression d’emplois aussi massive.
- La taille des exploitations ne cesse d’augmenter. 60 % des exploitations françaises de moins de 20 hectares ont disparu entre 1967 et 1997, tandis que le nombre de celles de plus de 50 hectares a quasiment doublé. Si ce mouvement de concentration se poursuit le nombre d'exploitations passera à 300 000 en 2025.
- Quand aux « petits paysans », un rapport du Sénat exposait il y a seulement quelques années, qu’ils se suicident au rythme effarant de 1 à 2 par jour. Pourquoi ? Parce qu’ils travaillent 9 à 10 heures par jour, 7 jours sur 7, sans prendre de vacances. En retour, leurs productions sont payées une misère par les énormes structures agro-alimentaires. Évidemment, criblés de dettes qu’ils n’arrivent pas à payer, n’ayant quasiment rien pour vivre et surtout aucune perspective d’embellie, ils craquent et se pendent dans leur grange.
Si ces chiffres se confirment, cela officialisera la disparition de 25% des agriculteurs en 6 ans (2019-2025).
Si l’on se réfère au chiffre de 1982, cela représente une perte de plus de 75% des agriculteurs de notre pays.
Aujourd’hui, dans toute la France la révolte gronde et les agriculteurs se mobilisent et se retrouvent sur des barrages. Ils sont même en approche de Paris et avancent d’une quinzaine de Km chaque jour. Ils devraient y être ce week-end.
Les écolos sont fous de rage, eux qui détestent cette France qui se lève tôt, travaille dur et ne demande qu’une chose : pouvoir vivre de son travail.
Ne manquant pas l’occasion d’apparaître pour ce qu’elle est : une ennemi du peuple et des petites gens, la bobo écolo Sandrine Rousseau a publié cette prise de position sur X (ex-Twitter) :
« Ce que font les agriculteurs depuis deux jours : explosion dans un bâtiment, une personne tuée, rails dégradés, est inadmissible. Et le silence du gouvernement est absolument incroyable ». Pitoyable prose.
On rappellera à Sandrine Rousseau que la personne tuée sur un barrage l’a été par 3 arméniens sous OQTF qui n’auraient pas être en France. Sandrine Rousseau qui soutient l’immigration massive et ne souhaite nullement le départ des OQTF.
On pouvait s’interroger sur la réponse des autorités. Darmanin a répondu que comme les revendications étaient légitimes, il n’enverrait pas ses CRS. En réalité Darmanin a bien compris que s’il peut envoyer ses troupes de choc (CRS8) pour 80 jeunes identitaires à Romans, là ce sont les agriculteurs et ce n’est plus la même chanson. Alors il joue la « prudence ».
Notons au passage que les agriculteurs n’ont nul besoin d’aller dans Paris même. Pour être efficaces, il leur suffit de bloquer Rungis et là tout s’arrête. Et Rungis ce n’est pas à Paris mais à côté de Paris.
Mais au fait quelles sont les causes du raz-le-bol des paysans français ?
D’abord, il faut savoir qu’un rapport a été adopté par « l’Europe », intitulé « Farm to fork » (De la ferme à la fourchette). En fait s’il est réellement mis en œuvre, c’est la fin de l’agriculture qui est programmée au cours de la prochaine décennie.
D’ailleurs, il serait intéressant de faire une recherche dans les GOPÉS des années précédentes car ce n’est pas le gouvernement français qui a décidé cette ligne. Il ne fait qu’appliquer ce que Bruxelles a décidé.
Il y a trois points clé dans le conflit actuel :
- Modification de la fiscalité du GNR
- Arrêt de l’accord avec la Nouvelle-Zélande et arrêt des négociations sur le « Mercosur »
- Arrêt et suppression de la plupart des normes imposées aux agriculteurs.
Le GNR (Gas-oil non routier) c’est ce que les agriculteurs nomment « le rouge ». Son prix est très nettement inférieur (1,25€) ce qui constitue une aide fiscale de l’État aux agriculteurs. Il est utilisé notamment dans les tracteurs. Par contre il est interdit de l’utiliser avec un véhicule routier (un camion pour le transport du bétail). C’est pour cela qu’il est rouge. Si vous êtes contrôlé par la douane sur la route et qu’il voient que vous utilisez du rouge, là ça fait très mal.
C’est d’office une amende dont le montant varie et une deuxième amende calculée dont le montant est de 1€ par Km au compteur. Si votre camion a 200 ou 300.000 km, vous voyez le désastre.
Donc, ce « rouge » est indispensable aux agriculteurs qui n’arrivent déjà pas à joindre le deux bouts.
Or, l’Europe veut que cet avantage soit supprimé à l’horizon 2030. Évidemment, les agriculteurs n’accepteront jamais, sinon ils coulent. En effet, mettre le GNR au niveau du GO routier reviendra à aggraver leurs charges d’environ 40 %. Impensable
Le second point c’est l’accord de libre échange signé le 9 juillet 2023 par l’Europe avec la Nouvelle-Zélande. L'accord prévoit une quasi-élimination des droits de douane sur les kiwis, les oignons, les pommes, le poisson, le vin, le miel de Nouvelle-Zélande, ainsi que sur des quantités limitées de fromage, viande ovine et bovine. En contrepartie les droits de douane sur toutes les exportations européennes vers la Nouvelle-Zélande seront supprimés, qu'il s'agisse des produits industriels (voitures et pièces de véhicules à moteurs, machines et appareils, produits pharmaceutiques...) ou alimentaires (viande porcine, vin et vin mousseux, chocolat, confiserie et biscuits…). Le problème qui ne passe pas du tout c’est que les normes exigées des agriculteurs français ne sont pas exigées de la Nouvelle-Zélande. Ainsi, des herbicides ou pesticides interdits dans l'UE sont toujours librement utilisés en Nouvelle-Zélande.
C’est aussi ce qui achoppe avec l’accord dit « Mercosur » (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), signé en 2019 mais qui n’a pas été ratifié parce que l’Europe est préoccupée par les politiques environnementales pratiquées dans ces pays, notamment au Brésil.
Enfin, le dernier point est la quantité invraisemblable de normes qui s’imposent aux agriculteurs qui, pour toucher les subventions européennes, doivent en permanence démontrer qu’ils respectent les normes dont l’immense majorité sont le fait de fanatiques écologistes qui ne connaissent strictement rien à la nature ni à l’agriculture. La dernière invention dans ce domaine est le passage de satellites qui prennent des photos des propriétés. Ces photos sont traitées par intelligence artificielle, sur la base des couleurs. Par exemple une prairie apparaîtra verte et une parcelle labourée sera marron. En cas d’anomalie (ex : semis faits à une mauvaise date), c’est l’agriculteur qui doit prendre des photos et fournir l’explication de « l’anomalie ».
Autre délire, les rigoles dans les champs. Certaines parcelles sont dites « humides ». Afin d’en récupérer l’usage des agriculteurs ont depuis des dizaines d’années mis en place un système de rigoles afin de permettre à l’eau de s’évacuer. Ces rigoles doivent être régulièrement retaillées… mais maintenant il y a une police de l’eau et il faut donc demander une autorisation pour faire cela. Un de mes amis a fait cette demande et le jour ou l’opération devait se faire, il eut la surprise de voir arriver 10 personnes dans 6 véhicules différents. Il y avait la MSA, le département, un représentant de la commune, un conseiller agricole,… comme au plus beau temps de la bureaucratie soviétique.
Mais n’allez pas croire qu’on peut contourner le dispositif sans risque. Un paysan situé pas très loin de chez mon ami a cru qu’il pouvait ignorer le dispositif et a donc fait des rigoles dans une parcelle humide sans demander d’autorisation. Résultat : la police de l’eau a été informée. Il a été verbalisé et convoqué au tribunal. La sentence est tombée : 8.000€ d’amende et obligation de remettre en état la parcelle.
Tel est l’enfer des normes que vivent au quotidien les agriculteurs.
Et nos amis pécheurs ne sont pas mieux lotis. L’exemple actuel du Golf de Gascogne est particulièrement éloquent. Durant un mois (23 janvier - 20 février) c’est la période de la sole. Pour ceux dont c’est la spécialité, c’est 50 % de leur revenu annuel. L’Europe vient, pour « protéger les dauphins », d’interdire toute sortie en mer des pêcheurs de sole durant cette période. Étant plongeur, et connaissant pas trop mal le milieu marin, j’attends qu’on m’explique pourquoi les dauphins seraient particulièrement en danger durant ce mois et pas pendant les 11 autres. D’autant que comme chacun le sait ce ne sont les petits pécheurs de sole, mais les gros chalutiers et ceux qui utilisent des filets dérivants qui sont responsables de la mort des dauphins durant toute l’année.
Cette interdiction européenne n’a donc qu’un seul objectif, pousser à la ruine ces petits pécheurs et qu’ils disparaissent. Tout comme l’Europe est en train de mettre en œuvre au pas de charge les mesures pour en finir avec les agriculteurs.
Certains nous diront qu’il faut une « autre Europe ». Mais c’est impossible. Il faut que les doux rêveurs qui disent cela, se mettent le nez dans les textes pour voir qu’il n’existe aucun moyen de rectifier le tir.
La seule solution, c’est de quitter cette Europe en activant l’article 50 du Traité de Lisbonne. Tous ceux qui prétendent le contraire vous mentent honteusement.
Pour les agriculteurs et nombre de pécheurs, l’équation est donc simple : accepter de disparaître ou se battre pour quitter cette Europe. Ce serait bien de ne pas attendre d’être morts pour reconnaître que la seule alternative c’était de quitter l’Europe. Mais malheureusement beaucoup de français refusent de voir cette réalité et semblent croire qu’il y aura toujours une solution de sauvetage à la dernière minute dans le cadre de cette Europe. Leur pensée peut se résumer par cette formule : « encore une minute monsieur le bourreau ». Mais il n'y aura pas de minute...
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