Dans quelle mesure la langue influence-t-elle la façon d’appréhender le monde ? La relativité linguistique explique que la grammaire et surtout le vocabulaire façonnent une façon de penser particulière, propre à faire entrer le récepteur dans le monde du locuteur. Théorie qui contredit la philosophie shakespearienne. Laquelle soutient que la langue ne détermine pas la pensée, mais que les idées demandent à être servies clairement par les mots, pour permettre au locuteur de les exprimer aisément. Nous allons voir que, appliquée à l’environnement, la relativité linguistique s’impose à la théorie du dramaturge britannique. Dans la mesure où elle permet d’amener à une perception de l’évolution climatique, sous une forme totalement orientée.
Au commencement, il y a un peu plus de trente ans, on entendait parler de « changement climatique » ou de « réchauffement climatique ». Petit à petit, les médias ont fait évoluer le langage pour faire entrer le public dans une forme de pensée sui generis. Ils ont employé et popularisé les expressions « crise climatique » et « crise écologique », « urgence climatique », « net zéro », « extinction de masse » ou encore « point de basculement ». Expressions beaucoup plus percutantes, qu’ils ont empruntées aux militants écologistes, très imaginatifs quand il s’agit de servir leurs objectifs factieux. Les faits ne parlant pas toujours d’eux-mêmes, la réduction des idées en concepts simples a permis aux ayatollahs du climat d’accomplir beaucoup plus que de donner à lire des publications scientifiques. Ainsi, un récit simpliste et caricatural sur le changement climatique s’est-il imposé dans le milieu journalistique et auprès des politiciens qui l’ont exploité. Pour alerter et alarmer d’abord. Puis pour inquiéter et effrayer, à seule fin de manipuler les masses. L’argument principal pour sortir de l’Apocalypse annoncée étant la solidarité avec le collectif. Ceci volant dire que ceux qui refusent de participer sont typiquement accusés de manquer de solidarité et de responsabilité civique. C’est une des raisons pour lesquelles les éléments absurdes d’une histoire n’ont pas d’importance pour les masses : « Les masses croient en l’histoire non pas parce qu’elle est exacte, mais parce qu’elle crée un nouveau lien social » [Mass Formation (Psychosis): In Brief de Truman Verdun]. Ce lien étant le sauvetage en urgence de la planète !
Depuis de nombreuses décennies, les organisations non gouvernementales et les mouvements sociaux ont fait un usage stratégique de la rhétorique, pour promouvoir leurs positions idéologiques et influencer la prise de décision politique et économique. Une grande partie du langage et de la narration utilisés a été dystopique, effrayante et éloignée des vérités scientifiques, bien que se prévalant – de manière fallacieuse – d’un « consensus scientifique ». L’objectif clé de l’idéologie cachée derrière le vocabulaire anxiogène, c’est d’imprimer la croyance que les humains sont mauvais, que nous nous sommes trompés, que nous sommes à blâmer pour la destruction de la planète et qu’il faut accepter des restrictions voire des punitions. Ces idées insidieuses ont largement pénétré nos sociétés occidentales, qui s’estiment responsables de ce qu’elles croient être l’état négatif du monde. Les gens se sentent coupables de leur mode de vie, de la consommation effrénée, de leur frénésie pour les nouvelles technologies – sauf pour le téléphone portable devenu leur deuxième cerveau quand ce n’est pas le seul et unique – et même d’avoir des enfants. Tout cela est le résultat des mensonges véhiculés par les messages habiles des militants activistes. Ceux-ci s’appuient sur la « légitime symbolique » de la science pour atteindre la crédibilité. Tout en faisant, en parallèle, un usage stratégique de la même science pour atteindre leurs objectifs. Force est de constater que cela a parfaitement fonctionné. Le langage qu’ils utilisent pour parler de l’évolution climatique touche particulièrement la jeunesse, frappée désormais d’« anxiété écologique » : une enquête de 2021, menée auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans, dans 10 pays différents, a révélé que plus de 50 % d’entre eux déclarent se sentir tristes, anxieux, en colère, impuissants et… coupables ! Dramatique. D’autant que 56 % des sondés estiment que « l’humanité est condamnée ».
Preuve est faite que, si la langue est un bien commun (selon Saussure), la parole peut corrompre ce système lorsque des locuteurs particuliers en font un langage officiel au service d’une idéologie. Elle devient capable de façonner nos mondes, dans l’exacte mesure où elle affecte la façon dont nous appréhendons le réel. De même que, en 1539, l’usage rendu obligatoire du français au niveau administratif (Ordonnance de Villers-Cotterêt) a permis aux classes supérieures d’acquérir le monopole du pouvoir politique, le langage climatique alarmiste officiel, le « domérisme » (1), permet aux élites mondialistes d’obtenir l’adhésion des masses à leurs desseins globalistes et malthusiens. Comme l’a écrit Bourdieu, il existe des stratégies dans l’usage de la langue qui sont implicitement « ajustées aux rapports de pouvoir entre les locuteurs et les auditeurs ». Le « domérisme » en est l’éclatante démonstration.
Charles André
(1) Doomer et doomerisme ou domérisme sont des termes d’origine anglaise apparus sur le réseau internet afin de décrire les personnes qui s’inquiètent de l’effondrement de la civilisation lié à la surpopulation, la pollution et le réchauffement climatique, pouvant entraîner à terme l’extinction de l’humanité.
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