Il semble bien loin, le temps où Daniel Cohn-Bendit était désigné, à la fois par le PCF et par le pouvoir gaulliste, comme une sorte de diable incarné. Souvenons-nous que le stalinien Marchais ne trouvait en 1968 pas de mots assez durs pour le caractériser en "anarchiste juif allemand". Le 3 mars, sur les ondes de LCI, le ci-devant "Dany le Rouge" intervenait très bourgeoisement pour commenter dans le sens du régime la campagne en vue des élections européennes de juin. Cette séquence, en effet, a bel et bien commencé, dans les 27 pays de l'Union.
Le message qu'il délivrait ce soir-là sur les écrans, mérite qu'on s'y arrête. Non qu'il y fît preuve d'une clairvoyance exceptionnelle, mais précisément parce qu'il y exprimait la stratégie régimiste à peine secrète pour détourner la volonté de plus en plus claire des peuples européens. Ayant servi longtemps de passeur, entre Paris et Francfort, des mots d'ordre écolo-bobos, après en avoir été naguère le porte parole officiel au sein du parlement européen, jusqu'en 2014, le revoilà, habile petit ramasseur de balles finalement au service de l'équipe macronienne à Paris, qu'il affecte d'exécrer.
Or, après les élections européennes de juin, probable mauvais moment à passer pour cette prétendue "majorité", on imagine en haut lieu un retour aux vieilles magouilles socialo-centristes de l'époque des Jacques Delors et autres Jean-Claude Juncker.
Que nous dit, dès lors, en substance le citoyen Cohn-Bendit à l'horizon 2024 ?
Tout d'abord il semble avoir intériorisé le fait que les peuples d'Europe s'apprêtent, à l'occasion du scrutin de ce printemps, à changer de majorité.
Comme cette volonté de changement semble assez nettement devoir se cristalliser sur le rejet de l'immigration incontrôlée, il étiquette lui-même une fois pour toutes et globalement "d'extrême droite" (horreur) cette poussée de mécontentement.
Dans cet amalgame, par exemple, on ne s'étonnera pas de le voir confondre le programme et l'action du gouvernement de Rome avec l'ombre de l'AFD en Allemagne.
Soulignons tout de même, et rappelons-lui au besoin, que le 24 février à Kiev, où elle se déplaçait en compagnie quelques courageux dirigeants, Giorgia Meloni avait symboliquement organisé la réunion du G7; dont elle exerce actuellement la présidence.
Cet exemple me semble la situer aux antipodes de l'influence directe ou indirecte du Kremlin que l'on décèle dans toute une frange des appareils politiques des deux côtés du Rhin.
Le projet d'une Europe libre, indépendante et forte, telle que l'ont toujours préconisée les militants du MSI d'autrefois, et les dirigeants de Fratelli d'Italia, leurs continuateurs d'aujourd'hui, n'aura jamais rien à voir avec les jeux d'influence, de dominations et de partage du monde des hyperpuissances extérieures.
Ceci, un Cohn-Bendit ne le comprendra jamais. Il n'est hélas pas le seul.
Là où il se trompe encore, me semble-t-il, c'est quand il croit que le "rejet de l'extrême droite", mot d'ordre qui a si longtemps fonctionné, marchera éternellement.
JG Malliarakis