En dépit de cette injustice criante, l’accord avait été adopté (de justesse) par l’Assemblée nationale en 2019. Il n’avait, en revanche, jamais été soumis au Sénat. C’est pour cette raison que des élus communistes l’ont mis à l’ordre du jour de leur niche parlementaire, le 21 mars 2024. Le verdict a été sans appel : rejet massif des sénateurs. Le fameux traité sera donc de retour à l’Assemblée pour un nouveau vote, le 30 mai prochain.
La Macronie droite dans ses bottes
Sensibles aux arguments soulevés par les agriculteurs français, gauche et droite sont désormais majoritairement opposées au CETA. Ce dernier pourrait donc être rejeté lors du vote prévu le 30 mai. Pourtant, une telle décision pourrait s’avérer sans effet. Interrogée sur ce sujet, lundi 25 mars, sur France Info, Valérie Hayer a ainsi fait savoir que le gouvernement pourrait parfaitement s’asseoir sur le vote des représentants du peuple. La France « a des process institutionnels sur ces questions-là », a expliqué la tête de liste Renaissance aux élections européennes 2024, se disant « convaincue que cet accord, il est bon pour nos agriculteurs ». « Ce sera la décision du gouvernement de voir quelle position sera prise », en cas de rejet du CETA par l’Assemblée, a-t-elle ajouté. Pourrait-il être appliqué même si les deux chambres votent contre ? Réponse de l‘intéressée : « Il pourrait. »
CETA : Quand la Macronie se moque de l’avis des Français
L’opposition n’a pas tardé à réagir à ce déni caractérisé de démocratie. « Le plus simple c’est de supprimer le Parlement. Ça ira plus vite », a ironisé Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. Tête de liste LFI, Manon Aubry a raillé l’habitude prise par le gouvernement de « passer en force », rappelant l’usage fréquent qui avait été fait, précédemment, de l’article 49.3. De son côté, le député LR de Belfort Ian Boucart a salué avec ironie une « belle conception de la démocratie ».
Une entourloupe législative
Il se trouve, pourtant, que l’avis des deux assemblées représentatives risque bien de compter pour du beurre et que l’opposition ne pourra rien y faire. La législation européenne prévoit qu’en cas de non-ratification d’un traité, son application soit remise en cause dans toute l’Europe… si et seulement si le pays concerné prend la peine de le notifier à Bruxelles. Or, rien dans les textes n’oblige le gouvernement français à le faire ! Cette entourloupe a déjà servi, par le passé : en juillet 2020, le Parlement de Chypre avait rejeté le CETA, mais le gouvernement chypriote n’a jamais notifié ce rejet à l’UE, permettant à l’accord dénoncé de continuer à s’appliquer comme si de rien n’était…
Cette nouvelle affaire illustre l’omnipotence d’un projet européen qui avance coûte que coûte, avec toujours plus de brutalité, indifférent aux protestations des peuples méprisés.