Le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe, à la Sorbonne, a duré presque deux heures.
Il ne s’arrête jamais. Il a toujours un truc à dire. Est-ce une technique pour endormir les gens ou est-ce simplement l’incontinence verbale d’un homme qui s’aime trop pour se dire stop ? On hésite.
C’est le paradoxe du coquet : il descend de vélo pour se regarder pédaler. Et là, le Président était tellement heureux de s’écouter qu’il a dit tout ce qu’il avait envie de dire.
Parmi les choses que Macron avait envie de faire partager à son public, avec ce mélange si typique de culture savante du niveau terminale (Valéry et « nous autres civilisations européennes… »), d’invectives qui ne visent personne mais blessent pas mal de monde et de volontarisme poussif, il y avait la défense de l’Europe. Et parmi les choses que propose notre Président pour défendre l’Europe, une petite surprise : le bouclier antimissile. Voici le verbatim exact : « L’Europe doit savoir défendre ce qui lui est cher avec ses alliés à chaque fois qu’ils sont prêts à le faire et seuls si c’est nécessaire. Est-ce que, pour ça, il nous faut un bouclier antimissile ? Peut-être. Est-ce en augmentant nos capacités de défense ? Sans doute. Cela sera-t-il suffisant face aux missiles russes ? Nous devons travailler sur ce point. »
Une proposition à l'encontre de notre doctrine de défense
Traduisons-le : « L’OTAN risque de nous laisser choir. Pour ne pas nous retrouver à poil, un bouclier antimissile, ce serait bien, mais les gens ne sont pas prêts (d’où le « peut-être »). Il va nous falloir davantage de matériel, mais de toutes façons, en l’état actuel, c’est dérisoire face aux Russes. » Immanquablement, cette idée de bouclier antimissile fait penser au « dôme de fer » israélien et à sa redoutable efficacité, notamment face aux dernières attaques iraniennes.
Ce bouclier antimissile, ce « dôme de fer » à l’européenne, est une bonne idée pour l’autonomie stratégique de l’Europe, mais contrevient, de manière orthogonale, à la doctrine de défense de la France, puisque la protection du territoire national est - normalement - un enjeu de souveraineté. Vous me direz, quand on a un Président qui propose de mettre la dissuasion nucléaire au service de l’UE…
Par ailleurs, à l’exception notable du caractère spectaculaire de cet effet d’annonce, on ne voit pas bien quelle est la plus-value d’une telle déclaration. Ce projet est tout aussi déclaratif que tout le reste du discours du Président : « préférence européenne » pour l’industrie de défense (alors que la préférence nationale est fasciste), lutte contre les passeurs (alors qu’il y aura bientôt cinq millions de migrants entrés sous les dix ans de présidence Macron), « se faire respecter » par la Chine et les États-Unis (alors que l’extraterritorialité du droit américain s’applique en Europe)… Bref, n’importe quoi.
L'UE ne remplacera pas l'OTAN
Soyons franc : si les États-Unis quittent l’OTAN, c’en est fini de l’Alliance. Rien, au niveau de l’UE, ne réussira à la remplacer. L’UE est une communauté économique qui s’est fondée sur l’idée de la fin de la guerre : c’était même le but de la CECA, qui consistait à mutualiser les matières premières des guerres de l’époque (le charbon et l’acier). Nous avons perdu jusqu’à l’idée d’une défense européenne. Une défense nationale est possible, mais notre armée de terre tiendrait un front allant de Lille à Dunkerque pendant 72 heures… et nous avons... 220 chars Leclerc, disait, ce vendredi, Catherine Nay, sur Europe 1, alors que les Ukrainiens ont déjà détruit 3.000 chars russes et qu’ils n’arrivent pas à gagner.
Dans cette quadrature du cercle, on a besoin de beaucoup de choses, mais pas de hâbleries creuses. Donc, pas d’Emmanuel Macron.
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