À la suite de l’adaptation par le parlement de la Géorgie (pays du Caucase), le 1er mai dernier, de la loi sur les « agents étrangers », toute une avalanche de critiques, d’avertissements et de menaces directes et voilées s’est écroulée sur le gouvernement géorgien de la part des « défenseurs de la liberté, de la démocratie, de la libre parole et des droits de l’homme » composés de l’intégralité des pays du camp Occidental, les Etats-Unis d’Amérique en tête.
L’indignation du monde Occidental. Le « monde libre » s’est unanimement levé, indigné face à l’obscurantisme et l’oppression de la liberté qui est en train d’être instaurée dans ce pays du Caucase, lequel, à l’instar de la Russie, vient de mettre en place le contrôle légal des personnes morales et physiques financées/influencées par des sources étrangères dans le cadre de leur activité politique ou celle de la diffusion de l’information.
Le Département d'État américain en la personne de son porte-parole Matthew Miller a menacé la Géorgie en soulignant la qualité anti-démocratique de la loi nouvellement adoptée : « Les déclarations et les actions du gouvernement géorgien sont incompatibles avec les valeurs démocratiques qui sous-tendent l'adhésion à l'UE et à l'OTAN et compromettent ainsi la voie de la Géorgie vers l'intégration euro-atlantique ».
Auparavant, les représentants de la quasi-intégralité des pays occidentaux, l’un après l’autre, ont mis en garde le gouvernement géorgien contre son projet de loi sur les « agents étrangers », en le qualifiant d’être inspiré par le Kremlin et par la loi similaire existante en Russie et donc autoritaire et antidémocratique.
Les « agents étrangers » - de quoi s’agit-il ? En parlant de la loi « russe » sur les « agents étrangers », incriminée aujourd’hui à la Géorgie par l’Occident, de quoi s’agit-il exactement ?
Il ne s’agit pas, en réalité, d’une seule loi, mais d’une série de mesures législatives introduites en Russie depuis le 20 juillet 2012 (loi n°121-FZ) et dont la dernière en date est celle du 14 juillet 2022 (loi n°255-FZ).
Comme mentionné plus haut, il s’agit de l’encadrement légal de l’activité des personnes morales et des personnes physiques financées/influencées par les personnes ou organismes étrangers dans le cadre de leur activité politique ou de diffusion de l’information sur le territoire de la Russie.
Contrairement à des narratifs propagés par les représentants officiels des pays-adversaires de la Russie et les médias sous leur contrôle, ni la loi russe sur les « agents étrangers », ni celle de la Géorgie, adoptée à la majorité des députés du parlement du pays, ne limitent nullement les activités ou communications publiques de ceux qui tombent sous son coup, hormis les activités particulièrement sensibles.
La loi ne fait que pointer et délimiter clairement ceux qui sont considérés en tant qu’« agents étrangers » : les personnes menant une activité politique ; la collecte ciblée d'informations dans le domaine des activités militaires, militaro-techniques de la Russie ; la diffusion de l’information destinée à un nombre illimité de personnes et/ou participant à la création de telle information (loi n°255-FZ, art.4., §1).
L’objectif de l’existence de cette base légale est d’informer les citoyens de la Fédération de Russie sur le fait que certaines personnes morales ou physiques qui peuvent les viser dans l’espace informationnel public sont directement dépendantes, y compris financièrement, de l’influence étrangère, voir se situent directement sous les ordres d’organismes étrangers.
Un petit « oubli » dans les indignations occidentales. En mettant en lumière les « dérives anti-démocratiques » prétendument commises par la Russie et, ensuite, par la Géorgie via l’adaptation des lois sur les « agents étrangers », l’appareil de la propagande occidentale a « oublié » de mentionner qu’il ne parle que de l’arbre qui cache la forêt.
L’air de rien, les « défenseurs de la liberté » oublient de mentionner un détail : la loi russe et la loi géorgienne sur les « agents étrangers » n’est rien d’autre que l’adaptation de la même loi déjà existante aux États-Unis. Et, non seulement déjà existante, mais existante depuis 1938 (Foreign Agents Registration Act - FARA - loi pour l'enregistrement des Agents étrangers), aujourd’hui en vigueur sous sa rédaction de 1995.
Par ailleurs, la rigueur de la loi américaine est bien plus prononcée par rapport à la version russe. Notamment, en ce qui concerne l’activité politique, cette notion est très vague dans le cadre de FARA, soit, l’appréciation de l’activité d’une personne morale/physique est très arbitraire. De son côté, la législation russe décrit très en détail et délimite clairement l’application de cette notion.
Côté répressif, la sanction maximale prévue aux Etats-Unis pour une activité irrégulière d’un « agent étranger » est de 10.000$ et de 10 ans de prison ferme. Du côté de la Russie, la sanction maximale est de 500.000 roubles (dans les 5.500$) et aucune (!) peine de prison n’est encourue. L’activité des « agents étrangers » en Russie est régie exclusivement par le droit administratif ; celle menée aux Etats-Unis est également régie par le droit pénal.
En dehors des Etats-Unis, les lois sur les « agents étrangers » et leurs équivalents existent belle et bien dans d’autres pays, notamment en Australie (Australia Foreign Influence Transparency Scheme Act Nr.63 de 2018 - FITSA) ou en Israël.
Contrairement aux « oppresseurs de la liberté de parole » que sont les gouvernements russes et géorgiens respectivement, les gouvernements de l'UE - « défenseurs des droits démocratiques » ne faisaient pas dans la dentelle en perdant leur temps dans la classification des médias « pro-russes » parmi les « agents étrangers » - il les ont fait, tout simplement, interdire sur l'ensemble de leur territoire.
Il est également à souligner que depuis le début de l’année 2023, l’Union européenne, elle-même, est bien en train d’élaborer sa propre loi sur les « agents étrangers ». La loi obligerait les organisations non gouvernementales à divulguer des informations sur tout financement provenant de l'extérieur de l'UE.
En ce qui concerne la France, la proposition de loi répressive (n°269) « visant à prévenir les ingérences étrangères en France » a déjà été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 27 mars dernier. Le texte de la loi française prévoit la création d'un registre des représentants d'intérêts étrangers - personnes physiques/morales agissant pour le compte d'un « mandant étranger » dans le but, notamment, d'influencer la décision publique ou de mener des activités de communication. Les sanctions prévues en France pour une activité irrégulière d’un « agent étranger » sont bien plus répressives que celles connues en Russie. Les peines prévues vont aller jusqu’à 225.000 euros et 3 ans de prison.
Bien évidemment, si dans le cas de la Russie et de la Géorgie l’adaptation des lois du contrôle sur les « agents étrangers » n’est que l’outil de l’oppression de la liberté et le reflet de l’obscurantisme - dans le cas des Etats-Unis et de leurs vassaux il ne s’agira que du perfectionnement de la « défense de la démocratie ».
Les dessous des cartes. La loi nouvellement adoptée par le parlement géorgien ne met guère en danger imminant les projets d’une grave déstabilisation politique de la région du Causasse que les « atlantistes » sont en train de réaliser depuis plusieurs décennies et, surtout, dans les dernières années. Néanmoins, elle est considérée en tant qu’un bâton assez sérieux dans les roues des processus engagés par ce dernier. La pression sur le gouvernement géorgien ne va donc que s’accentuer et le pays doit s’attendre à de mauvaises surprises dans un avenir proche.
Pour le camp politico-militaire Occidental, l’intérêt primaire de la région du Caucase et des pays tels que la Géorgie ou l’Arménie ne réside que dans leurs situations géographiques frontalières vis-à-vis de la Russie. L’instauration dans cette zone de « l’anti-Russie », des régimes politiques, dont le principal vecteur serait la russophobie, à l’instar de leur réalisation sur le territoire de l’Ukraine, est l’objectif primaire des initiatives occidentales menées à la frontière sud de la Russie depuis la chute de l’URSS en 1991.
Les petits peuples du Caucase, quant à eux, n’intéressent pas davantage les pays « démocratiques » en action dans la région que ceux de l’Irak, de la Lybie ou de l’Ukraine dont ils ont déjà détruit l’avenir des générations à venir.
Avec la vive contestation de l’adaptation souveraine par la Géorgie de la loi sur les « agents étrangers », une fois de plus, les Etats-Unis d’Amérique en tête de l’armée de ses satellites n’ont fait que revendiquer leurs droits. Les droits appliqués selon la bonne vielle expression romaine : « Quod licet Iovi, non licet bovi » : ce qui est permis à jupiter n'est pas permis au bœuf.
Oleg Nesterenko, Président du Centre de Commerce & d'Industrie Européen
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