Nicolas Bay est député européen du parti politique français Reconquête. Lionel Baland l’a rencontré et interrogé pour Breizh-info, lors du congrès organisé à Bucarest en Roumanie par l’Institut pour les études politiques conservatrices Mihai Eminescu du parti nationaliste roumain AUR.
Breizh-info : Pourquoi êtes-vous venu ici à Bucarest ?
Nicolas Bay : Le patriote français que je suis, conservateur et député européen du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), a naturellement sa place, ici à Bucarest, au sein de cet événement qui nous rappelle, à quelques semaines des élections européennes, l’essentiel, c’est-à-dire les grandes valeurs et les grandes idées que nous entendons défendre.
L’Europe est-t-elle le projet d’Ursula von der Leyen qui représente une entité froide et désincarnée, non-démocratique, qui détruit les nations et les peuples, qui empêche ceux-ci de rayonner et de retrouver la puissance sur la scène mondiale, ou bien celle qui puise ses racines très anciennes, bien avant les traités européens, dans la Grèce antique, dans la raison et la philosophie grecque, dans la démocratie, dans le droit romain et dans la chrétienté qui ont irrigué notre continent de grandes valeurs permettant de préserver notre identité, de défendre nos libertés fondamentales et de protéger nos familles et qui nous ont donné l’occasion, hier, d’être puissants et prospères et de rayonner partout sur la planète et qui nous permettront aussi, demain, de le faire ?
Plus l’Union européenne est intégrée, plus elle est fédéraliste, voire, par-delà le fédéralisme, centralisée, plus elle est immigrationiste, plus elle est un espace économique de libre-échange total, plus il y a d’impôts, de taxes et de normes à l’intérieur du marché européen, moins cette Europe est à la hauteur du génie de notre civilisation. Rien n’est perdu aujourd’hui. Nous sommes un peu à la croisée des chemins. Soit nous poursuivons sur la ligne d’Ursula von der Leyen, d’Emmanuel Macron, d’Olaf Scholz, …c’est-à-dire celle qui est un échec cuisant et cela peut conduire à la disparition de notre civilisation car l’histoire nous enseigne que les civilisations sont mortelles, soit nous sommes capables de réorienter fondamentalement l’Union européenne, aussi bien dans son fonctionnement – démocratique, basée sur la coopération entre les nations et sur des projets et non dominée par la bureaucratie – que dans ses orientations politiques – protéger nos frontières, notre marché, notre liberté – et, à ce moment-là, nous pouvons retrouver le chemin de la puissance.
Breizh-info : Pourquoi avez-vous quitté le Rassemblement national et qu’est ce qui différencie votre mouvement de celui-ci ?
Nicolas Bay : Le Rassemblement national a une approche politique différente de celle de Reconquête. Nous avons construit, avec Éric Zemmour et Marion Maréchal, un nouveau mouvement politique car il n’y avait pas de vraie droite en France. Il y avait Les Républicains, qui se sont progressivement vendus à la découpe à Emmanuel Macron et qui sont en train de disparaître car englués dans leurs trahisons et dans leur soumission à Emmanuel Macron afin d’obtenir quelques places et quelques postes ministériels, et de l’autre côté le Rassemblement national, et je suis un des premiers à le déplorer car j’en ai été un dirigeant durant plusieurs années, qui finalement a renoncé à mener les grands combats de la droite. Sur l’économie, il défend une position souvent très étatiste, très fiscaliste, plutôt favorable à l’assistanat qu’à la valeur travail et à la liberté d’entreprendre. Sur l’immigration, il se cantonne à un combat, qui est juste d’ailleurs, consistant à critiquer l’effet sécuritaire ou économique et social de celle-ci sans prendre la question de l’identité dans sa globalité. Ce que nous remettons en cause, ce n’est pas seulement le problème de l’immigration, ce sont ses conséquences, c’est la présence de l’islam qui n’est pas compatible avec la République, contrairement à ce que pense Marine Le Pen. C’est aussi défendre notre civilisation commune et avoir une solidarité pour ceux qui sont issus de la même source civilisationnelle que nous même quand ils ne sont pas sur le même continent que nous. Je pense aux chrétiens d’Orient ou aux chrétiens arméniens. C’est donc une vision finalement plus complète de l’identité que nous développons et Éric Zemmour a mené sa campagne présidentielle contre le défi fondamental du grand remplacement, qui consiste en l’immigration conjuguée à l’islam, qui est politique par nature, et à la dénatalité. C’est cela qui nous conduit à un péril mortel et ce message de clarté et d’authenticité sans compromission avec le politiquement correct est porté par Reconquête et pas par le Rassemblement national. Et puis, sur les valeurs conservatrices, le Rassemblement national a renoncé à mener tous les combats. Il a une ligne progressiste, il défend l’inscription de l’IVG dans la Constitution, il n’est plus opposé ni à la GPA, ni à la PMA. Nous voyons bien qu’une dérive existe aussi sur ce plan là. Nous nous sommes, dans notre ADN, pour l’union des droites, prêts à travailler avec d’autres, mais assumons aussi nos différences et elles existent !
Breizh-info : Et qu’est-ce qui vous différencie de Monsieur Bellamy ?
Nicolas Bay : Je connais très bien François-Xavier Bellamy puisque je siège avec lui au sein du Parlement européen depuis cinq ans. Je pense que, à titre personnel, ses positions sont proches des nôtres. Il est un homme de droite sincère, mais son parti, Les Républicains, est totalement isolé au sein du groupe du Parti populaire européen (PPE) et, finalement, sert de faire-valoir à des décisions politiques qui sont prises en soutien permanent à Ursula von der Leyen et François-Xavier Bellamy est lui-même isolé au sein des Républicains. Parmi les huit députés européens de ce parti, il est souvent très seul et, lors de votes, ces huit députés ont quatre positions différentes : ceux qui votent pour, ceux qui votent contre, ceux qui s’abstiennent et ceux qui sont absents ce jour-là. Nous voyons bien que la parti Les Républicains est fracturé, d’une part, entre des électeurs et quelques responsables comme François-Xavier Bellamy qui finalement devraient nous rejoindre, naturellement, et puis, d’autre part, une partie de cette formation politique, acquise aux idées mondialistes et progressistes, qui rallie progressivement Emmanuel Macron, ce qui se produit pratiquement tous les jours. Je pense que nous sommes dans une phase de clarification et de recomposition de la vie politique, avec finalement Les Républicains qui sont en train de disparaître. Nous, Reconquête, avec Marion Maréchal, nous tendons la main, aussi bien aux électeurs et, pourquoi pas, aux cadres et élus des Républicains qui veulent défendre des valeurs de droite et nous sommes prêts à travailler avec les autres forces politiques car nous savons que le chemin du rassemblement des droites est l’étape, pas suffisante, mais nécessaire, pour faire gagner nos idées. Partout en Europe, c’est le rassemblement des droites qui permet la victoire des idées nationales et conservatrices. En Italie avec Giorgia Meloni, en Finlande, en Suède, c’est la rassemblement des droites qui porte le changement. Par honnêteté envers nos électeurs, il est important de mettre en avant nos différences. Reconquête est unique et spécifique et est fondamentalement différent des Républicains et du Rassemblement national et, en même temps, nous sommes prêts, parce que nous pensons avant tout à l’intérêt général, à travailler avec des forces qui sont concurrentes, mais que nous ne considérons pas comme des adversaires ou des ennemis. Ces derniers sont la gauche, les macronistes, les islamo-gauchistes. Les Républicains et le Rassemblement national sont des concurrents. Nous avons des divergences avec eux. Mais pour l’intérêt de la France, nous serons prêts, demain, à travailler avec eux.
Breizh-info : Ne trouvez-vous pas contradictoire de combattre le Rassemblement national, puis d’appeler à voter au deuxième tour en sa faveur ?
Nicolas Bay : Cela dépend du mode de scrutin et celui-ci est différent dans chaque pays européen, mais les élections européennes se déroulent en un tour à la proportionnelle intégrale, donc cette question ne se pose pas. Lorsque nous sommes dans un scrutin à deux tours, nous prenons nos responsabilités. Lors du second tour des élections présidentielles opposant Marine Le Pen à Emmanuel Macron, nous avons considéré que l’intérêt de la France était d’éviter qu’Emmanuel Macron soit à nouveau élu. Mais comme le Rassemblement national n’a pas pris pleinement la mesure de cette nécessité de rassembler les droites, il a finalement permis à Emmanuel Macron de réaliser un quinquennat supplémentaire. Nous le regrettons, mais nous avons pris immédiatement nos responsabilités en étant capables de définir nos priorités politiques : défendre nos positions et éviter à notre pays et à notre peuple les désagréments qui sont les pires. Nous considérons qu’Emmanuel Macron à l’Élysée était la plus mauvaise des possibilités et, pour cette raison, nous avons appelé à voter contre lui lors de l’élection présidentielle.
Breizh-info : Ne pensez-vous pas que, face à la montée des forces patriotiques, Monsieur Macron pourrait aller un peu dans ce sens afin de couper l’herbe sous les pieds des patriotes ?
Nicolas Bay : Oui, je pense qu’Emmanuel Macron donne, régulièrement, des accents identitaires ou souverainistes à ses discours. Mais cela se limite à des propos. Il est acquis à l’idée mondialiste. Il va toujours plus loin dans l’intégration européenne, dans l’immigration, dans le wokisme. Finalement, il utilise nos mots car il a conscience de gouverner contre le peuple. Il sait que les idées et les valeurs auxquelles les Français aspirent sont aux antipodes de la politique qu’il mène. Par opportunisme, il utilise nos mots, mais il continue de conduire une politique qui est évidemment opposée à ce qu’il dit.
Breizh-info : Selon la presse, des différences idéologiques existent entre Marion Maréchal et Éric Zemmour.
Nicolas Bay : Non, ce n’est pas le cas ! Des discussions stratégiques ont lieu. Par exemple, comment s’adresser à telle ou telle catégorie d’électeurs de droite ? Cela est parfaitement légitime. Heureusement que nous avons ces débats car, si nous n’en avions pas sur la stratégie, sur la manière de nous adresser aux Français, nous ne serions pas un parti politique, mais une secte. Nous avons, évidement, des discussions tous les jours, et celles-ci peuvent êtres animées, sur la stratégie ; mais sur les idées, sur les valeurs fondamentales, nous sommes totalement unis et je pense que tout le monde a vu que Marion Maréchal, Éric Zemmour et l’ensemble des cadres et dirigeants de Reconquête portent la même vision de la France, le même projet : la civilisation comme enjeu principal, défendre notre identité comme défi prioritaire et puis retrouver aussi le chemin de notre liberté et de notre prospérité.
Propos recueillis par Lionel Baland
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