À l’occasion de la crise en Nouvelle-Calédonie, on voit des personnalités habituellement vent debout contre les positions identitaires défendre le droit du peuple kanak à ne pas être minoritaire chez soi. Analyse d’Eugénie Bastié.
« Un peuple en ces lieux refuse de décliner, de dépérir, de s’éteindre. Ils sont ainsi les peuples : attachés à leurs racines, leurs cultures, leurs mythes » : non ce ne sont pas des propos de Renaud Camus sur les Français de souche ou de Philippe de Villiers sur les Vendéens, mais bien l’extrait d’ un communiqué de l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, sur la révolte des indépendantistes kanaks. L’égérie de la gauche antiraciste avait déjà parlé, en 2006, de «Guyanais de souche en train de devenir minoritaires sur leurs sol» et plaidait à l’époque pour une maîtrise de l’immigration illégale en Guyane. La même Christiane Taubira qui défendait le droit de vote des étrangers aux élections locales trouve donc normal que des citoyens français n’aient pas le droit de vote en Nouvelle-Calédonie . Elle qui fustigeait lors de la loi immigration la «paranoïa de la grande invasion » s’inquiète du devenir minoritaire du peuple kanak autochtone.
Elle n’est pas la seule à gauche à s’enferrer dans cette contradiction. Le journaliste de « Quotidien » Jean-Michel Apathie évoque des «personnes d’origine européenne» et une «démographie favorable aux Caldoches». Le fondateur d’« Arrêt sur images », Daniel Schneidermann, tel Diderot parlant des «bons sauvages» tahitiens, évoque «un peuple (qui) vivait paisible sur une terre»avant que les méchants colons ne débarquent, ignorant visiblement que vivaient sur cet archipel plusieurs populations aux langues distinctes se faisant cruellement la guerre. Le député communiste André Chassaigne s’est adressé ainsi au gouvernement : «Ne vous inscrivez pas dans un processus de colonisation qui consiste à mettre en minorité un peuple sur sa propre terre.» […]
Il est pour le moins curieux que la gauche, qui s’inquiète d’une montée du racisme en France, défende finalement une vision ethno-différencialiste dans les outre-mer. Les mêmes qui veulent sacraliser le droit du sol prônent le droit du sang à Nouméa. Les mêmes qui fustigent la préférence nationale défendent la préférence kanake. Le « grand remplacement » est un complot d’extrême droite en métropole, il doit être combattu en Nouvelle-Calédonie. […]
En Nouvelle-Calédonie, la gauche nous joue le sketch des Inconnus : il y a le bon et le mauvais identitaire. Espérons qu’elle redécouvre, avec Simone Weil que l’enracinement est un besoin universel.