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C8 supprimée : le groupe Bolloré sous le choc

Vincent Bolloré
« Je suis choquée. » Quelques heures après la décision de l’Arcom, cette cadre de C8 et CNews partie en vacances et jointe par BV résumait le sentiment général au sein de la chaîne C8 et, plus largement, du groupe Canal+. La stupeur fut telle dans la filiale média du groupe Bolloré que la plupart des responsables ont mis longtemps à réagir sur les réseaux sociaux. L’un des premiers concernés, Cyril Hanouna, a annoncé sur X qu’il prendrait la parole dimanche 28 juillet : « Je posterai une vidéo dimanche soir pour tout vous raconter. Et vous donner mon sentiment sur tout ça. ».

Comme Hanouna, les animateurs stars de CNews, propriété, comme C8, du groupe Canal+ de Bolloré, affichent leur surprise. « Tout mon soutien et mon affection aux équipes de C8 qui sont sous le choc après cette décision brutale, écrit, sur X, Laurence Ferrari. Je pense aux 300 salariés qui ont travaillé depuis douze ans sous la direction de Franck Appieto (le patron de la chaîne C8) […] » Elle cite, notamment, Cyril Hanouna. « L’esprit de C8 saura rebondir », conclut-elle. L’émission phare de la chaîne, Touche pas à mon poste !, pourrait migrer dès la rentrée sur Canal+ ou CStar avec son animateur star Cyril Hanouna.

« Censure de C8 par l’État »

Le directeur général de Canal+ France en charge des antennes et des programmes, responsable de C8 et de CNews au sein du groupe Canal+, enfin, ne cache pas son indignation : « On marche sur la tête !, écrit Gérald-Brice Viret. Je suis comme beaucoup, sous le choc de l’annonce de l’Arcom de retirer sa fréquence à C8 […] Quel mépris pour le public ! »

Au-delà de Canal+, le monde politique est lui aussi estomaqué par cette décision inédite vis-à-vis d’une chaîne qui affichait 3,1 % d’audience moyenne en 2023, en tête des chaînes de la télévision numérique terrestre, selon Médiamétrie, avec une audience moyenne supérieure à CNews (2,9 % en 2023). Éric Ciotti qualifie la décision de l’Arcom de « scandale démocratique retentissant », n’hésitant pas à évoquer « la censure de C8 par l’État »« Sommes-nous toujours un pays de liberté, demande-t-il ? Les amis du pouvoir récompensés, les autres sanctionnés […] » Il stigmatise une « dérive mortelle pour notre démocratie ».

Marine Le Pen voit la main de la Macronie et dénonce un danger démocratique : « Pour le pouvoir, le pluralisme est insupportable. Alors, petit à petit, ils vont chercher à le faire disparaître pour que toutes les chaînes et radios délivrent le même message que l’audiovisuel public : un panel de toutes les nuances de gauche. » Jordan Bardella va plus loin, accusant la gauche d’avoir fait pression sur l’Arcom : « La gauche, qui ne supporte aucune remise en cause de son hégémonie culturelle, aucune expression différente de la sienne, a eu le scalp de C8 en faisant pression sur une autorité "indépendante". Les censeurs se réjouissent d’avoir fait taire une voix pluraliste. Bienvenue dans notre démocratie. »

Seul l'animateur star de CNews Pascal Praud revient sur l’histoire de la chaîne. « Je pense aux 300 collaborateurs et collaboratrices de C8 qui, ce matin, sont plongés dans l’incertitude, écrit-il. Je pense à Philippe Labro qui, le 31 mars 2005, avait lancé avec Vincent Bolloré la chaîne Direct 8, la grande sœur de C8 ».

C8, le premier média acquis par Vincent Bolloré

Dans ce concert d’étonnement mêlé de tristesse, en effet, quelques voix manquent : celles de Wauquiez et de Bellamy, restés silencieux. Celles, surtout, de la famille Bolloré. Et pourtant, c’est avec l’attribution par le CSA (ancêtre de l’Arcom) du canal 8 que Vincent Bolloré a fait ses premiers pas dans la télévision, en 2005. L'histoire compte, dans cette décision contestée. Totalement néophyte, l’industriel se penche alors lui-même sur la grille des programmes, tente de comprendre la mécanique d’une chaîne de télévision en s’appuyant sur Philippe Labro, célèbre journaliste et ancien patron de RTL, règle les détails de certaines émissions lors de dîners tardifs à la tour Bolloré de Puteaux, près de Paris, et s’investit sans compter. C’est au sein de Direct 8 que son fils Yannick, aujourd’hui à la tête de Vivendi, a fait ses premiers pas dans l’empire paternel comme directeur marketing de la chaîne. Et qu'il a appris les médias. Il y promenait une allure tranquille et une silhouette encore adolescente. C’est en cédant Direct 8, enfin, contre une participation financière dans le capital du groupe Canal+ que Bolloré prend peu à peu le contrôle de l’empire Vivendi, maison mère de Canal+. Toute l’aventure de Bolloré dans les médias, marquée notamment par le redressement de Canal+, est née à Direct 8, devenue C8. Nul doute que Vincent Bolloré, si sensible à la saga industrielle familiale, à l'histoire de sa famille et de son groupe et aux signes du destin, aura pris de plein fouet la décision de l’Arcom. Nul doute, surtout, que s’échafaude aujourd'hui, dans les étages du groupe, une réponse et une contre-offensive. Parti d’une entreprise familiale en ruine voilà près de cinquante ans, devenu multimilliardaire, Vincent Bolloré n’est pas homme à se laisser manœuvrer.

Marc Baudriller

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