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Kamel Daoud, écrivain algérien : « Si on regarde ce qui se passe en Belgique, il y a de quoi craindre de voir émerger un émirat au cœur d’une Europe contrite et aveuglée par la culpabilité et la lâcheté »

INTERVIEW. L’écrivain et chroniqueur du « Point » publie son deuxième roman, « Houris » (Gallimard), un monument littéraire qui brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne.

(…) Fresque intime de la guerre civile des années 1990 qui lui restait fichée en travers de la gorge, roman de la transgression d’un interdit, celui de faire un récit-miroir de ce monde du silence et de la mort.

Quatre cents pages violentes et poétiques qui appelaient mille questions, dont voici quelques-unes. Dans ses réponses, Kamel Daoud se livre comme jamais sur l’Algérie de son passé, sur la France d’aujourd’hui, sur Gaza, sur l’antisémitisme, sur le déni, sur la frustration, sur le combat des femmes et les eucalyptus de son village de l’Oranais…

(…)

Voilà pourquoi, en France, la question du foulard, apparemment anecdotique, a été et demeure centrale pour les islamistes ?

L’islamisme en Europe s’est développé avec une ingénierie propre et redoutable, qui sait où taper, comment culpabiliser, faire la jonction entre le colonial, le décolonial et l’islamisme. Les islamistes investissent la communication et la propagande d’une manière efficace. En France, ils ont réussi avec l’école, le milieu associatif et sportif. Comme en Algérie. Ils choisissent leurs combats de manière ciblée. Par exemple, le voile dans l’administration. L’État leur a dit non pour certaines administrations. Ils ont répondu d’accord. Mais ils ont obtenu qu’une femme puisse porter le voile sur la photo d’identité de sa carte professionnelle. Vous voyez comment ils grignotent… J’ai vu arriver la même stratégie en France pour la carte professionnelle journalistique. Ils sont très forts.

Comment expliquez-vous une telle attention aux détails ?

Tous les mouvements fascistes l’ont eue. Ils sont délivrés des lois de la démocratie ou de la soumission à l’autorité. Nous, nous portons la démocratie comme poids et comme idéal, nous en fixons les règles pour les respecter et cela nous inhibe. Eux, ils en sont affranchis. La démocratie, me disait une amie tunisienne, ne sait pas se défendre. Nous la défendons, nous l’incarnons et elle endosse nos faiblesses et nos limites. C’est une partie de poker où l’un est affranchi de toutes les règles que l’autre doit incarner et respecter.

Puisque vous avez vu se dérouler toutes les étapes, quelle serait la prochaine chez nous ?

La France est aussi mon pays. Et j’ai la chance d’être né en Algérie et d’être ici. L’au-delà, avec ses jardins et ses fleuves de vin, existe pour moi à Paris. L’au-delà, c’est la France. Donc je n’ai pas envie que ça aille dans ce sens-là d’une énième défaite devant ce fascisme. Mais c’est toujours possible. Si on regarde ce qui se passe en Belgique, il y a de quoi craindre de voir émerger un émirat au cœur d’une Europe contrite et aveuglée par la culpabilité et la lâcheté…

(…)

Le Point

https://www.fdesouche.com/2024/08/08/kamel-daoud-ecrivain-algerien-si-on-regarde-ce-qui-se-passe-en-belgique-il-y-a-de-quoi-craindre-de-voir-emerger-un-emirat-au-coeur-dune-europe-contrite-et-aveuglee-par-la-culpabilite-et-l/

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