Xavier Driencourt, né le 1er janvier 1954 à Paris, est un éminent diplomate et haut fonctionnaire français. Diplômé de l’ENA et de Sciences Po Paris, il a mené une carrière prestigieuse au sein du Ministère des Affaires étrangères. Son parcours est marqué par des postes clés, notamment celui d’Ambassadeur de France en Algérie, qu’il a occupé à deux reprises (2008-2012 et 2017-2020).
Il a également exercé des fonctions importantes au sein de l’administration centrale, comme Directeur des ressources humaines et Secrétaire général adjoint du Ministère. Sa carrière diplomatique l’a conduit à Sydney comme Consul général et à Kuala Lumpur en tant qu’Ambassadeur.
En 2022, il publie « L’énigme algérienne« , un ouvrage salué par la presse, reflétant son expertise sur les relations franco-algériennes. Récemment, Driencourt a rejoint le comité stratégique du média Livre noir en 2023 et conseille le Rassemblement national sur la politique internationale en 2024.
Xavier Driencourt interviendra prochainement au forum de la dissidence organisé par Polemia.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Xavier Driencourt : J’ai occupé diverses fonctions au ministère des affaires étrangères, à Paris, au cabinet d’Alain Juppé, comme Directeur général de l’administration et à l’étranger comme consul général à Sydney, ambassadeur de France en Malaisie, et à deux reprises, ambassadeur de France à Alger.
Breizh-info.com : En tant qu’ancien ambassadeur en Algérie, pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent les principales aides françaises à l’Algérie ? Quels sont les domaines prioritaires de cette assistance ? Pourquoi, selon vous, l’Algérie continue-t-elle de bénéficier d’aides importantes de la France ?
Xavier Driencourt : En fait, il y a relativement peu d’aide au sens où on emploie habituellement ce mot. La France fait d’une part une coopération pour notamment des actions culturelles ou la langue française, à travers ses Instituts français, ses lycées. C’est d’ailleurs sans doute une des plus grosses enveloppes de coopération dans le monde. D’autre part, il y a de multiples actions mais principalement à travers des fonds de l’Union européenne ou de l’ONU ce qu’on appelle aide multilatérale ou via l’Agence française de développement AFD. L’Algérie a un niveau de développement économique élevé, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas d’aide au sens où l’OCDE entend ce terme, rééchelonnement de dettes, aides budgétaires etc. Nous menons des actions de coopération, comme c’était d’ailleurs prévu dans les Accords d’Evian.
Breizh-info.com : La France consacre d’importants fonds à des projets de coopération en Algérie. Ces aides sont-elles, selon vous, réellement bénéfiques pour la France, ou s’agit-il d’une charge injustifiée pour les contribuables ?
Xavier Driencourt : Prenons l’exemple de l’action de coopération culturelle: ce que nous faisons, défendre la langue et la culture française est évidemment bénéfique pour l’Algérie et pour la France. C’est notre intérêt de maintenir la francophonie au sud de la Méditerranée. Malheureusement la France n’est guère payée de retour, l’Algérie faisant de son côté ce qu’il faut pour éliminer l’influence culturelle française, empêcher les étudiants de suivre une scolarité en français ou de passer les examens du baccalauréat français.
Breizh-info.com : Certains estiment que l’Algérie pourrait se passer de l’aide française, compte tenu de ses ressources naturelles, notamment pétrolières et gazières. Partagez-vous cet avis ?
Xavier Driencourt : Oui évidemment. Mais encore une fois, il faut se mettre d’accord sur ce qu’on entend par aide.
Breizh-info.com : Les relations entre la France et l’Algérie sont souvent marquées par des tensions, notamment sur des sujets historiques et mémoriels. Comment cette situation influence-t-elle la politique d’aide française envers l’Algérie ?
Xavier Driencourt : Dès qu’une crise survient entre les deux pays, Alger réduit ou gêne les interventions françaises. Prenons encore une fois l’exemple de l’enseignement du français: l’an dernier, pour des raisons exclusivement politiques, l’Algérie a interdit aux écoles privées algériennes de faire les programmes scolaires français qu’elles menaient en parallèle. Elle a également interdit aux élèves de terminale de passer le baccalauréat français à Alger, ce qui oblige ces élèves à venir en France!
Breizh-info.com : Comment la France pourrait-elle, selon vous, réformer sa politique d’aide vis-à-vis de l’Algérie pour rendre cette relation plus équilibrée et moins coûteuse pour les contribuables français ?
Xavier Driencourt : Il faut utiliser les leviers dont nous disposons, notamment la politique des visas.
Breizh-info.com : Au-delà de l’Algérie, la France investit des milliards d’euros en aides aux pays étrangers. Quel est, selon vous, l’intérêt réel de ces aides pour la France ? Est-il toujours justifié ? Pensez-vous que les aides étrangères profitent aux populations des pays bénéficiaires ou sont-elles surtout utilisées par les gouvernements en place pour asseoir leur pouvoir ?
Xavier Driencourt : Dans un certain nombre de pays, cette aide française est détournée par les pouvoirs en place. Elle est parfois mal conçue, mal orientée, imaginée par les bureaux de l’AFD à Paris. Nous construisons du « dur » pour faire simple alors qu’il faudrait être beaucoup plus fluide.
Breizh-info.com : De nombreux observateurs estiment que l’aide internationale manque de transparence et de suivi. Quels dispositifs pourraient être mis en place pour évaluer l’impact réel de cette aide ?
Xavier Driencourt : Il est toujours difficile d’évaluer et contrôler l’efficacité de l’aide aux pays tiers. Il y a des mécanismes pour cela, des batteries d’indicateurs au sein de l’OCDE ou autres. Je dirais que globalement, nous n’avons pas à rougir de notre politique, même si évidemment, des progrès peuvent être faits.
Breizh-info.com : Avec l’accroissement des dépenses publiques, pensez-vous qu’il est réaliste de continuer à verser des milliards d’euros d’aide à l’étranger sans revoir les priorités budgétaires ?
Xavier Driencourt : Si elle est bien ciblée, si elle est adaptée aux priorités politiques que le gouvernement fixe, si nous pouvons l’orienter ou la stopper en fonction des aléas politiques ou des crises internationales, l’aide publique au développement reste utile et nécessaire. Ce qui n’est pas normal est de maintenir l’aide à des régimes corrompus ou résolument hostiles. L’aide bilatérale est de ce point de vue plus souple que l’aide multilatérale, celle-ci étant relativement « opaque » et pas toujours bien orientée.
Breizh-info.com : Que souhaiteriez-vous transmettre aux décideurs français sur la nécessité, ou non, de réformer la politique d’aide aux pays étrangers, notamment à l’Algérie ?
Xavier Driencourt : Je crois avoir dit ce qui semble nécessaire tant pour l’aide en général que pour ce qui concerne l’Algérie. La meilleure forme d’aide à mon avis, ce sont les lycées et les établissements scolaires français à l’étranger, qu’ils soient publics (à travers l’AEFE Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ou privés. C’est un investissement pour l’avenir, c’est la formation des élites futures. Je l’ai vu dans tous les pays où je suis passé.
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