
par h16
La révélation fut quelque peu soudaine mais elle a fulguré tout le gouvernement français et une partie des élites européennes d’un coup brusque : pour faire des munitions, pour faire des canons et des avions, pour entraîner des hommes et les préparer à la guerre, il semble maintenant indéniable qu’il faille un sacré paquet de pognon.
La stupeur passée, reconnaissons à nos dirigeants une certaine alacrité dans leur réponse, quasi réflexive, à ce qu’il convient alors de faire : de fortes sommes d’argent public doivent donc être mobilisées, rapidement, afin de lancer au plus vite cette production indispensable d’armes, de munitions et de formations pour les armées d’Europe, ♩ avant bien sûr ♪ d’en faire une grande ♫ et belle Armée Européenne ♬. Envoyez la fanfare, il faut que ça vibre !
Dès lors, dans l’appareil de l’Union européenne, puisqu’il faut trouver ces masses monétaires impressionnantes, on s’agite. On ne sait pas trop bien comment on va faire, mais la volonté est là, ou presque. Certains semblent absolument déterminés, d’autres y réfléchissent fermement pendant que d’autres, calmement, regardent les choses se coaguler doucement. En fait de belle unanimité, on voit déjà des fissures et des hésitations.
Bref, les tentatives de bricolages se multiplient et ressemblent de plus en plus à des contorsions grotesques et on nous vend (de façon assez pénible) l’idée que les États membres européens seraient capables de s’entendre sur une nouvelle fournée de prêts pour des montants proprement pharaoniques. Ainsi, on évoque sans broncher un montant total estimé à 650 milliards d’euros (soit plusieurs fois le budget annuel de l’Union, exclusivement orientés vers la défense), tout en autorisant en surcroît 150 milliards d’euros de prêts aux États membres avec une commode autorisation de dépasser la règle des «3% de PIB de déficits» pendant 4 ans.
En pratique, cette entente ressemble une nouvelle fois à un joli conte médiatique : si, sans surprise, la frétillante France d’Emmanuel Macron est toujours partante pour claquer avec emphase l’argent du contribuable européen sans regarder à deux fois à la dépense en mode YOLO, il en va en revanche très différemment de pays comme les Pays-Bas qui y sont complètement opposés.
En outre, on se doute que l’Allemagne ne sera probablement pas plus favorable : l’idée même d’euro-obligations vient directement heurter les traités et les méthodes allemandes de gestion auxquels les Allemands ont clairement fait savoir qu’ils sont restés très attachés. En outre, les Teutons n’ont pas du tout envie de créer des déficits supplémentaires et ce d’autant plus qu’ils ont saccagé leur outil industriel et commencent à en prendre conscience.
Surtout et de façon si visible que c’en est vexant, l’Allemagne n’a pas du tout envie de «miser européen» car cela reviendrait essentiellement à … miser français (notamment) alors qu’elle a clairement confirmé acheter américain.
Autrement dit, cette histoire continue de n’être qu’un effet d’annonce, de l’agitation médiatique essentiellement propulsée par une Von der Leyen qui a besoin d’exister alors que l’Amérique de Trump lui a clairement fait comprendre qu’elle était quantité négligeable, et par un Macron dont la légitimité chez lui est si mince qu’il n’a aucune autre voie politique à sa disposition que de faire le kéké dans des sommets pompeux où l’inutile s’y dispute au grandiloquent.
Ce qui est vrai au niveau européen l’est aussi au niveau français, avec des mécanismes parfaitement transposables.
Pour continuer à jouer aux musclés dans la cour des grands, il faut consacrer pas mal d’argent gratuit des autres et pour y parvenir, le gouvernement français émet donc l’idée d’un super produit de placement croustillant pour rediriger l’épargne des Français vers la défense. Une idée aurait pu être de favoriser l’actionnariat dans les sociétés spécialisées, comme Dassault, Nexter, Safran, Thales, mais cette idée est bien trop pragmatique est pas assez compatible avec Bercy pour être seulement émise.
Dès lors, le clown communiste qui officie actuellement au poste de Ministre de l’Économie tente de mettre sur pied un produit de placement particulièrement flou : pour financer les dépenses militaires françaises, le gouvernement propose un placement sans rendement minimum, sans capital garanti et qui sera bloqué sur cinq ans.
Si un tel montage financier était présenté par une société privée, l’Autorité des Marchés Financiers la requalifierait assez rapidement en arnaque risquée.
Bien sûr, ce sera un produit sans aucune obligation.
Ici, on comprend bien que le produit dont il est question semble surtout d’appeau à pigeon dont le montant collecté pourrait surtout servir à colmater habilement un budget gouvernemental passablement troué et ce, alors que tous les indicateurs économiques du pays sont en train de tourner au rouge. En somme, l’opération n’a qu’un rapport ténu avec les vilainrusses et beaucoup plus avec le méchanvirus pour lequel il fut dépensé quoi qu’il en coûte.
À présent, on n’a plus rien dans les caisses et la capacité d’emprunt et de roulement de la dette française est largement amoindrie pour ne pas dire «a complètement disparu». Le fait que les agences de notations hésitent à dégrader la note de la dette souveraine française indique, plus qu’une stabilité de l’économie du pays, le risque évident et bien ressenti par ces agences qu’elles déclencheraient une panique en le faisant. Elles avaient été moins prudes il y a quelques années, car il était encore possible, à l’époque, d’encaisser la mauvaise nouvelle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
En pratique, elles envoient un signal clair : la France est au maximum de ce qu’elle peut faire avant d’avoir une dette réellement considérée comme non viable.
Ce n’est pas surprenant : le pays est devant une impasse de taille, et plusieurs contraintes s’affrontent violemment.
D’une part, il y a bien sûr le besoin impérieux de relancer l’industrie sur le territoire (et notamment celle de la défense, pas spécifiquement pour la menace russe, très fantasmée et assez irréaliste, mais plus généralement parce qu’on a trop longtemps raboté les budgets et repoussé les décisions et les mises à niveau de la défense française qui ne ressemble plus à rien à présent). D’autre part, on doit trouver des fonds rapidement pour camoufler la situation financière française catastrophique.
Enfin, il reste le choix politique de ne surtout pas toucher au plus gros poste de l’État, i.e. les retraites, seul montant dont un ajustement permettrait de dégager immédiatement des marges de manœuvres suffisantes, et ce d’autant plus qu’aucune économie n’est envisagée dans aucun des ministères, des agences et autres hautotorités pourtant pléthoriques et dispendieuses de l’État : l’électorat de Macron ne le supporterait pas et, avec lui, tout l’appareil politico-médiatique.
Malgré les beaux discours, malgré la crânerie effrontée des membres du gouvernement nous assurant qu’ils maîtrisent et planifient tout, il est évident que ces différentes contraintes ne peuvent coexister toutes en même temps.
Eh oui : la réalité est ce crépi rugueux sur lequel vient immanquablement se frotter avec force les fesses des idiots qui font n’importe quoi. Or, il ne fait guère de doute que celles du gouvernement sont maintenant entrées en contact avec ce crépi depuis plusieurs mois et les agitations de poulets sans têtes que nous observons dans les médias ne masquent absolument pas le problème : la France est au bord du dépôt de bilan.
Les bricolages se multiplient, les gesticulations gouvernementales aussi, mais rien n’y fera : ce pays est foutu.
source : Hashtable