Un pays ne peut pas défendre la démocratie en la détruisant. Il ne peut pas non plus lutter contre l’ingérence en devenant le saboteur en chef. Ce ne sont pas des paradoxes. C’est la réalité politique de la Roumanie post-électorale de 2025, où la volonté du peuple a été piétinée par une union de technocrates, une pression des services de renseignement étrangers et un fiat judiciaire. Ce n’est pas la démocratie. Il s’agit d’une imitation de la démocratie, conçue pour des raisons optiques et des résultats contrôlés.
Examinons les faits avec soin.
Le 24 novembre 2024, les électeurs roumains ont choisi Călin Georgescu, un conservateur et nationaliste indépendant, comme principal candidat à la présidence. Il a remporté le premier tour de scrutin avec une majorité relative, 23%, dans une course à plusieurs candidats. Dans une république normale, cela constituerait un mandat pour passer au second tour. Au lieu de cela, la Cour constitutionnelle, sous la pression intense de l’Union européenne, a annulé le résultat deux semaines plus tard, en invoquant une prétendue «ingérence russe» pour laquelle aucune preuve convaincante n’a été apportée.
Cette annulation n’était pas un simple détail juridique. Il s’agissait d’une décapitation politique. Georgescu, le choix populaire, s’est ensuite vu interdire de se présenter aux nouvelles élections, prévues pour mars 2025, sur la base d’enquêtes criminelles opportunément déposées dans l’intervalle. Les chefs d’accusation, notamment «incitation à des actions contre l’ordre constitutionnel», ressemblent à une parodie de prétextes autoritaires. S’exprimer contre l’UE, remettre en question le bien-fondé du contrôle supranational, parler au nom de la souveraineté nationale, est désormais, dans certains coins de l’Europe, criminel. On peut se demander quel discours reste protégé.
George Simion, chef de file de l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR), un parti conservateur, a remplacé Georgescu. Sa candidature était légale, validée à la fois par le Bureau électoral central et par la Cour constitutionnelle. Il fait ouvertement campagne et obtient près de 41% des voix au premier tour des élections reportées au 4 mai 2025. Son adversaire le plus proche, Nicușor Dan, le fils préféré de l’UE, apôtre du centralisme bureaucratique, de l’ouverture des frontières et de la conformité transnationale, n’a obtenu que 21% des voix. Simion menait avec une avance de près de deux chiffres dans les sondages précédant le second tour. Sur le terrain, l’énergie était la sienne. Les foules étaient les siennes. L’élan était incontestable.
Puis vint le résultat. Selon les autorités électorales roumaines, Dan a miraculeusement remporté le second tour avec 54% des voix contre 46% pour Simion. Il est passé d’un déficit de 20 points à une victoire de 8 points, avec des résultats quasi identiques dans toutes les circonscriptions. L’uniformité statistique du résultat lui-même soulève des questions qu’aucune démocratie sérieuse ne peut se permettre d’ignorer. Est-il plausible que chaque bureau de vote, dans une nation aussi diverse et divisée que la Roumanie moderne, puisse donner des résultats presque identiques ?
Pire encore, l’écosystème de l’information entourant l’élection a été délibérément manipulé. Dans les semaines précédant le vote, les autorités européennes ont fait pression sur des plateformes privées pour qu’elles censurent les discours défavorables à Dan et à l’agenda de l’UE. La révélation la plus accablante n’est pas venue d’un acteur partisan, mais de Pavel Durov, PDG de Telegram, qui a déclaré publiquement que les services de renseignement français l’avaient approché pour qu’il supprime les conservateurs roumains avant l’élection. Il a refusé. D’autres, on peut le supposer, n’ont pas refusé.
La question qui se pose alors est claire et urgente : peut-on encore dire qu’un pays possède une démocratie qui fonctionne si le vote du peuple est annulé, si son principal candidat est criminalisé, si son discours est réprimé et si ses élections sont surveillées et censurées par des puissances étrangères ? Nous ne reculons devant de telles questions que lorsque nous craignons la réponse.
L’UE se présente comme la gardienne de la démocratie libérale. Pourtant, ses actions imitent celles des régimes auxquels elle prétend s’opposer. Criminaliser la dissidence, annuler les élections, contrôler le discours par des pressions bureaucratiques plutôt que par une argumentation ouverte, ce n’est pas l’État de droit, c’est l’État des gestionnaires. Il ne s’agit pas de liberté, mais d’administration. Il ne s’agit pas de souveraineté démocratique, mais d’un contrôle étranger exercé par des juges et des technocrates.
Ne prétendons pas qu’il s’agit d’un problème exclusivement roumain. Il s’agit d’une étude de cas d’un malaise plus large : l’affaiblissement des formes démocratiques par les élites mondialistes qui trouvent gênant le désordre de l’autonomie nationale. Lorsque les résultats ne correspondent pas aux préférences de Bruxelles, Berlin ou Paris, les institutions se mettent en branle pour «corriger» l’erreur. Il s’agit d’une gouvernance par correction, et non par consentement.
Certains diront que l’annulation et la censure étaient nécessaires pour se défendre contre le spectre de l’ingérence étrangère. Mais qu’est-ce qui est le plus invasif, une campagne de bot ou l’annulation d’une élection par un tribunal d’État ? Qu’est-ce qui est le plus antidémocratique, la désinformation en ligne ou l’interdiction faite à un candidat de s’exprimer dans son propre pays ? Le paradoxe est le suivant : en tentant d’empêcher l’ingérence, l’UE est devenue la force d’ingérence. En essayant de sauver la démocratie, elle l’a détruite.
Il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec tous les points du programme de Georgescu ou de Simion pour reconnaître le problème profond. La démocratie ne signifie pas obtenir le «bon» résultat. Elle signifie permettre au peuple de choisir librement, de délibérer au grand jour, de faire campagne, de critiquer, de voter et de s’exprimer sans craindre la censure ou les sanctions pénales. Lorsque ces libertés sont supprimées, il ne reste que le théâtre de la démocratie, avec ses urnes et ses débats télévisés qui cachent le fait que les décisions ont déjà été prises ailleurs.
Les élections ne doivent pas être annulées par des hommes en robe à la demande d’hommes en costume. La voix du peuple roumain a été claire en novembre. Elle l’a été à nouveau en mai. Ce n’est que par une ingérence extraordinaire, à la fois judiciaire et informationnelle, que cette voix a été étouffée. Ce n’est pas ainsi que l’on conquiert un pouvoir légitime. C’est ainsi que l’on perd la confiance.
La leçon est claire : pour survivre, la démocratie doit être défendue contre ses défenseurs autoproclamés. Les tribunaux ne peuvent pas annuler des élections sous prétexte. Les agences de renseignement ne peuvent pas ordonner aux plateformes médiatiques de réduire l’opposition au silence. Les fonctionnaires étrangers ne peuvent pas opposer leur veto aux résultats nationaux. Si ces actions sont tolérées, le terme «démocratie» devient un slogan et non une structure.
Le peuple roumain mérite mieux. Il mérite la vérité. Il mérite des élections dont les résultats reflètent son vote et non les angoisses des eurocrates. Il mérite une république où la parole n’est pas un crime et où le patriotisme n’est pas un handicap.
Et s’ils veulent retrouver cette république, ce ne sera pas par de nouveaux appels à ceux qui l’ont minée, mais par le courage, la vigilance et la mémoire. Car la démocratie, une fois remplacée par le spectacle, ne revient pas facilement.
source : Amuse on X via Marie-Claire Tellier
https://reseauinternational.net/le-coup-detat-discret-de-lue-en-roumanie/