Des décès non déclarés
Comme les rappellent les Sages de la rue Cambon, le versement des pensions de retraites n’est pas conditionné à une résidence en France. Dès lors, la fraude est vite arrivée… « Le principal risque de fraude, notent les auteurs du rapport, est l’omission de la déclaration du décès ou la falsification des preuves d’existence ». En effet, afin de percevoir sa pension, il est demandé aux retraités de produire chaque année un certificat d’existence, sous peine de voir le versement de sa retraite suspendu. Or, selon la Cour des Comptes, il apparait que les « certificats d’existence peuvent être facilement reproduits ou imités et offrent peu de sécurité ». En effet, poursuivent les Sages, « l’autorité locale compétente pour leur validation peut être victime ou complice d’une intention de frauder ou ne pas exiger la présence physique de l’assuré et valider ainsi le certificat sans être informée de son décès ». Seuls des contrôles inopinés permettent alors de découvrir la fraude. En 2023, encore 6,5 % des certificats n’étaient pas conformes à la réalité.
Après plusieurs expériences, la Cour des comptes notent qu’entre 3 % et 22 % des certificats non conformes correspondent à des décès non signalés. « Le taux le plus élevé a été observé lors d’une opération de convocation systématique de tous les assurés de plus de 85 ans menée par la Cnav au consulat de France à Alger » soulignent les auteurs du rapport. Sur les 588 décès constatés, la moitié était antérieure à la date de la convocation au contrôle. Autrement dit, le décès n’avait pas été signalé et la pension continuait d’être versée…
L'Algérie dénonce ce rapport
Résultat, en Algérie, les contrôles inopinés réalisés exigeant la présence physique du pensionné ont montré que dans 44 % des cas, le décès n’avait pas été déclaré. Dès lors, « en appliquant ce taux de non déclaration de décès au taux de mortalité de chaque classe d’âge qui compose la population des retraités résidant en Algérie, la Cour estime que le montant de fautes ou fraudes atteint 38 millions d'euros pour le régime général ». Par ailleurs, en retenant l’hypothèse que tous les assurés qui ne se sont pas présentés sont décédés, sans que leur décès n’ait été déclaré, la Cour considère que l’estimation de la fraude peut être majorée de 42 millions d’euros. Par conséquence, en Algérie, l’estimation totale de la fraude aux retraites varie entre 40 et 80 millions d’euros. A titre de comparaison, la fraude aux retraites au Maroc est estimé à 12 millions d’euros. Conséquence de non-présentation à ces contrôles réalisés dans différents pays, les experts estiment que 17.000 retraités verraient leurs pensions suspendues en 2025, dont 15.000 en Algérie.
Contre cette fraude, la Cour des comptes préconisent donc d’étendre les partenariats afin de repérer les départs à l’étranger non signalés, de renforcer l’usage de la biométrie ou encore de renforcer la collaboration avec les régimes en aval des contrôles.
Ces résultats n’ont pas manqué de faire réagir la presse algérienne qui s’indigne d’un rapport à charge contre l’Algérie. Le journal Echorouk dénonce ainsi des « procédures appliquées aux Algériens [qui] sont moins souples par rapport à d’autre pays ». Dans El Ayem, le journaliste accuse « Paris de cibler à nouveau les Algériens ». Et s’insurge même contre une forme de « discrimination administrative ». Le quotidien El Khabar, enfin, considère que le rapport de la Cour des comptes « renforce le stéréotype d'une fraude généralisée » en Algérie. « Il n'est pas improbable que ce rapport, fondé sur des hypothèses, soit utilisé par les ennemis des intérêts et de la présence algérienne en France pour maintenir leur focalisation politique et médiatique sur eux » regrette le journal algérien.