par François Marcilhac
Qui n’a pas été profondément humilié de voir le président de la République française, mi-août, à Washington, perdu au milieu d’une délégation hétéroclite de quémandeurs impuissants, n’a pas conscience du déclassement de la France.
Trump, suzerain de l’Europe
Trois semaines en effet seulement après le « Munich commercial » signé par von der Leyen aux dépens de l’économie européenne, le président américain a de nouveau triomphé. Tel un suzerain auprès duquel étaient accourus d’humbles vassaux venus le supplier, il était entouré du président ukrainien Zelensky, du chancelier allemand Merz, du Premier ministre britannique Starmer, de la présidente du conseil italien Meloni, du président finlandais Stubb, de la présidente de la Commission européenne von der Leyen et du secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte. Macron n’était qu’un pion parmi les autres, plus ridicule qu’eux, peut-être, parce qu’il semblait jouer sur deux tableaux : cherchant l’aval de Washington tout en jouant au matamore donneur de leçons. La France est une puissance moyenne qui dispose, de par son influence historique, des outils des grands — le Conseil de sécurité, l’arme atomique ou encore son espace maritime : sa vocation serait-elle de se fondre dans des entités supranationales sous hégémonie américaine, comme l’Union européenne et l’OTAN ?
Macron prêt à tout lâcher
Certes, les causes de l’effondrement de la France au plan international ne sont pas toutes imputables à Macron. L’illusion stupide, au lendemain de la chute du mur de Berlin, d’engranger « les dividendes de la paix », selon l’expression de Laurent Fabius, aboutissant à diviser par deux les crédits militaires, est assurément le point de départ. Maastricht et la création de l’Union européenne, en 1992, en 2008 le traité de Lisbonne adopté à l’unanimité du pays légal contre le vote clairement exprimé par les Français en 2005, forfaiture accompagnée du retour dans le commandement intégré de l’OTAN la même année, sont les étapes décisives de cet effacement progressif d’une diplomatie indépendante, de ce renoncement à jouer un rôle conforme à notre histoire. Macron, avec son rêve de « souveraineté européenne » n’aura fait que parachever l’œuvre délétère de ses prédécesseurs, n’envisageant d’augmenter — faiblement — les crédits militaires que pour les mettre au service d’une politique qu’il croit conforme à « l’intérêt européen » — comme si celui-ci existait —, quand les États membres de l’Union européenne ne sont même pas d’accord sur la nature et l’ampleur de la politique à mener dans le dossier ukrainien. En faisant dans la surenchère antirusse, en jouant au belliciste, dans une fuite en avant qui doit autant à des raisons de basse politique intérieure qu’à un ego surdimensionné qui le convainc d’un destin européen, Macron dissimule mal son incapacité à faire entendre une voix originale en Europe, depuis qu’il s’est aligné, sous Biden, sur la politique américaine. Il n’est plus maintenant que le porte-voix impuissant et discrédité d’un Zelensky pris au dépourvu autant par la brutalité apparemment erratique d’un Trump que contesté de plus en plus par les Ukrainiens eux-mêmes. Aussi, Macron, pour s’assurer des soutiens en Europe, est-il prêt à tout lâcher, notamment au nouveau chancelier allemand, le nationaliste et militariste Merz, qu’il s’agisse de la dissuasion nucléaire ou des différents dossiers en souffrance, aux plans militaire — par exemple l’avion européen Scaf destiné à remplacer l’avion français Rafale —, commercial — le Mercosur profitable à l’industrie d’outre-Rhin — et énergétique — outre le marché de l’électricité, le nucléaire et l’hydrogène.
De la Nouvelle-Calédonie à la Corse
Au plan intérieur, il sera également tenté de se délester de deux dossiers difficiles — la Corse et la Nouvelle-Calédonie — pour consacrer, aux côtés d’un Bayrou démonétisé ou, plus probablement, de son successeur, en cas de rejet de la confiance, le 8 septembre, toutes les forces de l’État à la répression de la légitime colère du pays réel. S’il rencontre des difficultés à faire adopter par les indépendantistes l’accord de Bougival, qui est pourtant un véritable OVNI tant en matière constitutionnelle qu’en droit international, c’est que le FLNKS se sent en position de force et veut clairement, après avoir perdu les trois précédents, que soit actée, à plus ou moins long terme, la tenue d’un quatrième référendum sur l’indépendance de l’archipel. À l’heure où nous écrivons, les négociations ne sont pas terminées mais il est clair que l’Élysée comme Matignon ne souhaitent pas voir se rallumer le dossier néo-calédonien, d’autant que les braises sont encore rougeoyantes : le FLNKS le sait et surenchérit. Il aurait tort de se priver face à un État défaillant et surtout peu enclin à faire respecter le droit de la France, alors même que l’accord de Nouméa a été scrupuleusement respecté par l’État. Le manque de combativité du gouvernement français dans le dossier algérien ne peut également qu’inciter les indépendantistes à se montrer intransigeants, pariant, dans le volet international du dossier, sur l’isolement grandissant et la faiblesse diplomatique de la France de Macron. Quant à la Corse, qui fait partie de la métropole mais réclame d’être traitée comme un outre-mer proche, là encore, le projet d’autonomie, poussé par le Gouvernement bien qu’il soit incompatible avec la lettre actuelle de la Constitution française, ne laisse pas d’interroger.
Une France fédérale ?
D’autant qu’au même moment est sorti un sondage — auto-administré en ligne pour la formation régionaliste « Régions et peuples solidaires » — indiquant que 71% des Français seraient favorables à ce que la France « devienne fédérale », 90% des citoyens, issus de toutes les familles politiques, considérant que l’État central est « trop déconnecté des réalités locales » et 82% que l’activité des médias « se concentre trop sur Paris ». En revanche, le projet de révision constitutionnelle consacrant l’autonomie de la Corse ne bénéficie d’un soutien majoritaire que de 51% — 70%, il est vrai, chez les moins de 25 ans. Qu’en conclure ? Que les Français sont partagés entre le rejet de plus en plus écrasant d’un pays légal hors sol — et de ses porte-voix officiels — et le désir de promouvoir la diversité culturelle historique de notre nation, tout en doutant de la capacité de la république à préserver son unité. Maurras aimait à rappeler que « la France intégrale, c’est la France fédérale ». Mais il ne saurait y avoir de fédération sans fédérateur. Or, la république, parce qu’elle est un régime qui se nourrit de la division des Français, ne saurait être ce principe fédérateur. Du reste, le jacobinisme, qui inspire toujours notre Constitution, est consubstantiel à la république. C’est pourquoi, à la fois impuissante et rigide, celle-ci balance entre tout lâcher ou tout interdire. Un roi seul pourrait garantir l’unité nationale dans la pluralité institutionnelle des différentes provinces de métropole et d’outre-mer, sans craindre une sécession toujours possible.
Mais le pays légal, aujourd’hui, n’a pour préoccupation que d’empêcher la légitime colère du pays réel, car il sait que, par son ampleur, elle signifierait son effondrement. Face à une politique aussi brutale qu’inepte, qui envisage jusqu’à changer le visage de la France en s’attaquant toujours davantage à ses racines chrétiennes — le lundi de Pâques après le lundi de Pentecôte —, les Français sont à bout. Ils souffrent toujours davantage : insécurité, immigration, délitement du système de santé, chômage, sans voir l’horizon s’éclaircir. Et se doutent que, pour réel que soit l’endettement du pays, les mesures annoncées ne visent qu’à leur interdire d’espérer dans une autre politique que celle que l’oligarchie conduit à son profit. Le pays légal cherchera de nouveau à sauver sa peau par des manœuvres politiciennes, n’hésitant pas, en même temps, à matraquer les Français. Il faudra être présent.
https://www.actionfrancaise.net/2025/09/03/vers-leffondrement/