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Mercosur : une aubaine pour l’industrie allemande, une catastrophe pour l’agriculture française

L’accord entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, Bolivie) a été validé ce 3 septembre par les membres de la Commission européenne. Dans les mois qui viennent, le texte sera soumis aux États membres, puis aux eurodéputés. Le Parlement européen est majoritairement favorable à cet accord.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen défend les intérêts de l’Allemagne, et pousse donc à la roue. Nos voisins d’outre-Rhin ont hâte de voir s’ouvrir un marché de 700 millions de consommateurs pour leurs voitures, leurs machines-outils, leur industrie chimique et pharmaceutique.

« UVDL » s’est fait le porte-voix de l’industrie allemande dans une lettre qu’elle a cosignée avec onze chefs d’État et de gouvernement européens. Les cosignataires pointent le risque de voir d’autres puissances – les BRICS+ – prendre la place que devrait occuper l’UE dans la région. « Sans la conclusion de l’accord, d’autres puissances pourraient acquérir une influence encore plus forte sur les marchés latino-américains, tant sur le plan économique que politique. Au cours des dix dernières années, les entreprises européennes ont perdu en moyenne 15 % de part de marché dans la région. ».

La macronie, globalement favorable à l’accord, fait principalement valoir des arguments d’environnement, alors que le problème est ailleurs : l’accord avec le Mercosur sera un précieux relais de croissance pour l’Allemagne – en panne depuis le début de la guerre russo-ukrainienne – et un coup mortel pour ce qu’il reste de l’agriculture française.

Concrètement, l’UE va augmenter substantiellement ses exportations de produits industriels – or la France, contrairement à l’Allemagne, s’est massivement désindustrialisée depuis 20 ans – et importer massivement des produits agricoles sud-américains, viande bovine, poulet, maïs, sucre… de coût nettement moindre par rapport aux produits agricoles français – le smic au Brésil est à 200 euros par mois – et soumis à moins de contraintes réglementaires. L’eurodéputée RN Valérie Deloge résume l’accord par cette formule : « C’est l’accord vaches contre bagnoles » : les bagnoles allemandes se voient ouvrir le vaste marché sud-américain, et les vaches argentines et brésiliennes le vaste marché européen…

Ursula von der Leyen se réjouit d’« une victoire pour l’Europe », d’« un accord gagnant-gagnant ». C’est incontestablement un accord « gagnant-gagnant » pour l’Allemagne, mais un accord « perdant-perdant » pour la France. Remarquons que l’accord s’appliquera jusque dans les marchés publics : c’est avec nos impôts que la viande sud-américaine, bourrée d’hormones et d’antibiotiques, s’imposera dans les cantines scolaires au détriment de la viande française. L’UE soumet l’agriculture française à la double peine : elle lui impose des normes sanitaires et environnementales drastiques et l’ouvre à une concurrence totalement débridée.

En discussion depuis le début des années 2000, les négociations de ce traité ont connu de nombreuses péripéties. En octobre 2020, le Parlement européen avait même voté contre « sa ratification en l’état ». Le processus de ratification, qui devait commencer le 9 novembre 2020, est repoussé sous la pression de l’opinion publique : selon un sondage publié le 10 septembre 2020, et réalisé dans quatre pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne), près de 80 % des personnes interrogées veulent que cet accord soit abandonné. En décembre 2023, le sommet qui devait entériner une renégociation de l’accord est annulé.

En début d’année 2024, en pleine crise agricole et alors qu’il effectuait un déplacement au Brésil, Emmanuel Macron avait réaffirmé son opposition, qualifiant l’accord « tel qu’il est aujourd’hui négocié » de « très mauvais accord, pour vous (le Mercosur) et pour nous ». Il avait alors appelé à bâtir « un nouvel accord (…) responsable d’un point de vue de développement ». Sans qu’on comprenne très bien pour quelles raisons. Mais le chef de l’État aime à cultiver un certain flou dans ses formulations.

Pour rassurer les éleveurs français, on parle de « clauses de sauvegarde ». Pour le moment, elles n’ont qu’une existence virtuelle, puisqu’il faudra un « acte juridique » supplémentaire pour qu’elles se matérialisent. Et ce mercredi, en conférence de presse, la porte-parole du gouvernement, Sophie Privas, a bien insisté pour vérifier trois points concernant ces clauses : que les pays du Mercosur soient d’accord (sic), qu’un seul pays puisse les activer et qu’elles soient juridiquement opérationnelles ! C’est dire si la France a la main…

Ces clauses permettraient, nous dit-on, d’intervenir en cas d’effets négatifs du traité. Mais l’UE ne convaincra pas les agriculteurs qu’une fois la filière bovine française détruite, il sera possible d’y remédier : une filière agricole détruite ne se reconstruit pas.

Alors que l’accord entame son parcours dans les institutions européennes, on annonce la fin du gouvernement Bayrou. « Ça tombe très mal, dit Jérôme Besnard de la Coordination rurale. Avec le triste spectacle que donne notre classe politique, la France n’est pas en position de négocier ». Le sort des agriculteurs français semble scellé : Emmanuel Macron préfère se doter d’une pseudo-stature internationale en faisant mumuse avec sa chimérique « force de réassurance » en Ukraine que de s’intéresser à l’avenir de l’agriculture française. Il est par ailleurs un européiste et un libre-échangiste forcené.

D’un bord à l’autre de l’échiquier politique, hors naturellement la macronie, les politiques français s’opposent à l’accord. Jordan Bardella, président du Rassemblement National, dénonce une « concurrence déloyale » et appelle à défendre les agriculteurs français.

Sarah Knafo a personnellement rencontré von der Leyen pour lui dire tout le mal qu’elle pensait de cet accord. Peine perdue : la présidente de la Commission européenne lui a répondu qu’elle se réjouissait « de la générosité européenne »…
De son côté, la Coordination rurale continue le combat, en appelant de ses vœux une convergence européenne des luttes des agriculteurs.

Henri Dubost

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