« Turning point » : tel était le nom du mouvement de Charlie Kirk. « Turning point », le point d’inflexion d’un mouvement, quand la dérivée seconde atteint zéro, disent les mathématiciens. Les politiques y liront un point de bascule : quand le mouvement de balancier repart dans l’autre sens. Quand les wokistes sont contraints de prendre des positions défensives et que le courant conservateur et identitaire donne le la aux États-Unis, en attendant sans doute de traverser l’Atlantique. Polémia livre ici une réflexion mesurée de Didier Beauregard.
Polémia
L’assassinat de Charlie Kirk, une étape clé de la guerre médiatique au cœur du monde anglo-saxon
Les ondes de choc de l’élection de Trump secouent le monde anglo-saxon, aujourd’hui au barycentre de la guerre médiatique mondialisée. Qui aurait pu penser que l’assassinat d’un jeune leader conservateur aux États-Unis allait déclencher une tempête émotionnelle répercutée dans le monde entier, et que le Royaume-Uni allait connaître la plus grande manifestation de son histoire, sur le thème identitaire du rejet d’une immigration non désirée ?
Médias mainstream : mensonge et dérision
La radicalisation des positions place désormais les médias institutionnels dans des postures de plus en plus intenables face à l’espace bouillonnant du net. L’Amérique des réseaux sociaux et des commentateurs indépendants a massivement exprimé une colère de soutien à la mémoire de Charlie Kirk, qui a submergé les discours hostiles ou distanciés des médias mainstream. Quant aux propos de haine de la gauche radicale à l’égard de la victime, nombre de leurs auteurs subissent aujourd’hui la dure loi de la curée médiatique et des effets de la cancel culture qu’ils ont eux-mêmes instituée dans les mœurs politiques. Des centaines d’entre eux, notamment, sont renvoyés de leur emploi après identification sur les réseaux sociaux. La guerre médiatique devient un exercice de plus en plus périlleux !
Les médias institutionnels ont également été débordés par la vague colorée des drapeaux à croix qui a défilé dans les rues de Londres. Du jamais vu dans l’histoire britannique ! La riposte médiatique a été dérisoire, tant elle a minimisé l’importance du mouvement : 110 000 manifestants, ont pieusement récité la plupart des médias français, dans la foulée des médias d’outre-Manche, alors que les images, même sous contrôle, montraient une toute autre réalité. Le chiffre d’un million rendait bien mieux compte de la vérité des faits.
Une fièvre anglaise
Faute de pouvoir réduire l’événement à pas grand-chose (un non-événement !), la deuxième riposte médiatique a consisté, selon un scénario bien rodé, à le discréditer en le ramenant à une manipulation de « l’extrême droite ». Et faute de pouvoir exhiber les classiques images de rares crânes rasés et de bras tendus, le passé agité du leader Tommy Robinson a été largement mis en avant afin d’« extrême-droitiser » une contestation centrée sur la liberté d’expression, c’est-à-dire le droit d’évoquer librement les méfaits d’une immigration hors contrôle. La personnalité de Tommy Robinson, un homme fort courageux au demeurant, est un enjeu très secondaire au regard de l’ampleur de la révolte populaire, motivée par un sentiment identitaire bafoué, qui s’exprimait ce jour-là. Mais les journalistes normalisés ont l’art de brandir l’arbre pour cacher la forêt !
La question est ailleurs. Outre les enjeux migratoires, dont la gravité est systématiquement escamotée par les médias du système, pourquoi le monde anglo-saxon – les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Irlande, mais aussi l’Australie et, dans une moindre mesure, le Canada – est-il traversé par un fort courant conservateur et identitaire qui secoue l’ordre politique occidental ? Question subsidiaire capitale : ce mouvement peut-il s’étendre au reste des pays européens, en vertu de l’idée classique que les États-Unis annoncent quelques années à l’avance ce qui va arriver sur le Vieux Continent ?
L’Amérique : la Bible et le drapeau
La question migratoire est certes au cœur de cette problématique, mais elle ne peut pour autant en résumer l’ampleur et les particularités. Les États-Unis sont toujours le navire amiral qui donne la direction au sein d’un monde anglo-saxon qui montre encore une unité de fond au-delà de toutes les différences qui le composent. Le courant conservateur en Amérique exprime d’abord un combat autour des valeurs, par une opposition frontale au progressisme et, à sa pointe extrême, au wokisme. Il se voit et se vit d’abord comme un combat moral que l’engagement de Charlie Kirk illustrait parfaitement. Ce dernier militait comme un pasteur en prêche.
Il est de fait incontestable que la révolte identitaire de l’Amérique blanche des espaces continentaux provient d’abord d’un fond religieux toujours très vivant et de sa tradition omniprésente du sermon biblique qui relie l’ordre religieux du temple et celui politique de la cité. Une culture du sermon qui imprègne la vie publique aux États-Unis et accompagne la puissance du sentiment patriotique. L’espace anglo-saxon, unifié autour de sa langue et de sa culture protestante, répercute partiellement cette religiosité extériorisée qui caractérise le monde américain. Largement déchristianisée, au même titre que le continent, la Grande-Bretagne ne reste pas totalement étrangère à ce retour politique du religieux qui traverse les États-Unis, amplifié par l’assassinat de Charlie Kirk, avec ses foules en prière et la flambée de témoignages de conversions soudaines sur les réseaux sociaux. On peut mesurer là, en temps réel, la formidable mutation de culture (de civilisation ?) que représente l’univers digital, qui déborde le conformisme institutionnel des médias traditionnels.
L’exceptionnel mouvement de foule des rues londoniennes montrait des signes discrets mais réels de besoin d’affirmation d’une identité chrétienne du Royaume-Uni face à la combativité identitaire de l’islam en Angleterre : de grandes croix apparaissaient dans le cortège et des prêcheurs évangélistes réunissent régulièrement des assemblées de fidèles dans l’espace public. Il est frappant de noter, à ce propos, le nombre significatif de fidèles noirs dans ces assemblées, comme dans le cortège du 13 septembre. La question religieuse peut ainsi prendre à revers la lecture racialiste du soulèvement populaire qu’impose la doxa progressiste (le racisme des petits blancs), par la représentation d’une multiracialité ouverte dans l’expression du mouvement identitaire.
L’Europe continentale, largement déchristianisée, se distingue nettement de la tradition religieuse américaine, tout particulièrement la France et sa sacralisation de l’idéologie laïque. Il semble, a priori, peu probable que l’Europe occidentale puisse puiser dans son substrat religieux délaissé la matière à une révolte identitaire. La « révolution » conservatrice américaine reste largement américaine et, par extension, partiellement anglo-saxonne. L’expression intense du sentiment patriotique en Europe dépasse rarement la ferveur populaire des grands matchs de foot et ne semble pas non plus être une source actuelle de mobilisation massive.
La question sociale détermine d’abord les enjeux politiques des sociétés européennes, corsetées par une technostructure désincarnée, sourde et aveugle. Les crises économiques seront le terreau des révoltes populaires dont les ruptures, dans un contexte aggravé de paupérisation, aviveront alors la question identitaire dans ses formes économico-sociales, mais aussi culturelles et sécuritaires.
L’Europe, enfin, ne l’oublions pas, peut être frappée par des événements géopolitiques qui pourraient brutalement bouleverser l’ordre politique établi depuis des décennies et redéfinir les dynamiques identitaires du Vieux Continent.
Didier Beauregard 22/09/2025
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