Alors que l’actualité politique ne semble plus être qu’une succession de décisions hasardeuses, Pierre Boisguilbert revient sur ce qui caractérise la situation : la suspension…
Polémia
Le monde politique retient son souffle
Tous suspendus comme une vulgaire réforme des retraites. Tous soutenus comme le pendu par la corde.
La dissolution est suspendue, comme la démission du président : c’était le but de la manœuvre. Saut dans le vide, retenu par un élastique dont la solidité est douteuse. Mais la suspension de la chute du gouvernement a ravi la presse mainstream. Car tout cela, en fait, n’a qu’un objectif : suspendre l’arrivée au pouvoir par élections du Rassemblement national. Ils pendraient leur démocratie pour ne pas eux-mêmes choir à terre. La suspension de l’inévitable dissolution a ravi les soutiens du système, car système il y a. Le soutien du PS au gouvernement Lecornu a relancé l’UMPS. Quant aux Républicains, ils vendraient de toute évidence la corde pour les pendre, comme disait Lénine des capitalistes… D’ailleurs, ils l’ont fait.
Les partis, entre trahisons et calculs suspendus
Un parti de droite de gouvernement, paraît-il, qui accepte l’enterrement de la réforme des retraites à 64 ans et valide des taxes dignes de la gauche Mitterrand ou Hollande première époque, on en reste sans voix. On était d’ailleurs suspendus à leurs paroles… Or, rien. Wauquiez, malgré sa victoire sur Retailleau, est d’une modestie incroyable. Car il est suspendu aux réactions de ses électeurs, et apparemment le retour des militants n’est pas bon, c’est le moins qu’on puisse dire. De suspendu, on n’est pas loin du lynchage. Quant à Retailleau, c’est son destin national qui est suspendu. Il s’y voyait presque, il faisait, disait-on, trembler le Rassemblement national. Il a quitté le gouvernement, il a perdu toute influence sur le groupe des députés — il lui reste militants et sénateurs, ce n’est pas rien, mais pour le moment c’est un repli sur des positions préparées à l’avance, et c’est son offensive politique qui est, pour un temps, suspendue.
Un pays en apnée politique
Quant à Marine Le Pen, suspendue à une décision de justice, elle a perdu la bataille de la dissolution immédiate. Le temps risque de démobiliser la colère des Français, qui semblent se satisfaire d’une fausse stabilité proche d’un lâche soulagement.
Mais Lecornu lui-même est suspendu à ce que les députés vont faire du budget. On peut redouter le pire et enchaîner des séquences de chaos parlementaire. On va s’écharper, au risque de voter n’importe quoi et de relancer encore plus fort la colère populaire. Cela ne se passera pas bien, on peut en prendre le pari. Et l’on verra alors les suspendus à un fil du régime s’effondrer — et pour eux, ils l’auront bien cherché : plus dure sera la chute.
Pierre Boisguilbert 18/10/2025
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