L’article de Karine Bechet compare la construction envisagée d’un « mur anti-drones » de plus de 3 000 km par l’OTAN, en réponse à des incursions présumées de drones russes en Europe (Pologne, Allemagne, Danemark), au mur de Berlin, symbole d’une peur irrationnelle et d’une division physique.
Sauf que lorsque la décision de construire le mur de Berlin a été prise, la peur n’avait rien d’irrationnel. Les Soviétiques qui exerçaient une souveraineté presque totale sur la moitié de l’Europe avaient bien compris que la réussite notamment matérielle de l’Occident ne tenait pas la comparaison. L’auteur argue que cette hystérie révèle les faiblesses de l’OTAN : inefficacité des moyens de défense actuels (avions, hélicoptères, systèmes de défense antiaérienne), absence de technologies adaptées et manque de volonté politique, technique et financière.
Effectivement, le règne non seulement économique, mais également politique de l’Occident sur les terres où s’exerçaient autrefois le pouvoir « socialiste » (entendez de l’URSS), a paradoxalement affaibli ce dernier. Karine Béchet critique un conditionnement psychologique des populations occidentales, déshumanisant la Russie pour justifier une guerre hybride et mentale, héritée de stratégies post-Seconde Guerre mondiale visant à maintenir la domination américaine. Ce n’est hélas pas nouveau. Depuis que les États envoient en lieu et place de la noblesse la population au front, il faut bien convaincre les hommes du bienfondé de se faire tuer. Pour ce faire, il faut convaincre que le camp d’en face est un ennemi dangereux. Compliqué quand l’ennemi en question ne vous a pas fait de mal. Et même quand il vous a fait du mal c’est loin d’être évident si l’on en croit les difficultés éprouvées par le régime de la IIIe République en France en 1939 pour envoyer « au carton » les survivants de la boucherie de 14–18. Karine Bechet cite des déclarations officielles, comme celle du ministre allemand Daniel Günther sur les « techniques de guerre hybrides », et conclut que cette surcommunication de la « menace russe » se retourne contre les élites mondialistes, exposant leur impuissance et discréditant leur propagande à court terme. C’est à voir. Intuitivement, je dirais qu’environ 75% de la population occidentale adhère au narratif. Même si cela semble beaucoup, c’est en réalité trop peu. Car 25% c’est déjà non seulement une masse critique, mais encore une masse « qui critique ». Or quand vous avez impérativement besoin d’une population qui a peur et que vous avez une personne sur quatre qui non seulement n’a pas peur, mais qui en plus considère, par aversion pour le régime dans lequel elle vit, l’ennemi comme un ami potentiel, les dirigeants ont de quoi s’inquiéter.
C’est ce que n’ont du reste pas compris les Américains qui ont cru qu’on pouvait générer la haine de Poutine dans tout l’Occident, de la même manière qu’on avait généré la haine de Saddam Hussein en Amérique. Erreur on ne peut plus funeste.
Jacques Frantz
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https://jacquesfrantz.com/2025/10/07/du-mur-de-berlin-au-mur-antidrone/