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culture et histoire - Page 1203

  • L’épopée napoléonienne : l’éternité d’un mythe (partie 1)

    « Qui de nous, Français ou même étrangers de la fin du XIXe siècle, n’a pas senti l’énorme tristesse du dénouement de l’Epopée incomparable ? Avec un atome d’âme c’était accablant de penser à la chute vraiment trop soudaine du Grand Empire et de son Chef ; de se rappeler qu’on avait été, hier encore, semble-t-il, à la plus haute cime des Alpes de l’Humanité ; que, par le seul fait d’un Prodigieux, d’un Bien-Aimé, d’un Redoutable, comme il ne s’en était jamais vu, on pouvait se croire, aussi bien que le premier Couple dans son Paradis, maîtres absolus de ce que Dieu a mis sous le ciel et que, si tôt après, il avait fallu retomber dans la vieille fange des Bourbons ! »

    Cette évocation est extraite du bref essai de Léon Bloy, L’âme de Napoléon, dans lequel il présente une vision très personnelle de celui qu’il désigne aussi comme «la Face de Dieu dans les ténèbres ». Un ouvrage foncièrement partial, ouvertement élogieux mais surtout éminemment mystique. L’auteur du Sang du Pauvre y développe ses réflexions sur l’Empereur ou plutôt sur la signification de ce dernier dans l’Histoire. Léon Bloy défend l’idée que l’apparition de Napoléon ne relèverait pas de simples contingences humaines mais qu’elle s’inscrirait dans un « plan » dont les modalités ne seraient connues que de Dieu seul. L’auteur va même plus loin en qualifiant l’épopée napoléonienne d’événement le plus important depuis le passage de Jésus Christ sur terre. Selon lui, la grandeur infinie qu’a répandue cet homme tout au long de son existence et la fin misérable qu’il a subie ne peuvent signifier qu’une chose : l’annonce de la fin des temps, l’ultime manifestation divine avant la parousie finale. Nous laissons Léon Bloy à ses interprétations qui ont le mérite d’être exposées dans un style grandiose qui saisirait jusqu’au plus profond de son âme l’athée le plus convaincu (interprétations qui rappellent d’ailleurs celles de Savitri Devi à propos de la venue d’un autre chef de guerre, dont la chute est advenue cent-trente ans après celle de son « prédécesseur »).

    Si nous avons choisi d’évoquer cet exemple, c’est avant tout pour sortir du carcan habituel et à nos yeux trop simpliste qui voit dans Napoléon un serviteur zélé de la révolution française (et donc d’une forme de subversion qui n’aurait pour objectif que de renverser un ordre catholique et royal) et un facteur de sa diffusion dans toute l’Europe (ainsi la personne de l’Empereur est très mal vue au sein des milieux radicaux dans nombre de pays européens, notamment en Italie). En effet, Léon Bloy est un auteur profondément croyant, catholique convaincu mais aussi un « désespéré » face au terrifiant spectacle d’un siècle qui a érigé l’appauvrissement spirituel en facteur de progrès et le positivisme en horizon indépassable, ce qui ne l’empêche aucunement de percevoir en l’héritier politique de la révolution l’ultime émanation de la grandeur divine. Sa démarche nous encourage à regarder au-delà des enchaînements factuels qui s’offrent à nos yeux afin d’en tirer l’essence, la signification véritable. Il faut savoir faire la distinction entre des événements historiques tels qu’ils sont perçus par la majorité, de manière prétendument objective, et le sens profond que leur donnent les personnes qui décident de cette Histoire (dont fait partie l’Empereur) et qu’ont pu déceler certains auteurs comme Léon Bloy. De cette manière, il est possible à nos yeux de tirer au moins quatre grandes leçons de cette épopée formidable, leçons qui font écho avec la lutte actuelle et donnent à l’aventure napoléonienne une dimension éternelle qui transcende le temps et l’espace.

    Un premier élément est qu’il faut voir dans les guerres napoléoniennes l’archétype du conflit qui depuis l’aube de l’Humanité oppose la mer à la terre. En effet, peu d’événements historiques nous offrent un aussi bel exemple de cette confrontation entre deux empires, deux mondes, deux univers fondés sur les deux grandes conceptions antagonistes de l’existence. C’est la thalassocratie carthaginoise face à l’irrésistible émergence de la patrie de Cincinnatus, c’est la flotte du Commodore Perry au service des puissances commerciales occidentales face au shogunat Tokugawa, ce sont les communes italiennes face à la puissance impériale de Frédéric le Grand. Mais l’Angleterre qui s’oppose à Napoléon et à son bloc continental en ce début de XIXe siècle assume dans son idiosyncrasie un caractère qualitativement différent de ce qui avait été connu jusqu’alors. Les nations qui ont depuis l’aube de l’histoire humaine, fondé leur développement sur le commerce ont toujours su tracer des limites et garder à l’esprit une certaine hiérarchie de valeurs. Ce n’est plus le cas de cette Angleterre pré-victorienne à qui la voie est laissée libre de dominer le monde depuis sa victoire lors de la guerre de sept ans et qui a déjà entamé sa révolution industrielle. La digue a été brisée. Les transformations en cours en Grande-Bretagne annoncent celles qui contamineront le monde dans les décennies et les siècles à venir : déracinement, industrialisation (préparant la voie à la tertiarisation), spéculation financière, marchandisation et embourgeoisement de l’existence, sans parler évidemment de l’indigence de la condition ouvrière.

    Et Léon Bloy d’évoquer celle qu’il appelle « l’île infâme » en ces termes :

    « (…) L’abjection commerciale est indicible. Elle est le degré le plus bas et, dans les temps chevaleresques, même en Angleterre, le mercantilisme déshonorait. Que penser de tout un peuple ne vivant, ne respirant, ne travaillant, ne procréant que pour cela ; cependant que d’autres peuples, des millions d’êtres humains souffrent et meurent pour de grandes choses ? Pendant dix ans, de 1803 à 1813, les Anglais payèrent pour qu’il leur fut possible de trafiquer en sécurité dans leur île, pour qu’on égorgeât la France qui contrariait leur vilénie, la France de Napoléon qu’ils n’avaient jamais vue si grande et qui les comblait de soucis ».

    Comme l’explique admirablement Jacques Bainville dans son Napoléon, les événements européens des années 1800-1815 se comprennent à l’aune de cette problématique : toute la légitimité du pouvoir du consul devenu empereur (à qui l’on accordera jamais une légitimité de fondateur d’une nouvelle dynastie « royale ») repose sur la perception que seul lui est capable de sauver les acquis de la révolution française, les territoires de la rive gauche du Rhin inclus. Or la France agrandie de ces nouveaux territoires acquiert une puissance intolérable pour la perfide Angleterre dont la suprématie repose sur la division de ses « voisins » continentaux. L’histoire géopolitique de l’Europe depuis cinq-cents ans et du monde depuis un siècle peut d’ailleurs se résumer schématiquement comme suit : une thalassocratie (anglaise, puis américaine) qui utilise sa ruse et ses ressources financières pour corrompre, diviser et avilir la première puissance continentale, tout en apportant un soutien aux puissances continentales secondaires. C’est ce qu’a fait l’Angleterre en arrosant continuellement de liquidités les successives coalitions des autres puissances européennes jusqu’à ce qu’elles parviennent à renverser le géant français. Mais il ne s’agit pas ici d’un simple conflit politique entre plusieurs états, il faut plutôt y voir un conflit entre plusieurs conceptions du monde. C’est l’alliance du paysan et du soldat face à la révolte du marchand, du bourgeois et du banquier. Le véritable conflit est là, entre une France continentale certes contaminée par le poison libéral et démocratique mais qui continue à porter des valeurs terriennes, sédentaires, enracinées et donc spirituelles, ne serait-ce que de manière latente, face à une Angleterre nomade, commerçante et ploutocratique (comme la Russie contaminée par le communisme continuera à porter les valeurs terriennes face aux Etats-Unis).

    Les soldats prussiens et russes servaient donc les intérêts de la classe dominante anglaise en même temps que leur propre cause « nationale ». C’est là tout le malheur de notre continent depuis que le concept de nation a supplanté celui d’empire : l’impossibilité d’être unifié autrement que par la domination d’une de ses composantes, emprunte d’une conception galvaudée de l’identité collective, ce qui ne peut être inévitablement perçu que comme une domination étrangère intolérable et donne l’opportunité aux ennemis de l’Europe de la tenir sous un joug perpétuel. C’est seulement lorsque l’Europe aura renoué avec cette conception organique et spirituelle de l’Imperium, reposant sur les valeurs « continentales » dans leur pureté originelle, qu’elle pourra reconquérir sa place dans le monde.

    Dans un autre ordre d’idées et poursuivant nos réflexions sur l’épopée napoléonienne, nous souhaitons aborder un second élément, crucial à nos yeux : la place du mythe napoléonien dans l’histoire de France et sa possible utilisation comme facteur de fierté et d’orgueil national. Nous l’avons déjà dit, le nationalisme, même entendu dans son acception traditionnelle et non libérale, constitue une forme de représentation collective inférieure relativement à une vision plus « impériale ». Cependant nous devons admettre qu’en s’autonomisant, les nationalismes ont su acquérir leur propre légitimité, notamment à travers la construction progressive des différents mythes ou romans nationaux. A nos yeux, une vision à l’échelle continentale ou civilisationnelle n’est aucunement incompatible avec une vision nationale à partir du moment où les deux sont envisagées comme « emboîtées » l’une dans l’autre, en coexistence organique, l’une contribuant à la compréhension et à l’enrichissement de l’autre. Or peu de périodes de l’histoire offrent un aussi bel exemple de grandeur pour la France et ses habitants que cette aventure qui nous a vus, pendant une décennie entière, vains instants d’éternité mais d’une intensité à déformer la courbe du Temps, dominer l’Europe et inspirer la crainte et l’admiration au monde entier. Il est vrai que nous avons échoué et il est aussi vrai que cette épopée marque la dernière tentative sérieuse pour la France d’accomplir son destin d’héritière de la Rome des Césars, l’épisode le plus tragique peut-être de cette Mélancolie Française, mais aussi le plus grandiose et le plus capable d’inspirer les poètes et les hommes d’aujourd’hui. Une tragédie que Léon Bloy évoque en ces termes :

    « Ah ! Ce n’est pas la Garde seule qui recule à Waterloo, c’est la Beauté de ce pauvre monde, c’est la Gloire, c’est l’Honneur même ; c’est la France de Dieu et des hommes devenue veuve tout à coup, s’en allant pleurer dans la solitude après avoir été la Dominatrice des nations ! »

    Dès lors, comment ne pas voir dans le mythe napoléonien une des pièces incontournables du roman national français et donc un outil formidable pour sortir la France de sa léthargie, un levier qui doit redresser les consciences assoupies de nos compatriotes en même temps qu’un irrésistible marteau capable de briser à tout jamais le miroir de la honte et de l’autoflagellation ? Face au déplorable constat de la pression exercée sur les esprits de nos contemporains et visant à en extraire les derniers reliquats de dignité et de fierté que ni quinze années d’éducation républicaine, ni la couardise infinie de nos présidents successifs agenouillés au nom des Français en signe de perpétuelle expiation n’ont pu complétement annihiler, nous ne pouvons considérer qu’avec le plus grand intérêt l’opportunité offerte par les souvenirs de la grandiose épopée de contrebalancer la propagande en cours. Que peut bien le discours du plus talentueux des sophistes, adepte de l’ethno-masochisme le plus pathologique, face à la grandeur infinie qui a irradiée sur le monde par l’intermédiaire de notre Empereur, grandeur gravée à tout jamais dans le marbre solennel de l’immuable Vérité de l’Histoire ? Que peut l’infâme journaliste aux ordres, le frêle et flasque chrétien de gauche de centre-ville, le cacochyme antifa enturbanné dans son foulard hermès, l’apologète du métissage et de la sodomie comme facteurs de progrès humain, que peuvent-ils face à la merveilleuse beauté répandue sur le monde par le plus grand des Français ? Que peuvent tous ces agents des forces de désintégration face au Sacre de David, face à l’Arc-de-Triomphe et face à tous les récits hagiographiques que notre littérature a produits sur ces événements ? Ces chefs d’œuvre sont la preuve de leur vilénie et de la justesse de notre combat. Ils sont le témoignage vivant que nous nous battons pour ce qu’il y a de plus grand et noble en l’Homme et que nous souhaitons dès-à-présent voir renaître des cendres d’une histoire consumée le phénix d’une France et d’une Europe égales à elles-mêmes.

    Dans la deuxième partie de cet article, nous poursuivrons nos réflexions sur l’épisode napoléonien en évoquant deux autres aspects fondamentaux de la grande épopée : tout d’abord la figure de l’Empereur en tant que « grand homme », génie national et surhomme. Dans un deuxième temps nous évoquerons le sens du sacrifice qui a mu ses millions de fidèles et la signification à donner à celui-ci, notamment dans sa dimension anti-bourgeoise, anti-utilitariste et anti-individualiste, véritable combat contre le Temps.

    Valérien Cantelmo pour le C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2016/02/24/l-epopee-napoleonienne-l-eternite-d-un-mythe-partie-1-5764687.html

  • 1790 : Premier sursaut contre-révolutionnaire

    Savez-vous que le tout premier acte contre-révolutionnaire se produisit il y a 220 ans entre Rhône et Cévennes, au pays de Vivarais, dont la Révolution venait de faire le département de l'Ardèche ? Inexpérimentée à ses débuts, cette chouannerie atteignit le tragique et le sublime...

    Tout le premier semestre 1790, s'étaient mises sur pied difficilement les nouvelles institutions locales : on se disputait ferme sur le tracé des districts, et on allait jusqu'à s'accuser de "républicanisme" – ce qui était encore l'injure suprême ! Néanmoins en portant à la tête du directoire de l'Ardèche de grands noms du pays, les Vivarois avaient montré leur volonté de ne point trop se séparer des autorités naturelles traditionnelles. Et le 14 juillet 1790 fut fêté comme partout dans l'allégresse... et dans l'illusion (voir L'AF 2000 du 17 juin).

    Les fédérés de Jalès

    Comme partout, tout allait de plus en plus mal. L'insubordination se répandait, les forêts étaient ravagées... mais surtout l'agitation huguenote réapparaissait. Les protestants n'avaient pourtant plus de raisons de se plaindre depuis que Louis XVI leur avait accordé l'édit de Tolérance leur rendant la liberté de culte (7 novembre 1787), mais la Déclaration des Droits de l'Homme du 24 août 1789, mettant sur le même plan « toutes les opinions même religieuses », avait échauffé les esprits sur cette terre passionnée. Les échos de l'Assemblée nationale constituante semaient l'effroi : nationalisation des biens du clergé (2 novembre 1789), décret refusant au catholicisme le privilège de religion d'État (13 avril 1790), constitution civile du clergé (12 juillet )... À Nîmes, dans le Gard, le régiment de Guyenne - un ramassis de francs-maçons – et les milices huguenotes des Cévennes avaient organisé du 12 au 15 juin le massacre de trois cents catholiques dont cinq capucins. Et quand on apprit que se formait à Boucoiran, près d'Alès, un camp de protestants, ce fut dans tout le Sud du Vivarais une explosion de colère.

    L'âme du mouvement fut Louis de Malbosc, maire de Berrias (district du Tanargue) - un fort honnête homme, non systématiquement hostile aux idées nouvelles, mais qui ne supportait pas les attaques de la Constituante contre le roi et la religion catholique. Il eut vite fait de convaincre son entourage que l'ordre et la justice ont besoin de la force et que donc il fallait utiliser la seule force organisée du moment : les gardes nationaux. On créa ainsi une "fédération" aux buts autrement plus concrets que ceux de la fête du même nom... Quant au lieu de la réunion, il apparut tout de suite que ce devait être l'immense plaine de Jalès, cette terre à blé et à vigne qui s'étend au Sud de l'Ardèche, aux confins du Gard, non loin de la Lozère. Au centre de cette plaine, se dressait une imposante commanderie fondée en 1140 par les Templiers, puis affectée à l'ordre de Malte. Le rendez-vous fut fixé au 18 août.

    La constituante embarrassée

    Le camp de Jalès fut un magnifique rassemblement : plus de 180 paroisses, avec 20 000 hommes et 170 drapeaux représentant 80 000 gardes nationaux - une multitude immense et bigarrée, la plus forte mobilisation jamais vue dans le pays. L'abbé de Larque, curé de Banne, célébra la messe, assisté de vingt ecclésiastiques. Tout cela sentait bien sûr l'improvisation. Le directoire ne voulant pas se mouiller, Malbosc dut se résigner à présider lui-même la cérémonie de prestation de serment de fidélité au roi et à la nation. Puis, les buts du rassemblement n'ayant pas été suffisamment définis, certains se montraient pressés de rentrer chez eux, d'autres étaient prêts à marcher sur Boucoiran. Malbosc se sentit dépassé ; pour lui on avait montré sa force, et cela devait suffire. On décida malgré tout, avant de se séparer, de rendre permanent le comité de Jalès, afin de pouvoir en cas de besoin rassembler les forces catholiques. Ce qui, malgré lui, faisait sortir Malbosc de la légalité. Mais fait-on la contre-Révolution sans casser des oeufs ?

    Les révolutionnaires se déchaînèrent. Ils parvinrent même à obtenir du directoire du département une condamnation du camp et du comité de Jalès. Les plaintes affluèrent à l'Assemblée constituante qui parla le 5 septembre d'ouvrir une information judiciaire... mais il n'y eut personne sur place à qui la confier.

    Cet embryon de résistance à la Révolution connut pourtant un énorme retentissement. La presse "patriote" ne se retint pas, accusant les fédérés de Jalès de méditer une insurrection avec l'appui de l'Espagne (!). L'entourage des princes réfugiés à Turin avec le comte d'Artois, frère du roi (futur Charles X) commença à s'intéresser au mouvement : deux "personnages mystérieux" furent arrêtés le 1er octobre alors qu'ils dînaient chez le comte de La Saumée, lieutenant général du camp de Jalès : on sut très vite qu'il s'agissait du prince de Polignac et du marquis de Castelnau venus dire les remerciements des princes aux fédérés du Vivarais pour leur zèle et les avertir « qu'il se préparait des événements dans lesquels on aurait besoin de leurs services ». Au même moment parut un manifeste apocryphe dont l'auteur supposé était le bouillant abbé Allier, curé de Chambonas, près des Vans, qui dénonçait vigoureusement les vexations dont était victime la religion catholique, ajoutant que l'assemblée de Jalès « verserait jusqu'à la dernière goutte de sang plutôt que de laisser subsister une constitution monstrueuse assise sur des ruines et cimentée par des larmes ». Ne voulant rien dramatiser, le directoire du département obtint la libération des deux "mystérieux voyageurs". Malbosc, de son côté, voyait son prestige s'accroître. Désormais Jalès devenait un symbole ; on ne pouvait plus reculer ; au fur et à mesure que la Constituante s'en prendrait à l'Église, le Sud du Vivarais se raidirait dans son royalisme.

    L'affaire ne s'arrêta pas là, en effet. La loi obligeant les prêtres à prêter serment à la constitution (27 novembre 1790) irrita les paysans du Vivarais ; ceux du district du Tanargue se dirent prêts à tuer les prêtres assermentés qui oseraient se présenter à eux. L'heure était grave, et justifiait un nouveau camp de Jalès. Il eut lieu le dimanche 20 février 1791, renforcé par les habitants d'Uzès (Gard) qui, avec leur curé, l'abbé La Molette, fuyaient les massacres perpétrés par les protestants. Donc, 30 000 hommes bien décidés à ne reculer devant rien, pas même un soulèvement.

    Un assassinat déguisé en suicide

    Encore une fois Malbosc se sentit dépassé, il était de la trempe de Louis XVI et croyait qu'on arrêterait la Révolution sans violence. Mais la Révolution elle-même n'était-elle pas la pire des violences ? Faute de s'être posé la question, il se retrouva interné le 27 février à Pont-Saint-Esprit par les hérauts des Droits de l'Homme... Une quinzaine de jours plus tard son corps fut retrouvé sur les bords du Rhône. Un assassinat déguisé en suicide... Car les révolutionnaires avaient décidé de disperser le camp de Jalès : l'armée "citoyenne" recrutée parmi des volontaires du Gard, de la Drôme et du Vaucluse était un véritable club où les motions les plus incendiaires étaient acclamés. Ils ne manifestaient aucune pitié. Du coup le comte d'Artois et le prince de Condé quittèrent Turin le premier pour Venise et le second pour Worms ; ils avaient perdu l'espérance de voir s'embraser tout le Sud-Est.

    Les Vivarois ne s'avouaient pas vaincus : après que le pape Pie VI eut, enfin !, condamné par la bulle Quod aliquantum du 10 mars 1792 la constitution civile du clergé, ils reprirent courage. L'on retrouva les deux abbés intrépides, l'abbé Allier et l'abbé La Molette, tout prêts à reprendre le combat. Le premier avait rencontré en février à Coblence les comtes de Provence et d'Artois, frères du roi. Ceux-ci étaient désireux de coordonner le mouvement avec celui qui s'ébauchait dans d'autres provinces car on commençait à bouger à Toulouse,à Castres, en Franche Comté ; le marquis de La Rouërie venait de lancer l'Association bretonne.

    Trouvant que l'on tergiversait, un Drômois, le comte de Saillans, précipita les choses faisant sonner le tocsin pour attirer à lui les paysans. Il réussit le 7 juillet à s'emparer du château de Banne dominant la plaine des Vans et le bois de Païolive mais il ne put étendre son autorité sur tout le Sud-Ouest du Vivarais, car les troupes du département ayant eu vent du complot, renforcées par celles du Gard et de Lozère, vinrent l'encercler. Malgré des prodiges d'héroïsme, il fut arrêté le 12 juillet, et sauvagement traîné place de Grave aux Vans pour y être massacré tandis que le château de Banne était totalement détruit par un incendie de plusieurs jours. Même sort pour la commanderie de Jalès.

    Les représailles furent atroces ; 200 conjurés avaient déjà péri le 14 juillet dont neuf prêtres insermentés aux Vans. Ceux qui échappèrent à la mort devaient se retrouver à Paris à la Conciergerie sous la Terreur. Quant à l'abbé Allier, il devait monter sur l'échafaud le 16 septembre 1793 à Mende. Mais les royalistes vivarois devaient encore, de ci de là, manifester leur insoumission jusque sous le Directoire et même l'Empire. Honneur à la chouannerie vivaroise ! Inexpérimentée à ses débuts, elle atteignit le tragique et le sublime dans l'affrontement avec la Révolution. Elle démarra la première, bien avant les provinces de l'Ouest, mais celles-ci surent alors en tirer la leçon : la contre-révolution devait être totale, et pas seulement religieuse, car il n'y avait rien à attendre des nouvelles autorités en place.

    Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 1er au 14 juillet 2010

  • ZOOM - Olivier Landron : Tout sur les catholiques de tradition

  • Conférence sur les Corporations :

    La révolution Française ne fut pas du tout, comme on l'affirme mensongèrement dans les écoles républicaines, une révolution du Peuple.
    Elaborée au départ dans des officines maçonniques et des "Sociétés de Pensées" composées en grande partie de gens de noblesse, c'est la bourgeoisie d'affaires voltairienne et nantie qui fut le ferment, le moteur et - finalement - la seule bénéficiaire de ce coup de force perpétré contre un régime politique qui refusait traditionnellement d'admettre l'exclusive suprématie des "gagneurs d'or" sur les représentants de toutes les autres valeurs matérielles et spirituelles de la Nation.
    La preuve irréfutable de ce que nous écrivons ci-dessus se trouve inscrite, noir sur blanc, dans un décret pris par l'Assemblée Constituante le 14 Juin 1791, décret connu sous le nom de Loi LE CHAPELIER.
    Voici les termes exacts de ce décret:
    ARTICLE PREMIER
    "L'anéantissement de toutes les espèces de Corporations d'un même état et profession étant une des bases fondamentales de la Constitution Française, il est défendu de les rétablir sous quelque prétexe et quelque forme que ce soit."
    ARTICLE SECOND
    "Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni présidents, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibération, former des règlements SUR LEURS PRÉTENDUS INTERÊTS COMMUNS."
    En clair, et par ces quelques lignes, les soi-disant champions le LA Liberté (abstraite) étranglaient, purement et simplement, LES Libertés (concrètes) de tous les travailleurs de France, lesquels pouvaient désormais être exploités, bafoués et maltraités à l'aise par la bourgeoisie d'affaires, sans avoir le droit de se réunir entre eux...ni même celui de tenir le moindre registre exposant leurs doléances.
    ...Il a fallut ensuite, à la classe ouvrière, plus d'un siècle de luttes farouches et souvent meurtrières pour retrouver le droit de "se nommer syndics" c'est-à-dire de se syndiquer.
    Elle n'a, du reste, pû y parvenir qu'en faisant surgir des syndicats politisés...et des syndicats patronaux, d'où d'inépuisables luttes d'influences, ainsi que des ruineuses luttes de classes dont seuls profitent les agitateurs professionnels, les politicards de tout poil et, surtout...les hautes puissances plus ou moins occultes de la Super-Finance internationale.
    C'est donc, à partir de ces faits historiques et non pas des élucubrations mensongères et intéressées des héritiers matériels et intellectuels de la Révolution, que le Corporatisme entend examiner objectivement et sans préjugé les problèmes sociaux et économique de notre temps.
    C'est également, à partir de ces faits, qui sont à l'origine de la Société matérialiste et des collectivismes financiers privés et marxistes dont l'Occident Chrétien souffre et vacille aujourd'hui, que le Corporatisme tient à tirer des conclusions et à apporter des solutions qui lui semblent valables.
    Cette Loi LE CHAPELIER, ne sera que le complément d'un décret voté le 2 mars 1791 sous la proposition de Pierre D'ALLARDE.
    Le décret d’Allarde supprime les corporations, introduisant un changement radical dans l’économie et l’organisation du travail. Les corporations étaient des regroupements de personnes exerçant le même métier. Cette structure née au Moyen-Âge permettait à un corps de métiers d’exercer un monopole par secteur, souvent par ville, et d’avoir un certain poids politique. Mais elle subissait depuis le début du siècle la concurrence avec un modèle industriel capitaliste reposant sur la libre concurrence. Renforcée par la loi Le Chapelier, ce décret permet ainsi de modifier l’économie (capitaliste) ainsi que le statut de l’employé (prolétaire). La loi Le Chapelier sera aussi l’occasion d’interdire le droit de grève.

  • Les rassemblements royalistes de Provence ... 35 ans d'action politique

    Retour, ce dimanche, sur cette frange de 35 ans d'histoire du royalisme français et d'histoire de l'Action française, qui a laissé des traces et des souvenirs durables dans le Midi et au delà. 

    L'aventure des Rassemblements Royalistes de Provence commence, sous la présidence de Pierre Chauvet, le 8 juin 1969, entre les deux tours de l'élection présidentielle, à l'abbaye de Montmajour, dans la plaine d'Arles.

    L’Union Royaliste Provençale osait organiser une réunion populaire ! Elle reprenait la tradition des rassemblements d’avant-guerre et faisait revivre le midi royaliste.  

    Le pari fut réussi. L'expérience pouvait se renouveler. Le Rassemblement avait désormais un retentissement national. L’aventure s’est prolongée pendant plus de 35 ans [1969-2005]. 

    Les Rassemblements royalistes de Montmajour, Saint Martin de Crau, les Baux, donnaient lieu à une action de communication dans tout le Sud-est, grâce à une mobilisation militante importante. Certaines années, 25.000 affiches sont collées; 100.000 tracts sont distribués; des disques, des manifestes, des brochures, des journaux  sont édités. La presse écrite, la radio, la télévision sont présentes.

    Les présidents du comité d'honneur : En 1969, ce fut   Jacques MAURRAS; en 1970, le duc de LEVIS-MIREPOIX, en 1971, Thierry MAULNIER qui envoyait un message à la foule, en 1972, le duc de Castries, trois académiciens français …  

    Le  « Manifeste de Montmajour » analyse  royaliste de la société contemporaine, fut publié en 1971.  

    Saint Martin de Crau accueillit le Rassemblement en 1972, l'État ayant pris entièrement possession de Montmajour. Malgré la pluie, ce fut une grande foule qui s'y rassembla.  

    Le Rassemblement s’est tenu aux Baux de Provence, à partir de 1973. Cette année-là, pendant quinze numéros, « L'Ordre Provençal » devint quotidien (avec prises de position sur l'actualité, échos de la campagne des Baux, enquêtes). 

    Les Rassemblements à thème débutèrent en 1974. Cette année-là, ce fut : « Pour une contre-révolution globale ». En 1975, les royalistes s’attachèrent à défendre l'armée, alors vivement attaquée. Le thème de l'année suivante fut : « ni libéralisme, ni collectivisme, réaction populaire ». Jean   DUTOURD adressa aux participants une lettre où il s'affirmait pour la première  fois royaliste.

    Le Rassemblement de 1977 servit de lancement à « Je Suis Français », mensuel de diffusion nationale.                                                                

    En 1979, le Comte de Paris publia ses « Mémoires d'exil et de combat ». Les Baux prirent pour thème : « instaurons la Monarchie ». Le thème du Rassemblement de 1981 fut : « Résister », première réaction à l’arrivée de la gauche au pouvoir. 1983 et 1984 contribuèrent à la défense de l'école libre. En 1985, Gabriel Domenech, rédacteur en chef du grand quotidien régional Le Méridional, vint dire son accord avec les idées royalistes. 1987 commémora avec ampleur le Millénaire Capétien. Une étude de deux militants marseillais, fut alors publiée : « Pour la monarchie de demain ».

    Les Rassemblements de 1989 & 93 ont été ceux du bicentenaire de la Révolution, du martyre de LOUIS XVI, de la Vendée, des années de Terreur. Malgré les mythes officiels, ce furent, en réalité, les premières manifestations du totalitarisme moderne. Ce thème fut brillamment traité aux Baux.          

    En 1995, les royalistes des BAUX manifestèrent leur scepticisme après la toute récente élection de Jacques Chirac à la tête de l'État. En 1996, le thème fut : « Pour   défendre l’identité chrétienne et royale de la France ». La   réunion de 1997 (« demain sauver la France ») manifestait  l’opposition des royalistes à l’Europe de Maastricht. 

    Les Rassemblements Royalistes de Provence devenus une tradition ont souvent eu un grand écho médiatique. Ils ont été une tribune pour les idées royalistes en même temps qu’un moyen de discuter, de prendre des contacts, de s'informer des activités royalistes en Provence et dans toute la France. Ce fut aussi une fête amicale (stands de livres, d'objets d'art, de jeux, bar, buffet, animations) et le point de départ des actions militantes de l'année qui suit. 

    Un changement important s’annonçait lors du Rassemblement de 1999 qui développait l’idée d’un nouveau « projet   national royal ». Ce projet s’incarne en effet dans un prince qui est annoncé en 2000 : “Un rendez-vous de l’Histoire qui se prépare”. Et en 2002, le Prince Jean de France, duc de Vendôme, accompagné de son frère, le prince Eudes, duc d’Angoulême, et de son épouse, choisit Les Baux comme lieu de la première rencontre publique entre la famille de France et les royalistes depuis des dizaines d’années.  

    Une « métamorphose » des Rassemblements prend forme en 2005 avec la création d’une journée de « débat royaliste » où des intellectuels de haut niveau analysent les problèmes contemporains, présentent nos positions et où l’on travaille, ensemble, aux progrès du projet national royal.

    Ce sont trente-cinq ans d'Action française, d'engagements politiques, que résume ce bref rappel historique. Après 2005, nos activités ont pris des orientations nouvelles, adaptées aux situations et aux techniques d'aujourd'hui. Rien n'empêche toutefois qu'en temps opportun l'aventure des rassemblements royalistes de Provence soit reprise, sous une forme ou sous une autre. La plus propre à servir l'idée nationale et royale. 

    Ils ont pris la parole dans ces rassemblements, parmi beaucoup d'autres ... 

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    [Dans l’ordre des photographies] 

    Pierre BOUTANG  - Pierre DEBRAY - Gérard de GUBERNATIS - Marcel JULLIAN - Gérard LECLERC - Jean RASPAIL - Michel de SAINT-PIERRE - Jean SEVILLIA - Gustave THIBON - Jacques TREMOLET de VILLERS - Jean Marc VARAUT - Vladimir VOLKOFF


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    L'aventure des rassemblements royalistes de Provence » : pour visiter l'album, cliquez sur l'image ci-contre. 

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  • VERS UNE RÉVOLUTION CULTURELLE ?

    L’actualité politique a été évidemment marquée, ces derniers jours, par le remaniement ministériel, a minima, qui, toutefois, a moins fait gloser que le départ bouffon de Taubira, qui l’a précédé de quelque jours. 

    Il est vrai, que dire du retour de Ayrault en remplacement du catastrophique Fabius promu à la présidence du Conseil constitutionnel, de l’arrivée de trois ministres écologistes, d’un retour au respect strict de la parité dans l’équipe ministérielle ou de la création de secrétariats d’Etat à l’intitulé démagogique — on croyait avoir tout vu, en 1981, avec le ministère du temps libre ? C’était sans compter des équipes de communicants pouvant vendre n’importe quoi à un François Hollande, voire à un Manuel Valls qu’on pensait plus lucide, totalement dépourvus du sens du ridicule. Croient-ils que les Français, confrontés, sur leur sol, au terrorisme islamiste, au déferlement migratoire et à l’aggravation de la crise économique, n’aient d’autre attente que la création d’un très stalinien secrétariat d’Etat à l’égalité réelle (sic), d’un autre, lacrymal, à l’aide aux victimes ou, d’un troisième, très politiquement correct, aux relations internationales sur le climat et à la biodiversité ? Alors qu’en temps de crise une équipe resserrée s’impose pour garantir la cohérence de l’action, Hollande, en homme de la IVe, a fait le choix inverse : satisfaire tous ceux qui pourront, pense-t-il, l’aider à gagner en 2017, des radicaux de gauche, avec le retour de leur président, Baylet, ancien ministre, ancien député, ancien sénateur, et présentement puissant homme de presse, qui jappait d’impatience depuis le début du quinquennat, aux deux tendances écologistes : EELV par la personne d’Emmanuelle Cosse, et la dissidence. Non sans que cette promotion d’arrivistes notoires n’achève une mouvance qui, depuis sa création, n’a jamais su donner que le pire des spectacles politiciens, ce qui est assez naturel pour un parti dépourvu de tout sens de la cité : il est alors condamné à n’être que sa propre caricature, l’ambition personnelle ne pouvant prendre le masque de la recherche du Bien commun.

    Hollande pense-t-il ainsi neutraliser les écologistes comme Mitterrand l’avait fait des communistes ? Si oui, un référendum sur Notre-Dame-des-Landes n’est pas, à ses yeux, trop cher payé. Outre sa légalité incertaine, celui-ci montre surtout combien notre chef d’Etat se défausse lâchement sur une fraction du pays réel — laquelle ? —, de la poursuite, ou non, d’un projet insensé qui n’a pour lui que d’être soutenu par les potentats locaux du pays légal, droite et gauche confondues, au mépris de l’intérêt général. Hollande pense certainement avoir manœuvré en génial tacticien — quand on lui demande simplement d’être un bon artisan du Bien commun. Peut-être ne réussira-t-il qu’à s’enferrer dans cette nouvelle idée grandiose comme il se trouve déjà pris à son propre piège dans la question de la déchéance de nationalité, dont le feuilleton laisse désormais indifférents les Français. Si le projet de loi constitutionnelle a été adopté à l’Assemblée, il doit l’être dans les mêmes termes par le Sénat pour pouvoir être présenté devant le Congrès. Or rien n’est moins sûr, les sénateurs ayant annoncé qu’ils détricoteraient le texte gouvernemental. La réforme constitutionnelle sera-t-elle le sparadrap dont n’arrivera pas à se défaire notre capitaine de pédalos ? Le capitaine Haddock a lui, au moins, le mérite d’être drôle.

    Moins comique, en revanche : le fait que, pendant ce temps, le Gouvernement confirme avec cynisme son choix délibéré de sacrifier l’agriculture française sur l’autel libre-échangiste bruxellois. Chaque jour apporte une nouvelle preuve non seulement de son indifférence aux drames vécus par les paysans français mais également d’une destruction préméditée de ce qui est toujours, mais pour combien de temps encore, la première puissance agricole européenne et la quatrième mondiale, d’autant que nos exportations reculent fortement depuis 1995, et singulièrement depuis 2007, la droite, puis la gauche, ayant systématiquement sacrifié notre agriculture à l’occasion de la réforme de la politique agricole commune, au profit de l’agriculture allemande et est-européenne. La servilité envers le maître allemand se paie et ce ne sont pas les rodomontades de nos ministres aux conseils européens, comme celui de ce lundi 15 février, qui changeront quoi que ce soit : elles n’ont d’autre objet que de calmer la colère des agriculteurs, ce qui n’est pas gagné d’avance, car une part grandissante d’entre eux n’a plus rien à perdre. Ils ont aujourd’hui l’énergie du désespoir. Mais qu’importe au pays légal ? Leur poids électoral a baissé avec la fermeture des exploitations et la promotion d’un modèle à l’américaine ou à l’allemande, plus libéral que familial et indifférent à l’impact environnemental.

    Les solutions se trouvent dans des décisions nationales fortes, tournant le dos, notamment, à un prétendu libre marché reposant sur une concurrence déloyale et donc faussée. Un autre modèle que le modèle productiviste, voulu par l’Europe, doit être également promu, favorisant la qualité, ce qui ne pourrait se faire qu’avec le soutien volontariste de l’Etat, chose impensable pour nos politiciens soumis aux règlements bruxellois, et pour une FNSEA dont le double jeu n’est un secret pour personne. Car les agriculteurs, du moins les plus conscients d’entre eux, veulent promouvoir une agriculture humaine, leur permettant de vivre non pas de subventions mais des fruits de leur labeur. Il n’est pas certain toutefois qu’ils aient tous compris que, là aussi, l’Europe, et un syndicalisme pro-bruxellois favorisant la dilution de leur secteur dans le mondialisme sont le problème et non la solution , alors qu’ils se trouvent enchaînés pieds et poings liés à un modèle qui les tue. Se dégager de telles entraves demanderait de la part d’un Etat redevenu national une révolution juridique et, de leur part, une révolution culturelle — la même que celle que les Français devront engager pour ne plus voter, comme des moutons de Panurge, pour les représentants d’une système qui, pour craquer de partout, ne les conduit pas moins à la catastrophe sur tous les plans : agricole, industriel, économique, bien sûr, mais aussi, plus essentiellement encore, civilisationnel.

    Justement : « Le processus d’intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses.  » Ces sages propos sont tirés de la déclaration commune du pape François et du patriarche russe Kirill, publiée à l’issue de leur entrevue le 12 février à Cuba. On ne saurait évidemment trop saluer cette rencontre — une première près de mille ans après le grand schisme —, ni cette lucidité. Sous l’influence du réalisme orthodoxe russe, le discours catholique officiel tournerait-il enfin le dos aux niaises illusions démocrates-chrétiennes voyant dans l’Union européenne une résurgence de la Chrétienté ? Le patriarche russe ne pouvant être soupçonné d’être un partisan d’une « intégration » à la bruxelloise, ces propos doivent être lus, à terme, comme le certificat de décès de la notion même d’intégration européenne. Maurras aimait à rappeler que l’Eglise est la seule internationale qui tienne — européenne ou mondiale, jamais impériale. Des nations pérennes demeurent les réalités premières. Nous attendons désormais du pape François qu’il le rappelle aussi fermement que saint Jean-Paul II, pour lequel les nations étaient « les grandes institutrices des peuples ».  

    François Marcilhac 

    L’Action Française 2000  [Editorial]

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  • Le Lion Capétien : Louis VIII, l’autre roi croisé

    Tous les élèves qui n’ont pas connu l’heureux temps de l’histoire revue et corrigée par le gouvernement de la république ont entendu parler du règne constructeur de Philippe II, dit Auguste, et celui de Louis IX, futur saint Louis. Mais combien se souviennent qu’il y eut un roi entre ces deux grands souverains ? Fils du premier et père du second, Louis VIII est coincé entre ces figures tutélaires. Jusqu’au lycée, je me souvenais seulement qu’il fut le premier à ne pas être sacré du vivant de son père et qu’il descendait à la fois de Hugues Capet et de l’adversaire farouche de ce dernier : Charles de Basse-Lotharingie. Plus tard, par curiosité personnelle, j’appris que ce court règne fut marqué par deux éclatantes campagnes militaires. Car Louis VIII fut le vainqueur du comte Raymond de Toulouse après avoir été l’héritier qui chassait les Anglais de Guyenne.

    Fils de Philippe II et d’Isabelle de Hainaut, Louis naît le 5 septembre (comme un certain Louis XIV !) 1187 à Paris. Son règne débute le 14 juillet 1223 à la mort de son père et son sacre a lieu quelques jours après son avènement, le 6 août. Il est l’aîné du roi mais il est le premier héritier à ne pas être associé au trône et à ne pas être sacré car Philippe Auguste estime que le principe héréditaire est à  présent ancré. Ce pari sur l’avenir va s’avérer payant : Louis ne va pas chercher à nuire à son père mais va au contraire aider le royaume à se fortifier. C’est ce jeune Prince qui va combattre Jean sans Terre, roi d’Angleterre qui s’est allié avec Othon IV, l’empereur du Saint-Empire romain germanique. Ce dernier doit attaquer le Nord du royaume tandis que l’Anglais attaque par le Sud. Philippe part à la rencontre d’Othon tandis que son fils va attaquer les Anglais. Jean sans Terre surestime l’armée qu’il voit fondre sur lui et fuit sans même combattre devant la forteresse de Savennières (La-Roche-aux-Moines) dans l’actuel Maine-et-Loire. Il y laisse ses engins de siège. Louis est donc vainqueur sans combattre en ce 2 juillet 1214. Quelques jours plus tard, son père sera vainqueur à Bouvines et les Francs seront installés pour longtemps comme une nation imprenable. Louis sort de cette campagne avec le surnom de « Louis le Lion ». Jean sans Terre est trahi par les barons révoltés qui promettent à Louis la Couronne, car il est l’époux de Blanche de Castille, petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine. Par cette alliance et ce jeu d’héritages, Louis débarque en Angleterre avec 1500 hommes que soutiennent les barons rebelles et leurs mercenaires. S’il prend de facto le pouvoir, Louis n’est pas couronné car aucun évêque n’est disponible. Jean sans Terre meurt rapidement et les barons prennent peur de ce Prince franc qui a tout pour devenir un roi dynamique et ambitieux, et désignent le fils du défunt Jean. Ainsi Henry III devient roi. Louis se bat mais il est battu assez largement à Lincoln en mai 1217. Le 11 septembre 1217, Louis renonce au trône contre une compensation financière lors du traité de Lambeth. Une fois sacré roi de France, celui qui est devenu Louis VIII tente de s’emparer des possessions anglaises en France car les Anglais n’ont pas tenu leur parole donné lors du traité de 1217. Louis VIII s’empare de la Guyenne, qui correspond peu ou prou à notre Aquitaine. C’est une campagne rapide d’autant plus que le roi Henry III est mineur. A ce dernier, il reste plus que Bordeaux, la Gascogne et les îles anglo-normandes, tout le reste du Sud-Ouest ayant été repris par Louis VIII.

    Pour la plupart des français, Louis VIII est le roi de la Croisade contre les Albigeois. Profitons de ces lignes pour rappeler que les Albigeois sont des hérétiques devenus peu à peu une religion nouvelle qui établit l’existence d’un dieu bon créateur de l’âme et un dieu mauvais créateur du monde. Ainsi, le corps, la sexualité tout ce qui s’y rapporte est intiment néfaste et péché pour les Albigeois, alors nommés « parfaits » ou bougres (terme issu de « bulgares », ceux-ci étant censés être homosexuels… or les parfaits refusant la sexualité et la reproduction ont préféré l’homosexualité et ont ainsi hérité de ce nom !).                              

    Revenons à Louis VIII ! En 1218, Amaury VI de Montfort, fils de Simon IV, hérite de son père du Languedoc. Cette région est en plein trouble en révolte. Aussi, Amaury préfère laisser son fief au roi de France en échange du titre de connétable, c’est-à-dire de premier chef des armées après le roi. Le comte de Toulouse d’alors est soupçonné d’abriter des Albigeois sur son fief. Un concile se tient donc à Bourges en 1225 qui décrète qu’une croisade doit être menée pour détruire l’hérésie. Le Chef de l’expédition est naturellement Louis VIII. Les milliers de chevaliers qui partirent avec leur roi prirent la direction de la vallée du Rhône où les villes faisaient leur soumission à Louis VIII. Seule Avignon refusa, et pour cause : cette ville appartenait à Raymond VII de Toulouse. Son siège dura trois mois et fut victorieux. Aussitôt que la nouvelle de la prise d’Avignon, porte d’entrée du Languedoc, fut connue les villes de Nîmes, Carcassonne, Castres et Albi se rendirent au roi. Raymond de Toulouse s’enferma dans sa ville qui fut assiégée. Les croisés furent cependant atteints de maladies, l’hiver fut rude et le siège fut ajourné. Plus grave encore, en 1226, le comte Thibault de Champagne se brouilla avec Louis VIII. Le 30 juillet 1226, son armée quitta même l’ost royal devant Avignon, arguant que son service obligatoire de quarante jours était achevé.

    Mais Louis VIII n’eut pas le temps de se lamenter. Atteint de dysenterie, le roi mourut au château de Montpensier, en Auvergne, le 8 novembre 1226. Certains chroniqueurs et contemporains y virent un empoisonnement par Thibault de Champagne.

    Le roi défunt fut inhumé à saint Denys le 15 novembre alors que ces entrailles et son cœur furent déposés en l’abbaye de saint-André-lèz-Clermont. Jusqu’à la Guerre de Cent ans, l’on pouvait admirer son tombeau d’or et d’argent, ensuite remplacé par une dalle en pierre. En 1793, lors du pillage et de la profanation des tombes royales, on le découvrit : son cercueil était recouvert d’une pierre ornée d’une croix en demi-relief, le corps du roi était dans un suaire d’or. C’est l’unique roi inhumé de la sorte.

    Son règne aura duré trois ans alors que celui de son père Philippe II a duré 43 ans comme celui de son grand-père Louis VII, celui de son fils qui allait devenir le saint que l’on sait durera presque 44 ans. En trois petites années, Louis VIII s’acquitta de son métier de roi avec brio : il reprit la majorité de la Guyenne aux Anglais et permit l’extinction de la crise des Albigeois, aujourd’hui qualifiée à tort d’hérésie [j’y reviendrais dans un prochain article, ndla]. Surnommé « le Lion », Louis est décrit comme un chevalier courageux. Sans aucun doute, il fut un exemple pour ses fils.

    Charles d’Antioche

    http://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/1814-le-lion-capetien-louis-viii-l-autre-roi-croise