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culture et histoire - Page 1205

  • Le «Je suis Romain !» de Maurras

    « Je suis Romain, parce que Rome, dès le consul Marius et le divin Jules, jusqu’à Théodose, ébaucha la première configuration de ma France. Je suis Romain, parce que Rome, la Rome des prêtres et des papes, a donné la solidité éternelle du sentiment, des mœurs, de la langue, du culte, à l’œuvre politique des généraux, des administrateurs et des juges romains.
    Je suis Romain, parce que si mes pères n’avaient pas été Romains comme je le suis, la première invasion barbare, entre le Ve et le Xe siècle, aurait fait aujourd’hui de moi une espèce d’Allemand ou de Norvégien.
    Je suis Romain, parce que, n’était ma romanité tutélaire, la seconde invasion barbare, qui eut lieu au XVIe siècle, l’invasion protestante, aurait tiré de moi une espèce de Suisse.
    Je suis Romain dès que j’abonde en mon être historique, intellectuel et moral. Je suis Romain parce que si je ne l’étais pas je n’aurais à peu près plus rien de français. »

    Charles Maurras – Dilemme de Marc Sangnier

    http://reconquetefrancaise.fr/le-je-suis-romain-de-maurras/

  • Le nationalisme est un réalisme pragmatique

    « La politique c’est l’art de guider la nation. »
    (J. Haupt – Le procès de la démocratie).

    « La dialectique et l’émotion, la sèche analyse intellectuelle et la frénésie de l’esprit sentimental ».
    (P. Bourget – Banquet de l’Appel au soldat de 1904).

    La philosophie politique se doit d’être pragmatique sur la nature des hommes et des sociétés, mais encore faut-il pour ça ne pas se tromper sur celle-ci. Ici, nous ferons donc abstraction des délires abstraits d’un Jean-Jacques Rousseau et son « contrat »sur lesdites sources « d’inégalités » sociales…

    Ce pragmatisme, on l’observe chez des auteurs comme Paul Bourget (1852-1935), fondateur de l’École du Traditionalisme français. Une pensée qui lie la science avec la politique.

    D’abord romancier expérimental, il devient moraliste et porte un intérêt pour la psychologie, pour enfin épouser les domaines de la science, de la foi catholique et des réalités naturelles, de l’Ordre naturel. Ses analyses relèvent de l’expérimental, toujours basé sur les lois biologiques, tout comme chez Charles Maurras ou encore le docteur Alexis Carrel, et il établit donc des recherches scientifiques dans le domaine philosophique et politique. Ce qui explique pourquoi il revendique que :

    « Ce n’est pas une construction idéologique qu’il faut entreprendre, ce sont des observations qu’il faut dégager. C’est proprement l’application de la méthode scientifique à la vie morale et sociale. »
    (Quelques témoignages).
    « La politique c’est, la recherche des lois naturelles de la Cité par voie d’observation. »

    (Études et portraits).

    L’idée est de dire qu’il est possible d’avoir des idées contre la nature, mais qu’il est impossible de contourner cette réalité. Mettre la main au feu brûlera toujours.

    À partir de son livre Le Disciple il condamne philosophiquement le scientisme, le matérialisme et le naturalisme. Il refuse tout ce qui a été dénaturé ou déstructuré par la révolution anti-française de 1789, et devient par conséquent un fervent défenseur de l’identité et de la famille, comme structure de base, en mettant en avant les lois rationnelles de la vie en société :

    « Notre individu ne peut trouver son ampleur, sa force, son épanouissement que dans le groupe naturel dont il est issu. »
    « L’organe local de cette race est la nation, plus profondément la région, et plus profondément encore la famille. Ou plutôt nation, région, famille ne font qu’un. »
    (Discours de 1904 au banquet « l’Appel au soldat » organisé parl’Action française, en présence de Maurice Barrès).

    Voilà pourquoi le regretté Jacques Ploncard d’Assac a relaté cet auteur comme l’un des maîtres à penser du nationalisme français dans son livre Doctrines du nationalisme.

    « Rassemblons des faits pour avoir des idées. »
    (Maxime de Buffon).

    « Le saint, qu’il prie pour nous ; le savant, qu’il nous instruise ; c’est le prudent qui doit nous gouverner.»
    (R.P. Sineux – Initiation à la théologie de saint Thomas d’Aquin).

    Pragmatisme, c’est dire que la valeur pratique est le principe du vrai, il s’agit certes d’un terme moderne, mais il était déjà contenu par le passé dans la vertu de prudence. L’idéologie est au systématique ce que le pragmatisme est à la prudence. Ce qui écarte tout type de pensée toute faite, automatique.

    L’analyse et l’action doivent d’ailleurs aller de pair avec la prudence en politique, chose prônée par Aristote précurseur de la pensée réaliste, pour être ensuite reprise et perfectionnée par saint-Thomas d’Aquin, un grand Docteur de l’Église qui a accompli la pensée du philosophe grec de l’ère préchrétienne en y ajoutant sa partie surnaturelle. La prudence est aussi une vertu cardinale pour l’Église, celle dont dépend toutes les vertus morales.


    9782845191944_1_075146.jpg«
    Réfléchir avant d’agir. Peser le pour et le contre, mesurer à l’avance, autant qu’il est possible, les conséquences d’un acte ou d’une attitude, s’entourer d’un maximum de garanties pour parer à un échec et assurer la réussite, le cas échéant donner à d’autres les conseils opportuns pour éviter le mal et réaliser le bien…, tout ce qui concerne la part d’intervention de chacune des facultés, l’harmonieux équilibre à maintenir entre les diverses influences et le dosage des tendances opposées, tout cela est l’œuvre de la Prudence. (…)

    Quoi qu’il en soit, le prudent est bien celui qui voit clair, tant parce qu’il connaît les principes universels qui régissent l’agir humain, que parce qu’il sait en faire l’application judicieuse aux circonstances particulières ; celui qui voit loin même, capable de découvrir largement les effets dans leurs causes, de projeter sur l’avenir les clartés du présent, autant que de retenir les lumières de l’expérience pour en faire les flambeaux de nouveaux essais. (…)

    La Prudence prévoit afin de pourvoir ; elle guide le choix, puis commande l’action. Car les délibérations sans fin seraient hésitations plutôt que prudence ; et la vertu étant puissance d’action ne peut rester aux préliminaires, elle arrive sans tarder à la décision et à l’exécution ; l’imperium. La vertu de Prudence est la plus indispensable à quiconque est chargé de régir la société.»
    Révérend Père Raphaël Sineux – Initiation à la théologie de saint Thomas d’Aquin – La nature de la Prudence (extrait).

    « L’adéquation de l’intelligence à la réalité des choses. »
    (St. Thomas – Somme théologique). 

  • Éloge du combat nationaliste intransigeant de Pierre Sidos par Joseph Merel

    de-quelques-problemes-politico-religieux-contemporains-stepinac.jpg« Pierre Sidos, nationaliste français intransigeant, d’un grand courage, complètement désintéressé, et d’une parfaite fidélité à sa doctrine, ce qui mérite respect et reconnaissance. Pierre Sidos est le seul nationaliste français, depuis cinquante ans, à avoir été capable de professer un catholicisme intègre, un révisionnisme héroïque, un anti-communisme à toute épreuve ; un anti-libéralisme, un anti-sionisme, un anti-judaïsme, un anti-démocratisme sans concession. Il est le seul dirigeant français à avoir eu la lucidité de revendiquer, de surcroit sans mimétisme anachronique, l’héritage du fascisme. Il est peut-être l’unique responsable politique français encore vivant à avoir su comprendre et professer que l’intérêt véritable de la France eut été d’œuvrer à la victoire du national-socialisme. »
    Joseph Merel (alias Stepinac) dans « De quelques problèmes politico-religieux contemporains » – Chapitre V : L’Europe et les nationalismes – Page 130.

    http://pierresidos.fr/2016/02/15/eloge-du-combat-nationaliste-de-pierre-sidos-par-joseph-merel/

  • Antoine Blanc de Saint-Bonnet (1815 - 1882)

    A prendre leur état civil, c'est de Le Play qu'il faudrait d'abord parler, puisque, né en 1806, il est de neuf ans l'aîné de Blanc e Saint-Bonnet. Mais, si nous prenons la chronologie de leur oeuvre, c'est au cadet qu'il faut donner le pas. Lorsque Le Play, publiera, en 1855, ses fameux Ouvriers Européens, il y aura déjà onze ans que l'ancien mousquetaire noir de Louis XVIII, M. de Salvandy, devenu Ministre de l'Instruction Publique de Louis-Philippe, a décoré de la Légion d'Honneur un jeune sociologue de 29 ans, pour un imposant ouvrage en trois volumes, De l'Unité Spirituelle, ou de la Société et de son But au delà du Temps. A vingt-cinq ans, ce provincial, en écrivant un opuscule intitulé : Notion de l'Homme tirée de la notion de Dieu, avait déjà annoncé quel problème ferait l'objet des réflexions, des études et des approfondissements de toute sa vie. C'est le problème de la Contre-Révolution. La Révolution est l'aboutissement logique d'une philosophie matérialiste qui veut voir en l'homme indéfiniment perfectible le Dieu de l'avenir ; pour combattre la Révolution et son oeuvre de mort, il faut opposer à cette philosophie la Théologie, qui nous enseigne que, depuis la faute d'Adam, l'Humanité est infirme et ne peut avancer qu'en s'appuyant sur son Rédempteur. « Voici le fait : il y eut une Chute, il y a le mal, il est au sein de l'homme. Il faut le préserver des suites et lui rendre le bien, ainsi que la vérité perdue. Il faut, à l'aide du secours divin, que l'homme remonte à l'état de vertu et de charité, qu'il aurait dû primitivement atteindre » (1).

    Antoine de Saint-Bonnet appartient à la bourgeoisie aisée. Celui qui a écrit : « Qu'est-ce que le bourgeois ? Un homme du peuple qui a économisé » sait fort bien que sa particule n'est là que pour le localiser, et, littéralement, le particulariser. Blanc est un patronyme assez commun ; pour éviter des confusions, Joseph Blanc, père d'Antoine, avait pris l'habitude de signer Blanc-Saint-Bonnet, du lieu dont sa famille était issue et où, en qualité d'homme d'affaires des moines de Savigny, il avait acquis une propriété. Plus tard, le tiret se transforma en particule. Ce Saint-Bonnet-le-Froid, qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme du Velay, est un hameau des monts du Lyonnais, que l'on peut gagner, soit par Grézieu-la-Varenne, soit par Vaugneray, et qui n'est guère qu'à cinq lieues de Lyon. De ses 700 mètres d'altitude, on a une très belle vue sur les monts du Beaujolais au point où ils touchent au Forez. Le château, aujourd'hui mi-ferme, mi-auberge, voisinait avec une chapelle ruinée par la Révolution et reconstruite par le philosophe. C'est lui pareillement qui avait entouré la vieille demeure d'une forêt de sapins maintenant décimée. Antoine, né à Lyon le 28 janvier 1815, passera son enfance dans cette solitude. Plus tard, les étés ramèneront le collégien, puis l'étudiant, sous les frais ombrages de Saint-Bonnet ; plus tard encore, vers 1840, il en fera sa résidence principale. S'il est vrai - et c'est vrai - que l'homme, pétri du limon de la terre, garde l'empreinte des paysages que son enfance a aimés et qui restent le cadre de son activité, rien d'étonnant à ce que l'oeuvre de Blanc de Saint-Bonnet porte la marque de la puissante et austère majesté qui émane de la montagne et de la forêt. Ses parents le destinaient au notariat, mais il avait peu de penchant pour grossoyer des actes. La mort prématurée de son père lui donnera licence de se laisser aller à son goût pour les sciences politiques. Sans doute y fut-il aidé par l'impulsion qu'avait donnée à son esprit son professeur de philosophie, l'abbé Noirot, qui deviendra Inspecteur général de l'Instruction Publique et aidera plus tard Le Play à retrouver la pratique religieuse. Il faut bien que l'influence de ce prêtre ait été forte pour que l'homme qui devait proclamer en 1851 : la démocratie triomphe, et je viens combattre la démocratie, ait accepté en 1848 de solliciter les voix des électeurs lyonnais - vainement d'ailleurs! - sur la même liste que l'abbé Noirot et que son ami Victor de Laprade, en déclarant : « La République est la forme naturelle de la Société chrétienne ! »

    Cette illusion, partagée alors par tant d'excellentes gens, se dissipera vite devant la leçon des événements. Il ne fut pas long à découvrir que la démagogie ruineuse sort inéluctablement de la démocratie, et qu'Alphonse Karr avait raison de dire « Il suffit de quelques grelots au bonnet de la Liberté pour en faire le bonnet de la Folie ». Trois ans après sa candide profession de foi démocratique, il publiera le fruit de ses réflexions dans son maître livre, La Restauration Française, à propos duquel Montalembert lui écrira : « Nul n'a vu de si haut ni plus loin que vous. » Quelques citations nous feront mesurer le cheminement de sa pensée « Vu l'état où le voltairianisme et les gouvernements ont mis les masses, la République, c'est la démocratie: la démocratie, c'est le socialisme; et le socialisme, c'est la démolition de l'homme. » ... « Le socialisme n'est que la religion de l'Envie. » ... « Par l'effet de sa chute, l'homme est à l'état d'envie. Quand le peuple entendit pour la première fois ces mots La propriété, c'est le vol, il a senti le raisonnement justificateur de ce qui sommeillait en lui depuis qu'il a perdu la roi. Et sa conscience ainsi faite, il a marché d'un trait dans la Révolution. » ... « Vous ne vouliez rien de divin, vous saurez ce que les moyens humains coûtent ! Vous vouliez l'institution à la place de la conscience, vous saurez ce que produit l'institution ! Payer dix militaires, quatre employés et deux mouchards où il n'y avait qu'à nourrir un prêtre, n'est pas le moyen de couvrir ses frais. » L'expérience des ateliers nationaux, ouverts par décrets du 25 février 1848, - et dont l'Assemblée Constituante dut ordonner la dissolution immédiate le 21 juin parce que leur inutilité n'en coûtait pas moins 150.000 francs par jour -, lui fait écrire :
    « Les hommes, dans leur méfiance, ont cru que le christianisme était faux. Ils ont dit : l'homme naît bon ; ils ont dit : il est ici bas pour jouir ; ils ont dit : la richesse est toute faite ; ils ont dit : tous y ont un égal droit ; ils ont dit : il faut égalité des salaires ; et l'on ouvrit les ateliers nationaux. Et qu'a fait l'homme bon ? Il a fait comme le sauvage, il s'est couché, déclarant que c'est à la Société de le nourrir. Si la méthode eût été générale, le pain manquant, il eût fallu, comme dans l'antiquité, forcer les bras au travail. Eh ! Nous y voilà donc... Ou le christianisme, ou l'esclavage. »
    Et ce raccourci étonnant qui contient toute la réfutation de l'utopie collectiviste : « Le socialisme suppose une immaculée conception de l'homme. » Si Jean-Jacques Rousseau avait raison ; si l'homme était naturellement bon ; si l'envie du bien d'autrui, ou de sa supériorité, n'habitait pas, dès sa tendre enfance, sa pensée ; si la paresse, sous l'euphémisme de loi du moindre effort, ne freinait pas d'ordinaire son activité ; si aucune convoitise, aucune violence, aucun désir de nuire à son prochain ne se trouvaient en germe dans son coeur, alors, évidemment, on pourrait imaginer une Société reposant sur le principe du collectivisme, autrement dit sur la mise en commun des efforts de chacun et sur la distribution des richesses créées par le travail de tous, entre chaque membre de la communauté, selon ses besoins. Malheureusement, l'homme n'est pas né sans tache.

    Tous les péchés capitaux sommeillent en lui, et justement tout l'art des meneurs de peuples consiste à faire concourir au bien commun les défauts mêmes de l'humanité, comme un habile navigateur sait utiliser les vents contraires pour aller de l'avant. Si l'homme est certain d'avoir ses besoins essentiels assurés par la collectivité, quelle que soit sa propre activité, il se laissera aller à sa nonchalance naturelle, et la paresse de chacun engendrera vite la misère de tous. Mais si vous mettez en jeu son égoïsme inné en promettant à l'effort accru une rétribution supplémentaire, la perspective de pouvoir satisfaire des convoitises nouvelles forcera au labeur son indolence native. Etre intéressé est, certes, un vilain défaut ; mais c'est un défaut que l'on peut faire servir à l'amélioration des conditions de vie d'un individu, d'une famille, voire d'une société. En transformant les « stakhanovistes » en une manière de héros civils au sort enviable, le régime bolcheviste reconnaît lui-même que l'esprit de vanité et de convoitise, stimulé par des avantages divers, est le plus efficace ressort d'une production intensifiée. Mais, du coup, les grands prêtres de la religion nouvelle ont renié le dogme fondamental de l'égalité entre les hommes et désavoué Rousseau : l'humanité n'est pas naturellement portée au bien. Et cela frappe de vanité toutes les Salentes bâties dans les nuées par tant de théoriciens socialistes. Cependant, il est des lieux qui s'en rapprochent. On voit ça et là de vastes demeures où, sans contrainte extérieure, des hommes et des femmes s'affairent à leurs travaux tout au long du jour, s'asseoient à la même table pour un frugal repas, et témoignent par leur visage calme et souriant que cette vie de labeur régulier, dont ils ne tirent aucun profit personnel, leur parait la plus belle du monde. Seulement ces hommes ou ces femmes, pour réaliser cet idéal collectiviste, ont dû se lier vis-à-vis d'eux-mêmes par un triple serment : renoncer à toute propriété personnelle, se refuser aux joies du foyer et des enfants qui le peupleraient, accepter d'avance et sans discussion les ordres du chef qu'ils auront choisi.

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  • Le cheval solaire dans les steppes de l’Eurasie

    De l’Atlantique à la Sibérie - Le cheval solaire dans les steppes de l’Eurasie
    Parmi les multiples cultures qui nous ont précédés sur notre espace ethno-culturel, il en est une qui est délicatement abandonnée dans un profond oubli : la culture des Scythes. Certes, ces sédentaires-nomades ont vécu à l’Est de l’Alsace et leurs incursions sur nos terres françaises sont relativement rares, si ce n’est quelques traces fort discrètes en Auvergne et en Bretagne. Ils ont pourtant occupé un territoire qu’un simple coup d’œil sur une carte de l’Eurasie permet d’évaluer depuis l’Autriche jusqu’en Mongolie. En proportion inverse de l’intérêt suscité dans les milieux “cultivés”. Hérodote en a parlé de manière fort attrayante, compétente et fiable dans son Histoire (IV). Nous savons qu’ils s’exprimaient dans une langue indo-iranienne, donc indo-européenne, donc de la famille qui est la nôtre au sens large du terme. Nous nous bornerons à évoquer ici un aspect très particulier de la culture de ces hommes et de ceux avec lesquels ils entretenaient des contacts.
    L’idée de steppes eurasiennes s’associe tout naturellement et spontanément dans notre esprit à l’image du cheval : Mongolie, cheval de Prjévalski et autres images d’Épinal. Le cheval a été le vecteur qui a porté l’homme dans ses multiples déplacements, c’est lui qui a permis la grande extension des Indo-européens à partir du foyer d’origine. Quoi donc d’étonnant si ces hommes ont voué un culte à leur monture, qu’ils l’aient identifié au Soleil et, au-delà, à l’Esprit suprême qui se révèle de façon exotérique aux humains à travers le disque de lumière.
    Le cheval a été aussi le protecteur de l’humain. En témoignent de nombreuses légendes sibériennes qui font état d’un preux chevalier attaqué par des ennemis qui ne peuvent en venir à bout tant que son cheval demeure en vie. Les anciens Iraniens ont une version de cette vieille légende : c’est Rostam dans le Shāh-nāme (Livre des Rois). Le héros se rend à Kaboul tandis que son propre frère et le roi de Kaboul complotent contre lui : ils font creuser un trou où sont cachés des pieux très pointus. Le cheval du héros sent le piège, renâcle, mais le héros l’oblige à avancer : cavalier et monture disparaissent dans le piège perfide qui leur est tendu. Pour le spécialiste russe Vladimir Loukonine, dans ses commentaires du Shāh-nāme, cette légende iranienne trouverait en réalité son origine chez les Scythes de Sibérie.
    Le symbolisme du cheval est probablement antérieur aux Scythes. Il est admis que le symbolisme zoomorphe a précédé le symbolisme anthropomorphe : l’humain s’est d’abord perçu comme un élément de la nature où il était dominé par les créatures de “l’Architecte de l’Univers”, dans lesquelles il a eu la modestie d’incarner les forces de l’univers avant de se glisser dans la place, pour finir, avec les temps modernes, pour se prendre pour le nombril du cosmos.
    Chez les Aryens, dans le Rig-Véda, Sūrya, dieu du Soleil et Agni, dieu du feu, sont conçus sous les traits de chevaux. Dans l’Avesta, ce sont également des chevaux qui incarnent Mithra, Siyāvush (Siiāuuaršan), Verethragna, Vayou et Tichtrya. L’ancien Iran connaît des traditions qui peuvent rappeler des souvenirs aux Français : notamment celle du Farn, cette force surnaturelle qui descend sur le roi, symbolisant la royauté, la grandeur et la puissance : elle se manifeste sous la forme d’un cheval, et non sous celle de la “Sainte Ampoule”. 
    Nous connaissons bien la tradition d’Hélios sur son char traîné par un attelage. Les contes russes font état de chevaux blancs ou noirs qui apportent respectivement le jour et la nuit sur Terre. L’ancienne Edda n’est pas avare d’évocations du cheval solaire. On sacrifie le cheval à la divinité suprême, médiatisée par le Soleil chez les éleveurs des steppes de l’Eurasie (Scythes, Saces, Massagètes), en Inde et chez d’autres Indo-Européens. L’image du cheval ailé est également fréquente : c’est le Pégase des Grecs, mais aussi l’Arasch [monture d’Abrskil] des Abkhazes. Le Manas[ou épopée de Manas], ce vieux recueil de légendes kirghizes, évoque également un cheval ailé.
    Le cheval solaire est fréquemment représenté sur les objets mis à jour par les archéologues en Sibérie. On a ainsi trouvé en Khakassie, dans la région de Bograd, des dessins de chevaux accompagnés de signes solaires et datant du Ve siècle avant notre ère.
    Le miroir orné d’un centaure appartenait assez souvent au costume du chaman evenk ou yakoute. Autrefois, les Youkaghirs portaient des pendentifs en argent ou en cuivre qui représentaient des chevaux et qu’ils qualifiaient de “soleils de poitrine”. La tradition des peuples sibériens a conservé de profondes traces du cheval solaire. Chez les Kètes, le héros de la légende reçoit un cheval du Soleil pour descendre sur Terre combattre un monstre diabolique avant de regagner les cieux.
    Dans un passé encore récent, le cheval était consacré au Ciel chez tous les peuples des monts Saïan et de l’Altaï. On trouve même la trace d’un culte du cheval solaire chez les populations de l’extrême Nord sibérien : la roue avec croisée en cuivre est le signe solaire le plus répandu chez les Nganassanes. Elle est liée au thème du héros. Les Scythes ont probablement véhiculé ces éléments d’une culture à l’autre, dans les sens les plus divers : ils ont été un trait d’union positif entre les différents points de l’immense espace que la Providence leur avait confié entre steppe et forêt sibérienne. C’est certainement grâce à leur influence que les populations du Baïkal étaient armées et chamarrées à la manière des Scythes. Certains affirment même que des Scythes ou des populations apparentées auraient atteint le Nord de la Chine où ils auraient exercé une influence déterminée. Des travaux le confirment tant sur le plan archéologique qu’anthropologique. Des pages fort intéressantes à cet égard sont consacrées par Vladimir Soloukhin dans son ouvrage Pamiat qui a donné le nom au mouvement patriotique russe que l’on sait et qui est traduit en français sous le nom de Memoria (Éditions du Progrès, Moscou). Un dernier mot, enfin, pour rappeler que dans son livre An Essay on the Druids, the Ancient Churches and the Round Towers of Ireland paru en 1871, Richard Smiddy estimait que les Celtes étaient nés d’une colonie scythique. L’art celte et l’art scythe sont très apparentés.
    Plusieurs ouvrages russes très compétents traitent de ces questions. Donnons leurs coordonnées en français
    • V. P. Alexeyev : « Données nouvelles sur la race européenne en Asie centrale », in :Geografija chelovecheskih ras (Géographie des races humaines / Geography of Human Races), éd. Nauka, Novossibirsk, 1974.
    • M. V. Krioukov, M. V. Sofronov, and N. N. Tcheboksarov, Drevnie Kitaitsy : problemy etnogeneza (Les anciens Chinois : Problèmes d’ethnogénèse / The ancient chinese : problems of ethnogenesis), Moscou, 1978.
    • R.V. Nikolaiev, R.V. 1987. « Solnechnyi kon' (k voprosu o kul'te konia u narodov Evrazii) » (Le cheval solaire : le culte du cheval parmi les peuples eurasiens / The sun horse : on the horse cult among peoples of Eurasia) in : Skifo-sibirskii mir : iskusstvo i ideologiia (Le monde scytho-sibérien : art et idéologie / The Scythian‐Siberian World : art and ideology), éd. Nauka, Novossibirsk, 1987. [Notons que p. 157 est mentionné la légende populaire des Kètes où un héros reçoit un cheval du soleil (ou de la fille du soleil) et le ramène sur terre afin de combattre quelque malfaisant adversaire (contre le démon forestier lytis, contre Qoseda la force terrestre jeteuse de sorts, etc.). Cette légende est mise en parallèle avec le folklore des Indo-Iraniens et d’autres peuples d’Asie centrale]

  • Armand de Melun (1807-1877)

    Politiquement, il ne variera pas. Quand il mourra sous la IIIème République, il sera aussi royaliste qu’au temps où, jeunes écoliers, son frère jumeau Anatole et lui refusaient au Champ de Mars, malgré les sommations de leurs petits camarades. De crier : « Vive l’Empereur ! » La chute du trône de Charles X avait affligé son esprit autant que son cœur. Son attachement privé et public à la dynastie des Bourbons ne lui permettait pas de prêter serment à la monarchie de Juillet ; il renonça à la magistrature et à la diplomatie. Heureuse intransigeance, qui le rendait libre pour une longue carrière dans la bienfaisance !

    Armand de Melun ne sera jamais un théoricien. Ses contacts quotidiens avec le malheur lui serviront de maîtres ès-sciences politiques. Il y découvrira la question sociale, mais se préoccupera moins de lui donner une réponse générale et doctrinale que de lui trouver des solutions fragmentaires concrètes.
    Il conte avec humour – car il a de l’esprit, et du meilleur – qu’il fut mandé un jour, dès potron-minet, par le R.P. Gratry qui lui déclara : « Mon ami, j’ai eu envie de vous appeler cette nuit à deux heures. Je venais enfin de trouver la vraie solution du problème social. Il s’agit simplement de bâtir, autour des usines et des ateliers, des maisons d’ouvriers, avec facilité pour ceux-ci d’en devenir petit à petit propriétaires. »
    Du moment où il fallait construire, il était naturel que l’on songeât à lui. Et il restera tel toute sa vie. Un an avant sa mort, un incendie dévorera en entier le village de Bouvelinghem dont il est maire depuis 1865 et où il a bâti l’église, le presbytère et l’école. Il se fera frère quêteur pour ses administrés et, tandis qu’il habite lui-même une maisonnette de bois toute délabrée, il reconstruira pour chaque famille une maison flanquée de sa grange et de son étable.
    Son activité est prodigieuse. Pendant un demi-siècle, on le trouvera mêlé, comme fondateur ou comme animateur, à toutes les œuvres, à tous les mouvements, à tous les groupements, durables ou éphémères, qui ont pour objet la bienfaisance privée ou publique, ou l’amélioration de la condition des classes laborieuses.
    Certes, son horizon ne sera pas bouché par les seules misères individuelles qu’il visite et soulage directement ; il découvre vite lui aussi, à côté de la pauvreté accidentelle, le paupérisme que l’industrialisation entretient comme un chancre dévorant. Et cela le conduira à réclamer d’abord la suppression du délit de coalition afin que l’association ouvrière soit possible, puis à souhaiter la création de Chambres syndicales mixtes, et enfin de Chambres ouvrières et patronales séparées.
    « Il faudra tôt ou tard, écrira-t-il un jour, en revenir à ces vieilles corporations qui se chargeaient d’avoir du bon sens, de la prudence et de la moralité pour tous les membres. » Lorsqu’une réforme lui apparaît à la fois souhaitable et possible, il en adopte l’idée, sans se soucier de savoir si elle emportera ou non avec elle l’approbation de ses amis : il se déclarera ainsi partisan de la participation de tous les producteurs aux bénéfices de l’entreprise un siècle avant que cela ne devienne la marque d’un esprit avancé.
    Mais, depuis le jour où Sœur Rosalie l’aura envoyé visiter les pauvres, il préfèrera toujours l’action à la doctrine : Pendant quarante ans, il ne se rencontrera pas une œuvre de bienfaisance à laquelle le nom d’Armand de Melun ne soit attaché à titre actif.
    D’abord, évidemment, les Conférences Saint-Vincent-de-Paul ; comme simple confrère dès 1838, comme membre du Conseil Général de la Société à partir de 1841.
     
    En 1839, il prend en mains la Société des Amis de l’Enfance, qui est destinée aux apprentis et aux jeunes ouvriers. Ce sera le premier patronage, ce mot ayant alors le sens plein qu’il a perdu depuis. Il ne s’agit pas seulement d’une œuvre réunissant dans une atmosphère saine, soit le dimanche, soit en semaine aux heures de loisir, des enfants qui, sans cela, seraient laissés aux hasards de la rue ; le patronage – et cette idée dominera toutes les réalisations qui tenteront l’activité de Melun -, c’est plus que cela : c’est le devoir social qu’ont les classes élevées de travailler à l’amélioration du sort des classes populaires en fraternisant avec elles et en leur servant de conseil et d’appui. Armand de Melun a fait sienne avant la lettre la noble et juste définition que Le Play donnera des classes supérieurs :
    «Classes supérieures : celles qui doivent leur dévouement aux classes inférieures ».
    Les Amis de l’Enfance ont été d’abord confiés à la société de Saint-Vincent-de-Paul. Mais Armand de Melun se rend compte bientôt que la Société n’est pas à même de donner à cette œuvre les cadres permanents qu’elle exige. On se sépare à l’amiable, et, en 1843, Melun demande aux Frères des Ecoles  Chrétiennes de l’assister dans l’Œuvre des Apprentis. C’est ainsi qu’avec l’aide totale de Frère Philippe, Supérieur Général des Frères, s’ouvriront en 1843 les patronages des Francs-Bourgeois et de la rue de Charonne, en 1844 ceux des quartiers Saint-Jacques et Saint-Marcel, en 1845 celui de la rue Saint-Lazare, en 1846 celui de la rue d’Argenteuil. En 1848, l’Œuvre des Apprentis groupera 1200 jeunes ouvriers. Le légitimiste Melun n’aura eu aucun scrupule à y intéresser les ministres du « roi citoyen» qui lui accorderont des subventions officielles allant jusqu’à 20.000 francs.
    En 1838, il s’est occupé aussi de la Colonie Agricole du Mesnil-Saint-Firmin, dans l’Oise, consacrée à des orphelins ; de l’Œuvre de la Miséricorde, destinée à secourir les pauvres honteux ; de l’Œuvre de Saint-Nicolas de l’abbé de Bervanger.
    En 1844, il rêve d’une sorte de confrérie de laïques se dévouant entièrement au service des pauvres. L’année suivante, Myonnet réalisera ce rêve en fondant les Frères de Saint-Vincent-de-Paul.
    Homme de méthode, Melun est frappé par la nécessité de coordonner, en vue d’une action collective sur le plan social, d’innombrables efforts dispersés et qui s’ignorent.
    En 1845, il fonde les Annales de la Charité qui serviront de lien entre tant d’œuvres diverses, et publieront des études sur « toutes les immenses questions que soulève l’exercice de la charité », et les principes qu’il y affirme d’entrée de jeu doivent fort scandaliser M. Guizot : « ... l’Etat peut seul atteindre l’ensemble des misères et améliorer d’une façon permanente et générale le sort de ceux qui souffrent. » Il faut « ériger en justice générale ce qui n’était que charité partielle ».
    Un an plus, tard, il crée la Société d’Economie Charitable ayant pour but exclusif l’étude et la discussion de toutes les questions qui intéressent les classes pauvres.
    A la suite du Congrès Pénitentiaire International qui se tient à Bruxelles en 1847, Melun propose la création d’une Société Internationale de Charité où seraient mis en commun les efforts, les expériences et les lumières, pour l’amélioration morale et physique des classes laborieuses et souffrantes de tous les pays. La Révolution de 1848 ruinera les amorces de cette œuvre, mais l’idée en sera reprise en 1853 avec les Congrès Internationaux.
    Depuis 1840, Melun s’occupe de la Société Saint François-Xavier qui est à la fois une œuvre d’évangélisation ouvrière et une société de secours mutuel, dans le cadre paroissial. Les réunions mensuelles ont lieu dans les églises ; des orateurs laïques et ecclésiastiques y prennent la parole. Moyennant une cotisation mensuelle de 50 centimes, on a droit aussi à dix sous par jour de maladie, si elle se prolonge au-delà de sept jours.
    En 1844, la Société de Saint-François-Xavier comptera 10.000 membres.
    C’est cette même année que Melun fonde l’Œuvre des Familles qui absorbera en 1848 les Fraternités dont il a eu l’idée au lendemain de février 1848 et qu’il a recommandées à la protection de Lamartine d’abord, puis de Ledru-Rollin. Le principe est toujours celui du « patronage » au nom de la fraternité chrétienne ; au lieu qu’un visiteur charitable s’occupe de plusieurs familles malheureuses, pourquoi dix associés n’adopteraient-ils pas un foyer pauvre, pour constituer avec celui-ci une Famille ? Cent Familles réunies formeront une Fraternité ; cent Fraternités une Communauté. Mais les désordres de l’année 1848 seront peu propices à la réalisation de cette charité décimale. « L’Œuvre des Fraternités, écrira Melun plus tard, avait un péché originel ; elle était née avec la République et lui avait emprunté son nom ; elle devait périr avec elle, au moins dans sa vitalité et dans son expansion ». Cependant, le nom et l’idée se retrouveront de nos jours dans l’une des modalités de l’apostolat des Petites-Sœurs de l’Assomption.
    A cette époque se place l’activité parlementaire d’Armand de Melun. Au lendemain de la Révolution de 1848, il espère un instant que l’état des esprits va amener le législateur à s’occuper sérieusement des misères sociales, et, en avril, il est candidat à Paris, aux côtés de Lacordaire, - qui sera finalement élu à Marseille sur la liste légitimiste ! - du socialiste chrétien Buchez. Du provençal Agricol Perdiguier, bien connu dans le compagnonnage sous le sobriquet d’Avignonnais-la-Vertu, du vicomte de Cormenin, etc … Il ne sera pas élu, et les journées de mai et de juin auront vite balayé ses illusions. «Il a suffi qu’il (le socialisme) se montrât dans sa nudité pour arrêter la révolution sur la pente des améliorations qu’elle annonçait et qu’elle doit poursuivre sous peine de mort ».
    Mais chez Melun, l’optimisme n’est pas nécessaire à l’action : on doit toujours entreprendre ! Lamartine se révèle impuissant. Melun demande à Arnaud de l’Ariège d’essayer d’obtenir de Cavaignac la création d’une «Commission extra-parlementaire pour le développement des institutions de prévoyance et de secours ». Ce sera Dufaure qui la constituera à la fin de l’année, et cette Commission comprendra presque uniquement, autour de Melun, des membres de la Société d’Economie Charitable. Elle élaborera un projet de loi sur l’assistance publique, que la Constituante n’aura pas le temps de discuter.
    Aux élections de 1849, Armand de Melun est élu en llle-et-Vilaine tandis que son frère Anatole, son ombre jumelle, discrète et agissante, devient député du Nord. Il n’aura plus besoin de truchement pour porter ses idées et ses projets à la tribune de cette Assemblée à majorité conservatrice.
    Il propose d’abord – et obtient – la création de la Commission dont il rêvait et qui sera chargée de préparer des lois sociales. Elle est présidée par Mgr Parisis, et Melun en est le secrétaire. Mais la majorité en sera manœuvrée par Thiers dont le libéralisme économique s’accommode mal de la philanthropie d’Etat ; pour lui, la bienfaisance ne doit être qu’individuelle. C’était également l’avis de Mgr Parisis, et Montalembert tenait, lui aussi, qu’il n’y avait « de véritablement utile et fécond que la charité privée ». C’est l’échec. Mais Dufaure revient à l’Intérieur, et, d’accord avec Melun, reprend son projet d’une loi d’ensemble sur l’assistance publique. Le coup d’Etat du 2 décembre 1851 emporta le projet et l’Assemblée. Mais, d’autres lois furent votées, qui témoignent de l’activité inlassable du représentant des royalistes d’Ille-etl-Vilaine. Il interviendra avec succès pour l’adoption de toute une série de textes visant des problèmes sociaux :
    - loi du 12 août 1850 sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus ;
    - loi du 22 avril 1850 sur les logements insalubres, déposée par son frère Anatole ;
    - loi du 18 juin 1850 sur la Caisse des Retraites,
    - et loi du 15 juillet 1850 sur les Sociétés de secours ; mutuel, rapportées toutes les deux par son ami Benoist d’Azy ;
    - loi du 12 janvier 1851 sur l’assistance judiciaire ;
    - loi du 22 février 1851 sur les contrats d’apprentissage, concertée dès 1849 avec son ami Falloux ;
    - loi sur les Monts-de-Piété.
    Après le coup d’Etat qui met fin à la Législative, Melun continuera sans s’émouvoir sa carrière d’homme de bien.
    Son hostilité au régime napoléonien ne l’empêchera pas d’aller dîner chez le Prince-Président le 17 mars 1852, avec Mgr Sibour puisqu’il s’agit de discuter, à l’heure du cigare, sur l’extension de la mutualité à travers toute la France. Melun refuse en souriant la candidature officielle que lui offre son voisin de table, Persigny, mais accepte aussi simplement de travailler avec Rouher, président du Conseil d’Etat, à la rédaction du décret-loi organique du 28 mars 1852 qui prévoit la création de Sociétés de secours mutuel dans toutes les communes dont le Conseil Municipal le désirera.
    Armand de Melun est nommé rapporteur de la Commission Supérieure de dix membres, chargée d’encourager et de surveiller ces Sociétés. Son influence visera, pendant dix-huit ans à placer la Mutualité dans un cadre chrétien (la plupart des Sociétés ont une fête patronale), à combattre – avec succès – les tendances étatistes au sein de ce mouvement, et à ne pas laisser dévier le mutualisme vers des opérations commerciales sous le couvert de coopératives de consommation. Quand Jules Favre supprimera, le 19 octobre 1870 la Commission Supérieure de la Mutualité, les sociétés de secours mutuels, qui étaient en 1852 au nombre de 2.438 avec 271.077 sociétaires, seront au nombre de 6.139 et grouperont 913.633 membres.
    Bien entendu, la Mutualité n’aura pas, et de loin, absorbé sous le Second Empire, l’activité inlassable d’Armand de Melun.
    En 1851, l’Œuvre des Apprentis s’étend aux jeunes filles et devient l’Œuvre des apprentis et jeunes ouvrières ; en 1867, elle groupera 9.000 apprenties.
    En 1855, l’Exposition Universelle lui suggère l’idée d’une Galerie d’Economie Domestique où seront exposés les objets bon marché nécessaires à un ménage ouvrier.
    En 1860, il fonde les Annales de la Charité qui deviendront la Revue d’Economie Chrétienne, puis le Contemporain, et ranime le Messager de la Charité qu’il rachète à son fondateur.
    En 1861, il crée la Société Catholique pour L’amélioration et l’encouragement des publications populaires, pour laquelle, en 1869, Mgr Mermillod viendra faire à Sainte-Clotilde, un sermon de charité, dont les hardiesses sociales feront sursauter au banc d’œuvre les vénérables marguilliers du faubourg Saint-Germain.
    En 1863, il présidera à son tour la Société d’Economie Sociale dont Le Play est le fondateur et le secrétaire général.
    En 1864, nous le trouvons à la fondation de la S.B.M., section française de la Croix-Rouge.
    En 1867, il s’occupe de la Société d’Education et d’Enseignement qui deviendra, sous la IIIème République, un véritable ministère des écoles libres.
    1870. La guerre. Melun s’occupera de l’organisation des ambulances et de l’aumônerie militaire.
    1871. La Commune. Ce sont d’autres malheureux qu’il faut secourir. Et le vicomte Armand de Melun catholique et royaliste, fonde l’Œuvre des Orphelins de la Commune !
    En 1872, Albert de Mun l’invite à entrer au Comité de l’Œuvre des Cercles Catholiques d’Ouvriers, afin que Melun soit associé à ses premiers efforts.
    En 1874, il ne pense pas qu’il soit au-dessous de son rang de s’occuper de l’Œuvre des Fournaux Economiques, et, en 1875, il patronnera l’Œuvre du Vénérable de la Salle.
    Quand il mourra, le 24 juin 1877, l’âme de Sœur Rosalie pourra se réjouir : aucun de ses élèves n’aura mieux retenu ses leçons, nul n’aura mieux enrichi de sa foi chrétienne le « res sacra miser » du païen Sénèque.
    Quarante années entièrement vouées aux œuvres charitables par ce gentilhomme à qui sa position sociale, sa naissance, son esprit, promettaient tous les succès mondains, cela mérite bien qu’on évoque à son propos les noms de Vincent-de-Paul et de François d’Assise et qu’on lui accorde le reflet de leurs vertus, comme l’a fait M. Ernest Seillière dans le livre qu’il a consacré au Cœur et à la Raison de Madame Swetchine.
    Et cependant, combien de jeunes Français connaissent seulement le nom du Vicomte Armand de Melun ? Parmi les militants les plus ardents de la démocratie chrétienne – qui se prétend seule héritière du catholicisme social -, combien savent grosso modo la part prépondérante qu’il prit pendant près d’un demi-siècle à l’action sociale catholique ?
    La même école sociale, qui réclame l’honneur des autels pour l’âme de Frédéric Ozanam, a jeté aux oubliettes le souvenir de l’éminente et efficace charité d’Armand de Melun. Pourquoi ? Eh ! nous le répèterons encore et encore. Parce que Melun était demeuré à soixante-dix ans le royaliste qu’il était à sept ans … Non pas royaliste sentimental mais royaliste de raison, capable d’approuver le manifeste du comte de Chambord sur le drapeau blanc. Parce que, écrivait-il, « l’association de la légitimité et de la souveraineté nationale que l’on espérait réunir, pour que l’une fit accepter l’autre, n’aurait, je le crains, abouti qu’à l’explosion qui résulte inévitablement du mélange des substances qui s’excluent et se combattent ».
    Et il est parfaitement possible aujourd’hui de laisser entendre aux jeunes catholiques de ce début du XXIème siècle, que l’on peut à la fois être partisan de la monarchie et s’intéresser du sort des déshérités de ce monde, à commencer par nos frères français.