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culture et histoire - Page 1205

  • Chronique de livre : Jean-Claude Valla "La nostalgie de l’Empire, une relecture de l’histoire napoléonienne"

    2759018981.jpgJean-Claude Valla, La nostalgie de l’Empire, une relecture de l’histoire napoléonienne, éditions L’Aencre (collection Les Cahiers Libres d’Histoire), 2004

    Jean-Claude Valla, journaliste, historien et entre autre co-fondateur du GRECE a écrit de nombreux ouvrages dans la collection Les Cahiers Libres d’Histoire comme Georges Valois, de l’anarcho-syndicalisme au fascisme (2003) ou Ledesma Ramos et la Phalange Espagnole (2003). L’auteur, malheureusement disparu en 2010, nous propose une étude sur Napoléon et le mythe impérial qui ne pouvait que susciter mon intérêt ayant toujours eu depuis mon plus jeune âge une certaine sympathie (toute romantique) pour les empires, en particulier pour l’empire romain, l’empire carolingien et l’empire napoléonien. Et, ça tombe bien, ce sont ces trois empires qui sont passés au crible pendant les 109 pages de l’ouvrage. Un format court mais dense, qui permet d’aller à l’essentiel et peut être aisément complété par d’autres lectures.

    La thèse centrale de l’auteur est assez simple, Napoléon n’aurait pas simplement agi par mégalomanie mais pour se placer dans l’héritage romain et carolingien (p.18). Et c’est, je dois bien l’admettre, mon avis. L’ouvrage se découpe en quatre parties : l’héritage romain (Chapitre 1), l’héritage carolingien (Chapitre 2), un nouveau Charlemagne (Chapitre 3), la couronne de fer (Chapitre 4), auxquelles nous pouvons ajouter un avant-propos et une postface qui permettent de clarifier aisément la position de l’auteur et de ne pas cacher sa fascination, plus que son admiration, pour le premier empereur des Français.

    Cependant n’imaginez pas lire ici un ouvrage entièrement consacré à Bonaparte, l’auteur s’attarde longuement sur les différents empires et royaumes dont Napoléon se serait inspiré. De fait le premier chapitre devient très rapidement un abrégé d’histoire romaine. Ce qui intéresse l’auteur c’est de montrer la persistance du mythe impérial dans l’histoire et de certaines questions, comme par exemple la lutte entre le sacerdoce et l’empire. Particulièrement en ce qui concerne l’héritage carolingien. Car ce qui transparait dans l’ouvrage, c’est que si l’héritage romain existe bel et bien, il a pris corps au temps des Carolingiens, puis des Ottoniens, sous une forme dont se rapproche beaucoup plus Napoléon. Ainsi à l’instar de Charles le Grand, Napoléon ceint la « couronne de fer » des Lombards et tente de soumettre la Papauté et à l’instar des Ottoniens il convoite Rome dont il désigne son fils « roi »  rappelant le titre de « roi des Romains » qui avait court dans l’occident médiéval.

    Contrairement à une idée reçue, Napoléon n’apparaît pas comme un simple héritier de l’Antiquité, mais bien au contraire comme un véritable héritier des dynasties médiévales. Ainsi Joseph Siméon proclame que « Lorsque les institutions s’affaiblissent, et que la famille dégénérée ne peut plus soutenir le poids des affaires publiques, une autre famille s’élève. C’est ainsi que l’empire français a vu les descendants de Mérovée remplacés par ceux de Charlemagne, et ces derniers par ceux d’Hugues Capet. C’est ainsi que les mêmes causes  et des événements à peu près semblables (car rien n’est vraiment nouveau sous le soleil) nous amènent une quatrième dynastie. » (p.44) D’autres éléments peuvent se rajouter au dossier, Napoléon accepte la proposition de symbole de Cambacérès, l’abeille. Celle-ci faisant référence aux abeilles retrouvées dans la sépulture du roi Mérovingien Childéric, le père de Clovis, à Tournai. Napoléon va également utiliser un sceptre de Charles V surmonté de l’effigie de Charlemagne et se placer dans l’héritage des Francs. Car au-delà du peuple lui-même, dont l’origine germanique n’est pas ici au centre du débat, le mot « franc » vient du latin francus qui signifie « libre ». Ce qui n’est pas totalement innocent en cette période qui a vu le tourment révolutionnaire prospérer sur l’idée de liberté.

    Pourtant, malgré cet héritage qui paraît simple, Napoléon demeure tout au long de l’ouvrage un personnage complexe, voire contradictoire. Ce qui au fond en fait un personnage éminemment intéressant, cassant les clivages, peut-être le premier archéo-futuriste de l’histoire contemporaine. Jean Claude Valla n’hésite pas à caresser cette idée du doigt et va même plus loin  en conclusion de l’ouvrage: « Qui sait ? cette Europe, à la fois moderne et réenracinée dans ses traditions les plus anciennes, nous aurait peut-être évité la furie des nationalités, le culte de l’Etat-nation ce « nationalisme de bêtes à cornes » dont parlait Nietzsche, les sanglantes boucheries de 14-18 et de 39-45, puis au bout du compte, l’inexorable déclin du Vieux Continent au seul profit de cette nouvelle « usurière carthaginoise » que sont les Etats-Unis d’Amérique. » (p. 109)

    A méditer…

    Jean / C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/

  • À quoi peut bien servir l’écologie urbaine ? par Pierre LE VIGAN

    Fabrice Hadjadj dit : « L’apôtre qui balbutie comme un homme ivre vaut mieux que celui parle comme un livre ». Essayons de nous situer entre ces deux extrêmes. Partons d’un constat. Le déferlement des vagues du capitalisme (d’abord industriel) puis du turbocapitalisme (largement financiarisé) a complètement changé le monde. En 1980 déjà, Raymond Williams faisait le constat suivant : « Nous-mêmes, nous sommes des produits : la pollution de la société industrielle n’est pas seulement à trouver dans l’eau et dans l’air, mais dans les bidonvilles, dans les embouteillages, et ces éléments non pas seulement comme objets physiques mais nous-mêmes en eux et en relation avec eux […] Le processus […] doit être vu comme un tout mais pas de manière abstraite ou singulière. Nous devons prendre en compte tous nos produits et activités, bons et mauvais, et voir les rapports qui se jouent entre eux qui sont nos propres relations (1) ». 

    Plus de 60 % d’urbains sur terre, et bientôt les trois quart

    Situons l’enjeu de notre sujet, l’écologie urbaine. En 1800 environ 3 % de la population mondiale vivait en ville, en 1900, c’était 15 %, en 1950, nous avons doublé en pourcentage d’urbains, c’était 30 %. En l’an 2000 c’était 50 %. Nous en sommes à quelque 60 %. L’urbanisation apparaît une tendance inexorable. Elle a été massive en France. Nous avons basculé d’une civilisation à une autre des années quarante aux années actuelles. C’est ce que Henri Mendras a appelé « la fin des paysans ». 

    À partir de là, il est clair que si nous n’appliquons pas l’écologie à la ville, cela n’a aucun sens. Cela ne concernerait pas la majorité des hommes. Étymologiquement, l’écologie est la science de l’habitat. C’est l’habitat au sens large : nous vivons dans une maison, mais aussi dans un territoire, et dans un environnement mental. C’est notre écosystème (2). C’est pourquoi l’écologie de la ville a sa place dans une écologie plus large, l’écologie des civilisations, car c’est ainsi que les hommes vivent. Ils créent des habitusintermédiaires entre l’individu et l’humanité en général. Ces habitus sont les peuples, les civilisations, les enracinements, les religions. Les hommes n’accèdent pas directement à l’universel. Ils y accèdent par des médiations. Vouloir nier ces dernières fut tout le projet moderne, amplifié par le projet hypermoderne. Une vraie postmodernité ne peut consister qu’à revenir sur ce projet moderne de nier les médiations, qui bien entendu sont plurielles, car l’homme est multidimensionnel. 

    Le terme écologie a été créé par l’Allemand Ernst Haeckel. Sa société de pensée fut après sa mort interdite par les nationaux-socialistes. Il définissait l’écologie comme « la science des relations de l’organisme avec l’environnement ». Comment transformons–nous notre environnement en puisant dedans et en le manipulant, et comment cet environnement transformé nous transforme lui-même (on a aussi appelé cela anthroponomie : comment les phénomènes que nous vivons réagissent sur les lois comportementales de notre propre humanité) ? Le moins que l’on puisse dire est que la question est majeure.

    L’écologie n’est pas le simple environnement 

    L’écologie a souvent été réduite à un simple environnementalisme. Dans les années 1970 est apparu un « ministère de l’environnement ». La question était : comment préserver notre « cadre de vie » ? Il s’agissait de voir la nature en tant qu’elle nous est utile, si possible pas trop moche quand elle est dans notre champ de vision. Faut-il préciser que l’écologie va au-delà. Il s’agit des équilibres entre l’homme et la nature. Et de ces équilibres à long terme. « La rupture entre l’homme et la nature c’est aussi la rupture de l’homme avec lui-même » écrit Philippe de Villiers. 

    L’écologie est la prise en compte de ces équilibres, et en ce sens l’écologie urbaine n’est qu’une branche de l’écologie humaine. C’est l’étude des rapports, tels qu’ils se nouent et se transforment, entre la nature et la ville. Ajoutons qu’elle ne concerne pas seulement les rapports des hommes et de la nature, mais les rapports des hommes entre eux. Une société où l’on prend soin de la nature et du vivant n’est pas sans conséquence sur les rapports des hommes entre eux et plus généralement sur la conception par les hommes de « la vie bonne ».

    Pas d’écologie urbaine sans éthologie humaine 

    Si nous parlons des rapports des hommes entre eux, c’est qu’il y a un lien entre l’écologie humaine et l’éthologie. La vie en ville multiplie les frictions, elle est un terrain d’étude des comportements humains, et c’est le propos de l’éthologie humaine. C’est en d’autres termes l’étude systémique du comportement de l’homme en société, en tant qu’il est un animal mais n’est pas seulement cela. Cela doit à Aristote mais aussi à Konrad Lorenz, à Irenaus Eibl-Eibesfeldt, à Boris Cyrulnik, à Edgar Morin… Cette éthologie humaine est à prendre en compte par l’écologie urbaine, sauf à l’atrophier. 

    Quelle est l’origine de l’écologie urbaine ? C’est l’École de Chicago (3) (école sociologique à ne pas confondre avec son homonyme en économie, une école ultra-libérale). Elle apparaît dans les années 1900 et se renouvelle vers 1940-1950. C’est à cette dernière époque qu’elle commence à être connue, avec notamment Erving Goffman. L’École de Chicago analyse la constitution des ghettos, et l’ensemble des phénomènes de ségrégation et marginalité, à partir de l’exemple de Chicago. C’est une école de sociologie urbaine. Mais les idées ne sont pas neutres, elles agissent sur le réel, et l’École de Chicago a poussé à intégrer des préoccupations d’écologie urbaine. L’École de Chicago donnera naissance à des monographies comme celle intitulée Middletown, et consacrée à Muncie, dans l’Indiana. 

    L’école de Chicago influence plusieurs études de sociologie menées par Paul-Henri Chombart de Lauwe, Jean-Claude Chamboredon et d’autres. Les marxistes ont aussi essayé d’adapter à l’économie urbaine les théories de Marx comme la baisse tendancielle du taux de profit. Les promoteurs capitalistes agissent en effet comme tout possesseur de capital qui cherche à accroître son profit. Reste à connaître les répercussions précises de cela sur les formes urbaines : reproduction du même modèle de bâtiment plus économique que la variété, consommation d’espace excessive avec des lotissements pavillonnaires, la viabilisation des terrains étant assurée par la puissance publique, construction de tours dans les zones où une forte densité est possible et rentable, etc. Francis Godard, Manuel Castells, Edmond Préteceille ont travaillé dans cette direction et ont du s’ouvrir à d’autres angles de vue que ceux strictement marxistes. 

    D’Henri Lefebvre à Michel Ragon 

    Une place à part doit être faite à Henri Lefebvre. Ses études tendent à montrer que l’homme moderne, celui des sociétés soumises au Capital connaît une vie inauthentique, à la fois dans son  espace (la ville) et dans le temps (sa temporalité est entravée par les exigences du productivisme). L’opposition travail/loisir devient une opposition production/consommation. La séparation a/ des lieux de production, b/ de loisir et consommation, et c/ des lieux de résidence aboutit à une mise en morceau de l’homme moderne, à une désunification de l’homme. Par son analyse du malaise qui s’est installé entre l’homme et la ville, Henri Lefebvre, mais aussi d’autres auteurs comme Michel Ragon éclairent les voies de ce qui pourrait être une écologie urbaine.

    En France, la notion d’écologie urbaine est reprise à partir des années 1980 par Christian Garnier. Avant même l’usage du terme écologie urbaine, des auteurs ont développé une réflexion sur la ville dans une perspective proche de l’écologie urbaine : en France, Gaston Bardet, Marcel Poëte, Jean-Louis Harouel, Françoise Choay, Henri Laborit, ailleurs Patrick Geddes, Louis Wirth et d’autres. Toutes ces études ont été très marquées par La ville (4), le livre de Max Weber paru en 1921. Dans ce livre inachevé Max Weber explique que toute ville est ordonnée autour d’un idéal-type. Celui des villes modernes de l’Occident exprime ainsi notre rationalité spécifique. 

    Quelle écologie urbaine doit être pensée et mise en œuvre ? Il faut d’abord, d’une manière générale, imaginer la ville comme un support d’activités humaines qui doivent prendre en compte le sol qui est le leur. Ce sol, c’est une terre, qui permet la vie de l’homme à certaines conditions, des conditions qu’il importe de préserver. Il s’agit donc de ne pas épuiser notre planète. Notre sol, c’est aussi un territoire historique. La terre de France et les terres d’Europe ne sont pas n’importe quelle terre, leur culture, leur agriculture, leur histoire urbaine est spécifique. Il faut faire avec notre histoire, et non pas dans un esprit de table rase. Faire n’importe quoi de notre terre, c’est faire n’importe qui de notre mémoire. Nous priver de passé, c’est aussi nous priver d’avenir.  Il s’agit de ne pas épuiser le réservoir mythologique de notre terre, sa dimension sacrale. 

    En second lieu, l’écologie urbaine doit partir des besoins humains. L’homme a besoin de repères et d’échelles maîtrisables. Le gigantisme ne lui convient pas (5). Maîtriser la taille est un enjeu essentiel.

    Le turbocapitalisme crée des turbovilles (qui sont des antivilles) 

    Le premier aspect est donc celui de la ponction de l’homme sur la nature via la ville. C’est la question de la ville durable. Ville économe en énergie, ville ne détruisant pas la nature autour d’elle, voilà les impératifs. Cela implique l’ensemble de la conception du réseau de villes dans un pays. Bien entendu, ce réseau est le fruit d’une histoire. En France, il y a depuis six ou sept siècles une hypertrophie de Paris ? Il y a une part d’irréversibilité. Mais pas de fatalité. Les pouvoirs publics – en sortant du libéralisme – peuvent accentuer ou faire évoluer certaines caractéristiques. Dans le turbocapitalisme mis en oeuvre par les dirigeants de la France, la priorité est donnée à quelques très grandes métropoles (moins de 10). Ces turbovilles ne sont pas pour les hommes. Elles nous déshumanisent et nous décivilisent. D’autres choix sont possibles. Plutôt que de développer encore Lyon ou Bordeaux, mieux vaut donner leur chance à Niort, la Roche-sur-Yon, Besançon, etc. Cela implique de revenir à une politique active de la puissance publique et à une politique d’aménagement du territoire. Sans répéter les erreurs du productivisme des années 1960. 

    Pour limiter la ponction de l’homme sur la nature et sur les paysages naturels, il faut aussi éviter l’étendue spatiale excessive des villes. Cela s’appelle lutter contre l’étalement urbain. Tous les ans la France artificialise quelque 80 000 hectares de terres (800 km2), soit en 4 ans la surface agricole moyenne d’un département. Ou encore 1,5 % du territoire national tous les 10 ans. Tous les 10 ans depuis les années 1990 les surfaces urbanisées (route, constructions, chantiers) augmentent d’environ 15 %. Cela s’ajoute bien entendu à l’existant. « Les villes couvrent désormais 119 000 km2 de territoire, contre 100 000 en 1999. Ainsi, 1 368 communes rurales en 1999 sont devenues urbaines en 2010, le plus souvent par intégration à une agglomération, alors qu’à l’inverse seulement 100 communes urbaines sont devenues rurales (6) ». C’est 22 % de notre territoire qui est déjà artificialisé, c’est-à-dire soustrait à la régulation naturelle et à ses rythmes.

    Halte à l’étalement urbain et à la démesure des villes

    Pour éviter la poursuite de la consommation d’espace par les villes, il faut se satisfaire d’un non accroissement de la population de nombre de ces villes, celles qui sont déjà trop étendues. Or, ce sont celles-là même que les gouvernements veulent développer plus encore. Ils nous emmènent dans le mur. Il faut en tout cas, au minimum, densifier l’existant et non consommer de nouveaux espaces. Il faut ainsi construire sur le construit. Il est frappant, quand on voyage en France, de trouver des bourgs, ou des petites villes, dont le centre ville est quasiment à l’abandon, en terme d’entretien des maisons et de l’espace public, mais qui ont créé des lotissements pavillonnaires en périphérie, avec des « pavillons » tous identiques et sans charme. Or, l’étalement urbain, en plus de ses inconvénients en matière d’écologie (nouvelles routes à viabiliser et à entretenir…), est contradictoire avec la création de lien social, favorise la voiture, l’individualisme extrême et rend irréalisable l’organisation de transports en commun, bref favorise un mode de vie renforçant l’emprise de la société de consommation. C’est ici que les préoccupations écologiques – le premier aspect que nous avons évoqué – rejoignent les préoccupations directement humaines, les besoins humains qu’éclairent l’écologie et l’éthologie, notamment le besoin de repères, le besoin de liens de proximité, le besoin d’un équilibre entre l’« entre soi » et l’ouverture.

    L’homme a besoin d’une densité raisonnable. De quoi parle-t–on ? Il faut d’abord dissiper les idées reçues. « 65 % des Français pensent que la densité est quelque chose de négatif » relevait l’Observatoire de la ville en 2007. Les grands ensembles ont en fait une densité faible à l’échelle du quartier, en intégrant bien sûr la voirie. Elle est de 0,6 ou 0,7 environ soit 700 m2 construit sur un terrain de 1 000 m2. C’est ce que l’on appelle le coefficient d’occupation des sols (COS). Dans les quartiers parisiens de type haussmannien, la densité est de 6 à 7 fois supérieure. Elle est entre 4 et 5 de COS (5 000 m2 construits sur 1 000 m2 au sol). Reste aussi à savoir s’il s’agit, et dans quels pourcentages, de bâti de logement ou de bâti de locaux d’activité, ce qui ne donne pas le même rythme à la ville, la même vie, la même animation. 

    Il y a densité et densité : la qualité est le vrai enjeu 

    Il y a aussi la densité par habitants. Un logement de 70 m2 est–il occupé par trois personnes ou par cinq personnes ? La réponse varie notamment selon les milieux sociaux. Tous ces paramètres doivent être pris en compte. Ils interviennent dans le vécu et le ressenti de chacun. La densité, c’est la question du bâti à l’hectare mais aussi aux échelles plus grandes, comme le km2 (exemple : Paris c’est 100 km2 et donc 10 000 ha [hectares], et la ville inclue jardins, rues, boulevard périphérique, etc.) mais c’est aussi la question de la taille de la population à ces mêmes échelles. 

    Dans le XVIe arrondissement de Paris, il y a quelques 100 000 logements sur 16 km2. Cela fait un peu plus de 6 000 logements au km2 soit 60 logements à l’hectare. Avec 160 000 habitants, le XVIe a une densité de près de 10 000 habitants au km2, soit 100 habitants à l’ha. Il faut donc notamment mettre en regard 100 habitants pour 60 logements, ce qui donne une première indication de logement plutôt sous-occupés (ce que confirmerait la prise en compte de la taille de ces logements). On relève en tout aussi qu’un des arrondissements les plus denses en termes de bâti est un des plus recherchés. La densité urbaine ne paraît pas être dans ce cas une souffrance insurmontable. Peut-être parce qu’il y a aussi un environnement de qualité et un bâti de qualité. Il peut, en d’autres termes, y avoir qualité urbaine et densité assez élevée. Si le bâti et les espaces publics sont de qualité, et si la sécurité est bonne. 

    De nouveaux quartiers intégrant les préoccupations de ville durable ont une densité assez proche du XVIequoique un peu inférieure. Ainsi Fribourg-en-Brisgau vise les 50 logements/ha. Autre exemple, les nouveaux quartiers sur l’eau d’Amsterdam sont autour de 25 logements à l’ha. Avec au moins deux personnes par logement, ce qui est une estimation minimum, on remarque que nous avons une densité nettement supérieure à la ville de La Courneuve. Avec 40 000 habitants sur 7,5 km2 l’ensemble de la commune n’a en effet qu’un peu plus de 50 habitants à l’hectare. En termes de densité de population les maisons sur l’eau d’Amsterdam font mieux ! Et ce sans la moindre barre et tour.

    L’essentiel à retenir c’est qu’une densité de bâti faible peut correspondre aussi bien à des quartiers considérés comme « agréables » tel Le Vésinet et à des quartiers peu appréciés  comme les « 4 000 » de La Courneuve. 

    Si une densité raisonnable est nécessaire, elle ne résume pas tous les axes de l’écologie urbaine. Le phénomène des « villes lentes » représente une utile prise de conscience des directions nécessaires. Lenteur rime avec taille raisonnable. Les « villes lentes » ne doivent pas dépasser 60 000 habitants (un exemple de ville lente : Segonzac, en Charente). En d’autres termes, il faut fixer une limite au développement. À partir d’une certaine taille, se « développer » c’est grossir, et grossir c’est devenir impotent. Cela vaut pour les États comme pour les villes.  Les villes lentes ne sont pas le contraire des villes rapides, elles sont le contraire des villes obèses. 

    Les grosses villes sont des villes obèses 

    Les villes lentes sont d’ailleurs souvent plus rapides que les grosses villes qui, malgré tout un réseau de transports rapides, sont celles où l’on perd le plus de temps dans les trajets. Explication : les grosses villes sont souvent des villes obèses. Pour éviter des villes obèses, il faut relocaliser l’économie et la répartir partout. Il faut créer des territoires autonomes et équilibrés entre habitat, activités et subsistance. Il faut à chaque ville son bassin de nourriture à proximité et cela dans la permaculture, une agriculture naturelle, permanente et renouvelable. Il faut économiser la nature tout comme les forces des hommes. À la réduction du temps de travail doit correspondre une réduction du temps et de l’intensité d’exploitation de la nature. Il nous faut cesser de coloniser la nature. 

    Comment relocaliser ? En sortant des spécialisations économiques excessives, en faisant de tout, et partout. Les savoirs faire doivent être reconquis, les industries réimplantées partout, mais des industries sans le productivisme frénétique, des industries à taille, là aussi, raisonnable. Il faut retrouver l’esprit des petits ateliers de la France des années 1900. Il ne doit plus y avoir un seul département français sans ses industries et ses ouvriers, dans la métallurgie, dans les machines à bois, dans la construction de bateaux, de fours à pain, etc. Il faut nous revivifier au contact des beautés de l’industrie. Cela ne peut se faire qu’avec un État stratège, avec  les outils de la fiscalité, du contrôle des banques  et de la planification subsidiaire, de l’État aux régions. L’objectif dans lequel prend place l’écologie urbaine c’est « vivre et travailler au pays ». C’est l’autonomie des territoires, et donc l’autonomie des hommes. 

    Tout relocaliser. Y compris nos imaginaires

    En résumé, il faut se donner comme objectif de replier les villes sur elles-mêmes et de mettre fin à l’étalement urbain, de privilégier l’essor des villes moyennes et non celui des villes déjà trop grandes, de relocaliser l’économie et mettant en œuvre la préférence locale, d’aller vers de petits habitats collectifs, ou vers l’individuel groupé, de favoriser le développement des transports en commun, possibles seulement dans une ville dense. 

    Habiter n’est pas seulement se loger. Cela désigne le séjour de l’homme sur la terre. Heidegger écrit : « Les bâtiments donnent une demeure à l’homme. Il les habite et pourtant il n’y habite pas, si habiter veut dire seulement que nous occupons un logis. À vrai dire, dans la crise présente du logement, il est déjà rassurant et réjouissant d’en occuper un; des bâtiments à usage d’habitation fournissent sans doute des logements, aujourd’hui les demeures peuvent même être bien comprises, faciliter la vie pratique, être d’un prix accessible, ouvertes à l’air, à la lumière et au soleil : mais ont-elles en elles-mêmes de quoi nous garantir qu’une habitation a lieu ? (7) ». La question de l’écologie urbaine est cela même : nous permettre d’habiter la ville en tant que nous habitons le monde. 

    Pierre Le Vigan 

    Notes

    1 : cf. Problems in materialism and culture. Selected essays, London, 1980. 

    2 : La notion d’écosystème a été introduite en 1941 par Raymond Lindeman et développée ensuite par Eugène Odum. 

    3 : Yves Grafmeyer et Isaac Joseph (dir.), L’école de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Aubier, 1984. 

    4 : La Découverte, 2014, postface d’Yves Sintomer. 

    5 : Olivier Rey, Une question de taille, Stock, 2014. Voir aussi Thierry Paquot, La folie des hauteurs. Pourquoi s’obstiner à construire des tours, François Bourin, 2008; Désastres urbains. Les villes meurent aussi, La Découverte, 2015.

    6 : cf. www.actu-environnement.com, 25 août 2011.

    7 : Martin Heidegger, « Bâtir, habiter, penser », conférence de 1951 in Essais et conférences, Gallimard, 1958.

    http://www.europemaxima.com/?p=4712

  • L'imposture de 1936

    Les "conquêtes" du Front populaire... Laissez nous rire ! Tout justes des mesures, certes pas mauvaises, mais accordées par des démagogues aux abois à des semeurs de troubles beaucoup plus désireux d'exploiter la misère ouvrière que de lui porter remède. En fait, plusieurs des lois votées en 1936-1937 auraient pu l'être depuis longtemps, si les débats n'avaient été bloqués par... la gauche, et, bien souvent, le centre.

    A cela rien d'étonnant pour quiconque fait remonter la question sociale à sa véritable origine, c'est-à-dire 1789. Il s'est agi cette année-là de conditionner les Français à être "libres", libres non plus au rythme des vieilles libertés, naturelles, familiales, corporatives, provinciales, paroissiales, mais de la "liberté" d'hommes sans attaches et sans transcendance, réduit à l'état d'individus, libres de tout, même de mourir de faim. Cet individualisme forcené eut sa charte dans la Déclaration des droit de l'homme du 26 août 1789, au nom de laquelle furent votés, deux ans plus tard, le décret d'Allarde supprimant les corporations et jurandes, ainsi que les maîtrises, les octrois et aides, et surtout ce monstre de sottise que fut, le 14 juin 1791, la loi Le Chapelier.

    De ce jour, l'historien Jean Dumont a daté le commencement d'un "martyrologe ouvrier". Car la loi fut votée sur fond de répression de grèves d'ouvriers réclamant du pain ! Les décennies qui suivirent furent celles de la révolution industrielle : plus les patrons devenaient puissants, plus l'ouvrier restait isolé. Le travail devient une marchandise dont le prix variait selon le mécanisme de la libre concurrence. Le règne absolu de Mammon....avec le retour à l'esclavage : enfant de dix ans douze heures par jour à l'usine, hommes et femmes trimant quatorze à seize heures par jour pour des salaires de misères, pas même de repos dominical, menace constante de chômage...
    Pratiquement personne dans le monde politique ni dans celui des affaires n'avait conscience de la cruauté d'un tel sort. C'était l'avènement du libéralisme, cette philosophie issue des principes de 1789, fondée sur la raison individuelle divinisée, toute tournée vers l'exaltation de l'individu, considérant toute solidarité comme une contrainte, et professant que de la recherche par chacun de son bien particulier sortirait le bien général, comme si le "Progrés" faisait automatiquement concourir l'addition des égoïsmes à l'intérêt général.
    Dans ce monde soumis à la loi d'airain, et, qui plus est, en train de se déchristianiser, apparut au XIXème siècle le socialisme, lequel n'était qu'un avatar du libéralisme profitant de la destruction des sociétés concrètes pour préconiser l'étatisme, la lutte des classes, et pour les plus "avancés", l'idée que seule la violence peut arracher aux patrons des concessions. Pour quiconque s'enferme dans une telle optique, le Front populaire peut évidemment apparaître comme une victoire du "peuple" ...Lequel déchantera bien vite!

    Il serait temps de rendre justice à ceux qui, les premiers, voulurent briser cette spirale infernale, et a qui les classes laborieuses ne savent pas qu'elles doivent beaucoup plus qu'aux hommes de 1936. N'oublions jamais que le premier grand texte social date du 20 avril 1865, deux ans avant le Capital de Karl Marx ; il émanait de l'héritier des Capétiens, Henri V, Comte de Chambord, et, sous forme d'une lettre sur les ouvriers, réclamait contre les nouveaux féodaux la reconstitution de corporations libres, sous l'arbitrage d'un Etat fort et indépendant. En somme, des organisatins de métiers, au sein desquelles, dans la complémentarité des services, patrons et employés se rencontreraient pour résoudre, dans le souci du bien commun et sans tout attendre de l'Etat, les questions relatives aux salaires, aux heures de travail, à l'entraide, aux caisses de retraite, à l'apprentissage, etc.

    Ces leçons réalistes, tirées de la grande tradition royale et chrétienne, ne furent hélas pas écoutées par ceux qui, contre pourtant une forte opposition de gauche, votèrent en 1884 la loi Waldeck Rousseau autorisant les syndicats, mais sans préciser si ceux-ci seraient verticaux, donc mixtes, ou horizontaux, purement ouvriers, additionnant des individualismes dans un esprit de lutte des classes. C'est hélas ce mauvais esprit qui prévalut à une époque où, de toutes façons, les pères ou grand-pères des hommes de 36 se souciaient beaucoup plus de créer l'école laïque pour apprendre au peuple à penser "républicain", que d'aider ce même peuple à vivre décemment dans ses familles, ses usines et ses ateliers.

    Toutefois, les grandes idées lancées par le Comte de Chambord ne restèrent pas lettre morte, toute une cohorte de catholiques sociaux en était imprégnée : Frédéric Le Play, Maurice Maignen, Albert de Mun et surtout René de la Tour du Pin, marquis de la Charce, militèrent pendant des décennies pour un ordre social chrétien. Ils aidèrent largement le pape Léon XIII dans la préparation de son encyclique Rerum novarum (15 mai 1891) qui, juste un siècle après l'ignoble loi Le Chapelier, dénonçait la "misère imméritée" et rappelait aux Etats leur devoirs de laisser se constituer des organisations professionnelles.

    Qu'en conclure, sinon que comme apôtre du combat social, les bavards du Front populaire font bien pâle figure, et même une inquiétante figure..., comparés aux Français fidèles aux grandes traditions capétiennes.

    Michel FROMENTOUX

    http://www.royalismesocial.com/index.php?option=com_content&view=article&id=54&Itemid=20

  • L’épopée napoléonienne : l’éternité d’un mythe (partie 1)

    « Qui de nous, Français ou même étrangers de la fin du XIXe siècle, n’a pas senti l’énorme tristesse du dénouement de l’Epopée incomparable ? Avec un atome d’âme c’était accablant de penser à la chute vraiment trop soudaine du Grand Empire et de son Chef ; de se rappeler qu’on avait été, hier encore, semble-t-il, à la plus haute cime des Alpes de l’Humanité ; que, par le seul fait d’un Prodigieux, d’un Bien-Aimé, d’un Redoutable, comme il ne s’en était jamais vu, on pouvait se croire, aussi bien que le premier Couple dans son Paradis, maîtres absolus de ce que Dieu a mis sous le ciel et que, si tôt après, il avait fallu retomber dans la vieille fange des Bourbons ! »

    Cette évocation est extraite du bref essai de Léon Bloy, L’âme de Napoléon, dans lequel il présente une vision très personnelle de celui qu’il désigne aussi comme «la Face de Dieu dans les ténèbres ». Un ouvrage foncièrement partial, ouvertement élogieux mais surtout éminemment mystique. L’auteur du Sang du Pauvre y développe ses réflexions sur l’Empereur ou plutôt sur la signification de ce dernier dans l’Histoire. Léon Bloy défend l’idée que l’apparition de Napoléon ne relèverait pas de simples contingences humaines mais qu’elle s’inscrirait dans un « plan » dont les modalités ne seraient connues que de Dieu seul. L’auteur va même plus loin en qualifiant l’épopée napoléonienne d’événement le plus important depuis le passage de Jésus Christ sur terre. Selon lui, la grandeur infinie qu’a répandue cet homme tout au long de son existence et la fin misérable qu’il a subie ne peuvent signifier qu’une chose : l’annonce de la fin des temps, l’ultime manifestation divine avant la parousie finale. Nous laissons Léon Bloy à ses interprétations qui ont le mérite d’être exposées dans un style grandiose qui saisirait jusqu’au plus profond de son âme l’athée le plus convaincu (interprétations qui rappellent d’ailleurs celles de Savitri Devi à propos de la venue d’un autre chef de guerre, dont la chute est advenue cent-trente ans après celle de son « prédécesseur »).

    Si nous avons choisi d’évoquer cet exemple, c’est avant tout pour sortir du carcan habituel et à nos yeux trop simpliste qui voit dans Napoléon un serviteur zélé de la révolution française (et donc d’une forme de subversion qui n’aurait pour objectif que de renverser un ordre catholique et royal) et un facteur de sa diffusion dans toute l’Europe (ainsi la personne de l’Empereur est très mal vue au sein des milieux radicaux dans nombre de pays européens, notamment en Italie). En effet, Léon Bloy est un auteur profondément croyant, catholique convaincu mais aussi un « désespéré » face au terrifiant spectacle d’un siècle qui a érigé l’appauvrissement spirituel en facteur de progrès et le positivisme en horizon indépassable, ce qui ne l’empêche aucunement de percevoir en l’héritier politique de la révolution l’ultime émanation de la grandeur divine. Sa démarche nous encourage à regarder au-delà des enchaînements factuels qui s’offrent à nos yeux afin d’en tirer l’essence, la signification véritable. Il faut savoir faire la distinction entre des événements historiques tels qu’ils sont perçus par la majorité, de manière prétendument objective, et le sens profond que leur donnent les personnes qui décident de cette Histoire (dont fait partie l’Empereur) et qu’ont pu déceler certains auteurs comme Léon Bloy. De cette manière, il est possible à nos yeux de tirer au moins quatre grandes leçons de cette épopée formidable, leçons qui font écho avec la lutte actuelle et donnent à l’aventure napoléonienne une dimension éternelle qui transcende le temps et l’espace.

    Un premier élément est qu’il faut voir dans les guerres napoléoniennes l’archétype du conflit qui depuis l’aube de l’Humanité oppose la mer à la terre. En effet, peu d’événements historiques nous offrent un aussi bel exemple de cette confrontation entre deux empires, deux mondes, deux univers fondés sur les deux grandes conceptions antagonistes de l’existence. C’est la thalassocratie carthaginoise face à l’irrésistible émergence de la patrie de Cincinnatus, c’est la flotte du Commodore Perry au service des puissances commerciales occidentales face au shogunat Tokugawa, ce sont les communes italiennes face à la puissance impériale de Frédéric le Grand. Mais l’Angleterre qui s’oppose à Napoléon et à son bloc continental en ce début de XIXe siècle assume dans son idiosyncrasie un caractère qualitativement différent de ce qui avait été connu jusqu’alors. Les nations qui ont depuis l’aube de l’histoire humaine, fondé leur développement sur le commerce ont toujours su tracer des limites et garder à l’esprit une certaine hiérarchie de valeurs. Ce n’est plus le cas de cette Angleterre pré-victorienne à qui la voie est laissée libre de dominer le monde depuis sa victoire lors de la guerre de sept ans et qui a déjà entamé sa révolution industrielle. La digue a été brisée. Les transformations en cours en Grande-Bretagne annoncent celles qui contamineront le monde dans les décennies et les siècles à venir : déracinement, industrialisation (préparant la voie à la tertiarisation), spéculation financière, marchandisation et embourgeoisement de l’existence, sans parler évidemment de l’indigence de la condition ouvrière.

    Et Léon Bloy d’évoquer celle qu’il appelle « l’île infâme » en ces termes :

    « (…) L’abjection commerciale est indicible. Elle est le degré le plus bas et, dans les temps chevaleresques, même en Angleterre, le mercantilisme déshonorait. Que penser de tout un peuple ne vivant, ne respirant, ne travaillant, ne procréant que pour cela ; cependant que d’autres peuples, des millions d’êtres humains souffrent et meurent pour de grandes choses ? Pendant dix ans, de 1803 à 1813, les Anglais payèrent pour qu’il leur fut possible de trafiquer en sécurité dans leur île, pour qu’on égorgeât la France qui contrariait leur vilénie, la France de Napoléon qu’ils n’avaient jamais vue si grande et qui les comblait de soucis ».

    Comme l’explique admirablement Jacques Bainville dans son Napoléon, les événements européens des années 1800-1815 se comprennent à l’aune de cette problématique : toute la légitimité du pouvoir du consul devenu empereur (à qui l’on accordera jamais une légitimité de fondateur d’une nouvelle dynastie « royale ») repose sur la perception que seul lui est capable de sauver les acquis de la révolution française, les territoires de la rive gauche du Rhin inclus. Or la France agrandie de ces nouveaux territoires acquiert une puissance intolérable pour la perfide Angleterre dont la suprématie repose sur la division de ses « voisins » continentaux. L’histoire géopolitique de l’Europe depuis cinq-cents ans et du monde depuis un siècle peut d’ailleurs se résumer schématiquement comme suit : une thalassocratie (anglaise, puis américaine) qui utilise sa ruse et ses ressources financières pour corrompre, diviser et avilir la première puissance continentale, tout en apportant un soutien aux puissances continentales secondaires. C’est ce qu’a fait l’Angleterre en arrosant continuellement de liquidités les successives coalitions des autres puissances européennes jusqu’à ce qu’elles parviennent à renverser le géant français. Mais il ne s’agit pas ici d’un simple conflit politique entre plusieurs états, il faut plutôt y voir un conflit entre plusieurs conceptions du monde. C’est l’alliance du paysan et du soldat face à la révolte du marchand, du bourgeois et du banquier. Le véritable conflit est là, entre une France continentale certes contaminée par le poison libéral et démocratique mais qui continue à porter des valeurs terriennes, sédentaires, enracinées et donc spirituelles, ne serait-ce que de manière latente, face à une Angleterre nomade, commerçante et ploutocratique (comme la Russie contaminée par le communisme continuera à porter les valeurs terriennes face aux Etats-Unis).

    Les soldats prussiens et russes servaient donc les intérêts de la classe dominante anglaise en même temps que leur propre cause « nationale ». C’est là tout le malheur de notre continent depuis que le concept de nation a supplanté celui d’empire : l’impossibilité d’être unifié autrement que par la domination d’une de ses composantes, emprunte d’une conception galvaudée de l’identité collective, ce qui ne peut être inévitablement perçu que comme une domination étrangère intolérable et donne l’opportunité aux ennemis de l’Europe de la tenir sous un joug perpétuel. C’est seulement lorsque l’Europe aura renoué avec cette conception organique et spirituelle de l’Imperium, reposant sur les valeurs « continentales » dans leur pureté originelle, qu’elle pourra reconquérir sa place dans le monde.

    Dans un autre ordre d’idées et poursuivant nos réflexions sur l’épopée napoléonienne, nous souhaitons aborder un second élément, crucial à nos yeux : la place du mythe napoléonien dans l’histoire de France et sa possible utilisation comme facteur de fierté et d’orgueil national. Nous l’avons déjà dit, le nationalisme, même entendu dans son acception traditionnelle et non libérale, constitue une forme de représentation collective inférieure relativement à une vision plus « impériale ». Cependant nous devons admettre qu’en s’autonomisant, les nationalismes ont su acquérir leur propre légitimité, notamment à travers la construction progressive des différents mythes ou romans nationaux. A nos yeux, une vision à l’échelle continentale ou civilisationnelle n’est aucunement incompatible avec une vision nationale à partir du moment où les deux sont envisagées comme « emboîtées » l’une dans l’autre, en coexistence organique, l’une contribuant à la compréhension et à l’enrichissement de l’autre. Or peu de périodes de l’histoire offrent un aussi bel exemple de grandeur pour la France et ses habitants que cette aventure qui nous a vus, pendant une décennie entière, vains instants d’éternité mais d’une intensité à déformer la courbe du Temps, dominer l’Europe et inspirer la crainte et l’admiration au monde entier. Il est vrai que nous avons échoué et il est aussi vrai que cette épopée marque la dernière tentative sérieuse pour la France d’accomplir son destin d’héritière de la Rome des Césars, l’épisode le plus tragique peut-être de cette Mélancolie Française, mais aussi le plus grandiose et le plus capable d’inspirer les poètes et les hommes d’aujourd’hui. Une tragédie que Léon Bloy évoque en ces termes :

    « Ah ! Ce n’est pas la Garde seule qui recule à Waterloo, c’est la Beauté de ce pauvre monde, c’est la Gloire, c’est l’Honneur même ; c’est la France de Dieu et des hommes devenue veuve tout à coup, s’en allant pleurer dans la solitude après avoir été la Dominatrice des nations ! »

    Dès lors, comment ne pas voir dans le mythe napoléonien une des pièces incontournables du roman national français et donc un outil formidable pour sortir la France de sa léthargie, un levier qui doit redresser les consciences assoupies de nos compatriotes en même temps qu’un irrésistible marteau capable de briser à tout jamais le miroir de la honte et de l’autoflagellation ? Face au déplorable constat de la pression exercée sur les esprits de nos contemporains et visant à en extraire les derniers reliquats de dignité et de fierté que ni quinze années d’éducation républicaine, ni la couardise infinie de nos présidents successifs agenouillés au nom des Français en signe de perpétuelle expiation n’ont pu complétement annihiler, nous ne pouvons considérer qu’avec le plus grand intérêt l’opportunité offerte par les souvenirs de la grandiose épopée de contrebalancer la propagande en cours. Que peut bien le discours du plus talentueux des sophistes, adepte de l’ethno-masochisme le plus pathologique, face à la grandeur infinie qui a irradiée sur le monde par l’intermédiaire de notre Empereur, grandeur gravée à tout jamais dans le marbre solennel de l’immuable Vérité de l’Histoire ? Que peut l’infâme journaliste aux ordres, le frêle et flasque chrétien de gauche de centre-ville, le cacochyme antifa enturbanné dans son foulard hermès, l’apologète du métissage et de la sodomie comme facteurs de progrès humain, que peuvent-ils face à la merveilleuse beauté répandue sur le monde par le plus grand des Français ? Que peuvent tous ces agents des forces de désintégration face au Sacre de David, face à l’Arc-de-Triomphe et face à tous les récits hagiographiques que notre littérature a produits sur ces événements ? Ces chefs d’œuvre sont la preuve de leur vilénie et de la justesse de notre combat. Ils sont le témoignage vivant que nous nous battons pour ce qu’il y a de plus grand et noble en l’Homme et que nous souhaitons dès-à-présent voir renaître des cendres d’une histoire consumée le phénix d’une France et d’une Europe égales à elles-mêmes.

    Dans la deuxième partie de cet article, nous poursuivrons nos réflexions sur l’épisode napoléonien en évoquant deux autres aspects fondamentaux de la grande épopée : tout d’abord la figure de l’Empereur en tant que « grand homme », génie national et surhomme. Dans un deuxième temps nous évoquerons le sens du sacrifice qui a mu ses millions de fidèles et la signification à donner à celui-ci, notamment dans sa dimension anti-bourgeoise, anti-utilitariste et anti-individualiste, véritable combat contre le Temps.

    Valérien Cantelmo pour le C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2016/02/24/l-epopee-napoleonienne-l-eternite-d-un-mythe-partie-1-5764687.html

  • 1790 : Premier sursaut contre-révolutionnaire

    Savez-vous que le tout premier acte contre-révolutionnaire se produisit il y a 220 ans entre Rhône et Cévennes, au pays de Vivarais, dont la Révolution venait de faire le département de l'Ardèche ? Inexpérimentée à ses débuts, cette chouannerie atteignit le tragique et le sublime...

    Tout le premier semestre 1790, s'étaient mises sur pied difficilement les nouvelles institutions locales : on se disputait ferme sur le tracé des districts, et on allait jusqu'à s'accuser de "républicanisme" – ce qui était encore l'injure suprême ! Néanmoins en portant à la tête du directoire de l'Ardèche de grands noms du pays, les Vivarois avaient montré leur volonté de ne point trop se séparer des autorités naturelles traditionnelles. Et le 14 juillet 1790 fut fêté comme partout dans l'allégresse... et dans l'illusion (voir L'AF 2000 du 17 juin).

    Les fédérés de Jalès

    Comme partout, tout allait de plus en plus mal. L'insubordination se répandait, les forêts étaient ravagées... mais surtout l'agitation huguenote réapparaissait. Les protestants n'avaient pourtant plus de raisons de se plaindre depuis que Louis XVI leur avait accordé l'édit de Tolérance leur rendant la liberté de culte (7 novembre 1787), mais la Déclaration des Droits de l'Homme du 24 août 1789, mettant sur le même plan « toutes les opinions même religieuses », avait échauffé les esprits sur cette terre passionnée. Les échos de l'Assemblée nationale constituante semaient l'effroi : nationalisation des biens du clergé (2 novembre 1789), décret refusant au catholicisme le privilège de religion d'État (13 avril 1790), constitution civile du clergé (12 juillet )... À Nîmes, dans le Gard, le régiment de Guyenne - un ramassis de francs-maçons – et les milices huguenotes des Cévennes avaient organisé du 12 au 15 juin le massacre de trois cents catholiques dont cinq capucins. Et quand on apprit que se formait à Boucoiran, près d'Alès, un camp de protestants, ce fut dans tout le Sud du Vivarais une explosion de colère.

    L'âme du mouvement fut Louis de Malbosc, maire de Berrias (district du Tanargue) - un fort honnête homme, non systématiquement hostile aux idées nouvelles, mais qui ne supportait pas les attaques de la Constituante contre le roi et la religion catholique. Il eut vite fait de convaincre son entourage que l'ordre et la justice ont besoin de la force et que donc il fallait utiliser la seule force organisée du moment : les gardes nationaux. On créa ainsi une "fédération" aux buts autrement plus concrets que ceux de la fête du même nom... Quant au lieu de la réunion, il apparut tout de suite que ce devait être l'immense plaine de Jalès, cette terre à blé et à vigne qui s'étend au Sud de l'Ardèche, aux confins du Gard, non loin de la Lozère. Au centre de cette plaine, se dressait une imposante commanderie fondée en 1140 par les Templiers, puis affectée à l'ordre de Malte. Le rendez-vous fut fixé au 18 août.

    La constituante embarrassée

    Le camp de Jalès fut un magnifique rassemblement : plus de 180 paroisses, avec 20 000 hommes et 170 drapeaux représentant 80 000 gardes nationaux - une multitude immense et bigarrée, la plus forte mobilisation jamais vue dans le pays. L'abbé de Larque, curé de Banne, célébra la messe, assisté de vingt ecclésiastiques. Tout cela sentait bien sûr l'improvisation. Le directoire ne voulant pas se mouiller, Malbosc dut se résigner à présider lui-même la cérémonie de prestation de serment de fidélité au roi et à la nation. Puis, les buts du rassemblement n'ayant pas été suffisamment définis, certains se montraient pressés de rentrer chez eux, d'autres étaient prêts à marcher sur Boucoiran. Malbosc se sentit dépassé ; pour lui on avait montré sa force, et cela devait suffire. On décida malgré tout, avant de se séparer, de rendre permanent le comité de Jalès, afin de pouvoir en cas de besoin rassembler les forces catholiques. Ce qui, malgré lui, faisait sortir Malbosc de la légalité. Mais fait-on la contre-Révolution sans casser des oeufs ?

    Les révolutionnaires se déchaînèrent. Ils parvinrent même à obtenir du directoire du département une condamnation du camp et du comité de Jalès. Les plaintes affluèrent à l'Assemblée constituante qui parla le 5 septembre d'ouvrir une information judiciaire... mais il n'y eut personne sur place à qui la confier.

    Cet embryon de résistance à la Révolution connut pourtant un énorme retentissement. La presse "patriote" ne se retint pas, accusant les fédérés de Jalès de méditer une insurrection avec l'appui de l'Espagne (!). L'entourage des princes réfugiés à Turin avec le comte d'Artois, frère du roi (futur Charles X) commença à s'intéresser au mouvement : deux "personnages mystérieux" furent arrêtés le 1er octobre alors qu'ils dînaient chez le comte de La Saumée, lieutenant général du camp de Jalès : on sut très vite qu'il s'agissait du prince de Polignac et du marquis de Castelnau venus dire les remerciements des princes aux fédérés du Vivarais pour leur zèle et les avertir « qu'il se préparait des événements dans lesquels on aurait besoin de leurs services ». Au même moment parut un manifeste apocryphe dont l'auteur supposé était le bouillant abbé Allier, curé de Chambonas, près des Vans, qui dénonçait vigoureusement les vexations dont était victime la religion catholique, ajoutant que l'assemblée de Jalès « verserait jusqu'à la dernière goutte de sang plutôt que de laisser subsister une constitution monstrueuse assise sur des ruines et cimentée par des larmes ». Ne voulant rien dramatiser, le directoire du département obtint la libération des deux "mystérieux voyageurs". Malbosc, de son côté, voyait son prestige s'accroître. Désormais Jalès devenait un symbole ; on ne pouvait plus reculer ; au fur et à mesure que la Constituante s'en prendrait à l'Église, le Sud du Vivarais se raidirait dans son royalisme.

    L'affaire ne s'arrêta pas là, en effet. La loi obligeant les prêtres à prêter serment à la constitution (27 novembre 1790) irrita les paysans du Vivarais ; ceux du district du Tanargue se dirent prêts à tuer les prêtres assermentés qui oseraient se présenter à eux. L'heure était grave, et justifiait un nouveau camp de Jalès. Il eut lieu le dimanche 20 février 1791, renforcé par les habitants d'Uzès (Gard) qui, avec leur curé, l'abbé La Molette, fuyaient les massacres perpétrés par les protestants. Donc, 30 000 hommes bien décidés à ne reculer devant rien, pas même un soulèvement.

    Un assassinat déguisé en suicide

    Encore une fois Malbosc se sentit dépassé, il était de la trempe de Louis XVI et croyait qu'on arrêterait la Révolution sans violence. Mais la Révolution elle-même n'était-elle pas la pire des violences ? Faute de s'être posé la question, il se retrouva interné le 27 février à Pont-Saint-Esprit par les hérauts des Droits de l'Homme... Une quinzaine de jours plus tard son corps fut retrouvé sur les bords du Rhône. Un assassinat déguisé en suicide... Car les révolutionnaires avaient décidé de disperser le camp de Jalès : l'armée "citoyenne" recrutée parmi des volontaires du Gard, de la Drôme et du Vaucluse était un véritable club où les motions les plus incendiaires étaient acclamés. Ils ne manifestaient aucune pitié. Du coup le comte d'Artois et le prince de Condé quittèrent Turin le premier pour Venise et le second pour Worms ; ils avaient perdu l'espérance de voir s'embraser tout le Sud-Est.

    Les Vivarois ne s'avouaient pas vaincus : après que le pape Pie VI eut, enfin !, condamné par la bulle Quod aliquantum du 10 mars 1792 la constitution civile du clergé, ils reprirent courage. L'on retrouva les deux abbés intrépides, l'abbé Allier et l'abbé La Molette, tout prêts à reprendre le combat. Le premier avait rencontré en février à Coblence les comtes de Provence et d'Artois, frères du roi. Ceux-ci étaient désireux de coordonner le mouvement avec celui qui s'ébauchait dans d'autres provinces car on commençait à bouger à Toulouse,à Castres, en Franche Comté ; le marquis de La Rouërie venait de lancer l'Association bretonne.

    Trouvant que l'on tergiversait, un Drômois, le comte de Saillans, précipita les choses faisant sonner le tocsin pour attirer à lui les paysans. Il réussit le 7 juillet à s'emparer du château de Banne dominant la plaine des Vans et le bois de Païolive mais il ne put étendre son autorité sur tout le Sud-Ouest du Vivarais, car les troupes du département ayant eu vent du complot, renforcées par celles du Gard et de Lozère, vinrent l'encercler. Malgré des prodiges d'héroïsme, il fut arrêté le 12 juillet, et sauvagement traîné place de Grave aux Vans pour y être massacré tandis que le château de Banne était totalement détruit par un incendie de plusieurs jours. Même sort pour la commanderie de Jalès.

    Les représailles furent atroces ; 200 conjurés avaient déjà péri le 14 juillet dont neuf prêtres insermentés aux Vans. Ceux qui échappèrent à la mort devaient se retrouver à Paris à la Conciergerie sous la Terreur. Quant à l'abbé Allier, il devait monter sur l'échafaud le 16 septembre 1793 à Mende. Mais les royalistes vivarois devaient encore, de ci de là, manifester leur insoumission jusque sous le Directoire et même l'Empire. Honneur à la chouannerie vivaroise ! Inexpérimentée à ses débuts, elle atteignit le tragique et le sublime dans l'affrontement avec la Révolution. Elle démarra la première, bien avant les provinces de l'Ouest, mais celles-ci surent alors en tirer la leçon : la contre-révolution devait être totale, et pas seulement religieuse, car il n'y avait rien à attendre des nouvelles autorités en place.

    Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 1er au 14 juillet 2010

  • ZOOM - Olivier Landron : Tout sur les catholiques de tradition

  • Conférence sur les Corporations :

    La révolution Française ne fut pas du tout, comme on l'affirme mensongèrement dans les écoles républicaines, une révolution du Peuple.
    Elaborée au départ dans des officines maçonniques et des "Sociétés de Pensées" composées en grande partie de gens de noblesse, c'est la bourgeoisie d'affaires voltairienne et nantie qui fut le ferment, le moteur et - finalement - la seule bénéficiaire de ce coup de force perpétré contre un régime politique qui refusait traditionnellement d'admettre l'exclusive suprématie des "gagneurs d'or" sur les représentants de toutes les autres valeurs matérielles et spirituelles de la Nation.
    La preuve irréfutable de ce que nous écrivons ci-dessus se trouve inscrite, noir sur blanc, dans un décret pris par l'Assemblée Constituante le 14 Juin 1791, décret connu sous le nom de Loi LE CHAPELIER.
    Voici les termes exacts de ce décret:
    ARTICLE PREMIER
    "L'anéantissement de toutes les espèces de Corporations d'un même état et profession étant une des bases fondamentales de la Constitution Française, il est défendu de les rétablir sous quelque prétexe et quelque forme que ce soit."
    ARTICLE SECOND
    "Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni présidents, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibération, former des règlements SUR LEURS PRÉTENDUS INTERÊTS COMMUNS."
    En clair, et par ces quelques lignes, les soi-disant champions le LA Liberté (abstraite) étranglaient, purement et simplement, LES Libertés (concrètes) de tous les travailleurs de France, lesquels pouvaient désormais être exploités, bafoués et maltraités à l'aise par la bourgeoisie d'affaires, sans avoir le droit de se réunir entre eux...ni même celui de tenir le moindre registre exposant leurs doléances.
    ...Il a fallut ensuite, à la classe ouvrière, plus d'un siècle de luttes farouches et souvent meurtrières pour retrouver le droit de "se nommer syndics" c'est-à-dire de se syndiquer.
    Elle n'a, du reste, pû y parvenir qu'en faisant surgir des syndicats politisés...et des syndicats patronaux, d'où d'inépuisables luttes d'influences, ainsi que des ruineuses luttes de classes dont seuls profitent les agitateurs professionnels, les politicards de tout poil et, surtout...les hautes puissances plus ou moins occultes de la Super-Finance internationale.
    C'est donc, à partir de ces faits historiques et non pas des élucubrations mensongères et intéressées des héritiers matériels et intellectuels de la Révolution, que le Corporatisme entend examiner objectivement et sans préjugé les problèmes sociaux et économique de notre temps.
    C'est également, à partir de ces faits, qui sont à l'origine de la Société matérialiste et des collectivismes financiers privés et marxistes dont l'Occident Chrétien souffre et vacille aujourd'hui, que le Corporatisme tient à tirer des conclusions et à apporter des solutions qui lui semblent valables.
    Cette Loi LE CHAPELIER, ne sera que le complément d'un décret voté le 2 mars 1791 sous la proposition de Pierre D'ALLARDE.
    Le décret d’Allarde supprime les corporations, introduisant un changement radical dans l’économie et l’organisation du travail. Les corporations étaient des regroupements de personnes exerçant le même métier. Cette structure née au Moyen-Âge permettait à un corps de métiers d’exercer un monopole par secteur, souvent par ville, et d’avoir un certain poids politique. Mais elle subissait depuis le début du siècle la concurrence avec un modèle industriel capitaliste reposant sur la libre concurrence. Renforcée par la loi Le Chapelier, ce décret permet ainsi de modifier l’économie (capitaliste) ainsi que le statut de l’employé (prolétaire). La loi Le Chapelier sera aussi l’occasion d’interdire le droit de grève.