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culture et histoire - Page 1207

  • La nation et la nationalité

    Article publié sur a-rebours.fr et dans L’AF2000

    Un des grands atouts de l’école d’Action française est de posséder une théorie de la France absolument étrangère à tout présupposé idéologique et inspirée de la seule réalité historique.

    La « patrie », la « nation », sont des termes que Maurras emploie indifféremment pour désigner la France. Mais il distingue dans un passage classique le « patriotisme », vertu militaire qui s’applique à la défense du sol de la patrie et le « nationalisme », vertu plus abstraite, qui s’applique à la conservation de l’héritage moral et spirituel de la nation. En un sens, le nationalisme assure la régence en l’absence du prince.

    Maurras ne fait pas de la nation un absolu. Il l’envisage comme une modalité historiquement déterminée, et donc contingente, de la nature sociale de l’homme, elle seule absolument universelle et nécessaire. Mais il la considère, dans les conditions qui sont les nôtres, comme la réalité politique la plus haute : « le plus vastes des cercles communautaires qui soient, au temporel, solides et complets. » La souveraineté politique ne peut donc s’exercer qu’à cet échelon, du moins dans le cas de la France. La nation est la clef de voûte sans laquelle les réalités sociales plus petites, que Maurras entend restaurer car elles permettent l’enracinement, ne peuvent subsister. [....]

    Stéphane BLANCHONNET

    La suite sur A Rebours

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?La-nation-et-la-nationalite

  • Tactique du nuage de papillons

    Tactique d’action de rue. Le but est de se rendre insaisissable : on virevolte, on se regroupe en nuage coloré, on agit, et on se disperse en un clin d’œil pour se reformer ailleurs en se combinant différemment. Cette tactique est utilisée par les Black Blocs pour mener des actions de destruction de propriété, mais on peut s’en servir pour organiser toutes sortes d’actions furtives.
    Le premier principe est celui de la « pulsation », c'est-à-dire le va-et-vient constant par lequel les groupes se forment, se dispersent, se reforment. Comme dans la guérilla, une fois l’attaque accomplie, les groupes opérationnels pratiquent l’ « absorption » dans l’environnement immédiat, où ils se camouflent pour échapper à l’adversaire. Mais cette tactique devient très problématique lorsqu’on la met en œuvre sans l’accord des manifestants : on instrumentalise alors les personnes qui prennent part au cortège et on les expose à un risque qu’elles n’ont pas toujours choisi de prendre (le groupe mobile, en se repliant dans la manifestation, peut ramener avec lui une charge de police).
    Le second principe est celui de l’action « en essaims », c'est-à-dire l’action chaotique et simultanée de groupes éclatés. Différents groupes d’affinité se coordonnent pour agir au même moment. L’action est synchronisée à l’aide d’un signal quelconque, mais elle n’est pas centralisée. Pas de « cerveau de la bande » ni d’état-major. Cette forme d’organisation rend les actions pratiquement imprévisibles pour la police.
    Morjane Baba, Guerilla Kit 

  • Le «Je suis Romain !» de Maurras

    « Je suis Romain, parce que Rome, dès le consul Marius et le divin Jules, jusqu’à Théodose, ébaucha la première configuration de ma France. Je suis Romain, parce que Rome, la Rome des prêtres et des papes, a donné la solidité éternelle du sentiment, des mœurs, de la langue, du culte, à l’œuvre politique des généraux, des administrateurs et des juges romains.
    Je suis Romain, parce que si mes pères n’avaient pas été Romains comme je le suis, la première invasion barbare, entre le Ve et le Xe siècle, aurait fait aujourd’hui de moi une espèce d’Allemand ou de Norvégien.
    Je suis Romain, parce que, n’était ma romanité tutélaire, la seconde invasion barbare, qui eut lieu au XVIe siècle, l’invasion protestante, aurait tiré de moi une espèce de Suisse.
    Je suis Romain dès que j’abonde en mon être historique, intellectuel et moral. Je suis Romain parce que si je ne l’étais pas je n’aurais à peu près plus rien de français. »

    Charles Maurras – Dilemme de Marc Sangnier

    http://reconquetefrancaise.fr/le-je-suis-romain-de-maurras/

  • Le nationalisme est un réalisme pragmatique

    « La politique c’est l’art de guider la nation. »
    (J. Haupt – Le procès de la démocratie).

    « La dialectique et l’émotion, la sèche analyse intellectuelle et la frénésie de l’esprit sentimental ».
    (P. Bourget – Banquet de l’Appel au soldat de 1904).

    La philosophie politique se doit d’être pragmatique sur la nature des hommes et des sociétés, mais encore faut-il pour ça ne pas se tromper sur celle-ci. Ici, nous ferons donc abstraction des délires abstraits d’un Jean-Jacques Rousseau et son « contrat »sur lesdites sources « d’inégalités » sociales…

    Ce pragmatisme, on l’observe chez des auteurs comme Paul Bourget (1852-1935), fondateur de l’École du Traditionalisme français. Une pensée qui lie la science avec la politique.

    D’abord romancier expérimental, il devient moraliste et porte un intérêt pour la psychologie, pour enfin épouser les domaines de la science, de la foi catholique et des réalités naturelles, de l’Ordre naturel. Ses analyses relèvent de l’expérimental, toujours basé sur les lois biologiques, tout comme chez Charles Maurras ou encore le docteur Alexis Carrel, et il établit donc des recherches scientifiques dans le domaine philosophique et politique. Ce qui explique pourquoi il revendique que :

    « Ce n’est pas une construction idéologique qu’il faut entreprendre, ce sont des observations qu’il faut dégager. C’est proprement l’application de la méthode scientifique à la vie morale et sociale. »
    (Quelques témoignages).
    « La politique c’est, la recherche des lois naturelles de la Cité par voie d’observation. »

    (Études et portraits).

    L’idée est de dire qu’il est possible d’avoir des idées contre la nature, mais qu’il est impossible de contourner cette réalité. Mettre la main au feu brûlera toujours.

    À partir de son livre Le Disciple il condamne philosophiquement le scientisme, le matérialisme et le naturalisme. Il refuse tout ce qui a été dénaturé ou déstructuré par la révolution anti-française de 1789, et devient par conséquent un fervent défenseur de l’identité et de la famille, comme structure de base, en mettant en avant les lois rationnelles de la vie en société :

    « Notre individu ne peut trouver son ampleur, sa force, son épanouissement que dans le groupe naturel dont il est issu. »
    « L’organe local de cette race est la nation, plus profondément la région, et plus profondément encore la famille. Ou plutôt nation, région, famille ne font qu’un. »
    (Discours de 1904 au banquet « l’Appel au soldat » organisé parl’Action française, en présence de Maurice Barrès).

    Voilà pourquoi le regretté Jacques Ploncard d’Assac a relaté cet auteur comme l’un des maîtres à penser du nationalisme français dans son livre Doctrines du nationalisme.

    « Rassemblons des faits pour avoir des idées. »
    (Maxime de Buffon).

    « Le saint, qu’il prie pour nous ; le savant, qu’il nous instruise ; c’est le prudent qui doit nous gouverner.»
    (R.P. Sineux – Initiation à la théologie de saint Thomas d’Aquin).

    Pragmatisme, c’est dire que la valeur pratique est le principe du vrai, il s’agit certes d’un terme moderne, mais il était déjà contenu par le passé dans la vertu de prudence. L’idéologie est au systématique ce que le pragmatisme est à la prudence. Ce qui écarte tout type de pensée toute faite, automatique.

    L’analyse et l’action doivent d’ailleurs aller de pair avec la prudence en politique, chose prônée par Aristote précurseur de la pensée réaliste, pour être ensuite reprise et perfectionnée par saint-Thomas d’Aquin, un grand Docteur de l’Église qui a accompli la pensée du philosophe grec de l’ère préchrétienne en y ajoutant sa partie surnaturelle. La prudence est aussi une vertu cardinale pour l’Église, celle dont dépend toutes les vertus morales.


    9782845191944_1_075146.jpg«
    Réfléchir avant d’agir. Peser le pour et le contre, mesurer à l’avance, autant qu’il est possible, les conséquences d’un acte ou d’une attitude, s’entourer d’un maximum de garanties pour parer à un échec et assurer la réussite, le cas échéant donner à d’autres les conseils opportuns pour éviter le mal et réaliser le bien…, tout ce qui concerne la part d’intervention de chacune des facultés, l’harmonieux équilibre à maintenir entre les diverses influences et le dosage des tendances opposées, tout cela est l’œuvre de la Prudence. (…)

    Quoi qu’il en soit, le prudent est bien celui qui voit clair, tant parce qu’il connaît les principes universels qui régissent l’agir humain, que parce qu’il sait en faire l’application judicieuse aux circonstances particulières ; celui qui voit loin même, capable de découvrir largement les effets dans leurs causes, de projeter sur l’avenir les clartés du présent, autant que de retenir les lumières de l’expérience pour en faire les flambeaux de nouveaux essais. (…)

    La Prudence prévoit afin de pourvoir ; elle guide le choix, puis commande l’action. Car les délibérations sans fin seraient hésitations plutôt que prudence ; et la vertu étant puissance d’action ne peut rester aux préliminaires, elle arrive sans tarder à la décision et à l’exécution ; l’imperium. La vertu de Prudence est la plus indispensable à quiconque est chargé de régir la société.»
    Révérend Père Raphaël Sineux – Initiation à la théologie de saint Thomas d’Aquin – La nature de la Prudence (extrait).

    « L’adéquation de l’intelligence à la réalité des choses. »
    (St. Thomas – Somme théologique). 

  • Éloge du combat nationaliste intransigeant de Pierre Sidos par Joseph Merel

    de-quelques-problemes-politico-religieux-contemporains-stepinac.jpg« Pierre Sidos, nationaliste français intransigeant, d’un grand courage, complètement désintéressé, et d’une parfaite fidélité à sa doctrine, ce qui mérite respect et reconnaissance. Pierre Sidos est le seul nationaliste français, depuis cinquante ans, à avoir été capable de professer un catholicisme intègre, un révisionnisme héroïque, un anti-communisme à toute épreuve ; un anti-libéralisme, un anti-sionisme, un anti-judaïsme, un anti-démocratisme sans concession. Il est le seul dirigeant français à avoir eu la lucidité de revendiquer, de surcroit sans mimétisme anachronique, l’héritage du fascisme. Il est peut-être l’unique responsable politique français encore vivant à avoir su comprendre et professer que l’intérêt véritable de la France eut été d’œuvrer à la victoire du national-socialisme. »
    Joseph Merel (alias Stepinac) dans « De quelques problèmes politico-religieux contemporains » – Chapitre V : L’Europe et les nationalismes – Page 130.

    http://pierresidos.fr/2016/02/15/eloge-du-combat-nationaliste-de-pierre-sidos-par-joseph-merel/

  • Antoine Blanc de Saint-Bonnet (1815 - 1882)

    A prendre leur état civil, c'est de Le Play qu'il faudrait d'abord parler, puisque, né en 1806, il est de neuf ans l'aîné de Blanc e Saint-Bonnet. Mais, si nous prenons la chronologie de leur oeuvre, c'est au cadet qu'il faut donner le pas. Lorsque Le Play, publiera, en 1855, ses fameux Ouvriers Européens, il y aura déjà onze ans que l'ancien mousquetaire noir de Louis XVIII, M. de Salvandy, devenu Ministre de l'Instruction Publique de Louis-Philippe, a décoré de la Légion d'Honneur un jeune sociologue de 29 ans, pour un imposant ouvrage en trois volumes, De l'Unité Spirituelle, ou de la Société et de son But au delà du Temps. A vingt-cinq ans, ce provincial, en écrivant un opuscule intitulé : Notion de l'Homme tirée de la notion de Dieu, avait déjà annoncé quel problème ferait l'objet des réflexions, des études et des approfondissements de toute sa vie. C'est le problème de la Contre-Révolution. La Révolution est l'aboutissement logique d'une philosophie matérialiste qui veut voir en l'homme indéfiniment perfectible le Dieu de l'avenir ; pour combattre la Révolution et son oeuvre de mort, il faut opposer à cette philosophie la Théologie, qui nous enseigne que, depuis la faute d'Adam, l'Humanité est infirme et ne peut avancer qu'en s'appuyant sur son Rédempteur. « Voici le fait : il y eut une Chute, il y a le mal, il est au sein de l'homme. Il faut le préserver des suites et lui rendre le bien, ainsi que la vérité perdue. Il faut, à l'aide du secours divin, que l'homme remonte à l'état de vertu et de charité, qu'il aurait dû primitivement atteindre » (1).

    Antoine de Saint-Bonnet appartient à la bourgeoisie aisée. Celui qui a écrit : « Qu'est-ce que le bourgeois ? Un homme du peuple qui a économisé » sait fort bien que sa particule n'est là que pour le localiser, et, littéralement, le particulariser. Blanc est un patronyme assez commun ; pour éviter des confusions, Joseph Blanc, père d'Antoine, avait pris l'habitude de signer Blanc-Saint-Bonnet, du lieu dont sa famille était issue et où, en qualité d'homme d'affaires des moines de Savigny, il avait acquis une propriété. Plus tard, le tiret se transforma en particule. Ce Saint-Bonnet-le-Froid, qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme du Velay, est un hameau des monts du Lyonnais, que l'on peut gagner, soit par Grézieu-la-Varenne, soit par Vaugneray, et qui n'est guère qu'à cinq lieues de Lyon. De ses 700 mètres d'altitude, on a une très belle vue sur les monts du Beaujolais au point où ils touchent au Forez. Le château, aujourd'hui mi-ferme, mi-auberge, voisinait avec une chapelle ruinée par la Révolution et reconstruite par le philosophe. C'est lui pareillement qui avait entouré la vieille demeure d'une forêt de sapins maintenant décimée. Antoine, né à Lyon le 28 janvier 1815, passera son enfance dans cette solitude. Plus tard, les étés ramèneront le collégien, puis l'étudiant, sous les frais ombrages de Saint-Bonnet ; plus tard encore, vers 1840, il en fera sa résidence principale. S'il est vrai - et c'est vrai - que l'homme, pétri du limon de la terre, garde l'empreinte des paysages que son enfance a aimés et qui restent le cadre de son activité, rien d'étonnant à ce que l'oeuvre de Blanc de Saint-Bonnet porte la marque de la puissante et austère majesté qui émane de la montagne et de la forêt. Ses parents le destinaient au notariat, mais il avait peu de penchant pour grossoyer des actes. La mort prématurée de son père lui donnera licence de se laisser aller à son goût pour les sciences politiques. Sans doute y fut-il aidé par l'impulsion qu'avait donnée à son esprit son professeur de philosophie, l'abbé Noirot, qui deviendra Inspecteur général de l'Instruction Publique et aidera plus tard Le Play à retrouver la pratique religieuse. Il faut bien que l'influence de ce prêtre ait été forte pour que l'homme qui devait proclamer en 1851 : la démocratie triomphe, et je viens combattre la démocratie, ait accepté en 1848 de solliciter les voix des électeurs lyonnais - vainement d'ailleurs! - sur la même liste que l'abbé Noirot et que son ami Victor de Laprade, en déclarant : « La République est la forme naturelle de la Société chrétienne ! »

    Cette illusion, partagée alors par tant d'excellentes gens, se dissipera vite devant la leçon des événements. Il ne fut pas long à découvrir que la démagogie ruineuse sort inéluctablement de la démocratie, et qu'Alphonse Karr avait raison de dire « Il suffit de quelques grelots au bonnet de la Liberté pour en faire le bonnet de la Folie ». Trois ans après sa candide profession de foi démocratique, il publiera le fruit de ses réflexions dans son maître livre, La Restauration Française, à propos duquel Montalembert lui écrira : « Nul n'a vu de si haut ni plus loin que vous. » Quelques citations nous feront mesurer le cheminement de sa pensée « Vu l'état où le voltairianisme et les gouvernements ont mis les masses, la République, c'est la démocratie: la démocratie, c'est le socialisme; et le socialisme, c'est la démolition de l'homme. » ... « Le socialisme n'est que la religion de l'Envie. » ... « Par l'effet de sa chute, l'homme est à l'état d'envie. Quand le peuple entendit pour la première fois ces mots La propriété, c'est le vol, il a senti le raisonnement justificateur de ce qui sommeillait en lui depuis qu'il a perdu la roi. Et sa conscience ainsi faite, il a marché d'un trait dans la Révolution. » ... « Vous ne vouliez rien de divin, vous saurez ce que les moyens humains coûtent ! Vous vouliez l'institution à la place de la conscience, vous saurez ce que produit l'institution ! Payer dix militaires, quatre employés et deux mouchards où il n'y avait qu'à nourrir un prêtre, n'est pas le moyen de couvrir ses frais. » L'expérience des ateliers nationaux, ouverts par décrets du 25 février 1848, - et dont l'Assemblée Constituante dut ordonner la dissolution immédiate le 21 juin parce que leur inutilité n'en coûtait pas moins 150.000 francs par jour -, lui fait écrire :
    « Les hommes, dans leur méfiance, ont cru que le christianisme était faux. Ils ont dit : l'homme naît bon ; ils ont dit : il est ici bas pour jouir ; ils ont dit : la richesse est toute faite ; ils ont dit : tous y ont un égal droit ; ils ont dit : il faut égalité des salaires ; et l'on ouvrit les ateliers nationaux. Et qu'a fait l'homme bon ? Il a fait comme le sauvage, il s'est couché, déclarant que c'est à la Société de le nourrir. Si la méthode eût été générale, le pain manquant, il eût fallu, comme dans l'antiquité, forcer les bras au travail. Eh ! Nous y voilà donc... Ou le christianisme, ou l'esclavage. »
    Et ce raccourci étonnant qui contient toute la réfutation de l'utopie collectiviste : « Le socialisme suppose une immaculée conception de l'homme. » Si Jean-Jacques Rousseau avait raison ; si l'homme était naturellement bon ; si l'envie du bien d'autrui, ou de sa supériorité, n'habitait pas, dès sa tendre enfance, sa pensée ; si la paresse, sous l'euphémisme de loi du moindre effort, ne freinait pas d'ordinaire son activité ; si aucune convoitise, aucune violence, aucun désir de nuire à son prochain ne se trouvaient en germe dans son coeur, alors, évidemment, on pourrait imaginer une Société reposant sur le principe du collectivisme, autrement dit sur la mise en commun des efforts de chacun et sur la distribution des richesses créées par le travail de tous, entre chaque membre de la communauté, selon ses besoins. Malheureusement, l'homme n'est pas né sans tache.

    Tous les péchés capitaux sommeillent en lui, et justement tout l'art des meneurs de peuples consiste à faire concourir au bien commun les défauts mêmes de l'humanité, comme un habile navigateur sait utiliser les vents contraires pour aller de l'avant. Si l'homme est certain d'avoir ses besoins essentiels assurés par la collectivité, quelle que soit sa propre activité, il se laissera aller à sa nonchalance naturelle, et la paresse de chacun engendrera vite la misère de tous. Mais si vous mettez en jeu son égoïsme inné en promettant à l'effort accru une rétribution supplémentaire, la perspective de pouvoir satisfaire des convoitises nouvelles forcera au labeur son indolence native. Etre intéressé est, certes, un vilain défaut ; mais c'est un défaut que l'on peut faire servir à l'amélioration des conditions de vie d'un individu, d'une famille, voire d'une société. En transformant les « stakhanovistes » en une manière de héros civils au sort enviable, le régime bolcheviste reconnaît lui-même que l'esprit de vanité et de convoitise, stimulé par des avantages divers, est le plus efficace ressort d'une production intensifiée. Mais, du coup, les grands prêtres de la religion nouvelle ont renié le dogme fondamental de l'égalité entre les hommes et désavoué Rousseau : l'humanité n'est pas naturellement portée au bien. Et cela frappe de vanité toutes les Salentes bâties dans les nuées par tant de théoriciens socialistes. Cependant, il est des lieux qui s'en rapprochent. On voit ça et là de vastes demeures où, sans contrainte extérieure, des hommes et des femmes s'affairent à leurs travaux tout au long du jour, s'asseoient à la même table pour un frugal repas, et témoignent par leur visage calme et souriant que cette vie de labeur régulier, dont ils ne tirent aucun profit personnel, leur parait la plus belle du monde. Seulement ces hommes ou ces femmes, pour réaliser cet idéal collectiviste, ont dû se lier vis-à-vis d'eux-mêmes par un triple serment : renoncer à toute propriété personnelle, se refuser aux joies du foyer et des enfants qui le peupleraient, accepter d'avance et sans discussion les ordres du chef qu'ils auront choisi.

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