Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1350

  • Julius Evola : « Valeur éthique de l’autarcie »

    A notre époque, il arrive souvent que la force des circonstances et des « causes positives », ces dernières étant tenues en si grand compte dans de nombreux milieux, finissent par provoquer des situations qui, en apparence, ne tirent leur sens que d’elles-mêmes, mais qui, pour un regard plus aigu, sont susceptibles d’incarner aussi une valeur plus haute et de s’élever ainsi au-dessus de l’ordre de la pure contingence.

    C’est de manière tout à fait intentionnelle que nous avons utilisé le mot « susceptibles », car nous voulions indiquer par là le caractère de « possibilité », et non de nécessité, propre à cette signification supérieure. Les cas sont nombreux où le destin nous offre quelque chose, sans que nous nous en apercevions et sans que nous sachions en profiter. Et dans d’autres cas tout aussi nombreux, qu’il s’agisse de l’existence individuelle ou de la vie collective, la force des choses agit comme cet éleveur qui, tout en ayant une véritable affection pour un nouveau cheval, était contraint de le fouetter, mais s’arrêtant toujours devant le dernier obstacle, qu’il aurait pu aisément franchir, avec un petit effort, s’il avait compris. A une époque où le regard est hypnotiquement fixé sur le plan matériel, celui de la « réalité positive », des cas douloureux de ce genre se vérifient très fréquemment : on reçoit des « coups » de tous les côtés, sans réussir à comprendre et à suivre la juste orientation. Les « leçons de l’expérience » servent à accumuler laborieusement des faits, à les relier les uns aux autres de diverses façons en fonction de nos buts pratiques ; ils ne servent pas à nous faire saisir un sens, ils ne servent pas à nous réveiller et à nous mener, réveillés, vers la bonne direction.

    La fameuse formule : « l’économie, c’est notre destin », n’est que le triste signe d’une époque, malheureusement non encore disparue entièrement. Fausseté évidente à toute époque normale de l’histoire et de la civilisation, ce principe est devenu vrai après que l’homme eut détruit, l’une après l’autre, toutes les valeurs traditionnelles et tous les points de référence supérieurs, qui présidaient auparavant à ses décisions et à ses actions. La toute-puissance de l’économie n’est que le signe d’une abdication, de même que, dans les phénomènes d’hypnose, la toute-puissance des automatismes psychophysiques a pour présupposé la suspension des facultés conscientes et, en général, de la personnalité.

    Naturellement, ce principe, en tant que formule, a été surmonté de nos jours, du moins parmi les courants de droite. Selon le mot de Mussolini, « le fascisme croit encore et toujours aux actes où aucun motif économique, proche ou lointain, n’intervient », et elles seules, à l’exclusion de tous les autres facteurs, suffisent à expliquer toute l’histoire. Une autre formule connue dit que la reconnaissance du pouvoir de l’économie doit aller de pair avec ceci : l’homme n’est pas l’objet, mais le sujet de l’économie. Tout cela est évident, intuitif, naturel. C’est la vue opposée qui présente tous les caractères d’une véritable anomalie idéologique.

    Cela, en théorie. En pratique, les choses malheureusement se passent autrement, car « les esprits évoqués, tu ne les éloigneras pas si facilement », comme nous en avertissait déjà Goethe. Ainsi, tandis que, d’un côté, nous ne pouvons que condamner les principes du renouveau idéaliste, de l’autre, nous sommes souvent contraints de prendre en compte des nécessités pratiques bien précises, et c’est là un engagement tout aussi sacré pour quiconque ne veut pas couper sa notion de la réalité et la mener, à brève échéance, à la ruine. L’aspect le plus tragique d’un tel dualisme, c’est qu’il peut dégénérer dans une véritable antinomie : on est parfois obligé de taire momentanément l’idée ou de la faire attendre, au nom de conjonctures de forces économiques, financières, commerciales exigées par les intérêts les plus fondamentaux de la notion. Idée et réalité ne cheminent donc pas toujours parallèlement dans la politique contemporaine ; chose indifférente, lorsque l’idée est pur simulacre, simple mythe, subordonné à Mammon ; chose grave, en revanche, lorsqu’elle est vraiment idée.

    Quiconque examine le déroulement des toutes dernières années peut se convaincre que l’autarcie, plus qu’un principe, est la conséquence nécessaire d’une certaine situation générale politico-économique. Pour beaucoup, elle représente aujourd’hui encore un véritable scandale, ce qu’il put y avoir de plus irrationnel : la rationalité étant vue, par ces gens là, dans la « répartition du travail », dans un échange avec une marge de liberté suffisante, à partir d’une péréquation des douanes. C’est chose absurde, nous dit-on, de constituer dès le départ un système selon lequel certains peuples sont obligés d’imaginer toutes sortes de ressources et de se serrer la ceinture pour vivre « en autarcie », tandis que d’autres sont frappés par leur richesse même. Il s’ensuit qu’on voit dans l’autarcie une « créature de nécessité », déterminée par l’intervention violente et intentionnelle de la politique dans l’économie.

    La facilité avec laquelle un tel point de vue, aux indubitables relents matérialistes, peut être renversé est, en vérité, étonnante. On peut en effet se demander si le système opposé à l’autarcie, celui réputé libre, serait « rationnel » et « sensé », lui qui ne serait autre que le système où le fait brut d’une certaine puissance économique supérieure de quelques peuples – puissance fondée, surtout, sur la possession de matières premières – enfermerait dans le filet insécable d’une dépendance passive d’autres peuples, à travers, précisément, la « fatalité » et la « rationalité » du processus économique « normal ». D’un point de vue supérieur, ce serait très exactement le plus répugnant des illogismes ; un assujettissement plus brutal que celui d’une quelconque tyrannie personnalisée.

    Les peuples qui refusent aujourd’hui de se laisser prendre dans les rouages d’un tel engrenage et qui ont adopté l’autarcie comme principe, sont des peuples déjà éveillés à quelque chose de spirituel, des peuples qui font preuve de sensibilité pour des valeurs non purement réductibles à celles du ventre et de ce qui en dépend : et ceci est déjà le commencement d’une libération. Si c’est la nécessité qui les a conduits à cette situation (et nous devons faire rentrer aussi dans la nécessité tout ce qui se rapporte à la seule et réaliste politique), il faut reconnaître que la nécessité, dans ce cas, a rempli, précisément, cette fonction providentielle dont nous parlions au début, et qu’il suffit de faire un pas de plus pour s’élever, par une juste réaction, à une conscience effectivement spirituelle.

    « Autarcie » signifie, étymologiquement, « avoir son propre principe en soi ». Seul est libre – disaient les Anciens – celui qui a en lui-même son propre principe. Toute la question converge sur le sens de cette liberté. Les interprétations courantes sont connues : elles reposent sur le domaine financier, d’un côté, sur le domaine militaire, de l’autre. L’autarcie économique nous garantit une marge de liberté envers la politique monétaire, nous permet de fixer et de défendre notre monnaie. Sans l’indépendance économique, la conduite d’une guerre moderne est gravement compromise, elle se ramène à quelque chose de semblable à un jeu de hasard qui réussit sur le coup (à brève échéance), ou qui mène à la ruine, l’équipement technico-militaire réclamé par une guerre moderne ne pouvant s’alimenter de lui-même, même si l’on fait abstraction d’un possible blocus.

    Ce sont deux excellentes raisons. Mais l’on oublie la troisième, la plus importante, à notre avis. L’autarcie a la valeur d’un principe, au sens le plus élevé du terme, parce qu’elle est laconditio sine qua non d’une liberté des alliances et des inimitiés sur une base non matérialiste (réaliste), mais éthique. Il est en effet évident que plus une nation réussira à vivre en autarcie sur le plan économique, plus elle sera capable de suivre une idée, voire un idéal, dans toute sa politique étrangère ; autrement dit, plus grande sera sa faculté de désigner l’ami ou l’ennemi indépendamment de l’occasion la plus triviale et de la nécessité la plus brutale. Les raisons autarciques seraient donc les seules en mesure de former des fronts justifiés par de vrais principes, par des affinités idéales et spirituelles, plutôt que par une simple et changeante convergence d’intérêts. Une chose, certes, n’exclut pas l’autre, et la condition idéale serait incontestablement atteinte si une coïncidence des deux plans se vérifiait. Dans tous les cas de coïncidence imparfaite, contrairement à l’époque sournoise du matérialisme et de l’économisme, dont nous sommes en train de nous arracher, et qui était caractérisée par une subordination cynique, froide et immédiate de l’idée à l’intérêt, l’époque nouvelle, si elle ne se trahit pas elle-même et si elle doit vraiment mériter d’être appelée nouvelle, sera caractérisée par le principe opposé, c’est-à-dire par une décision active des nations, une décision venant d’en haut, sur la base des possibilités d’indépendance et de mobilité qui dérivent du degré maximal d’autarcie sensément réalisable dans chacune d’elles.

    Le jour où l’on parviendra à cela, le côté positif de l’autarcie apparaîtra pleinement. Et si dans un premier temps ce principe nous a pratiquement été imposé de l’extérieur et a exigé de nous effort et discipline, la nouvelle attitude nous permettra de juger la chose d’un point de vue bien différent : la coercition exercée par l’« histoire » sera comprise comme le seul moyen qui était à disposition pour conférer à un instinct supérieur, encore inconscient de soi, un premier sens de la bonne direction.

    Julius Evola

    Essais politiques (recueils d’articles, 1938)

    Deuxième partie : Économie et critique sociale

    Article III : Valeur éthique de l’autarcie

    Edition Pardès, 1988, p.189-194.

    Source : Front de la Contre-Subversion

    http://la-dissidence.org/2015/05/19/julius-evola-valeur-ethique-de-lautarcie/

  • Italie : Les mystérieuses catacombes de Rome

    L’historien Michael Scott enquête sur un mystérieux caveau récemment découvert à Rome après un effondrement. Plus de 2000 squelettes sont empilés de manière très inhabituelle pour les catacombes de Rome. Avec l’aide d’archéologues et de spécialistes, ce film passe en revue les différentes hypothèses qui pourraient expliquer la présence de ces corps.

    Les premiers indices suggèrent que ces ossements appartiendraient à des martyrs chrétiens. Mais l’étude approfondie des os contredit cette première hypothèse. D’autres résultats laissent à penser que de grandes épidémies seraient la cause de ces multiples décès…

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Une université d’été pour les jeunes patriotes !

    La formation est essentielle pour comprendre le monde qui nous entoure.

    Or, le mouvement Renouveau français (une organisation politique sérieuse, avec d’excellentes idées et un niveau moral qui dénote avec ce qu’on peut malheureusement voir ailleurs) propose une université d’été qui pourra légitimement intéresser certains de nos jeunes lecteurs (ou des lecteurs connaissant des jeunes) :

    « Le programme sera riche et des personnalités qualifiées interviendront (auteurs, conférenciers, etc). Participation de délégations étrangères. »

    visuudt2015A

    Détails en cliquant ici.

    http://www.contre-info.com/

  • Figures animales dans la mythologie scandinave

    Au∂umla, la vache primordiale 

    Au∂umla (ou Au∂humla ou Au∂umbla) est la désignation en vieux-norrois (cf. Snorra Edda, Gylfaginning 5) de la vache originelle, primordiale, née du dégel des frimas primordiaux. Snorri raconte que les quatre flots de lait coulant de son pis ont nourri le géant Ymir, tandis qu'Au∂umla libérait Buri, l'ancêtre de tous les dieux, en lêchant pendant trois jours la glace salée qui le retenait prisonnier. Au∂umla signifie «la vache sans cornes et riche en lait» (du vieux-norrois au∂r, signifiant «richesse», et humala, signifiant «sans cornes»). Tacite nous parle déjà des vaches sans cornes que possédaient les Germains dans Germania, 5. La figure de la vache sacrée est liée, dans de nombreuses religions non germaniques, à la figure de la Terre-Mère (à l'exception des anciens Egyptiens qui vénéraient Hathor, une déesse du ciel à tête de vache). Ainsi, chez les Grecs, Hera (dont on dit qu'elle a «des yeux de vache») et surtout Isis, présentent encore, dans leur culte, des restes du culte de la vache. Dans le domaine germanique, il faut citer le dieu Nerthus, comme lié au culte de la vache. D'après Tacite, son effigie est promenée lors des processions cultuelles dans un chariot tiré par des vaches. Lorsque Snorri nous parle des quatre flots de lait (ou fleuves de lait), il sort vraisemblablement du domaine religieux indo-européen et germanique: les pis d'Au∂umla sont vraisemblablement un calque du mythe proche-oriental des quatre fleuves du paradis, liés au culte de la Magna Mater. Rudolf Simek, le grand spécialiste allemand de la mythologie scandinave et germanique, pense que cette image du pis générateur de quatre fleuves de lait, indique très nettement la formation chrétienne de Snorri.

    Sleipnir, le cheval d'Odin

    Sleipnir (du vieux-norrois, «celui qui glisse derrière») est le cheval à huit jambes d'Odin. Il est né du coït de Loki (qui avait pris la forme d'une jument) et de l'étalon géant Sva∂ilfari; Snorri nous rapporte ce fait dans son histoire des géants bâtisseurs (Gylfaginning, 41; on comparera ce récit à celui de Hyndluljód, 40). Snorri raconte que Sleipnir est le meilleur de tous les chevaux des dieux (Gylfaginning, 14; cf. aussi Grímnismál, 44); Hermo∂r, en chevauchant Sleipnir pour se rendre dans le Hel (le séjour des morts), saute au-dessus de la palissade entourant Hel (Gylfaginning, 48). Odin chevauche également Sleipnir pour se rendre en Hel (Baldrs draumar, 2); Haddingus, pris par Odin en croupe, voit toute la mer sous lui (cf. Saxo, Gesta Danorum, I, 24). Le Sigrdrifumál, 15, évoque les runes qui seraient inscrites sur les dents de Sleipnir. Sleipnir est très souvent cité dans les chants de l'Edda, mais rarement dans la poésie des scaldes. Son nom semble donc assez récent et n'est sans doute apparu que vers la fin du Xième siècle, pour désigner la monture d'Odin. Quand à l'histoire racontant sa naissance, par Loki transformé en jument, elle ne date vraisemblablement que de Snorri.

    Snorri est de robe grise et possède huit jambes. Plusieurs sources mentionnent ces caractéristiques (Snorri, Gylfaginning, 41; Hervarar Saga ok Hei∂reks, strophe 72). Odin est toutefois représenté monté sur son coursier à huit jambes sur des pierres sculptées du Gotland, datant du VIIIième siècle (Tjängvide; Ardre). Sur d'autres pierres, Odin est à cheval, mais le cheval a très normalement quatre jambes. Ce qui nous permet d'émettre l'hypothèse que les anciens Scandinaves dessinaient huit jambes pour suggérer la vitesse. La représentation dessinée est ensuite passée dans le langage de la poésie et s'est généralisée.

    Les images d'Odin représentent souvent le dieu à cheval. Bon nombres de ses surnoms indiquent le rapport d'Odin aux chevaux: Hrósshársgrani («celui qui a la barbe en crin de cheval») et Jálkr (le hongre). Les archéologues se demandent si Odin doit réellement être liée au culte du cheval. Il existe une interprétation mythologique naturaliste courante mais fausse, du mythe de Sleipnir: ses huit jambes représenteraient les huit directions du vent.

    Le sculpteur norvégien Dagfinn Werenskiold a réalisé un bas-relief de bois représentant Odin monté sur Sleipnir. Sculptée entre 1945 et 1950, cette œuvre orne la cour de l'Hôtel de Ville d'Oslo. A l'époque contemporaine, Odin a été rarement représenté à cheval. 

    La légende veut que la crique d'Asbyrgi, dans le nord de l'Islande, soit l'empreinte du sabot de Sleipnir.

    Sous le IIIième Reich, on avait l'habitude de donner le nom de Sleipnir aux bâteaux. En 1911, un navire de dépêche de la marine impériale allemande avait déjà reçu le nom de Sleipnir. En 1965, la marine norvégienne a donné le nom de Sleipnir à l'une de ses corvettes.

    Depuis 1983/84, Sleipnir est également le nom d'un champ pétrolifère norvégien situé entre Stavanger et la côte septentrionale de l'Ecosse.

    Hei∂run, la chèvre symbole d'abondance

    Hei∂run est le nom d'une chèvre de la mythologie nordique. D'après le Grímnismál, 25, elle séjourne dans le Walhall et se nourrit des feuilles de l'arbre Læra∂r. De son pis jaillit un hydromel limpide qui coule directement dans les coupes des Einherier (les guerriers tombés au combat) (voir également Gylfaginning, 38). Dans le Hyndluljód, 46, 47, Hyndla reproche à Freya, outragée, qu'elle est aussi souvent «en rut» que Hei∂run. Le spécia­liste néerlandais de la mythologie germanique, Jan De Vries, pense que les noms tels Hei∂vanr et Hei∂raupnir, dérive d'un mot cultuel, hei∂r, désignant l'hydromel des sacrifices. Sinon, la signification du mot reste obscure. Le mythe de la chèvre qui donne de l'hydromel doit être une interprétation typiquement nordique du vieux mythe de la vache originelle et nourrissière (Au∂umla). Chez les Grecs, nous avons la chèvre Amaltheia, donc les cornes sont des cornes d'abondance.

    Ratatoskr, l'écureuil du frêne Yggdrasill

    Ratatoskr, du vieux-norrois «dent qui fait des trous», est le nom de l'écureuil qui court le long du tronc du frêne Yggdrasill, l'arbre du monde, et va sans cesse de haut en bas et de bas en haut (Grímnismál, 30), pour aller rapporter au dragon Ní∂höggr, qui séjourne dans les racines, les paroles des aigles vivant dans les branches de l'arbre, afin, d'après Snorri (Gylfaginning, 15), de semer la zizanie. Les philologues n'ont pas encore pu prouver si ce récit est ou non un calque de la fable de Phèdre. En effet, le fait de semer la zizanie n'est pas une caractéristique originale de la mythologie nordique. L'écureuil Ratatoskr n'est vraisemblablement qu'un détail dans le mythe d'Yggdrasill, tel que nous le rapporte le Grímnismál. 

    Source: Rudolf Simek, Lexikon der germanischen Mythologie, Kröner, Stuttgart, 1984. ISBN 3-520-36801-3.

    http://vouloir.hautetfort.com/archive/2015/05/28/figures-animales-dans-la-mythologie-scandinave-5619441.html

  • Chronique de livre: Jean-Luc Debry, Le cauchemar pavillonnaire

    Paru en 2011 aux éditions libertaires l'Echappée, « Le Cauchemar Pavillonnaire » propose une analyse autant géographique, sociologique que politique du phénomène pavillonnaire. Ne vous attendez donc pas à lire 200 pages rébarbatives sur les pavillons autour de considérations pour anar de fac. C'est au contraire une analyse très fine et assez conceptuelle qui est menée à partir de la thématique pavillonnaire. Je vais m'octroyer le droit de formuler quelques réflexions personnelles à partir de la présentation de cet ouvrage.

     La première partie, « L'univers pavillonnaire » se structure en quatre sous-parties :

    • Une géographie : le zonage de l'espace,

    • Un mode de vie : isolés ensemble,

    • Une idéologie : individualisme et optimisation,

    • Une histoire : de la lutte des classes à la pacification du prolétariat

    Les titres permettent assez aisément de se faire une idée du contenu de cette partie. Symbole des Trente glorieuses, le pavillon incarne pour beaucoup l'idée de la réussite. N'a t-on pas l'image d’Épinal de la famille parfaite dans son pavillon avec sa voiture, ses enfants et son chien ? L'univers pavillonnaire est donc déjà inscrit en nous mentalement. Je n'en ferais pas le procès, en étant issu comme nombre d'entre-vous : il est assez important d'analyser tout en gardant la tête froide sur le sujet, même si cela doit bousculer nos représentations.

    Entrons dans notre développement par la géographie : traditionnellement l'espace et les territoires étaient marqués par le détenteur du pouvoir. Ainsi par exemple au Moyen Âge, le seigneur avec son château et l'Eglise avec son... église. Les corporations disposaient de leurs halles ou de leurs places et l'espace se structurait autour des activités politiques, religieuses et économiques, qui étaient détenues entre quelques mains. Avec l'avènement de la société de consommation, l'espace a été intégralement aménagé pour les classes moyennes. L'ouvrage démontre qu'au fond, la classe dominante n'est peut-être pas tout à fait celle qu'on croit (l'hyperclasse mondialiste), mais peut-être la classe moyenne autour de laquelle tourne toute l'organisation sociale et tous nos aménagements (routes, zones commerciales, vacances, etc...). Cet élément doit être bien compris, car si le pavillon est un produit de l'empreinte territoriale des classes moyennes, la crise des classes moyennes passe aussi par le difficile accès au pavillon et à la propriété de celui-ci.

    L’avènement d'une classe moyenne mondiale qui imprime le rythme de l'économie capitaliste globalisée peut également être perçue comme une fuite en avant du modèle des Trente glorieuses. La richesse et le pouvoir de l'hyperclasse reposent sur le consentement des classes moyennes. L'auteur n'est donc pas spécialement tendre avec les classes moyennes. Il parle par exemple dans la deuxième partie de l'ouvrage, intitulée « La fabrique du conformisme », dans la sous partie « La tyrannie du marketing » de la « moyennisation de la société » p. 76, 77 et 78. Là, il démontre comment les codes du capitalisme ont pénétré toutes les couches sociales, et comment le « stade actuel du capitalisme planétaire est un fait anthropologique sans aucun rapport avec les périodes qui le précédèrent ». En somme, derrière l'étalement urbain pavillonnaire se cache un fait social total, ou un fait anthropologique total. La maladie de ce fait anthropologique total est la dépression, le « mal du siècle » comme on le lit parfois dans la presse. Dans un monde où tout est abordé à l'échelle individuelle, l'échec ne peut être que personnel : c'est alors qu'intervient peu ou prou la dépression, cette « démocratisation de la mélancolie » (p. 99). D'ailleurs si on y réfléchis bien, n'est-ce pas pendant l'âge industriel que la littérature nous a livré les ouvrages de Baudelaire ?

    Ainsi l'ouvrage navigue au gré d'une grande quantité de thèmes, traités avec intelligence et appuyés sur des références inhabituelles et vivifiantes pour notre formation intellectuelle et militante. La partie qui m'aura particulièrement marquée est la troisième et dernière, intitulée « Non-lieux (communs) ». L'auteur passe en effet en revue un grand nombre de lieux qui n'en sont pas : l'autoroute, l'aire d'autoroute, la chaîne hôtelière, le centre commercial et l'hypermarché, la rue piétonne et le village témoin. Ils traduisent un formatage de l'espace, un formatage des territoires, dans lesquels la classe moyenne s'identifie.

    Sur le C.N.C., nous avions publié un article sur le centre commercial, nous en avons fait un sur la bagnole, sur les vacances, et nous pourrions en faire un sur les autoroutes... L'auteur brosse avec une plume de qualité l'univers autoroutier, de l'autoroute elle-même à l'aire d'autoroute qui porte si bien son nom : aire, c'est à dire un découpage de l'espace, comme la zone d'ailleurs. Ainsi l'auteur entame par un constat tout à fait exact et que je partage : « Les autoroutes et autres voies rapides ont une influence sur la transformation radicale de la géographie et de l'organisation de la société, une influence structurelle semblable à celle que joua le chemin de fer. Mais cette fois l'individuation, voire l'atomisation, sous la pression du principe organisationnel du flux tendu, colore la transformation géographique, sociale et historique d'une teinte particulière. […] il s'agit du triomphe de l'économique. L'espace est réduit de sorte que, désormais, l'unité de mesure n'est plus la distance, mais le temps. » Une nouvelle fois ce qui se dessine sous nos yeux c'est la société de la vitesse. L'autoroute donne le sentiment de la liberté, de pouvoir se déplacer librement alors qu'elle est au contraire conçue pour nous enfermer et nous rendre dépendant de ces propres « non-lieux » :les aires d'autoroute. Celle-ci est dépeinte comme « la quintessence du non-lieu » et elle en est « le parfait accomplissement » peut-on lire page 122. L'auteur passe au vitriol ce bubon qui enlaidit l'espace : « Confondant l'ici et l'ailleurs dans une même finalité, elle peut se trouver n'importe où, semblable à elle-même, et toujours en tout point similaire. Elle n'impose aucune découverte, ne dépayse jamais. Elle est une toilette publique entourée de produits consommables ».

    Soyons honnête, seule notre obsession du temps nous invite à emprunter les autoroutes et à boire en quatrième vitesse un café dégueulasse sur une aire de repos aseptisée pleine de touristes hagards et de routiers espagnols et polonais qui n'ont pas de temps à perdre. Nous n'avons rien à nous dire. Le voyage n'est plus une expérience où on découvre réellement notre pays en sillonnant ses petites routes, en s'arrêtant sur la place du village, pas loin de l'église pour boire un coup et discuter quelques minutes avec la patronne qui vous recommande une spécialité locale bien meilleure que le sandwich industriel au plastique et aux conservateurs de l'aire d'autoroute...

    Mais malheureusement là aussi vous risquez d'évoluer dans deux autres non lieux communs : la rue piétonne qui « conduit de l'agence d'intérim aux marchands de rien, du bassin fleuri au parking payant, de la brasserie tenue par un couple aigri à la maison de la presse. » (p. 136), et le village témoin car « de plus en plus de villages sont transformés en musées des arts et traditions populaires et ne s'animent qu'à certaines périodes de l'année, principalement l'été. […] Le mythe d'un âge d'or d'une ruralité heureuse et industrieuse est ainsi reconstitué[...]» (p. 141). Cette partie sur les non-lieux, vous vous en rendrez compte, dépeint un mode artificiel même dans ce qu'il peut avoir d'authentique selon nos représentations.

    Même la nature est aujourd'hui bien souvent artificielle, c'est un produit de l'action humaine y compris lorsqu'elle est protégée. Le touriste « vert » se déplace d'un village témoin à l'autre en sillonnant des chemins de « campagne » balisés, qui passent par des « point d'intérêts » d'où l'on peut parfois admirer la vue. La nature n'est plus un lieu de vie mais un lieu de loisir. Et il faut savamment délimiter les parcs « naturels » que l'aménageur a bien voulu octroyer à la vie « sauvage » des autres zones et territoires, qui auront eux aussi des fonctions déterminées : habitat, commerce, infrastructures de transport, etc.... Et lorsque l'imprévu survient : le loup, l'ours, le requin, sortant du territoire, de la « réserve » qu'on leur a attribué, c'est l'univers des classes moyennes, de l'homo œconomicuset de festivus festivus qui bascule.

    On retrouve cela dans la mentalité états-unienne qui se délecte des films catastrophes autour des phénomènes naturels apparaissant comme des « imprévus », ou encore dans la colère de l'automobiliste de classe moyenne qui ne comprend toujours pas qu'il puisse y avoir de la neige l'hiver, qui l'emmerde pour aller bosser, et qui estime que dans une société comme la notre on se « doit » de mettre tous les moyens en œuvre pour ne surtout pas entraver le flux routier. Le pire étant le touriste qui se rend en vacances au ski et qui s'énerve d'être bloqué dans la montagne ; lui qui a patiemment « économisé » pour se payer une semaine « d'éclate totale » dans une station de ski et qui ne supporte pas le moindre « retard » qui l'empêche de « profiter »... Je pourrais poursuivre mes digressions tellement l'ouvrage est source d'inspiration.

    Au final, ce cauchemar pavillonnaire relate peu une prison dorée ou une « réalité fictive » à l'instar du Truman Show, une sorte de dystopie encouragée par l'américanisation et son corollaire : la société de consommation, à grand renfort de propagande médiatique. « Il s'agit d'une civilisation au sein de laquelle l'individu, quelle que soit la réalité de sa condition sociale, est appelé à construire sa vie en fonction de son mode de consommation. Ainsi, il devient lui-même une marchandise, consumé par un rêve fabriqué hors de lui. Et à force d'addiction, il finit par se convaincre qu'il en est l'auteur. Une civilisation de l'aliénation désirée, en somme. Un modèle auquel chacun se réfère. La voie royale vers le bonheur, comme le seraient, a priori, le progrès et la technologie. » Ce livre est une vraie plongée dans la face cachée de notre société et des classes moyennes, c'est un ouvrage incontournable, qui oblige à se remettre en question, à décoloniser notre imaginaire et qui invite à modifier notre mode de vie et à lutter pour qu'un autre monde soit possible.

    Jean / C.N.C

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • CMRDS 2015 : INSCRIVEZ-VOUS

    Après la réussite du week-end pour la fête de Jeanne d’Arc, contribuez à la réussite de ce CMRDS...

    EN VOUS INSCRIVANT AU PLUS VITE.

     
  • Conférence d’Alain Soral et Jacob Cohen à Marseille.


    Conférence d’Alain Soral et Jacob Cohen à… par ERTV

    Alain Soral et Jacob Cohen étaient à Marseille le 26 avril 2015 pour une conférence sur le thème de la réconciliation nationale. Sans l’imam Abdelfattah Rahhaoui, qui s’est désisté.


    Conférence d’Alain Soral et Jacob Cohen à… par ERTV