culture et histoire - Page 1354
-
Marion Sigaut - 1789 n'a jamais été la révolte du Peuple !
-
RÉINTÉGRER L’HISTOIRE
De tous les présidents de la Ve République, François Hollande est, paraît-il, celui qui voyage le plus à l’étranger et ce n’est pas un hasard. Avant lui, Jacques Chirac s’était aussi mué en commis-voyageur de la République, pour échapper au sentiment de son impopularité. Hollande, fade et potelet, le cheveu teint, la joue molle, l’œil coulant, mais la dent dure et l’esprit fourbe, va chercher ailleurs la considération que lui refusent les Français. Les tapis rouges que déplient encore sous ses pieds les domestiques des émirs du Golfelui font oublier les lazzis qu’il essuie au cours de ses déplacements en France, où les CRS eux-mêmes se font porter pâles pour éviter de l’accompagner. VRP favori de la firme Dassault, Hollande s’est donc rendu au début du mois au Qatar, acheteur de 24 avions Rafale, puis à Riyad, où les Français, opposés à Bachar el-Assad, à Daech, mais surtout à l’Iran, sont aujourd’hui mieux considérés que les Etats-Unis, jugés peu fiables.
Il ne faudrait cependant pas croire que la France soit prête à commercer avec n’importe qui. Nous avons, chez nous, la vente d’armes morale. Nous vendons nos bombardiers aux amis de la liberté qataris et saoudiens, mais pas question de livrer les navires de guerre qu’il a commandés au dictateur Poutine. Des esprits mesquins observent qu’en Russie on ne lapide pas les femmes adultères, comme cela se pratique chez les rois du pétrole ; mais il faut croire que ces dévergondées l’ont bien mérité, puisque cela ne semble pas choquer Najat Vallaud-Belkacem… De même, la Russie ne soutient pas les islamistes d’Al-Nosra, organisation liée à Al-Qaida, comme en sont fortement suspectés nos bons alliés qataris et saoudiens.
Mais, quoi ? Nul n’est parfait. Nouvelle pomme de discorde entre la Russie et la France, l’affaire des Mistral s’ajoute aux positions prises par la France au cours du conflit ukrainien, et à la manière dont les Européens, Français compris, ont boudé un grand défilé militaire organisé par Moscou pour l’anniversaire de l’armistice de 1945. Ces bruits de bottes russes, rappelant une époque que l’on espérait révolue, répliquent au récent débarquement en Ukraine de 600 paras US et au déploiement annoncé d’armes américaines en Roumanie, Bulgarie, Pologne et dans les pays baltes.
Un quart de siècle après l’effondrement de l’Union soviétique, l’intérêt des Etats-Unis consiste peut-être à recréer une atmosphère de guerre froide en Europe et à créer un cordon sanitaire autour de la Russie. Mais il ne coïncide pas forcément avec celui de la France. Le 3 février dernier, au cours d’un colloque organisé par le Conseil de Chicago sur les affaires mondiales, George Friedman, fondateur de l’influente agence de renseignement privée américaine Stratfor, décrivait les grands traits de la politique américaine. Il expliquait notamment que l’Europe n’existe pas en tant que tel et sera à l’avenir le théâtre de guerres mineures; que l’extrémisme islamique représente « un problème pour les Etats-Unis, mais pas une menace pour notre survie », les Américains ayant « d’autres intérêts de politique étrangère »; et que leur « intérêt primordial » consiste à empêcher l’entente entre la Russie et l’Allemagne, qui, unis, « représentent la seule force qui pourrait nous menacer ».
La France serait-elle sortie de l’histoire ? Il ne s’agit certes que de l’analyse d’un Américain très bien informé, pas d’une prédiction venue du ciel. Mais elle devrait donner à réfléchir à nos gouvernants. A l’heure où l’on apprend – sans que François Hollande ne s’en émeuve outre mesure – que nos bons alliés allemands nous espionnent pour le compte de nos autres bons alliés américains, la restauration de l’alliance franco-russe pourrait bien être la seule manière de revenir dans l’histoire.
-
Bibliographie jüngerienne (2)
♦ Günter FIGAL und Heimo SCHWILK (Hrsg.), Magie der Heiterkeit : Ernst Jünger zum Hundersten, Klett-Cotta, Stuttgart, 1995.Ce volume est le “cadeau” que l’éditeur Klett-Cotta (maison fondée en 1659 !) offre à son meilleur auteur pour ses 100 ans. Toutes les grandes plumes du “jüngerisme” s’y sont données rendez-vous, y compris quelques nouveaux venus dans cette phalange réduite mais prestigieuse. Dans leur brève mais dense préface, les éditeurs soulignent l’importance de l’œuvre du centenaire : elle est une clef pour déchiffrer le siècle, elle nous enseigne la distance pour ne pas être avalé par le temps, elle nous révèle qu’il faut demeurer en dehors de la modernité pour pouvoir la comprendre. Plus essentiellement encore : le continent qu’est cette œuvre nous invite sans cesse à de nouvelles expéditions, de nouvelles explorations. Gottfried Boehm, d’emblée, nous énonce le fondement le plus sûr de la démarche jüngerienne : « Qui lit Jünger, apprend à voir ». L’œuvre de Jünger est donc une « optique fondamentale ». Wolfgang Bergsdorf montre que la “postmodernité” de Jünger n’est pas celle de l’anything goes de Paul Feyerabend mais une volonté de revitaliser la gnose chrétienne, dans le sens des paroles du Père Felix d’Heliopolis : « Vous devez veiller à ce que le monde demeure ouvert ». Le philosophe italien Franco Volpi, après avoir posé une analyse rigoureuse de l’histoire philosophique occidentale, constate que Jünger, au bout de cette trajectoire, en ce siècle, propose ce qu’il faut proposer, soit une « éthique de la sobriété ». Karlheinz Weißmann explore le rapport Barrès/Jünger. Michael Großheim se penche sur Le Travailleur et compare les travaux de Klages et de Jünger ; Klages rejetait complètement la technique au nom de la “Terre-Mère” et Jünger l’acceptait, pour éviter les sentimentalités de la nostalgie ruraliste. Peter Koslowski met en exergue les grandes lignes de la “philosophie poétique” de Jünger, comme tentative d’échapper aux systèmes dogmatiques et doctrinaires de la modernité, et même, dans une certaine mesure, du gnosticisme, qui confisquent toute légitimité à la poiesis, au “faire”, à la créativité et à l’histoire vécue. Botho Strauß, haï depuis peu par les gauches dogmatiques et hyper-simplificatrices, termine le volume par un appel à une Aufklärung plus profonde. Renouant avec Vico et Hamann, contre Kant et Descartes.Hans-Harald MÜLLER & Harro SEGEBERG, Ernst Jünger im 20. Jahrhundert, Wilhelm Fink Verlag, München, 1995.Dans leur introduction, les éditeurs soulignent quelques-unes de leurs intentions : dénoncer comme dépourvues de sens et d’intérêt toutes les stratégies visant à ostraciser Jünger à cause de son passé “national-révolutionnaire”, insister sur la difficulté à embrasser toute l’œuvre jüngerienne en un seul recueil d’hommages, insister sur la pluralité de perspectives qu’autorise cane œuvre, abonder dans le sens de Koslowski quand il parle de “philosophie poétique”, de Müller quand il en souligne la “flexibilité” et de Ketelsen quand il juge que l’attitude centrale de l’œuvre est la souveraineté. H.-H. Müller : « La réalité politique de la République de Weimar, après 1927, n’était plus pour lui que l’objet de ses fantaisies destructrices ». Jünger était un prophète annonciateur de la fin d’une époque, au langage violent. Brigitte Werneburg explore quant à elle le rapport entre Jünger, Benjamin et la photographie. Cette technique fige la pluralité des expressions de l’événement, du paysage ou de la personne photographiés, générant ainsi une uniformité, comme si toutes les cover persons étaient des statues d’acier.Walter Benjamin y voyait la quintessence de l’esthétique fasciste : une marche vers l’uniformisation, l’enrégimentement et l’unidimensionnalité. Jünger, au contraire, estimait que les techniques — dont la photographie — n’étaient pas instrumentalisables de manière unidimensionnelle. Voilà, en gros, ce qui le différencie de Benjamin. Josef Fürnkäs reprend un débat déjà assez ancien en Allemagne : Y a-t-il équivalence entre les démarches des surréalistes français et Jünger ? Le philosophe Bohrer avait répondu oui. L’équivalence résidait dans le “momentanisme”, l’attention privilégiée à l’endroit de toute “soudaineté”, de tout “effroi” inattendu. Fürnkäs relativise cette équivalence : les surréalistes demeurent plus citadins que Jünger dans les mythologies qu’ils développent, plus ludiques et gratuits dans leurs expressions. Harro Segeber explore le moment où l’idéologie de Jünger se transforme, il en fait la zone d’intersection, entre Über den Schmerz (Sur la douleur) et Les Falaises de marbre. Dans ces œuvres, deux perspectives sont étroitement entremêlées.Jünger a cru que la technique allait mettre un terme définitif au bourgeoisisme libéral, mais la technique échappe à tout contrôle ; il développe dès lors un discours sur la métaphysique qui agit derrière tout cela : en dépit de cette folie incontrôlable de la technique, une régénération demeure possible, cachée, encore occultée, mais qui finira par se manifester, avant que l’humanité ne provoque son propre anéantissement. Comme le Travailleur, l’observateur distant, qui devine les puissances à l’œuvre dans cette métaphysique, doit demeurer attentif, utiliser son “regard”, sa faculté de “voir” pour déceler les forces en action. Le “Voir” est ainsi un acte d’attaque. Günter Figal revient sur le dialogue Jünger/Heidegger : le philosophe de la Forêt Noire démontre que le stade techno-nihiliste de notre époque est le produit d’une métaphysique occidentale remontant aux Grecs. et si la conséquence de cette métaphysique est si effrayante, il est inutile de revenir à l’un ou l’autre de ses stades antérieurs. Jünger ne voit pas la métaphysique de la même manière : c’est dans l’ambiguïté de la définition même de la métaphysique que réside tout entier le désaccord entre Jünger et Heidegger.Peter Koslowski répond en quelque sorte aux problématiques que suscitent ce désaccord et cette ambiguïté définitionnelle. Il faut se référer à d’autres traditions ou à d’autres métaphysiques que l’occidentale. Koslowski, pour sa part, introduit dans le débat les interprètes japonais de la modernité, tels Kogaku Arifuku, Naoki Sakai et Takeuchi. Ces Japonais voient dans le projet de la modernité une auto-projection de l’Europe (des Lumières). Les Euro-Occidentaux ne considèrent comme “histoire” que le développement et la transposition de leur modèle “renaissanciste-illuministe”. Or la modernité, tout comme la métaphysique, est ambiguë : la langue japonaise possède deux termes pour désigner la modernité ; kindaisei, pour le projet moderne occidentalo-hégélien (cher à Kojève et à Fukuyama), et gendaisei, pour ce qui actuel, au diapason des moyens techniques du moment. S’il y a deux définitions possibles de la “modernité” en japonais, d’autres cultures pourraient donner encore d’autres définitions : la mise au diapason pratique, soit la modernité-gendaisei, n’est pas nécessairement l’application du modèle unique kojèvo-fukuyamaïen. On peut parler d’une pluralité de projets modernes (gendaisei !), face à une illusion moderne-kindaisei. Jünger a été aussi un exposant de la modernité-kindaisei, à relents hégéliens, mais en a rapidement perçu les limites, notamment dans cette période d’interrègne, analysée par Segeberg. Le Japon, poursuit Koslowski, est une société moderne-gendaisei, postérieure au projet de la modernité-kindaisei. Il prouve qu’il y a des projets modernes autres qui demeurent possibles après l’effondrement du projet de la modernité illuministe. Cette possibilité réinstaure le pluralisme des cultures et l’historicisation des projets modernes-gendaisei alternatifs, au-delà des pénibles exercices de ravalement du vieux projet moderne-kindaisei, que sont les démonstrations boiteuses de Fukuyama et des vigilants de la political correctness. Pour revenir plus spécifiquement à Jünger, Rolf Günter Renner conclut que vu la dépotentialisation des orientations mythiques et historiques, on ne peut plus reconstruire la modernité par le mythe ou l’esthétique, mais il faut la contourner et la retourner par la méthode d’une stratégie narrative et subversive. Ainsi, on sort de cette histoire occidentale, soumise irrémédiablement à la raison instrumentale.► Robert Steuckers, Vouloir n°123-125, 1995. -
LE VRAI VISAGE DE LA DÉMOCRATIE
Extrait du livre « L’Eglise et le ralliement » de Philippe Prévost aux éditions C.E.C.
Chapitre IV « Le ralliement actif à la « démocratie » p441 :La démocratie a anéanti, et c’est heureux, cette stupide recherche du Vrai, du Beau, du Bien. Son seul dogme, nous dit-on, et les papes, Jean XXIII en tête, nous l’ont confirmé, réside dans le respect des droits de l’Homme. Ça, c’est un absolu auquel personne ne peut échapper. La preuve en est, c’est qu’au tribunal de Nuremberg ont été condamnés des dignitaires nazis responsables de crimes contre l’humanité.
Ce qui est étonnant, lorsque l’on y réfléchit un peu, est que les nazis étaient arrivés légalement au pouvoir, à la suite d’élections. C’étaient donc des démocrates comme ceux qui les avaient condamnés. Quant aux crimes qu’ils avaient commis, ils pouvaient rétorquer que les juges représentant le pouvoir soviétique avaient fait dix fois pire. Aujourd’hui encore, vingt ans après la chute du communisme à l’Ouest, il n’est toujours pas question de juger les bourreaux du peuple russe.Plus récemment, l’Organisation des Nations Unies a décidé de bombarder sans relâche le peuple irakien coupable de n’avoir pas accepté à la virgule près toutes les résolutions votées contre lui en 1990 et en 1991. Mais, dans le même temps, la même organisation internationale protège et soutient Israël qui n’a jamais appliqué aucune des résolutions votées depuis 1948. Y aurait-il alors deux poids deux mesures ? Mais dans ce cas, quels sont les véritables Droits de l’Homme ? Ceux que l’on enferme dans une arche d’alliance décorée d’un chandelier à sept branches qu’on présente précisément à l’adoration du public ou la foule des victimes du bolchévisme et du sionisme qu’on nous dissimule et que recouvre le plus total oubli ?
Depuis il faut dire que l’on a fait mieux à la suite de l’attentat du 11 septembre attribué sans preuves à Ben Laden, ancien agent de la CIA, et à l’encontre de la volonté des Nations Unies, les Américains, poussé par Israël, ont envahi l’Afghanistan et l’Irak à la recherche de soi-disant « coupables » qu’ils se sont bien gardés d’appréhender dans le premier cas et d’armes de destruction massives dans le second, qu’à ce jour on n’a toujours pas trouvées. On voit donc que nos démocraties sont fondées sur le mensonge. On peut même dire que le mensonge est consubstantiel à ce genre de régime.
Pourtant, le Christ a dit « que ton oui soit oui, que ton non soit non ». Il est à craindre qu’en pactisant avec un pareil système, l’Eglise n’en vienne à perdre son âme.[…]
Il est vrai que très exceptionnellement nos dirigeants consentent à consulter ce peuple dont ils ne se servent que pour se hisser au pouvoir. C’est arrivé le 29 mai 2005 lors du référendum sur la constitution européenne. Hélas, en dépit du matraquage médiatique dont il fut l’objet, le peuple refusa de suivre les illusionnistes qui le gouvernaient ; à 56% le projet fut rejeté. Qu’à cela ne tienne, les députés le votèrent à une écrasante majorité, ce qui montre d’une part combien on tient compte en démocratie de la « volonté populaire » et aussi combien nos parlementaires représentent peu les électeurs ! Il faut dire que grâce à d’astucieux systèmes électoraux, la représentation des citoyens est constamment truquée.Les élections elles-mêmes sont déclarées sans valeur lorsqu’elles déplaisent à nos grandes consciences. Ainsi, en Algérie en 1991 furent-elles arrêtées, sur les conseils de François Mitterrand, lorsque les islamistes faillirent arriver au pouvoir. Plus près de nous, en 2006, les élections palestiniennes furent déclarées nulles et non avenues bien qu’elles aient été honnêtes, parce que les résultats, donnant la majorité au Hamas, déplaisent à Israël. Par contre, les élections égyptiennes qui sont honteusement truquées, sont validées sans problèmes par nos grandes consciences puisque les élections sont conformes à leurs désirs.
Telles sont les comédies que l’on nous joue au nom des « grands principes ».Chacun sait que, dans nos démocraties représentatives, la participation est un leurre puisqu’une fois que le citoyen a voté, le pouvoir lui est confisqué pendant tout le mandat des élus. La procédure du référendum existe, mais elle est rarement utilisée, et quand c’est le cas, elle l’est à contresens, c’est-à-dire pour des questions complexes ou qui intéressent peu les gens. Par contre, sauf en Suisse, les hommes politiques de tous les pays s’entendent pour exclure tout référendum d’initiative populaire, car ils n’aiment le peuple que dans leurs discours. Ils le craignent et le méprisent en réalité, car ils savent que les électeurs, qui connaissent leurs turpitudes, n’ont aucun respect pour eux, surtout lorsqu’ils ont l’arrogance de leur parler de morale, eux dont l’action est fondée, la plupart du temps, sur la démagogie et sur l’absence de toute moralité.
Quant au pluralisme, il est purement artificiel. Certes, il existe, au moins dans les pays occidentaux, des partis divers, mais à peu de chose près, leurs programmes sont les mêmes.
La seule opposition véritable, c’est que les équipes qui dirigent sont différentes alors qu’elles aspirent toutes au pouvoir afin de profiter des avantages de toutes sortes qu’il confère à ses heureux détenteurs. Il existe entre eux un trait commun à tous les systèmes mafieux : une immense complicité dont on a des preuves flagrantes lorsque des magistrats mettent à jour leurs actes délictueux. Il n’existe alors plus ni droite ni gauche, ni majorité ni opposition. Ils se couvrent tous. C’est l’omerta, la loi du silence, la solidarité totale, propre au gangstérisme.
Il existe bien quelques citoyens honnêtes, mais ils n’ont pratiquement jamais le droit à la parole. Ils sont méthodiquement exclus de tous les médias. L’Eglise, qui devrait les défendre en prenant leur parti, s’interdit de le faire puisqu’elle s’est ralliée au système dominant.Curieusement, il y a un dogme, dont le P. Calvez et Henri Tincq ne parlent pas et qui est pourtant fondamental en démocratie : c’est la loi du nombre. On sait que ce nouveau sacrement a le pouvoir de transformer instantanément le vice en vertu, l’acte criminel en acte bienfaisant à partir du moment où la moitié des votants plus un en a décidé ainsi. Tel a été le cas de l’avortement. Depuis 1920, en France, c’était un crime puni par la loi. En 1974 c’est devenu un acte légal, qui a été remboursé ensuite par la Sécurité sociale au même titre que l’aspirine. L’Eglise a été mise au pied du mur puisqu’elle a dû choisir entre le commandement de Dieu « Tu ne tueras pas », et le nouveau dogme démocratique « Tu peux tuer à ta guise les enfants à naître. »
Après le vote de la loi, les évêques français ont émis quelques timides protestations, mais ils ont réservé leur sainte colère pour condamner ceux qui avaient l’audace de protester contre ce crime, en particulier quand ils manifestaient devant les avortoirs publics et privés. En cela ils ont été parfaitement logiques avec eux-mêmes et fidèles à l’enseignement initialisé par Léon XIII : avant de servir Dieu, il faut obéir à César.
Quelle attitude adopteront-ils demain lorsqu’une loi permettra, ce qui signifie encouragera, l’euthanasie ? Souhaitons qu’ils se ressaisissent et qu’entre la loi de Dieu et la loi de la démocratie, ils choisissent plutôt la première que la seconde, même si un siècle d’esclavage a émoussé bien des réflexes. -
La géopolitique en mutation
La géopolitique tente aujourd’hui de devenir une réflexion générale sur les espaces du politique – et non plus seulement sur les espaces de la puissance. Elle se trouve, pour certains, au seuil d’un changement majeur.
« Guerres et conflits : la planète sous tension ! », tel est le thème du prochain Festival international de la géographie à Saint-Dié-des-Vosges début octobre 2008, l’un des plus importants rassemblements de la géographie en Europe et dans le monde. Au-delà de ce thème d’actualité, ce sont les analyses géopolitiques du monde qui, partout, s’imposent en force. C’est Courrier international qui en 2007 consacre une série de 5 grands dossiers aux « Essentiels de la géopolitique » (1), ce sont les nouveaux programmes de classes préparatoires économiques qui s’intitulent depuis 2002 « Histoire-géographie-géopolitique ». C’est l’énorme succès de l’émission d’Arte, des DVD et des atlas du Dessous des cartes de Jean-Christophe Victor (le premier Atlas, sorti en 2005, s’est vendu à 300.000 exemplaires). C’est enfin l’omniprésence des questions « géopolitiques » dans les informations télévisées, la presse et les publications récentes : Géopolitique de l’Iran, Géopolitique du Moyen-Orient, Géopolitique de l’empire américain…
La géopolitique se trouve donc aujourd’hui partout, situation d’autant plus étonnante que, après une période de large développement au début du XXe siècle, elle a disparu de 1945 au début des années 1970. L’histoire de la géopolitique peut donc nous aider à comprendre la situation actuelle, à condition de bien voir que c’est la rupture, non la continuité, qui compte ici.
Prisonnier de la géographie
Si, comme le dit Pascal Lorot, « la géopolitique est fille de la géographie (2) », il s’agit d’une géographie qui n’a pas grand-chose à voir avec la science sociale actuelle. La géographie de la fin du XIXe siècle est essentiellement « une science naturelle des genres de vie » : elle s’intéresse aux relations de causalité entre les espaces physiques (nature, territoires, paysages, climats…) et la politique des États. Ceux-ci deviennent la principale structure de l’Europe et s’organisent autour des questions nationales et du nationalisme (3). C’est dans ce cadre que les premiers auteurs importants de la géopolitique publient leurs premiers ouvrages.
Friedrich Ratzel (1844-1904) et Rudolf Kjellen (1864-1922) sont souvent considérés comme les fondateurs de ces premières formes de géopolitique. Le premier, membre du Parti social-libéral allemand et défenseur du pangermanisme, publie en 1897 la première édition de sa Géographie politique (4). En 1902, il ajoute comme sous titre à la deuxième édition : « Géographie des États, du commerce et de la guerre ». F. Ratzel y propose une analyse des rapports entre les peuples et leurs territoires : « L’État est un organisme non seulement parce qu’il articule la vie du peuple sur l’immuabilité du sol, mais parce que ce lien se renforce par réciprocité au point que l’on ne peut plus les penser l’un sans l’autre (…). Les caractères les plus importants de cet État sont la taille, la situation et les frontières ; viennent ensuite le type et la forme du sol avec sa végétation, son irrigation et enfin les relations qu’il entretient avec le reste de la surface terrestre et particulièrement les mers attenantes et les terres inhabitées. »
R. Kjellen forge le mot « géopolitique » en 1916. Enseignant à Uppsala et à Göteborg (Suède), il se situe explicitement dans la lignée de F. Ratzel dont il se veut le disciple. Son analyse géopolitique est elle aussi centrée sur l’État et vise à s’interroger sur la préservation et l’agrandissement de son espace par l’outil privilégié que sont la puissance militaire et la guerre. Ces deux auteurs proposent une vision très déterministe et darwinienne de la politique des États. Prisonniers de la géographie, ils sont condamnés à la guerre pour survivre. La géopolitique est ici synonyme de fatalité géographique.
Le brouillard de la guerre
Ces visions débouchent pendant l’entre-deux-guerres sur toute une série de travaux visant à proposer des lois de la géopolitique. Deux auteurs se distinguent tout particulièrement : le Britannique Halford Mackinder (1861-1947) et l’Allemand Karl Haushofer (1869-1946). Pour le premier, les comportements géopolitiques découlent de trois cercles planétaires. Au centre, le « heartland » est le pivot central du monde. Comprenons bien : c’est la forme même des continents qui fait que cet espace existe, il n’est pas lié aux structures sociales des États. Ce pivot est occupé par la Russie, puis par l’URSS. Autour de ce pivot, l’anneau intérieur (« inner or marginal crescent ») comprend l’Europe occidentale et l’Asie du Sud et du Sud-Est. Enfin, dernier cercle géopolitique, l’anneau insulaire (« outer or insular crescent ») englobe les Amériques, l’Afrique subsaharienne et l’Asie insulaire jusqu’à l’Australie. En fonction de sa position dans l’un de ces cercles, les États ne peuvent qu’adopter tel ou tel comportement de puissance pour pouvoir survivre et se développer. Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent être des puissances maritimes, l’URSS ou la Chine doivent être des puissances continentales.
K. Haushofer se situe dans ce même projet intellectuel : déterminer les lois des espaces et de la puissance, proposer les comportements optimums des États. Il théorise donc les aires d’influence, à la fois naturelles et idéales de l’Allemagne (l’ensemble de l’Europe, de l’Afrique et du Proche-Orient), des États-Unis (l’ensemble du continent américain), de la Russie (la Sibérie, l’Asie centrale et l’Inde) et du Japon (des Sakhalines à l’Australie en passant par la Chine).
K. Haushofer fut-il lié à l’émergence des doctrines nazies de « l’espace vital » ? La question est encore discutée. Mais, c’est à cette collusion entre géopolitique et programme nazi que l’on va faire porter le chapeau de la disparition de la discipline pendant trente ans… alors que la cause réelle est à chercher dans la faiblesse épistémologique du projet intellectuel. La géopolitique apparaît comme perdue dans ce que l’on appelle « the fog of war ». Le « brouillard de la guerre » brouille les repères et empêche toute sortie du conflit : la géopolitique est incapable de sortir des impasses conceptuelles de son projet intellectuel.
Une nouvelle géopolitique ?
1970. En parodiant une formule célèbre de Jacques Lévy sur la géographie (5), on pourrait dire que « la géopolitique n’est pas de retour, c’est une autre discipline qui émerge ». Aussi bien en France avec Yves Lacoste, Béatrice Giblin, l’IFG (Institut français de géopolitique) et la revue Hérodote, qu’au Royaume-Uni avec Peter Taylor, et aux États-Unis avec John Baylis et Steve Smith (6)…, la géopolitique propose désormais des analyses sociales sur l’exercice de la puissance westphalienne ou des rapports de force d’acteurs non étatiques. L’objectif ne consiste plus du tout en une simplification du monde, mais au contraire à l’arracher aux récits simplificateurs : l’espace des conflits n’est pas celui de la guerre nucléaire englobante dans laquelle les lieux ont disparu, mais bien plus celui des représentations intellectuelles de la puissance (hardpower/softpower) et de l’appropriation des territoires (7).
La guerre du Vietnam est un jalon essentiel dans cette redécouverte des lieux : car si les processus de puissance sont planétaires (la guerre froide ou le projet impérial de l’administration de George W. Bush), les lieux de l’affrontement ne sont pas de simples espaces neutres. Comme le dit Bertrand Badie (8), les sociétés sont entrées dans l’arène internationale et la géopolitique a désormais des choses à dire sur le fait que les chars ne servent à rien contre la frustration et la misère (comme en Irak), et qu’un avion aussi sophistiqué soit-il ne peut pas grand-chose contre les idéologies du terrorisme (comme en Afghanistan).
Au-delà de ce renouvellement, deux débats identitaires traversent la géopolitique depuis les années 1980. Celui de la « géopolitique interne » tout d’abord. Selon elle, tous les acteurs de la vie d’un pays (administrations, entreprises, individus, etc.) peuvent entrer en compétition les uns avec les autres dans la construction des espaces. Lorsque l’on décide de construire la ligne TGV-Est en France, le tracé de la ligne est l’objet d’importants rapports de force entre l’État, les régions, les viticulteurs de Champagne, les villes, les ménages dont les maisons se trouvent sur le tracé… Il y a donc ici, la possibilité de faire une « géopolitique de l’aménagement du territoire » pour reprendre le titre de l’ouvrage récent de Philippe Subra (9).
De façon plus radicale, pour des auteurs comme J. Lévy, P. Taylor ou David Held, la géographie du politique n’est pas la géopolitique (entretien p. 52). La puissance militaire ne fonctionnant plus dans le monde posthobbesien actuel – un monde où l’espace ne peut plus être contrôlé par la guerre –, il s’agit de réfléchir aux nouvelles formes prises par le politique et ses espaces dans la mondialisation. Les processus de la société-monde – la création d’un espace social et politique mondial dans certains domaines comme, par ex., celui des risques environnementaux – ne sont pas selon eux analysables par une géopolitique même renouvelée. Il faudrait donc, toujours selon ces auteurs, différencier clairement entre une géopolitique qui continue à renvoyer aux rapports de force westphaliens – entre les États – et une géographie du politique capable de tenir compte de phénomènes politiques nouveaux (Union européenne, protocole de Kyôto, Cour pénale internationale, opposition de l’Onu aux États-Unis…).
► René-Eric Dagorn, Sciences Humaines n°192, avril 2008.
• NOTES :
(1) « Les essentiels de la géopolitique », Courrier international, n° 871 à n° 875, juil.-août 2007.
(2) P. Lorot, Histoire de la géopolitique, Économica, 1995. Voir également A. Defay, La Géopolitique, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2005, et P. Moreau-Defarge, Introduction à la géopolitique, 2e éd., Seuil, coll. « Points essais », 2005.
(3) Voir E. Hobsbawm, Nations et nationalisme en Europe depuis 1780, Gallimard, 1992, et Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales : Europe, XVIIIe-XXe siècle, Seuil, 1999.
(4) F. Ratzel, La Géographie politique : Les concepts fondamentaux, 1897, rééd. Fayard, 1987.
(5) J. Lévy, « Une géographie vient au monde », Le Débat n° 92, nov.-déc. 1996.
(6) Y. Lacoste (dir.), Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, 1995, Peter Taylor, Political Geography : World-economy, nation-State and locality, Longman, 1985, et John Baylis et Steve Smith (dir.), The Globalization of World Politics, Oxford Univ. Press, 1997.
(7) Voir F. Chauprade, Géopolitique. Constantes et changements dans l’histoire, 3e éd., Ellipses, 2007, et S. Rosière, Géographie politique et géopolitique : Une grammaire de l’espace politique, 2e éd., Ellipses, 2007.
(8) B. Badie, Le Diplomate et l’Intrus : L’entrée des sociétés dans l’arène internationale, Fayard, 2008.
(9) P. Subra, Géopolitique de l’aménagement du territoire, A. Colin, 2007. -
Alain Soral à Marseille - Vers l'insoumission généralisée - 2014 - Complet en HD
-
Celtic Music - Victorious
-
Conférence de Francis Cousin (27 février 2015)
-
France - Monarchie : remparts au libéralisme ? Conférence 01/06/13 à Bordeaux
-
Qui a peur de la géopolitique ?
Un spectre hante l’Europe d'aujourd'hui. Des conseillers politiques de la Maison Blanche, d'anciens agents du KGB cherchant à se recycler, des publicistes libéraux défendant de troubles et occultes intérêts réactionnaires, des professeurs gauchistes amateurs de liaisons dangereuses avec les droites, tentent désespérément d'en trouver la trace. Ce spectre, c'est la géopolitique.
Eh oui, elle revient au grand galop, cette géopolitique condamnée à une damnatio memoriae depuis la fin de laSeconde Guerre mondiale, dont on a nié la validité sans lui permettre de se défendre et d'apporter les preuves de sa pertinence, que l’on a réduite au silence pendant toute la guerre froide qui avait imposé au monde une lecture strictement idéologique et socio-économique des conflits. Pour satisfaire au rituel du langage dominant, il fallait dire qu'elle était une “pseudo-science”, fondée par deux pères historiques : l’embarrassant Friedrich Ratzel, auteur, entre 1882 et 1991, d'une Anthropogeographie évolutionniste et déterministe (que l'on a longtemps considérée comme l’antécédent wilhelmien du racisme hitlérien) (1), et le général, diplomate et érudit Karl Haushofer, qui avait caché Rudolf Hess dans sa maison après le putsch raté de Munich en 1923 et dont le fils, poète ésotérique, fidèle, comme son père, à l’idée d’une alliance nord-européenne entre l’Allemagne et l’Angleterre, sera massacré par la police nazie le 23 avril 1945 à l’âge de 42 ans.
Les noms de Ratzel et de Haushofer ont servi à démoniser la géopolitique, considérée pendant trop longtemps comme une “fausse science”, dont le but aurait été de chercher le rapport existant entre les circonstances géographiques d'un pays et les choix politiques du peuple qui l’habite. Mais force est bien de noter que les géopolitiques de Ratzel et de Haushofer, en réalité, ont constitué une géographie politique fonctionnelle, à l’ère des grands impérialismes et des entreprises coloniales, entre 1870 et 1914, quand ont eu lieu les affrontements entre la France et l’Allemagne, entre l’Autriche et la Russie, entre la Russie et la Turquie.
En cela, plutôt que d’être une rupture par rapport au passé, les grands impérialismes ont montré qu’ils étaient les héritiers directs des conflits du XIXe et de l’idéologie évolutionniste : « La géographie est une donnée immuable qui conditionne la vie des peuples » aimait à dire le condottiere Mussolini, oubliant ainsi l'autre aspect du problème : les peuples manipulent et modifient très souvent les scenarii géographiques.
Même si sont encore bien ancrés tous les “a priori” idéologiques mis en place pour interpréter les conflits selon un schéma “scientifique”, mettre au rencart les “vieilleries” ethniques et religieuses, légitimer l’unique mode explicatif toléré, c'est-à-dire celui qui évoque la raison socio-économique, depuis la fin de la guerre froide, bon nombre de signes avant-coureurs nous annonçaient le retour de conflits qui ne pouvaient s’expliquer que par d'autres motivations que celles que retenait comme seules plausibles le conformisme idéologique. Mieux : rien n’est revenu et un fait est certain, les tensions et les conflits à caractère ethnique et religieux ont toujours existé, rien n’est venu les atténuer, au contraire, les retombées tumultueuses du colonialisme et de l'hégémonisme européens les ont exaspérés. Il suffit de penser au Kurdistan qui, par l'effet de la politique de containment forcenée qu'ont pratiquée les Anglais et les Français au Moyen-Orient entre 1917 et 1920, est devenu un facteur de déstabilisation. Ou à la “guerre oubliée” entre l’Irak et l’Iran, et à ses rapports complexes avec la guerre civile en Afghanistan, ou encore, au front composite de la résistance afghane en lutte contre l’Armée Rouge.
Les temps sont mûrs, pourtant, pour dresser l'ébauche d'une nouvelle géopolitique, comprise non plus comme une “science” ou une “pseudo-science” mais plutôt comme une méthode proprement interdisciplinaire — dans laquelle convergeraient la géographie, l'histoire, la politologie, l'anthropologie, etc. — visant à comprendre et à expliquer rationnellement les tensions à l'œuvre sur certains territoires. Cette méthode se distancierait bien entendu de toutes les formes de moralisme, sans pour autant observer une “neutralité axiologique” rigide et incapacitante : cette méthode existe, elle a déjà été hissée au niveau scientifique, elle a été forgée au milieu des années 70 par les animateurs de la revue parisienne Hérodote et par le groupe de chercheurs rassemblés autour du géographe Yves Lacoste. En Italie, un groupe d'intellectuels de gauche vient de fonder la revue Limes (titre schmittien !) et s’aligne surHérodote ; à ce corpus géopolitique de base, qui, sous bien des aspects, constitue une “anthropopolitique” (ou une “géoanthropologie” ?), le célèbre philosophe Massimo Cacciari propose d'ajouter une fascinante “géophilosophie de l’Europe”, dont il a jeté les fondements en publiant un livre chez l'éditeur Adelphi. L’Europe, à ses yeux, est une idée — et un continent — “malade” au sens nietzschéen, instable, incertain sur ses confins, qui ne peut progresser qu’à coup de “décisions” fatidiques, un continent sur lequel pèse le poids d’innombrables impondérables et d'hérédités mêlées, entrecroisées.
Les assises et la structure du monde pèsent évidemment sur le destin des hommes. Mais les hommes, à leur tour, posent des choix et imposent des géostratégies. Quand, en 1867, le gouvernement américain achète au gouvernement russe les terres de l’Alaska, le Secrétaire d’État William Seward déclare : « L’Océan Pacifique deviendra le grand théâtre des événements du monde... le commerce européen, la pensée européenne, la puissance des nations européennes sont destinés à perdre leur importance ». C'est ainsi que les États-Unis ont lancé l'idée d'un “Occident”, non plus synonyme mais bien antonyme de l’idée d’“Europe”. Or, sur ce chapitre, un pas nouveau vient d’être franchi avec le sommet des pays du Pacifique tenu en novembre 1993 à Blake Island près de Seattle : on y a esquissé les grandes lignes d'une nouvelle stratégie américaine, visant à faire du Japon un “Extrême-Occident” et à recentrer sur le Pacifique une intense activité dirigée vers la Chine, le Japon et l'Australie, impliquant l'exploitation intensive des mers, des fonds marins, du sous-sol de l'Océan, afin d'acquérir des protéines (à partir du planton) ou d'exploiter de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz naturels.
Reste à savoir comment réagira le bloc “eurasiafricain” face à cette hégémonie nouvelle, à ce continent immense et richissime qui va de l’Alaska à l’Australie et de la Chine à la Californie, qu’a parfaitement conceptualisé le bon génie du MIT (Massachussets Institute of Technology), Noam Chomsky, qui prévoit un isolement définitif de l’Eurasie par rapport au “Centre de l’Empire” américain ? Allons-nous vers un nouveau brigandage déterministe et planétaire, vers une nouvelle entreprise impérialiste qui, comme toutes les entreprises impérialistes, ne rougit pas en se définissant comme “nécessaire” ?
► Franco Cardini, Nouvelles de Synergies Européennes n°8, 1995.
(article extrait de L'Italia Settimanale n°34/1994)
(1) Pour nuancer ce jugement et découvrir la grande variété de l'œuvre de Ratzel, cf. Robert Steuckers, « Friedrich Ratzel », in : Encyclopédie des Œuvres philosophiques, PUF, 1992.