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culture et histoire - Page 1411

  • [EX-LIBRIS] Maurras & Dutrait-Crozon : Si le coup de force est possible. Ré-actualisation [Partie I]

    Partie I : Les différents “coups”

    « La plus inquiétante jeunesse est celle qui n’a pas d’opinions extrêmes »

    Comte de Chambord

     

    L’œuvre Si le coup de force est possible est une collaboration entre trois écrivains de l’Action Française : Charles Maurras et Henri Dutrait-Crozon, pseudonyme de MM. Frédéric Delebecque et Georges Larpent. Une partie de cette œuvre reprend directement des articles qui ont été publiés dans l’Action Française. Durant une grosse soixantaine de pages, Maurras et ses acolytes vont démontrer la possibilité et la nécessité d’un coup de force, en s’appuyant bien évidement sur l’histoire, mais également en répondant aux principales critiques qu’ils subirent lors de la parution des articles.

    Il est indéniable que la situation politique, sociale, et économique a énormément changé depuis 1910, néanmoins, il est intéressant de voir que ces développements, une fois actualisés, sont encore pleins de justesse.

    Les auteurs de ce livre partent du principe que le « coup de force est légitime, puisqu’il brise un régime dont toutes les pensée tendent à tuer la patrie ». On retrouve ici, l’idée maurassienne de nationalisme intégral. De plus, ce même coup de force « est nécessaire, car il est impossible d’en finir autrement avec ce régime démocratique et républicain ». En effet, le système monarchique en lui-même ne peut s’obtenir via des élections de par sa nature. En outre, il est difficilement imaginable qu’un président, après avoir été élu, soit rappelle le roi à la tête de la France, soit propose un référendum populaire sur le retour de la monarchie. Quand bien même il choisirait cette dernière option, rien ne prouve à l’heure actuelle, que le peuple se tournerait vers la royauté. C’est ici un combat majeur mené par l’Action Française durant des années, à savoir celui d’immiscer dans les têtes du peuple l’idée même du roi et la possibilité du putsch. [....]

    La suite sur Le Rouge et le Noir

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?EX-LIBRIS-Maurras-Dutrait-Crozon

  • Un jour, un texte! Les Français dans la guerre, un adversaire chevaleresque par E. UDET (17)

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c’est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d’entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.

    Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l’ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s’agit plus d’envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple françaisles valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d’actualité, elle est un peu modifiée pour montrer : les Français dans la guerre, uadversaire chevaleresque par E. UDET (17)

    E. Udet, pilote allemand, illustre par ce récit l’esprit chevaleresque de la guerre des Airs.

    Je décolle de bonne heure pour avoir le soleil dans le dos. Un coup d’ascenseur : je monte plus haut que jamais. L’altimètre marque 5 000.

    A l’ouest un point se déplace à grande vitesse et grossit à mesure qu’il se rapproche. Un Spad ! un avion de chasse ennemi : un solitaire comme moi à la recherche d’une proie. Je me carre sur mon siège : un combat se prépare.

    Nous nous affrontons à la même altitude ; nous nous croisons de très près en vrombissant. La chasse commence.

    Celui qui a le premier l’adversaire dans le dos est perdu : le monoplace à mitrailleuse incorporée ne peut tirer que vers l’avant ; à l’arrière, il est sans défense.

    Parfois nous passons si près l’un de l’autre que je peux nettement reconnaître un visage étroit et pâle sous le casque de cuir. Sur le fuselage entre les deux ailes, un mot en lettres noires. Lorsque pour la cinquième fois, l’avion passe près de moi, si près que les hélices me secouent en tous sens, je peux reconnaître : "Vieux". C’est le signe de Guynemer.

    Oui, il n’y en a qu’un à voler sur ce front, c’est Guynemer qui a déjà abattu trente Allemands. Je sais que c’est un combat à mort qui va se livrer.

    J’amorce un demi-looping pour tomber sur lui comme un caillou. Il a tout de suite saisi et se met à son tour en position de looping.

    Je tente un tonneau, Guynemer me suit. Pendant quelques secondes, il est prêt de m’avoir. Une grêle d’acier crépite à travers la voilure de droite...

    J’essaie tout : courses serrées, tonneaux, glissades du côté, mais, vif comme l’éclair, il saisit tous mes mouvements et réagit tout aussi vite à chacun d’eux. Je remarque peu à peu qu’il m’est supérieur. Non seulement la machine est meilleure, mais celui qui la mène en sait plus. Pourtant je continue le combat.

    Encore un virage. Un instant, il se trouve dans ma ligne de mire. J’appuie sur le manche à balai. La mitrailleuse ne répond pas... Enrayage ! De la main gauche, je continue à tenir le manche, de l’autre j’essaie de tirer. En vain. L’enrayage persiste.

    Un instant je pense amorcer la descente en piqué. Solution sans issue en face d’un tel adversaire, il me prendrait tout de suite par derrière et il me descendrait.

    Pendant huit minutes nous tournoyons à la poursuite l’un de l’autre, ce sont les huit minutes les plus longues de ma vie.

    Maintenant il me passe au-dessus, couché sur le dos. J’ai lâché un instant le manche et tape des deux poings sur la mitrailleuse : un moyen primitif qui peut parfois servir.

    Guynemer a remarqué ce mouvement, il l’a certainement vu, et maintenant, je sais ce qui m’attend. Il passe à nouveau presque couché sur le dos tout près de moi : il lève la main, me fait un petit signe, plonge en piqué vers l’ouest et rejoint le front.

    Je rentre à la maison, abasourdi.

    Certains disent que Guynemer a eu lui-même un enrayage. D’autres affirment qu’il craignait que je ne me jette sur son avion par désespoir. Mais je ne le crois pas. Je crois qu’il existe encore aujourd’hui un reste bien vivant de l’héroïsme chevaleresque des anciens temps.

    Et c’est pourquoi, je dépose cette tardive couronne sur la tombe inconnue de Guynemer.

    E. Udet

    Extrait de : « Mein Fliegerleben » (Ma vie d’aviateur).

    Cité dans : « Bilder und Stimmen“, classe de Seconde et Première.

    Ed. Belin, sous le titre : « Ein Ritterlicher Gegner » (« Un adversaire chevaleresque). – 1964

    Lois Spalwer  http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Un jour, un texte! Les Français dans la guerre, Cocardes victorieuses par René CHAMBE (16)

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c’est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d’entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.

    Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l’ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s’agit plus d’envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d’actualité, elle est un peu modifiée pour montrer : les Français dans la guerre,Cocardes victorieuses par René CHAMBE (16)

    « 7 h 40. - Robert vient de jeter un dernier regard à la montre de bord. Puis à l’altimètre : 2.200.

    Là-bas, petites boules noires, les têtes du pilote et de l’observateur, ennemis à présent, se distinguent. On les voit. Ils sont deux !

    Yeux durs, front de marbre, toute volonté tendue, ramassée, inflexible, Navarre fonce.

    Robert doit sourire encore, il sourit toujours. Comme Navarre, il ignore la crainte. On va se battre ! On l’a tant cherché ! Au travers de ses gants, ses doigts étreignent sa carabine, sa pauvre petite carabine, jouet dérisoire pour un pareil duel.

    Les dernières secondes...

    - Pan ! Pan ! Pan !

    A deux cents mètres, l’ennemi ouvre le feu.

    Fusil-mitrailleur.

    A bout de nerfs, incapable de se dominer plus longtemps, l’observateur vient de tirer.

    Les détonations sèches se distinguent étonnamment sur le vacarme des moteurs. Robert et Navarre les perçoivent. Rien de nouveau.

    Virage à droite, virage à gauche.  Navarre crochète.

    - Pan!  Pan!  Pan 1

    L’Allemand insiste. De brèves lueurs jaillissent de sa carlingue. Mais les balles se perdent. Pas une n’arrive au but. Pas même une chiquenaude sur les toiles.

    La distance diminue. A voir grandir les cocardes françaises, il semble que l’ennemi s’affole. Les coups se succèdent à toute vitesse.

    - Pan ! Pan! Pan! Pan! Pan!

    Son tir ne parvient pas à se régler.

    Robert, méprisant, ne baisse pas les yeux. Il ne tirera, lui, qu’à vingt-cinq mètres. Il se l’est juré. Il ne gaspillera pas ses cartouches. Il veut être sûr, sûr!  La doctrine est formelle, à la 12 : pour obtenir un résultat décisif, il est indispensable d’aller au corps à corps - presque à l’abordage.

    Rien ne saurait arrêter ni Navarre ni Robert, ils iront jusqu’au bout ! Les croix de fer de l’Aviatik sont maintenant immenses, toutes noires, sur fond blanc. On est si près, que tous les détails apparaissent. Il est impossible qu’au cours de ce combat, l’un des deux, Aviatik ou Morane, ne soit envoyé par le fond. On ne s’approche pas impunément d’aussi près. Et l’on ne se manque pas à bout portant.

    Incomparable manoeuvrier, Navarre exécute différents exercices de voltige pour dérouter le feu de l’adversaire. Il est plus haut que lui. Et brusquement, d’un seul coup, comme un épervier, il se laisse tomber.  Puis il se redresse.

    Vingt-cinq mètres !

     

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    Lois Spalwer

  • Héritage impossible ? En avant !

    La rumeur et Royauté-News nous apprennent que le prince héritier d'Orléans a conféré l'Ordre de l'Etoile, décoration tombée en désuétude au XVè siècle, qui dépendait personnellement du roi ! Il l'aurait agrégé à l'Ordre de Notre-Dame du Mont Carmel renaissant, qui fut jusqu'à la fin de la Restauration un ordre pontifical, lié d'ailleurs à l'Ordre de Saint Lazare, autre résurrection tardive du même prince au bénéfice cette fois de son neveu Charles-Philippe d'Orléans qui s'en est retiré depuis. On aime bien les "ordres de chevalerie" donc. Cette association étoilée s'intéresse au patrimoine. Très bien, il en manquait¹. Ce qui coince est que ces re-créations, discutables en République, puisent dans un héritage duquel la maison d'Orléans est retranchée pour ne pas dire "tranchée". La succession dynastique fut coupée, et comment, un certain 17 janvier 1793 et l'épissure du Milliard des émigrés n'a pas tenu au-delà du 9 août 1830. N'y revenons pas².
    Le droit dynastique n'obéit pas au code civil bourgeois, la maison d'Orléans est pleinement qualifiée pour se réclamer de la Monarchie de Juillet, qui ne fut pas un régime blâmable, mais elle ne l'est pas pour se réclamer de l'Ancien régime qu'elle a contribué à détruire au lieu de l'aider à se réformer !
    L'invocation aux Quarante rois est donc une captation d'héritage, finalement bénigne, la recréation des ordres de chevalerie anciens une distraction royale pour agréger à la Cour en attente des arrivistes pressés d'entrer dans le tout Paris. Futilité des vanités, quoique les quatre mannequins en armure sur le parvis de St Germain l'Auxerrois ce 21 janvier nous aient signalé une insistance rare à ridiculiser une cause royaliste qui n'en a pas besoin.

    La politique considérée comme souci

    Comme le dit très bien Roman Ungern dans un éditorial de Vexilla Galliae qui détonne - ça, pour détonner ! - « Il est temps d'abaisser le pont levis, de remiser la perruque poudrée et de concevoir que les Royalistes ne mesurent plus leur engagement ni au nombre de quartiers de noblesse, puisque nous sommes bien nombreux à en être dépourvus, ni à leur détachement des choses de ce monde.» 
    Puis il développe avec bonheur d'un magistral élan mon vieux slogan rouillé : savoir se salir les idées : «Nous n'allons pas céder, nous n'allons pas abandonner le débat politique et la grande bataille de l'information au prétexte que ceux-ci seraient souillés par l'ignominie républicaine et feraient de ceux qui l'approchent de piètres royalistes.» 
    Mais comme Royal-Artillerie sert rarement la soupe, je vous invite à lire ce billet exceptionnel en version originale en cliquant ici.
    Plutôt que d'acquérir à grand frais les oripeaux d'une monarchie disparue, nos prétendants et leurs conseils seraient mieux avisés de conceptualiser de nouvelles institutions monarchiques capables de remédier à notre terrible déclin et - ce n'est pas rien - dans lesquelles ils se couleraient plus facilement que dans les Lois fondamentales du royaume qui les écrasent, d'aucun bord qu'on regarde. Conceptualiser avec qui ! C'est la bonne question que soulève Roman Ungern. Où sont les Maistre, Bonald, les Maurras, Boutang du siècle nouveau ? On s'en passerait peut-être si nous pouvions construire ex nihilo, sur la tabula rasa. Et pourquoi pas ? Mais avec qui ? 
    Un forumeur que j'estime m'avouait tantôt que la sève de Bourbon ou celle d'Orléans, si elle n'est pas tarie, n'avait plus de force. A eux de nous prouver que non ! A défaut de les croiser au prochain changement de paradigme, attendrait-on quelque gentilhomme dressé au milieu des ruines annoncées, qui prouvera, lui, quelque chose ? Il n'y a pas d'alternative au principe de réalité ; ce n'est pas le premier à Reims qui régnera mais le dernier debout à Paris. Êtreprime, et le paraître et le prétendre. Le "Je ne Prétends pas, Je Suis" du Bourbon sonne bien mais exige plus de lui que des autres, sauf à ne servir qu'à meubler l'héraldique. Vu la taille du défi, il est condamné à donner beaucoup plus, s'il veut recevoir un peu plus. Se revendiquer l'héritier historique est accepter une lourde charge qui appelle à la fois des qualités personnelles spécifiques³ et le renfort de soutiens compétents, résilients et désintéressés.
    In cauda, titres, ordres et décorations sont, en l'état de catalepsie du mouvement, des pitreries indignes de ceux qui les décernent. Il y a mieux à faire que ce carnaval, et déjà, promouvoir un schéma institutionnel de rechange plus précis ; communiquer professionnellement aussi, ce qui semblerait être une gageure tant on est mauvais.
    Ce sera tout pour aujourd'hui bien que j'en aie encore sous la pédale.

    (1) s'il n'y en a pas déjà vingt de notre bord, il n'y en pas une
    (2) pour les digressions, passer par la Wikipedia, ce sera plus rapide :)
    (3) à paraître sur Royal-Artillerie le 16 février prochain De l'âme des princes
  • [Grenoble] Charles SAINT-PROT au Centre Lesdiguières

    Le Centre Lesdiguières vous invite à la conférence de Charles SAINT-PROT, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques (www.etudes-geopolitiques.com ), professeur associé à l’Université Paris Descartes.

    Géopoliticien, il est spécialiste du monde arabe et de l’Islam et auteur de nombreux ouvrages dont plusieurs ont été traduits en anglais, en arabe, en espagnol ou en chinois. Dernière parution : Le mouvement national arabe (Ellipses).

    sur "Crépuscule du monde arabe"

    Lundi 23 février 2015 à 20 h.

    10 place Lavalette, 38000 Grenoble - salle du 1er étage (Tram : arrêt « Notre-Dame »)

    La conférence sera suivie d’un buffet convivial (Participation aux frais)

    Centre Lesdiguières - 6 rue Berthe de Boissieux - 38000 - Grenoble

     

    Depuis la destruction de l’Irak par les Etats-Unis, la nation arabe connait une crise qui menace de déstabiliser toute la région sud-méditerranéenne et n’est pas sans conséquences sur le reste du monde. Le prétendu « printemps arabe » n’a fait qu’aggraver les choses et mis jour les fractures profondes dans plusieurs pays. Jamais le monde arabe n’a été aussi faible, pour le plus grand profit de ses adversaires (Israël, Iran…) ou de ses concurrents (Turquie). Dans cette situation quelle peut être encore la politique arabe de la France ?

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Grenoble-Charles-SAINT-PROT-au

  • Hommage aux morts du 6 février 34, à Brasillach et à Bardèche (commémoration 2015)

  • Le choc des non-civilisations

    Choc des civilisations vraiment ? De part et d’autre, l’entretien de cette fiction permet surtout d’oublier l’état réel de la civilisation que l’on prétend défendre, et de se lancer en toute bonne conscience dans de lyriques et exaltantes considérations identitaires. Dans ce ridicule concours des fiertés (civilisation pride ?), les divers gardiens de néant oublient l’essentiel : ils veillent sur un champ de ruines.

    Dans Respectez la joie, chronique publiée il y a déjà douze ans, Philippe Muray posait la question suivante : « Comment spéculer sur la défense d’une civilisation que nous ne faisons même pas l’effort de voir telle qu’elle est, dans toutes ses extraordinaires et souvent monstrueuses transformations ? » Face à l’ennemi islamiste, à sa haine de « l’Occident », qu’avons-nous à faire valoir pour notre défense, hormis « la liberté d’expression », « les jupes courtes », « le multipartisme », « le sexe » ou « les sandwichs au bacon » ? Pas grand-chose. Et ces éléments sont eux-mêmes illusoires : « Le seul ennui, écrit Muray, c’est que ces mots recouvrent des choses qui ont tant changé, depuis quelques décennies, qu’ils ne désignent plus rien. » Ainsi de la liberté sexuelle, brandie comme un progrès civilisationnel (ce qui en soi peut se contester), alors même qu’elle est de moins en moins effective : « On doit immédiatement reconnaître que c’est la civilisation occidentale elle-même qui a entrepris de détruire, en le criminalisant, le commerce entre les sexes ; et de faire peser sur toute entreprise séductrice ou galante le soupçon du viol ; sans d’ailleurs jamais cesser de se réclamer de la plus grande liberté. »

    L’Occident s’est tiré deux balles dans le pied

    L’Occident post-moderne a achevé l’Occident moderne, celui de la liberté individuelle et de la pensée critique. Et l’Occident moderne était né lui-même de la destruction de l’Occident traditionnel, de sa civilisation, de son histoire et du christianisme. L’Occident post-moderne est le fruit d’un double meurtre : d’abord celui de la royauté de droit divin, avec tout ce qu’elle comporte de représentations symboliques traditionnelles, avec toute la conception hiérarchique de l’ontologie qu’elle suppose. Puis, celui de l’individu. Muray, en vieux libéral qu’il est, est évidemment plus touché par ce dernier meurtre : l’individu réellement libre – c’est-à-dire : ayant les moyens intellectuels de l’être – n’est plus. Cela n’empêche pas toute l’école néo-kantienne de la Sorbonne – entre autres – de répéter à l’envi que le respect de l’individu caractérise notre civilisation, par opposition à la « barbarie » médiévale d’une part, et au « retard » des autres civilisations d’autre part, encore prisonnières d’un monde où le groupe, la Cité, importent davantage que l’individu. La réalité est pourtant plus amère, et il n’y a pas de quoi fanfaronner : notre civilisation a fini par tuer l’individu réellement libre, si durement arraché à l’Ancien Monde.

    Par un étrange paradoxe, c’est précisément en voulant émanciper l’individu que nous l’avons asservi. En effet, nous avons souscrit à la thèse progressiste selon laquelle la liberté politique et intellectuelle de l’individu suppose son arrachement à tous les déterminismes sociaux, à tous les enracinements familiaux, culturels, religieux, intellectuels. Seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté dont l’effectivité « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu ». Cette vieille thèse, résumée ici par Christopher Lasch (Culture de masse ou culture populaire ?), est toujours d’actualité : Vincent Peillon, ex-ministre de l’Éducation nationale, a ainsi déclaré vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».

    Elle est pourtant contredite par la réalité de la société de marché que nous avons bâtie. Ainsi que le remarque Lasch, « le développement d’un marché de masse qui détruit l’intimité, décourage l’esprit critique et rend les individus dépendants de la consommation, qui est supposée satisfaire leurs besoins, anéantit les possibilités d’émancipation que la suppression des anciennes contraintes pesant sur l’imagination et l’intelligence avait laissé entrevoir ».

    Le cas de l’islam en France

    Comment alors s’étonner des phénomènes que l’on constate dans les « quartiers difficiles », de l’illettrisme généralisé et de la violence banalisée qui s’y côtoient ? Comment s’étonner des effets du double déracinement des immigrés ? Voilà des gens que l’on a arraché à leur terre (ou qui s’en sont arrachés), qui ont abandonné leur culture, ont oublié leur langue, et qui n’ont dès lors plus rien à transmettre à leurs enfants. Ces enfants, parfaits cobayes de l’expérimentation de la liberté par le déracinement, sujets idéals de l’idéologie délirante d’un Peillon, sont les premiers post-humains. Sans racines, et bientôt, après un passage par l’école républicaine, sans savoir et sans attachement à leur nouvelle terre. Coupés de leurs origines sans qu’on leur donne la possibilité de s’enraciner dans une civilisation qui se sabote elle-même, ils incarnent au plus haut degré le néo-humain sans attaches, sans références, celui que rêvent les idéologues de la post-modernité. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.

    Ce règne, chaotique dans ses effets, de la table rase n’est pas sans provoquer un certain malaise chez les individus les plus conscients. On a beau déraciner, la réalité demeure : l’enracinement est un besoin essentiel à l’humanité. On y revient toujours, d’une manière ou d’une autre. « Le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines », écrit Lasch. D’où le phénomène de réislamisation, processus de ré-enracinement parmi d’autres (car il en est d’autres), qui s’explique par la recherche d’une alternative à ce que l’on nomme le « mode de vie occidental » (en réalité le mode de vie mondialisé de la consommation soumise).

    Il est d’ailleurs amusant de constater que le plus grand grief que la koinè médiatique fait aux beurs réislamisés ou salafisés, plus grave encore que les attentats qu’ils projettent ou commettent, c’est « le rejet du mode de vie occidental ». Horreur ! Peut-on imaginer plus atroce blasphème ? « Comment peut-on être pensant ? » comme dit Muray. Faut-il donc être un odieux islamiste tueur d’enfants (juifs de préférence) pour trouver à redire à ce merveilleux monde démocratico-festif, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’une ombre ?

    Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel. Dans la mesure où toute alternative au « mode de vie occidental » est présentée comme une régression barbare, la radicalité de la réislamisation, le fait qu’elle se fasse notamment – mais pas uniquement – dans les termes du salafisme, paraît inéluctable : le néo-Occident permet qu’on le fuie, à condition que l’on se jette dans les impasses qu’il ménage à ses opposants.

    La déchéance civilisationnelle de l’islam

    Il est une autre raison à la radicalité de la réislamisation. Elle tient à la chute de l’islam comme civilisation. À l’instar de l’Occident, à sa suite et sous son influence, l’Orient en général et l’islam en particulier subissent les effets de la modernité et des bouleversements politiques, sociaux, intellectuels, théologiques qu’elle entraîne.

    Historiquement et politiquement, cela s’est fait d’abord par la pression occidentale sur le califat ottoman, qui ployait déjà sous son propre poids. N’oublions pas que le monde arabo-musulman est mis au contact de la pensée des Lumières dès 1798, avec l’expédition d’Égypte de Napoléon. À peine la France avait-elle accompli sa Révolution qu’elle tentait déjà d’en exporter les principes, appuyés par une subjuguante supériorité technique. Les Britanniques, mais aussi, dans une moindre mesure, les Français, n’eurent ensuite de cesse d’encourager l’émergence des nationalismes, insufflant chez les peuples arabes le désir de révolte contre la domination turque : ils posèrent en termes modernes, ceux des nationalismes, un problème qui ne se posait pas ainsi. Plus tard, ce fut l’islamisme dont se servirent cette fois les Américains. À ces facteurs, il faut ajouter l’apparition de la manne pétrolière, mise au service du wahhabisme (lui-même soutenu originellement par les Britanniques) et la révolution islamique iranienne. Tout concourrait à la destruction des structures politiques et sociales traditionnelles de la civilisation islamique : les interventions étrangères certes, mais également un certain essoufflement de l’Empire ottoman, qui avait manqué le train de la révolution industrielle et se trouva dépassé par les puissances occidentales.

    En l’absence de structures sociales fortes, ce fut bientôt la pensée islamique traditionnelle elle-même qui succomba. Face aux puissances occidentales, les musulmans réagirent de deux façons antagonistes, que l’excellent historien Arnold Toynbee a qualifiées de « zélotisme » et d’ « hérodianisme ». Voyant une analogie entre la réaction des musulmans à la domination occidentale, et celle des Juifs à la domination de l’Empire romain, Toynbee explique que tout bouleversement venu de l’étranger entraîne historiquement une réaction de repli sur soi, d’une part, et une réaction d’adhésion et de soumission totales aux nouveaux maîtres, d’autre part. Mais dans les deux cas, on sort de la sphère traditionnelle : ni les zélotes ni les hérodiens ne peuvent prétendre représenter la pensée islamique traditionnelle. Leurs conceptions respectives de l’islam obéissent à des circonstances historiques déterminées, et ne sont plus le résultat de la réflexion sereine d’une civilisation sûre d’elle-même.

    Les nombreuses manifestations de l’islamisme contemporain sont autant de variétés d’un islam de réaction. Couplée à la mondialisation, qui est en réalité occidentalisation – au sens post-moderne – du monde, et à ses conséquences, cette réaction a fini par produire un islam de masse, adapté aux néo-sociétés, et qu’Olivier Roy a admirablement analysé dans ses travaux. Dans L’Islam mondialisé, il montre ainsi en quoi le nouvel islam est un islam déraciné pour déracinés, et en quoi la réislamisation est « partie prenante d’un processus d’acculturation, c’est-à-dire d’effacement des cultures d’origines au profit d’une forme d’occidentalisation ».

    Dès lors, il apparaît clairement que le prétendu « choc des civilisations » procède d’une analyse incorrecte de la situation. Il n’y a pas de choc des civilisations, car il n’est plus de civilisations qui pourraient s’entrechoquer ; toutes les civilisations ont disparu au profit d’une « culture » mondialisée et uniformisée, dont les divers éléments ne se distinguent guère plus que par de légères et inoffensives différences de colorations. Ce à quoi on assiste est donc plutôt un choc des non-civilisations, un choc de déracinés.

    Fares Gillon, Philosophe et islamologue de formation

    SourcePhilitt

     Le Cercle Non-Conforme

  • La république antisociale :