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culture et histoire - Page 1409

  • Par-delà Droite et Gauche

    Permanence et et évolution des idéaux et des valeurs non-conformistes

    [Ci-contre : Arnaud Imatz. Né à Bayonne en 1948, est docteur d’État en sciences politiques, diplômé en droit et sciences économiques. Hispaniste de vocation, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles dans une trentaine de revues européennes et américaines]

    Les éditions Godefroy de Bouillon viennent de publier un excellent livre d’Arnaud Imatz, intitulé Par-delà Droite et Gauche : Permanence et évolution des idéaux et des valeurs non-con­formistes, un livre qui éclaire la malhonnêteté des nouveaux censeurs. Dans son prologue, l’auteur écrit :

    « À l’heure de rendre compte de la ou, plutôt peut-être, des culture(s) politique(s) non­ conformiste(s), la tradition scientifique de rigueur, de probité et d’objectivité, constamment invoquée, est rarement respectée. Historiens, philosophes, politologues, sociologues et journalistes oscillent entre le silence prudent, qu’impose la peur d’être “gommé” professionnellement, et l’attitude belliqueuse, l’engagement polémique, sectaire, intolérant, qu’explique parfois la conviction, mais plus souvent l’opportunisme. Beaucoup renoncent à l’analyse lucide et pondérée des idées, des doctrines, des mentalités et des visions du monde de l’“Autre”, pour faire l’histoire de leurs altérations, distorsions, déformations ou contrefaçons. Ils interprètent comme apologie toute prise en compte d’un point de vue, de valeurs, de faits ou de documents qui contredisent leurs opinions. Sous couvert d’érudition, de préoccupation historique et de méthode scientifique, s’active un instinct, s’agite une psy­chologie de partisan, qui juge systématiquement les idées de l’adversaire à travers celles de leurs sous-produits, celles de l’a­mi n’étant considérées que dans leurs élaborations les plus achevées (…). Ces analyses tendanciellement manichéennes dé­rivent vers des interprétations fantasmatiques lorsqu’elles sont vulgarisées. Supportant mal le doute naturel et nécessaire chez le politologue, les esprits fébriles et sectaires sont soulagés dans un système clos, où l’absence d’objectivité dans le débat est compensée par la ferveur partisane. Il s’agit pour eux de diaboliser toute pensée “politiquement incorrecte” et de criminaliser ceux qui l’expriment. Bouffis d’orgueil et de prétention intellectuelle, en quête de succès de presse faciles, ces inquisiteurs ressassent interminablement, jusque dans les organes réputés les plus prestigieux, leurs assertions dogmatiques sur la “personnalité autoritaire”, leurs pétitions de principe et leurs exagérations de toute nature, qui nourrissent en fait des complexes phobiques de mythomanes conspirationnistes. Les analyses les plus nombreuses s’arrêtent sur des aspects de détail, sur l’apparence et non sur les idées. L’image qui s’en dégage est celle d'un iné­vitable stéréotype aussi absurde que contradictoire : le non-conformiste représente tout à la fois le violent, le haineux, le per­vers, le comploteur, le réactionnaire, l'immobiliste, le défenseur de l’ordre moral, l’incarnation du mal ! ».

    Dans le dernier chapitre intitulé “Le renouveau de la culture poli­tique non conformiste”, nous lisons :

    « (…) la nouvelle droite, depuis un peu moins de dix ans, paraît épuisée, décline et ne subsiste plus qu’à l’état résiduel. Sa redéfinition comme centre d’agitation d’idées anti-libérales, au nom d’un anti-utilitarisme généralisé, son insistance à confondre amour libre et promiscuité sexuelle, lui permettent des rencontres passagères, des débats fugaces mais sans lendemain car ne s’inscrivant pas dans une véritable stratégie, avec les animateurs de petits groupes d’intellectuels de gauche. Le meilleur exemple est fourni par le MAUSS (mou­vement anti-utilitariste dans les sciences sociales), animé par Alain Caillé etSerge Latouche, et influencé aussi par les travaux de Michel Maffesoli. C’est dès lors en partie autour des revues Nationalisme & République (aujourd’hui défunte) de Michel Schneider, et surtout de Vouloiret Orientations de Robert Steuckers, qu’a tenté de se regrouper, pour trouver un second souffle, la tendance la plus politique, la plus radicale et la plus non conformiste de la nouvelle droite ».

    ♦ Arnaud Imatz, Par delà Droite et Gauche : Permanence et é­volution des idéaux et des valeurs non conformistes, édi­tions Godefroy de Bouillon, Paris, 1996, 272 p.

    ► Pierre Monthélie, Nouvelles de Synergies Européennes n°26, 1997.

    ♦ lire aussi : recension (Cartouches n°3, 1997) ; fiche de lecture (scriptoblog).

    http://www.archiveseroe.eu/recent/3

  • “Religiosité indo-européenne” de H. F. K. Günther

    9pvlW-dMWEPntzZIlvkL-04wUcw.jpgUn préjugé défavorable accompagnera ce livre de Günther. En effet, en France, Günther jouit d'une réputation détestable, celle d'être “l'anthropologue officiel” du Troisième Reich de Hitler. Cet étiquetage n'a que la valeur d'un slogan et il n'est pas étonnant que ce soit le présentateur de télévision Polac qui l'ait instrumentalisé, lors d'un débat à l'écran, tenu le 17 avril 1982 sur la “Nouvelle Droite” d'Alain de Benoist. Avec la complicité directe d'un avocat parisien, Maître Souchon, et la complicité indirecte d'un essayiste britannique, ayant comme qualification scientifique d'être un “militant anti-fasciste”, Michael Billig (1), Polac pouvait fabriquer, devant plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs, le bricolage médiatique d'un “Günther hyper-nazi”, maniaque de la race et dangereux antisémite. Comme aucun représentant de la “Nouvelle Droite”, aucun anthropologue sérieux, aucun connaisseur des idées allemandes des années 20 et 30, n'étaient présents sur le plateau, Polac, Souchon et leurs petits copains n'ont pas dû affronter la contradiction de spécialistes et le pauvre Günther, décédé depuis 14 ans, a fait les frais d'un show médiatique sans la moindre valeur scientifique, comme le démontre avec brio David Barney dans Éléments (n°42, été 1982) [cf. extrait en bas de page].

    Qui fut Günther ? Hans Friedrich Karl Günther est né le 16 février 1891 à Fribourg en Brisgau, ville où il vécut sa jeunesse. Il y fréquenta l'université et, après un séjour d'études à Paris, acquit les diplômes qui sanctionnaient ses connaissances en linguistique comparée et en philologie germanique. La formation de Günther est donc celle d'un philologue, non celle d'un anthropologue. Quand éclate la guerre de 1914, Günther se porte volontaire mais, atteint d'un rhumatisme des articulations pendant son instruction, il est renvoyé chez lui et jugé inapte au service actif. Il servira ultérieurement le Reich dans la Croix-Rouge. La guerre finie, il enseigne à Dresde et à Fribourg.

    Son premier ouvrage paraît en 1920 et s'intitule Ritter, Tod und Teufel : Der heldische Gedanke (Le chevalier, la mort et le diable : L'idée héroïque), conjointement à une pièce de théâtre, d'inspiration nationaliste, faustienne, païenne et romantique, Hans Baldenwegs Aufbruch : Ein deutsches Spiel in vier Auftritten (Le départ de Hans Baldenweg : Pièce allemande en 4 actes). Le destin de Günther venait d'être scellé. Non par le contenu intellectuel de ces 2 travaux, mais par la personnalité de son éditeur munichois, Julius Friedrich Lehmann, enthousiasmé par Ritter, Tod und Teufel.

    Cet éditeur connu avait repéré des qualités innées d'anthropologue chez son jeune protégé. Günther, avait remarqué Lehmann, repérait tout de suite, avec justesse, les caractéristiques raciales des individus qu'il rencontrait au hasard, dans les rues ou sur les chemins de campagne. Il était dès lors l'homme que cherchait Lehmann, pour écrire un précis de “raciologie” vulgarisé, accessible au grand public, commercialisable à grande échelle. Malgré l'avis défavorable d'un professeur d'anthropologie de l'université, Lehmann décide de payer Günther pendant 2 ans, afin d'achever, à l'abri du besoin, sa “raciologie”. En juillet 1922,Rassenkunde des deutschen Volkes sort de presse. Plusieurs éditions se succéderont jusqu'en 1942 et 124.000 exemplaires du livre trouveront acquéreurs. En 1929, paraît une édition abrégée, Kleine Rassenkunde des deutschen Volkes, rapidement surnommée Volksgünther, qui sera, elle, tirée à 295.000 exemplaires.

    Auteur d'un ouvrage scientifique de référence sur “l'idée nordique” en Allemagne (2), Hans-Jürgen Lutzhöft explique les raisons qui ont fait le succès de ces 2 manuels :

    ◊ 1) En reprenant les classifications des races, dressées par les anthropologues anglo-saxons Beddoe et Ripley, Günther analysait la population allemande et repérait les mixages dont elle était le résultat. C'était la première fois qu'un livre aussi didactique sur la question paraissait en Allemagne. Günther faisait dès lors figure de pionnier.

    ◊ 2) Didactique, Günther initiait ses lecteurs, avec une remarquable clarté, aux arcanes et aux concepts fondamentaux de l'anthropologie biologique. Le lecteur moyen acquérait, avec ce livre, un texte “initiatique” pratique, concret et instructif.

    ◊ 3) Les 2 ouvrages étaient richement illustrés, ce qui ôtait toute abstraction ennuyeuse aux descriptions des phénotypes raciaux (physionomies, corpulences, formes des crânes, couleur des cheveux et des yeux, etc.).

    ◊ 4) Le style du livre était précis, clair, compréhensible, convaincant.

    ◊ 5) La simplicité des démonstrations encourageait la lecture.

    ◊ 6) Günther ne sombrait dans aucune polémique gratuite. Certes, sa race “favorite” était la race nordique mais jamais il ne médisait des autres races européennes. Cette absence de propos médisants, inhabituelle dans les vulgarisations anthropologiques de l'époque, accordait à Günther un public nettement plus large que celui des petites sectes nordicomanes.

    ◊ 7) Vulgarisation qui n'avait pas la prétention d'être autre chose, la Rassenkunde possédait un niveau scientifique réel et incontestable, malgré les lacunes que pouvaient repérer les spécialistes autorisés des universités. Pour l'anthropologue Eugen Fischer, le plus renommé dans sa profession pendant l'entre-deux-guerres allemand, la lecture de la Rassenkunde était impérative pour le débutant et même pour le professionnel qui voulait acquérir une souplesse didactique dans sa branche.

    Le succès incroyable et inattendu de la Rassenkunde permet àhlUZvxyhw0JpRX4tLjLDtxdQB5E.jpg Günther d'envisager la vie d'un écrivain libre. Il suit les cours de l'anthropologue Theodor Mollison (1874-1952) à Breslau et rencontre à Dresde celle qui deviendra bien vite son épouse, la jeune musicologue norvégienne Maggen Blom. En 1923, il suit la jeune fille à Skien, sa ville natale, dans le Telemark norvégien, et l'épouse en juillet. Deux filles naîtront de cette union, Ingrid et Sigrun. Les Günther resteront 2 ans à Skien, puis se fixeront à Uppsala en Suède, où se trouve l'Institut d'État suédois de biologie raciale. Il travaillera là avec les anthropologues Lundborg et Nordenstreng. En 1927, la famille va habiter dans l'île de Lidingö près de Stockholm.

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  • Les habits neufs du vieux stalinisme

    L'aveu improbable d'une passion pour les élections départementales surprendrait sans doute les lecteurs habitués de cette chronique. Votre serviteur ne formulera pas non plus de pronostics en espérant pouvoir bientôt se réjouir d'une souhaitable perte, par le parti communiste des deux derniers départements qu'il pollue encore de sa présidence, l'Allier et les Val-de-Marne.

    Achever de se débarrasser de l'influence marxiste, laquelle ne se limite pas, hélas, au seul appareil du vieux PCF, pourrait servir de motivation mobilisatrice les 22 et 29 mars dans bon nombre de territoires.

    Sans que la corrélation se vérifie obligatoirement, on notera avec bonheur le recul historique du taux des grévistes. Réduit à 9,9 % ce 10 mars, malgré l'appel de la CGT pour la grève à la SNCF, il nous offre, à cet égard, une assez agréable mise en bouche.

    Ne nous croyons pas cependant, dès maintenant débarrassés de la nuisance stalinienne.

    La vieille hypothèque qui pèse sur ce pauvre pays, créance inscrite frauduleusement par les communistes rebaptisés "patriotes" en 1945 (1)⇓

    reste ainsi à l'ordre du jour.

    L'exemple d'Yves d’Amécourt vaut le détour. Poulain d’Alain Juppé, et tête de liste UMP dans son beau département, sous l'étiquette locale de "Gironde Positive", il théorise d'une façon significative l'hypothèse de l’alliance avec le parti communiste :

    "J’ai précisé qu’en cas de deuxième tour, nous appellerions même à voter pour un communiste. Le PC et les gaullistes ont en effet une histoire commune, celle de la guerre et de la Résistance, et je ne mettrai pas une pince à linge sur le nez pour voter communiste"(2)⇓

    Ne cherchons pas à enfermer inutilement ce mensonge historique dans un passé aujourd'hui lointain, auquel il se réfère en le déformant : celui-ci ne se meurt que pour renaître, et à certains égards, il éclate donc de santé. Exit Marchais, Liliane a fait ses valises, bonjour Juppé et les sous-Juppé.

    Certains admirateurs et continuateurs de l'ère de la stagnation chiraquienne, feignent en effet de "craindre" l'américanisation de l'occident européen. Ils la redoutent comme "la pire perspective" comme s'il s'agissait d'une invasion d'extraterrestres, étrangers à notre monde. Sans trop oser le dire, ils nous invitent à voir là une menace plus dangereuse encore que les assauts des djihadistes, certes adossés aux complaisances de leurs cinquièmes colonnes.

    Or, si les commentaires sont libres, les faits restent sacrés, …

    Et le fait, c'est que "la pire perspective" était déjà dénoncée, exactement dans les mêmes termes en 1950. Cela se passait au XIIe congrès du parti communiste français à Gennevilliers. Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, y énonçait alors, sans contredit ni débat, la ligne du parti. Celle-ci reflétait, sans la moindre nuance, le fameux rapport Jdanov énoncé en septembre 1947, à la réunion de Szklarska Poreba, en Silésie, qui appela à la reconstitution du Komintern sous le nom de Kominform.

    Thorez, jusqu'au XIe congrès de Strasbourg de juillet 1947, parlait encore de "nos amis américains". Il suggérait à un gouvernement qu'il venait de quitter, et que les communistes imaginaient encore réintégrer, une meilleure utilisation de la généreuse aide Marshall. Mais trois ans plus tard, il invitait à voir, en Staline et en l'URSS, le"meilleur rempart" contre l'américanisation.

    Tous les raisonnements économiques issus du marxisme dont s'agrémentaient alors les rhétoriques de Thorez, de Jdanov et des autres, se sont écroulés. Rappelons qu'à l'époque toute l'école étatiste, protectionniste, et comme elle osait encore se baptiser "socialiste scientifique", prophétisait la catastrophe et la paupérisation auxquelles conduirait la marche occidentale de l'économie. Seuls quelques rétablisseurs à la Sapir ou Piketty  (3)⇓

    persistent à chercher à les renouveler avec des arguments et raisonnements, à peine nouveaux, très au-dessous de ceux de Marx et Engels faut-il le préciser.

    Mais en dehors de sa prétendue justification économique, ‑ crise généralisée du "capitalisme", contradictions conduisant à une guerre inéluctable, etc.… – s'affirmait l'idée "géopolitique".

    Au contraire des prémices pseudo-économiques dont elle se parait, cette vision a fait florès. Selon la nouvelle doctrine, la mésalliance avec l'Amérique représenterait l'ennemie numéro un des peuples d'Europe, à commencer par la part européenne du peuple russe.

    Un tel sophisme continue d'être propagé, non seulement par tous les survivants du KGB, mais aussi par tous les anciens élèves du MGIMO  (4)⇓

    moscovite, et, en France par toutes sortes de petits roquets et perroquets, champignons vénéneux issus du "chevénementisme", se réclamant plus ou moins hardiment d'un "gaullisme" mythifié et de son ersatz chiraquien. Certains d'entre eux se montrent parfois même désintéressés voire bien intentionnés. Mais, de même qu'il existe des poissons volants, pour paraphraser Audiard, "ils ne constituent pas la majorité du genre."

    Sans rêver convaincre cette dernière tranche, il faut donc sans relâche prendre la mesure de cette réalité.

    JG Malliarakis

    Apostilles

    1.  Sur son caractère mensonger, celui du "patriotisme du PCF pendant la seconde guerre mondiale" on lira, parmi tant d'autres, mon 
    2.  cf. Info Bordeaux le 11 mars. 
    3.  Je me permets de renvoyer à mon propre travail de réponse à Piketty publié en 2012 et dont il reste quelques exemplaires dans "Pour une libération fiscale". Depuis la publication de son absurde "Capital au XXIe siècle", au pittoresque succès de librairie, d'autres auteurs lui ont, à leur tour, brillamment répondu. Hélas inutilement… 
    4.  Créé en 1944 cet "Institut d'État des relations internationales de Moscou", était dirigé au dernière nouvelle par Anatoly Torkounov membre du conseil de surveillance des "Vétérans de l’espionnage et de la diplomatie pour la renaissance morale de la patrie."

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  • Philippe Conrad : « Dominique Venner : un regard inspiré sur l’Histoire »

    En amont du premier rendez-vous public de l’Institut Iliade qui se tiendra à Paris le 25 avril prochain, nous publions le texte ci-dessous. Il s’agit de l’intervention de Philippe Conrad, historien, Directeur de La Nouvelle Revue d’Histoire (NRH), au Colloque Dominique Venner, qui se déroulait le 17 mai 2014.

    Quand j’ai fait sa connaissance au début des années 1960, rien ne semblait destiner Dominique Venner à un parcours intellectuel au long duquel l’Histoire allait prendre une place toujours plus grande. Engagé à dix-huit ans dans l’armée avant d’être entraîné très tôt dans l’action politique, il milite pour l’Algérie française et contre la politique d’abandon alors mise en œuvre par le général De Gaulle, avant de faire l’expérience de la clandestinité et d’effectuer deux longs séjours en prison pour reconstitution de ligue dissoute.

    La « critique positive » et l’expérience du terrain

    Quand se tourne la page du conflit algérien, il formule sa « critique positive » de l’échec que vient de connaître son camp et s’efforce de créer un mouvement politique porteur d’un « nationalisme » européen qu’il juge nécessaire dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir. Les limites de l’action politique lui apparaissent toutefois rapidement et, soucieux de préserver sa pleine indépendance, il y renonce quelques années plus tard. Spécialiste des armes et amoureux de la chasse, de son histoire et de ses traditions, il va dès lors vivre de sa plume en conservant ses distances vis à vis d’un monde dans lequel il ne se reconnaît plus guère.

     

    Esprit cultivé et curieux, il est davantage tourné, à l’origine, vers la réflexion politique que vers l’histoire et le jeune militant activiste cherche surtout dans celle des grands bouleversements du XXe siècle les clés d’un présent qu’il entend transformer. L’expérience de l’action, le fait d’avoir été directement mêlé au dernier grand drame de l’histoire française que fut l’affaire algérienne lui ont toutefois fourni de multiples occasions d’observer et de juger les acteurs auxquels il s’est trouvé confronté , d’évaluer concrètement des situations complexes, d’établir le bilan des succès et des échecs rencontrés. Autant d’expériences qui se révèleront utiles ultérieurement pour apprécier des moments historiques certes différents mais dans lesquels certains ressorts fondamentaux identifiés par ailleurs demeuraient à l’œuvre.

    Cette expérience de terrain, qui fait généralement défaut aux historiens universitaires, combinée avec une exigence de rigueur et une distance suffisante avec son propre parcours, s’est révélée précieuse pour aborder certaines séquences de notre histoire contemporaine, voire des épisodes plus lointains dans le cadre desquels passions et volontés fonctionnaient à l’identique.

    L’historien spécialiste des armes et de la chasse renouvèle le genre

    Dominique Venner s’est d’abord imposé comme un spécialiste des armes individuelles et c’est en ce domaine qu’il a d’abord séduit un vaste public, en introduisant l’histoire vivante en un domaine où ses pairs limitaient leurs approches aux seules données techniques. Exploitant la grande Histoire des conflits, les aventures personnelles ou les anecdotes significatives, il sut renouveler complètement ce genre bien particulier de la production historique. Ce fut en recourant à une inspiration identique qu’il réussit, auprès d’un vaste public, à rendre à l’art de la chasse sa dimension traditionnelle. Ce fut ensuite à travers l’histoire militaire que l’ancien combattant d’Algérie, qui avait rêvé enfant de l’épopée napoléonienne, retrouva le chemin de la grande Histoire. Il y eut ainsi la collection Corps d’élite qui rencontra auprès du public un succès d’une ampleur inattendue.

    L’historien critique règle son compte à quelques mensonges bien établis…

    Aux antipodes des idées reçues et des préjugés dominants, l’ancien militant se pencha également sur la guerre de Sécession en réhabilitant, dans Le blanc soleil des vaincus, la cause des Confédérés, l’occasion de régler leur compte à quelques mensonges bien établis. En écho aux Réprouvés d’Ernst von Salomon, il y eut ensuite Baltikum, qui retraçait l’épopée des corps francs allemands engagés contre les révolutionnaires spartakistes, puis contre les bolcheviks russes en Courlande et en Livonie.

    L’intérêt porté à l’histoire de la révolution communiste – la Critique positive de 1962 avait été comparée par certains au Que faire de Lénine – conduit ensuite cet observateur des temps troublés nés de la première guerre mondiale et de la révolution soviétique à se pencher sur la genèse de l’Armée rouge. Il collabore entre temps, avec son ami et complice Jean Mabire, à Historia, la revue du grand public amateur d’Histoire, que dirige alors François-Xavier de Vivie. D’autres travaux suivront. Une Histoire critique de la Résistance, une Histoire de la Collaboration qui demeure l’ouvrage le plus complet et le plus impartial sur la question, Les Blancs et les Rouges. Histoire de la guerre civile russe, une Histoire du terrorisme. Après Le cœur rebelle, une autobiographie dans laquelle il revient sur ses années de jeunesse et d’engagement, il réalise un De Gaulle. La grandeur et le néant.

    L’historien méditatif et de la longue durée

    Au cours des dix dernières années de sa vie et alors qu’il dirige la Nouvelle Revue d’Histoire – créée en 2002 pour succéder à Enquête sur l’Histoire disparue trois ans plus tôt – il oriente ses réflexions vers la longue durée et s’efforce de penser la genèse de l’identité européenne et les destinées de notre civilisation à travers des ouvrages tels que Histoire et tradition des Européens, Le siècle de 1914 ou Le choc de l’Histoire.

    Dominique Venner n’était pas un historien « académique » et n’a jamais prétendu l’être mais son insatiable curiosité et l’ampleur du travail de documentation auquel il s’astreignait lui ont permis d’ouvrir des pistes de réflexion nouvelles et de porter un regard original sur la plupart des sujets qu’il a abordés. D’abord tourné vers l’histoire contemporaine – de la Guerre de Sécession aux années quarante en passant par la révolution russe ou les diverses formes que prit le « fascisme » – il a mesuré ensuite le poids de la longue durée en se tournant vers les sources gréco-romaines, celtiques ou germaniques de l’Europe.

    Il a ainsi trouvé chez Homère une œuvre fondatrice de la tradition européenne telle qu’il la ressentait. Contre l’image largement admise d’une Antiquité unissant l’Orient et la Méditerranée, il distinguait l’existence d’un monde « boréen » dont l’unité profonde, révélée par les études indo-européennes, lui paraissait plus évidente. Il entretenait avec la culture antique, entendue comme allant du IIème millénaire avant J-C au IVe siècle de notre ère, une proximité qu’il entretenait à travers ses contacts et ses échanges avec des auteurs tels que Lucien Jerphagnon, Pierre Hadot, Yann Le Bohec ou Jean-Louis Voisin.

    Cette approche de la longue durée faisait qu’il inscrivait sa réflexion dans le cadre d’une civilisation européenne antérieure à l’affirmation des Etats nationaux et appelée éventuellement à leur survivre. Contre l’Etat administratif tel qu’il s’est imposé avec Richelieu et Louis XIV, ce « cœur rebelle » rêvait de ce qu’aurait pu être, à la manière du « devoir de révolte » qui s’exprimait dans les frondes nobiliaires, une société aristocratique maintenant les valeurs traditionnelles d’honneur et de service face à celles, utilitaires, portées par l’individualisme et par la bourgeoisie. Il mesurait enfin combien la rupture engendrée par les Lumières et la Révolution française avait conforté la « modernité » apparue en amont, au point de conduire aux impasses contemporaines et à la fin de cycle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

    Le visionnaire inspiré de la renaissance européenne

    Contre les lectures canoniques, sottement engendrées par l’optimisme progressiste, de ce que fut en réalité le « sombre XXe siècle », il évaluait l’ampleur de la catastrophe survenue en 1914, point de départ de la suicidaire « guerre de trente ans » européenne. Générateur du chaos que l’on sait et de l’effacement de ce qui avait constitué cinq siècles durant, pour reprendre le mot de Valéry, « la partie précieuse de l’Humanité », cet effondrement de la « vieille Europe » n’avait cependant, selon Dominique Venner, rien de fatal.

    La part d’imprévu que recèle le cours de l’Histoire, tout comme la volonté et le courage de générations capables de renouer avec leur identité faisaient, selon lui, que l’actuelle « dormition » de l’Europe n’était pas, dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir, le prélude à sa disparition.

    Intimement pénétré de la dimension tragique de l’Histoire, l’auteur du Cœur rebelledemeurait convaincu que les seuls combats perdus sont ceux que l’on refuse de livrer. Contre les prophètes ahuris d’une mondialisation heureuse qui vire au cauchemar, les nombreux signaux qui s’allument en Europe et en Russie montrent, en lui donnant raison, que l’avenir n’est écrit nulle part et que les idées et les sentiments qui se sont imposés depuis les années soixante sont en passe de rejoindre les poubelles de l’Histoire. Attaché à sa liberté d’esprit et plaidant pour la lucidité nécessaire à l’historien, Dominique Venner apparaît ainsi, un an après sa disparition, comme le visionnaire inspiré d’une renaissance européenne toujours incertaine mais que l’on peut considérer aujourd’hui comme une alternative vitale au processus mortifère engagé depuis près d’un demi-siècle.

    Philippe Conrad

    Sourceinstitut-iliade.com

    http://fr.novopress.info/183757/philippe-conrad-dominique-venner-regard-inspire-lhistoire/