Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1426

  • Un jour un texte ! Le soldat et sa famille par Benoist-Mechin (3)

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots

    Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui, à l'heure où le pouvoir politique incapable de gouverner le pays, déclenche une guerre tous les 6 mois : le soldat et sa famille (19)

    « Adieu, mes chéris… »

    Lettre de Laurent Pateu, sous-lieutenant au 141èmerégiment d'infanterie, tombé au champ d'honneur, le 15 juin 1915, à Notre-Dame de Lorette.

    Rouge-Croix (Pas-de-Calais), 4 novembre 1914.

    Ma Femme bienaimée, mes Enfants chéris, si vous recevez cette lettre je ne serai plus ; mais je vous défends de pleurer. A cette époque où les enfants de la France versent leur sang, le mien n'est pas plus rouge que celui des autres. Vous supporterez d'autant mieux votre douleur que vous vous direz avec une inexprimable fierté que j'ai payé ma dette à la plus belle patrie du monde et que je suis mort pour elle.

    Tu m'as souvent recommandé, ma femme adorée, d'avoir du courage. J'avais le mien propre et celui que tu m'as donné. Je te les adresse tous deux pour t'aider à supporter la douleur. Je t'ai toujours aimée, mon Angèle chérie, malgré mes quelques rares moments d'emportement ; je ne t'ai jamais oubliée, et j'aspirais, mon Dieu ! Avec quelle ardeur, au bonheur du retour. Je ne te laisse rien que mon souvenir et je partirai tranquille, car tu le garderas autant que la vie, je le sais. Nous nous aimions trop. Raidis-toi, ma petite femme, je te laisse nos enfants et c'est à eux que je m'adresse maintenant.

    Mon petit Vonvon, tu as déjà onze ans et demi, tu es une grande fille, tu seras avant peu une petite femme. Tu te souviendras de moi mieux que le pauvre Dudu. Tu me connais, tu sais ce qui me plaît et ce qui me déplaît. Eh bien, dans tous les actes de ta vie, demande-toi bien avant d'agir ce que penserait le pérot s'il était là.

    Aide la mérotte de toutes tes forces, aide-la dans les soins du ménage ; tu sais ce que je te reprochais bien doucement parfois ; corrige-toi, deviens une bonne petite femme de ménage et surtout, oh ! Surtout, mon petit Vonvon adorée, rappelle-toi combien je t'aimais et je t'en supplie, sois toujours honnête.

    Et toi, mon petit Dudu, à tes deux ans et demi on perd vite le souvenir. Tu parles encore de moi parce que la mérotte et sœur t'en causent mais tu m'auras vite oublié. Pourtant, lorsque tu seras plus grand, tu te rendras compte que tu avais un pérot qui t'aimait, ainsi que ta sœur, de toute son âme, et que tu appelais en ton doux zézaiement pezot chéri. Apprends vite à lire pour déchiffrer toi-même ce que j'écris aujourd'hui. Sois d'abord un petit garçon bien sage, puis un élève studieux, apprends, apprends encore ; apprends toujours, tu n'en sauras jamais assez. Sois aussi un jeune homme modèle. Enfin et surtout, sois un homme. Si tu es un jour appelé à servir ta patrie, embrasse les tiens aussi ardemment que je vous ai embrassés, et pars sans regarder en arrière, en criant le long de la route : Vive la France !

    Je m'arrête sans avoir dit tout ce dont mon cœur déborde, je vous aime tous trois, je vous aime, je vous aime et je vous embrasse mille et mille fois du fond du cœur qui ne bat pas plus vite au son de la mitraille, mais qui palpite à votre souvenir.

    Adieu, mes chéris, toutes mes tendresses sont pour vous et pour la meilleure des mères que je n'oublie pas.

    Vive la France !

    Extraits de: "Ce qui demeure. Lettres de soldats tombés au champ d'honneur

    (1914 – 1918)" (Éditions Albin Michel, 1942),

    réédité aux Editions Bartillat en 2000 de Benoist-Mechin .

    Lois Spalwer  http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Propagande : paléonthologie et biologie moléculaire au service de l’idéologie

    Depuis deux décennies, la génétique a bouleversé nos connaissances sur l’apparition et le peuplement de l’espèce Homo. En cinq questions clefs, voici ce qu’elle nous apprend.

    1. LE SCÉNARIO DES ORIGINES

    Jusqu’à présent, deux théories à propos de l’apparition de l’homme moderne s’opposaient. La première, dite “multirégionaliste”, soutient que les populations ancestrales auraient quitté l’Afrique voilà 2 millions d’années, engendrant simultanément diverses espèces locales comme Homo neanderthalensis en Europe ou Homo erectus. Toutes auraient évolué de façons différentes avant de donner naissance à Homo sapiens sapiens. La seconde, dite“Out of Africa”, se situant il y a environ 200 000 ans, affirme qu’une seule et même espèce (la nôtre) serait apparue en Afrique, avant de migrer dans le reste du monde en supplantant toutes les autres sans se mélanger.

    >>> Notre dossier: Préhistoire, les derniers secrets

    “Le modèle multirégionaliste a été abandonné, tranche Henry de Lumley, directeur de l’Institut de paléontologie humain de Paris, car il souffrait d’une faiblesse originelle. Comment voulez-vous que des êtres aussi différents que Neandertal et Homo heidelbergensis, que nous avons trouvé à Tautavel, aient abouti à une seule espèce, Homo sapiens?

    Pour autant, la théorie “Out of Africa” ne l’a pas définitivement emporté. Disons que la génétique l’a d’abord amendée, puis complexifiée. En 1987, des travaux sur l’ADN mitochondrial (transmis par les femmes) confirment effectivement l’origine africaine de l’homme, et laisse entendre qu’il existe un berceau géographique commun à l’humanité (on parle alors de jardin d’Eden) ainsi qu’un ancêtre commun.

    Mais d’autres études (portant notamment sur le chromosome Y) ont, depuis, montré qu’un “Sapiens archaïque” a vraisemblablement essaimé un peu partout sur le continent africain avant de partir à la conquête du monde. “Il n’y a pas eu une sortie d’Afrique, mais plusieurs, et à des époques différentes”, précise Gaspard Guipert, chercheur associé au Centre européen de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement (Cerege), à Aix-en-Provence.

    Des résultats confirmés par le séquençage du génome humain, achevé en 2003, qui a montré que toutes les “lignées se branchent bien sur le rameau africain”, ajoute Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l’évolution humaine de l’Insti tut Max-Planck, à Leipzig (Allemagne).

    Avant de préciser que la biologie moléculaire conforte aussi le mouvement migratoire:

    “Les chercheurs ont clairement montré que plus les populations se trouvent géographiquement loin de l’Afrique et moins elles ont de diversité génétique.”

    D’où des phénomènes extrêmes dans les contrées les plus reculées, comme le nanisme insulaire, dont a été victime l’homme de Flores, découvert en 2003, et dont les restes, datés autour de -18000 ans, en faisaient un descendant direct d’Homo erectus.

    2. LA LONGUE MIGRATION

    Depuis l’Afrique, quelles routes nos ancêtres ont-ils pu emprunter ? Le couloir du Levant reste le plus souvent évoqué, avec la Turquie et le contournement de la mer Noire en direction de l’Europe et de l’Asie. “Chez nous, les premières traces du genre Homo remontent à entre -1,6 et -1,8 million d’années dans le bassin de Nihewan (nord-est de la Chine), où une dizaine de sites fossilifères ont été identifiés”, explique Shen Guanjun, de l’université de Nankin. D’autres ossements exhumés ces dernières années, notamment à Damnisi (Géorgie), où a été découvert le plus ancien Européen, vont aussi dans ce sens.

    Mais, si l’on se positionne autour de -2 millions d’années (période de glaciation, avec un niveau des mers plus bas), différentes voies ont pu être utilisées : celle qui va de la Tunisie au sud de l’Italie, celle qui passe par le Bosphore ou bien le détroit de Gibraltar. Des déplacements de populations liés non pas simplement à l’esprit aventureux des premiers hommes modernes, mais à la contrainte climatique et à l’abondance du gibier.

    Les mouvements de migration plus tardifs, qui amènent Homo sapiens à conquérir le monde entre -150 000 et -45 000 ans, sont mieux connus. La génétique a même permis de trancher un débat ancien : le peuplement de l’Amérique. Celui-ci semble bien d’origine asiatique (nombre de gènes sont communs avec ceux des Sibériens) et se déroule via le détroit de Béring (par voie terrestre ou maritime). En Europe, cette expansion ne se fait pas sans difficulté. L’équipe de l’Institut Max-Planck, à Leipzig, a publié au mois d’octobre 2014, dans la revue Nature, les résultats d’une étude du génome d’un fémur trouvé près d’Ust’-Ichim, en Sibérie occidentale.

    Contrairement aux premières investigations, la datation au carbone 14 révèle qu’il s’agit bien d’un individu Homo sapiens et non d’un néandertalien dont le décès date d’il y a 45000 ans, ce qui en fait le plus ancien représentant de notre espèce jamais trouvé hors de l’Afrique et du Proche-Orient. Surtout, en comparant ce génome avec ceux qu’ils avaient à leur disposition, les chercheurs font de l’homme d’Ust’-Ichim un gaillard plus proche des non-Africains que des Africains et plus lié aux Européens anciens qu’aux Asiatiques. Pour les paléontologues, cette découverte apporte la preuve irréfutable que la lignée de Sapiens non-africains provient d’un groupe qui a quitté son continent il y a 60 000 ans, donc plus tôt que ce qu’ils croyaient jusque-là. Des individus modernes qui ont trouvé en face d’eux une espèce plus ancienne et plus forte, Homo neanderthalensis.

    3. NEANDERTAL RÉHABILITÉ

    S’il en est un dont l’image a totalement été révisée grâce à la biologie moléculaire, c’est bien l’homme de Neandertal,

    qui doit son nom à la vallée de Neander, près de Düsseldorf (Allemagne), où fut découvert le premier individu, en 1856. A l’époque, vu ses caractéristiques -arrière-crâne développé, bourrelets suborbitaux protubérants et silhouette robuste-, les chercheurs le prennent pour… un ours. D’où l’image de balourd qu’il se traîne au XIXe, puis au XXe siècle.

    “Trapu, petit, sans menton, avec une visière de casque au-dessus des yeux, il a longtemps été considéré comme un être inférieur”,

    regrette Marylène Patou-Mathis, chercheuse au CNRS, qui connaît Neandertalmieux que personne et oeuvre à sa réhabilitation.

    Cette réputation ne s’arrange guère avec la découverte, plus tard, de l’homme de Cro-Magnon, cet être gracile au port altier. Un Sapiens qui en impose, avec ses manières, puisqu’il invente le principe des sépultures et pratique l’art et la chasse.

    Pourtant, en un peu plus d’une décennie, notre cousin Neandertal a regagné un à un ses galons de “moderne”.

    D’abord, lui aussi travaille avec des outils élaborés. Mieux, il a inventé une technique de coupe dite “Levallois”, qui réclame certaines capacités cognitives. Lui aussi enterre ses morts, et ce, dès -80000 ans, démontrant ainsi son sens de l’empathie et le développement de pensées métaphysiques. Lui aussi utilise certaines plantes médicinales, comme le prouvent des restes de pollen trouvés dans ses tombes. Lui aussi chasse, jusqu’à élaborer des stratégies d’encerclement du gibier. Lui aussi a développé l’art de la parure (bijoux, tatouages, coiffure). Lui aussi, à l’instar d’un Kandinsky ou d’un Kupka, au XXe siècle, était maître en art abstrait, comme l’a révélé une gravure découverte en septembre 2014 dans la grotte de Gorham (Gibraltar), située à flanc de falaise, devant la mer Méditerranée.

    Pour les spécialistes anglais, espagnols et français (CNRS-université de Bordeaux), auteurs de l’article publié dans la revue PNAS, ces lignes horizontales et verticales creusées dans la paroi, voilà 39 000 ans, servaient à marquer l’espace d’habitation. Elles caractérisent un geste technique sans lien avec un but matériel immédiat que l’on croyait être l’apanage de l’homme moderne. Enfin, les généticiens ont montré qu’Homo neanderthalensis utilisait une forme de langage (gène FOXP-2). Et que sa peau était moins basanée que ce que l’on croyait jusqu’ici. “Difficile, à la lumière des découvertes récentes, de ne pas faire de Neandertal l’égal de Sapiens, conclut Marylène Patou-Mathis.

    Je pense même qu’il a aidé ce dernier à découvrir le territoire européen qui était pour lui une terra incognita.” 

    4. Y A-T-IL EU HYBRIDATION ENTRE HOMO SAPIENS ET D’AUTRES ESPÈCES?

    La question est longtemps restée une des énigmes majeures de la paléontologie : en comparant crânes et ossements, les chercheurs n’ont jamais pu conclure à l’existence d’une espèce intermédiaire. Souvent trompés par une prétendue supériorité de l’homme moderne, nombre d’entre eux estimaient que Sapiens n’aurait pas pu fricoter avec son cousin.

    Et l’absence de gisement fossilifère où l’on aurait pu trouver les deux espèces a longtemps entretenu l’idée d’une impossible hybridation. Mais ce serait oublier un peu vite que ces deux populations cohabitèrent durant près de 12 000 ans !

    Aujourd’hui, la science prouve qu’il y a bien eu métis sage,

    puisque le génome de Neandertal, décrypté en 2010 par l’Institut Max-Planck, montre que nous avons tous en nous quelque chose de lui : Européens et Asiatiques possèdent de 1 à 4% de ses gènes ! Toutefois, ces croisements sont restés plus que restreints.

    Et pour cause ! Nombre de clans de Sapiens et de Neanderthalensis ont tout à fait pu ne jamais se rencontrer, notamment en Europe. D’autant qu’ils ne représentaient que quelques dizaines de milliers d’individus éparpillés sur de grands espaces. D’autres ont pu s’apercevoir, tout en restant à distance, selon une technique d’évitement somme toute compréhensible. Enfin, une poignée d’entre eux ont fini par se mêler, il y a 70 000 ou 80 000 ans.

    5. POURQUOI SAPIENS S’EST-IL RETROUVÉ SEUL SUR TERRE?

    D’abord parce qu’à son époque il avait peu de concurrents : le genre Homo comptait un nombre infime de branches. Outre Sapiens, il y a donc Neandertal et l’homme de Flores, disparu de la surface de son île, peut-être à la suite d’une éruption volcanique. A moins que celui que les médias ont affectueusement surnommé le “Hobbit”, en référence au Seigneur des anneaux, ne fût né avec le syndrome de Down (trisomie 21) comme le suggèrent les Drs Henneberg et Eckhardt dans une étude scientifique parue au mois d’août 2014. Reste, enfin, une espèce inédite, les dénisoviens, définie en mars 2010 par les généticiens. Cette fois, non grâce à un crâne, mais à partir d’une étude d’ADN, puisque l’individu se résume à un seul… fragment d’auriculaire, trouvé par les Russes dans la région de l’Altaï.

    Les paléogénéticiens de l’Institut Max-Planck, toujours eux, ont révélé que cet Homo, vieux de 40000 ans, ne ressemblait à aucun autre. Mais, faute d’ossements supplémentaires, l’homme de Denisova reste bien mystérieux.

    Difficile, donc, de lancer des hypothèses sur les causes de sa disparition, alors que l’affaire semble un peu plus simple en ce qui concerne Neandertal. 

    Du moins sur le papier, car paléo-anthropologues et généticiens ont apporté des explications pas toujours convaincantes.

    La plus ancienne voudrait que le gros balourd eût été trop stupide pour s’habituer aux changements climatiques.

    Un argument qui manque indubitablement de fond, d’autant que lui vécut plus de 300000 ans, soit, à l’heure actuelle, au moins 100 000 de plus que nous… Pas sûr, donc, que nous ayons des leçons d’adaptabilité à lui donner ! L’idée d’une pandémie a aussi été avancée dans la revue Current Biology à la fin de l’année 2013 montrant notamment que notre ADN contient des virus qui étaient communs à nos espèces.

    “L’une des deux n’y aurait pas survécu”, explique Marylène Patou-Mathis. Sans y croire vraiment : “Cela peut s’entendre sur des aires géographiques limitées, mais pas à grande échelle.”

    Restent les thèses, assez hasardeuses, d’un régime insuffisamment diversifié et d’une extermination massive par des hordes d’ “Attila-Sapiens” -sauf qu’il n’existe aucune trace de massacre.

    Ou encore l’idée selon laquelle une dilution génétique aurait conduit notre lointain cousin à se fondre avec la branche Homo sapiens.

    La réponse pourrait être plus prosaïque et se réduire à un problème démographique

    : les dernières études génétiques montrent un goulet d’étranglement autour de – 60 000 ans, avec une forte baisse de la natalité et une mortalité féminine importante. D’ailleurs, à ce jour, peu de squelettes de néandertaliennes âgées ont été exhumés. La lignée se serait donc éteinte progressivement, ses dernières traces datant d’entre -40000 ans et -28000.

    “Peut-être était-il trop conservateur, suggère aussi la chercheuse. Et, lorsqu’il a fallu s’adapter, il a pu manquer de sens de l’innovation et ne pas savoir se projeter dans l’avenir.”

    La leçon vaut pour toutes les espèces humaines, d’hier et d’aujourd’hui.

     lexpress.fr

    http://fortune.fdesouche.com/371951-propagande-paleonthologie-et-biologie-moleculaire-au-service-de-lideologie#more-371951

  • Elisabeth Lévy: «Philippe Muray est l'imam caché des esprits libres»

    A l’occasion de la publication du journal inédit de Philippe Muray, dont le magazine Causeur publie les bonnes feuilles, Elisabeth Lévy nous trace le portrait d’un écrivain prophétique.

     

    Causeur publie en exclusivité les bonnes feuilles du journal inédit de Philippe Muray. La fidélité post-mortem, c’est unique, non ?

    Si vous parlez de la fidélité de Muray, sachez qu’il n’était fidèle qu’à lui-même ! Non, ce n’est pas à sa fidélité que je dois ce privilège mais à celle d’Anne Sefrioui, sa compagne puis son épouse - et sa lectrice la plus exigeante - pendant trente ans. Et le long entretien qu’elle a accepté de nous donner, non sans difficulté car elle n’aime guère la lumière, est, avec les extraits, le plat de résistance de notre dossier. En effet, Anne est aussi l’éditrice du Journal, et elle s’acquitte de cette tâche avec une rigueur et une probité indiscutables : tout le contraire de la veuve de Jules Renard qui a détruit beaucoup de textes ! Quoi qu’il en soit, je vois dans ce magnifique cadeau un témoignage d’amitié, bien sûr, mais aussi de confiance : s’il y a un numéro de Causeur que je ne voulais pas rater, c’est bien celui-là. Et j’ose croire que, grâce à son aide, nous avons réussi. Cela dit, il y a une certaine logique, non seulement amicale, mais intellectuelle : malheureusement, Philippe est mort avant la création de Causeur, mais si je ne l’avais pas connu, Causeur n’aurait sans doute pas existé, tout simplement parce qu’il a considérablement influencé ma façon de penser et de voir le monde. Bref, Muray, c’est notre imam caché !

    Il est vrai que ce numéro est très réussi, mais aussi un peu décalé. Muray a-t-il vraiment quelque chose à nous dire sur notre actualité ?

    Bien plus que ce que vous croyez ! Tout d’abord, Muray est un écrivain qui nous éclaire sur tout ce qui constitue notre présent. Et ni l’islamisme, ni le djihadisme, ni le terrorisme ne sont nés hier. Il a beaucoup écrit après le 11 septembre. Mais bien sûr Muray n’était pas un expert pour plateau-télé et il s’intéressait beaucoup moins aux problèmes du monde musulman qu’à ce que ces problèmes disent de nous. Dans Chers Djihadistes…(Mille et Une nuits, 2002), s’adressant (par choix rhétorique) aux assassins du World Trade Center, il leur dit en substance : vous êtes des éléphants arrivant dans un magasin de porcelaine dont les propriétaires ont déjà tout saccagé. Autrement dit, l’Occident n’a pas besoin d’ennemis, il se détruit très bien tout seul en renonçant à l’héritage de la modernité. Ce renoncement est l’un des fils conducteurs de toute l’œuvre de Muray. Et je crois en effet que ce qui nous arrive aujourd’hui en dit autant, sinon plus, sur « nous » que sur « eux ». Alors j’espère simplement que, pour une fois, la réalité, démentira la sombre prédiction par laquelle se conclut le livre : « Nous vaincrons. Parce que nous sommes les plus morts. » [...]

    La suite sur Le Figarovox

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Elisabeth-Levy-Philippe-Muray-est

  • Sortie du nouveau livre de Laurent Obertone : La France Big Brother

    Un livre qui colle à l’actualité, alors que les politiciens de gauche et de droite s’évertuent à nous fliquer et nous manipuler encore davantage en profitant des derniers évènements.

    La France Big Brother, « le mensonge c’est la vérité ». Préface de Xavier Raufer. 351 p. 18 €.Disponible ici.

    4e de couverture :

    « Enquête sur un sujet tabou : le conditionnement d’une nation.

    Qui est Big Brother ?
    Le sommet de la pyramide. Le gouvernement. L’administration. Les médias. Les experts. Les idéologues. La pensée unique. Les écrans. Une organisation qui a pris toutes les apparences d’une société libre et démocratique.


    Big Brother, c’est la Voix, la rumeur du monde, le bruit de fond qui nous apprend à consommer, à obéir, à penser. Celui qui vous répète tous les jours qu’il faut du pouvoir d’achat, que les inégalités se creusent, que l’immigration est à la fois une chance et un fantasme. C’est lui qui invente des scandales, définit les limites du langage et de la pensée, décide du digne, de l’indigne et du tabou. C’est lui qui vous rend l’enfer confortable.

    Français, Big Brother est votre opium.
    Vous vous êtes ouvert l’esprit, comme d’autres s’ouvrent les veines.

    Recueillant les confidences de journalistes, politiques et hommes d’influence repentis, Laurent Obertone pénètre les arcanes du plus grand système de conditionnement de masse jamais mis en place en France. Il donne enfin un visage à la terreur médiatique, politique et idéologique qui accable notre pays.

    Bienvenue dans la République des écrans.  »

    http://www.contre-info.com/sortie-du-nouveau-livre-de-laurent-obertone-la-france-big-brother#more-36312

  • Un jour un texte ! Le soldat et sa famille par Benoist-Mechin (2)

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. »  Georges Bernanos, La France contre les robots

    Cette rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui, à l'heure où le pouvoir politique incapable de gouverner le pays, déclenche une guerre tous les 6 mois : le soldat et sa famille (18)

    « L'image de ma Maman… »

    Lettre de Prosper Fadhuile, sous-lieutenant au 29èmebataillon de chasseurs à pied, tombé au champ d'honneur à une date qui n'a pu être précisée.

    A sa Mère (la veille de sa mort)

    Maman chérie, je suis descendu, hier, des premières lignes, où nous sommes restés cinq jours, devant le fort de Vaux.

    Le bataillon a été superbe de courage et, pour ma part, je n'ai pas eu une égratignure.

    Ce soir, deux compagnies choisies remontent pour attaquer par surprise ; j'ai été choisi pour mener aussi la danse avec les meilleurs chasseurs du bataillon.

    L'affaire promet d'être chaude, mais intéressante ; c'est pourquoi je suis fier et content d'en être.

    Néanmoins, je laisse cette lettre à un de mes camarades, le lieutenant Guillaume, qui te la ferait parvenir si je ne redescendais pas.

    Maman chérie, j'ai beaucoup d'espoir et je compte que mon étoile ne pâlira pas ce soir. Mais, si je tombe, soyez certains que j'aurai fait tout mon devoir de chasseur.

    Si, au dernier moment, quelques minutes me restent encore pour vous, je t'enverrai mes plus doux baisers. L'image de ma maman sera là pour me consoler ; celle de mon père et de mes frères chéris pour me donner la force de mourir le sourire aux lèvres, trop heureux de tomber pour vous. Dans un long baiser à tous je vous dirai adieu.

    … Ma chère maman, il ne faut pas pleurer, ce serait mal ; il faut être courageuse pour mon papa et mes frères.

    Extraits de: "Ce qui demeure. Lettres de soldats tombés au champ d'honneur

    (1914 – 1918)" (Éditions Albin Michel, 1942),

    réédité aux Editions Bartillat en 2000 de Benoist-Mechin .

    Lois Spalwer http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • INDOCHINE 1947-48 : NAM DINH NE TOMBERA PAS !

    Pendant 82 jours, de décembre 1946 à mars 1947, une poignée de marsouins du 6e régiment d’infanterie coloniale résiste dans Nam Dinh à des milliers d’assiégeants du Viêt-minh.

    « Alerte ! ». Réveillé en sursaut, le commandant Daboval s’est dressé d’un bond sur sa couchette. S’il est surpris, il n’est pas étonné. Depuis plusieurs jours déjà, il pressentait l’attaque. Il y a maintenant plusieurs semaines qu’ostensiblement le Viêt-minh, réguliers et Tu Vé — les miliciens en civil, auxiliaires des basses besognes — multipliaient provocations et menaces. Contre eux, les marsouins ne pouvaient rien : le modus vivendi, signé à Hanoi le 16 mars 1946 entre le général Leclerc et Hô Chi Minh, stipulait que tout affrontement armé était interdit.

    Ce modus vivendi devait, en principe, permettre à la France et au jeune Viêt-minh de trouver un terrain d’entente pour cohabiter dans le respect mu des intérêts réciproques. Hô Chi Minh est ensuite parti pour la France où l’absence de gouvernement l’a contraint à faire du tourisme. Il est rentré au début du mois de décembre, bien décidé à arracher par la force cette indépendance dont Paris ne veut pas entendre parler et à rompre, par surprise, les accords du 16 mars.

    Dans toute l’Indochine, les émissaires du Viêt-mit ont distribué les consignes : le pays se soulèverait le 19 décembre. Tout s’est passé comme l’avait voulu le chef communiste. De Hanoi, où se sont déroulées des scènes d’horreur, à Vinh, au Nord Annam, où la maigre garnison est internée (et le restera huit ans durant), en passant par Langson et Haiphong, partout les Viets passent à l’attaque.

    A Nam Dinh, la quatrième ville du Tonkin, la capitale de l’industrie cotonnière, la bataille commence à 1 heure, ce 20 décembre 1946.

    Depuis deux mois, c’est le II/6e RIC qui cantonne dans la ville. Un bataillon réduit puisqu’il ne comporte que deux compagnies de fusiliers voltigeurs (les 5e et 6e) et la compagnie de commandement (la 7e se trouve à Hai Duong, entre Hanoi et Haiphong). En tout, 450 hommes aux ordres du commandant Daboval, un petit homme doué d’un grand caractère.

    Il a implanté ses unités au camp Carreau, vaste périmètre jouxtant l’usine de coton, et, au centre de la ville, dans l’immeuble de la banque d’Indochine, bâtisse cubique, fortifiée comme un blockhaus.

    Le commandant Daboval boucle son ceinturon et se dirige vers le PC des transmissions, situé dans la pièce voisine du « Château », une grande villa, en bordure de la « cotonnière », qui sert de PC au bataillon. Entouré de ses postes radio, l’adjudant Felip essaie de se faire une idée juste de la situation. Elle est grave. Les Viets ont attaqué partout à la même heure, 1 h 30 du matin. L’électricité a été coupée, tandis que tous les bâtiments administratifs étaient pris d’assaut. Seuls résistaient la banque d’Indochine et le camp Carreau. La poste, la gare tombaient aux mains du Viêt-minh.

    Le premier tué a été le marsouin Latapie, qui montait la garde à l’extérieur. Tout de suite après, le sous-lieutenant Vellas est abattu alors qu’il se portait au secours des assiégés de la villa Gasser. Son adjoint, le sergent Malo, a tué le Viet avant d’être blessé lui-même.

    Toute la nuit, la confusion règne. Passé l’effet de surprise, les Français ont réagi. Chaque groupe est pris à partie par des hordes vociférantes, brandissant fusils, haches, sabres japonais, bâtons. Pourtant les positions tiennent, attendant d’être dégagées par les unités d’intervention.

    Un peu avant l’aube, le sous-lieutenant Lambert réussi à évacuer une famille de civils réfugiés sur les toits de leur maison. Au jour, le commandant Daboval a une idée juste de la situation. Elle est grave. Pratiquement encerclé au plus près, le bataillon est isolé, coupé de l’extérieur. Seul, le point d’appui de la banque d’Indochine constitue un îlot perdu au milieu des Viets. A l’intérieur, le sergent Herbelin, vingt ans, a tenu avec une poignée d’hommes. Sur la terrasse, il a tracé trois lettres destinées à l’aviation : SOS.

    La journée se passe à colmater les brèches, à recompléter les munitions qu’un Junker a parachutées au milieu de la matinée. Le sous-lieutenant Fratali échoue dans une tentative de liaison avec Herbelin, pris de front par un canon de 75 japonais embusqué derrière une barricade.

    A six heures du soir, l’attaque repart, aussi sauvage que celle de la nuit. Là encore les messages sont dramatiques :

    — Ici la villa Gasser ! Il nous reste assez de munitions pour tenir dix minutes. Nous sommes foutus si… Deux minutes plus tard :

    — Si vous n’arrivez pas vite, nous nous faisons sauter.

    La villa Gasser est enfin dégagée. Devant la porte, les renforts découvrent soixante cadavres d’ennemis…

    Au matin, les abords du camp Carreau sont jonchés de tués. Les marsouins en découvrent partout et jusque dans les caves…

    Une semaine encore, Nam Dinh sera le théâtre de furieux assauts et puis, lassés sans doute, attendant d’autres renforts, les Viets se bornent à maintenir un siège en règle. Ils installent des tireurs d’élite à tous les endroits stratégiques, au point que Daboval fait tendre des fils de fer auxquels il accroche des nattes, à l’abri desquelles les hommes peuvent se déplacer. Le 1er janvier arrive. Les marsouins évoquent le dernier Jour de l’An, passé en Alsace, dans la neige…

    Peu à peu, la ville change de visage. Ce qui était l’une des plus belles villes d’Indochine prend des allures de champ de ruines. Les Viets procèdent à une démolition en règle, au canon, à l’explosif, voire à la pioche. Rien ne doit subsister de ce qui pourrait rappeler l’œuvre française.

    Il y a maintenant quinze jours que les 400 hommes valides du II/6e RIC tiennent dans la ville assiégée. A la banque d’Indochine, Herbelin n’a plus que dix cartouches par homme et la ration quotidienne est de 200 g de riz. Son immeuble est la cible du 75 qui, obstinément, tente de percer une brèche dans le mur de béton.

    Le 4 janvier, une première tentative de dégagement par le fleuve, menée depuis Haiphong par une flottille blindée, a été annoncée. Elle sera suivie par le largage d’un bataillon de parachutistes.

    Le 5 janvier, les paras sautent. Une seule compagnie, celle du capitaine Ducasse et du lieutenant Edme, est larguée à proximité de la « cotonnière », trop loin pour être facilement récupérée, en plein sur les Viets. Toute la nuit, les paras se battent au couteau pour survivre. Au matin enfin, ils rejoignent les marsouins.

    — Nous n’avons pas pu récupérer nos armes lourdes, dit Ducasse à Daboval.

    — Cela ne fait rien, le prochain parachutage vous en apportera.

    — Il n’y aura pas d’autre largage, répond Ducasse. L’opération a été jugée trop dangereuse, elle a été abandonnée…

    La flottille non plus n’arrivera pas à destination, à l’exception d’un LCM amenant la 3e compagnie du 3e étrangers qui donne l’assaut à un canon japonais dont les servants se font tuer sur place.

    Le reste de la flottille a fait demi-tour. Le piège se referme sur les paras et les légionnaires. Mais Daboval n’est pas homme à renoncer. Puisqu’il est impossible de le dégager de l’extérieur, il va tenter d’aérer son dispositif de l’intérieur. Lentement, maison par maison, il réoccupe les pâtés de maisons voisins. Les paras et les légionnaires font sauter des pans de mur, pratiquent des brèches par lesquelles ils s’infiltrent. Cela finit par former un véritable labyrinthe qui, parfois, permet de prendre l’ennemi à revers. C’est ainsi qu’un audacieux coup de main permet de réoccuper la gare, abandonnée depuis le 20 décembre, dont les armes interdisaient tout passage.

    Une nouvelle tentative pour ravitailler la banque d’Indochine échoue encore devant la barricade qui, en quinze jours, s’est considérablement fortifiée. C’est un véritable amoncellement de tous les gravats du voisinage, haut de plus de 3 m et large de 6 ou 7 m.

    — Il faudrait un bulldozer, disent les marsouins. Mais ils n’ont que leurs pelles et leurs pioches, et seulement leur poitrine pour arrêter obus et rafales.

    Ils se replient. En désespoir de cause, Daboval fait diriger sur le toit de la banque un tir de mortier dont les torpilles, évidées, sont chargées de tabac et de médicaments. Mais il n’a pas renoncé. Deux jours plus tard, ayant soigneusement étudié le terrain, il fait effectuer par les légionnaires et les paras une manœuvre de contournement, tandis que ses marsouins mènent l’assaut frontal. Très vite la bataille s’engage, âpre, meurtrière. Paras et légionnaires sont cloués au sol, mais la diversion qu’ils ont créée a permis au sous-lieutenant Maudet de foncer avec le ravitaillement et d’aller s’enfermer avec le sergent Herbelin.

    A partir de cette date, les positions se stabilisent. Une période commence, celle du grignotage des positions rebelles. Les Viets ont compris qu’ils n’arriveraient pas à s’emparer de la ville, pas plus qu’ils ne parviendraient à la détruire. Alors, ils résistent sur des positions intermédiaires, lancent des coups de main localisés tandis que des propagandistes ratissent les campagnes environnantes pour rameuter des troupes fraîches ou, à défaut, de la « chair à canon » qu’ils lanceront, à mains presque nues contre les blockhaus ennemis.

    A Hanoi, le commandement n’a pas renoncé l’opération de dégagement par le fleuve, solution finalement la moins coûteuse en hommes et en matériel, car les routes ont été coupées et les ponts, détruits entre Phu Ly et Nam Dinh.

    Du 2 au 6 mars, une flottille comprenant la 2e compagnie du I/3e étrangers remonte le fleuve Rouge, détruit les barrages qui l’obstruent. Son chef, le capitaine Vieulès, héros de Diên Biên Phu dans les rangs du 1er BEP, trouvera la mort en Algérie, au cours d’une embuscade.

    Le surlendemain, 8 mars, un groupement de marche de trois bataillons, aux ordres du colonel Grosjean, effectue enfin la liaison avec les héroïques défenseurs de Nam Dinh. Les derniers soldats du Viêt-minh évacuent la ville dans la nuit. Le 11 mars, enfin, le silence revient sur Nam Dinh délivré. Le siège est fini. Il a duré quatre-vingt-deux jours.

    http://theatrum-belli.org/indochine-nam-dinh-ne-tombera-pas/

  • La conquête de la liberté de pensée en Occident

    Texte n°4 (Rétablir la liberté d’expression – XXXe Université annuelle du Club de l’Horloge, les 15 et 16 novembre 2014)

    ♦ Philippe Nemo, philosophe, historien, professeur des universités.

    En référence à l’intitulé de son livre paru en 2011, La régression intellectuelle de la France, Philippe Nemo observe qu’il n’est pas abusif aujourd’hui de parler de « La régression intellectuelle de la France ». On peut dire que l’on assiste à un retour de l’inquisition. En effet, le droit pénal doit normalement sanctionner des faits.

    Or, un certain nombre de juges, à l’image de ce qui est observé dans l’ensemble de la société, montrent d’indiscutables déficiences en termes de culture générale. Il ressort de cette lacune des décisions qui portent atteinte à la liberté d’expression sans que le propos incriminé n’ait fait l’objet d’une réelle compréhension. Dans la situation présente, il ne peut y avoir en France de véritables débats publics. L’affaire entourant la publication du livre de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, est à cet égard emblématique. Des pétitionnaires ont apposé leur signature sur un texte par simple mimétisme écartant d’emblée toute discussion et toute réflexion.

    Pourtant la liberté d’expression est une idée très ancienne en Occident. Elle remonte à l’Antiquité grecque. Périclès, dans l’oraison funèbre qu’il prononça au début de la guerre du Péloponnèse et qui fut rapportée par Thucydide, insiste sur la tolérance (« Nous pratiquons notre liberté, non seulement dans notre conduite d’ordre politique, mais pour ce qui est suspicion réciproque dans la vie quotidienne : nous n’avons pas de colère envers notre prochain, s’il agit à sa fantaisie, et nous ne recourons pas à des vexations qui, même sans cause de dommage, se présentent au-dehors comme blessantes »). Au siècle suivant, les Dialogues de Platon donnent l’exemple d’une ouverture au pluralisme.

    Précédemment, dans le monde Perse, Darius 1er montra une bienveillance à l’égard de la religion égyptienne, ses prêtres et sa théologie, en réaction aux transgressions commises vis-à-vis de cette religion par son prédécesseur Cambyse II.

    La vertu de tolérance ne manqua pas, non plus, au temps de l’Empire romain. Après les persécutions à l’encontre des chrétiens, l’Empereur Constantin 1er, converti probablement en 312, promulgua en 313 l’édit de Milan qui accordait la liberté de culte à toutes les religions permettant ainsi l’expansion du christianisme. Julien l’Apostat devenu Empereur en 361 et rallié au paganisme voulut rétablir le polythéisme au sein de l’Empire. Il abrogea donc par un édit de tolérance toutes les dispositions prises contre le paganisme mais aussi contre les juifs et les dissidences chrétiennes.

    Au Moyen Age, dans l’esprit d’Abelard, toutes les pensées devaient être autorisées à s’exprimer pourvu qu’elles ne portent pas atteintes à l’ordre public. A cet égard, il faut observer que la France « socialiste » se situe, du point de vue de la liberté d’expression, en deçà de la conception avancée par le théologien du XIIe siècle. Au XIIIe siècle, Raymond Lulle, penseur néoplatonicien, prônait de son côté une conversion des infidèles par l’emploi d’arguments, en rejetant l’idée de tout usage des armes. Quant à Saint Thomas d’Aquin, l’idée générale de son œuvre se définit à ce sujet par la fragilité des connaissances humaines et la propension à l’erreur qui en découle, ce qui implique un certain degré de tolérance.

    Au XVIe siècle, à l’époque des affrontements religieux entre les partisans de la Réforme et les fidèles à l’Eglise catholique romaine, Jean Bodin, traitant de la souveraineté, défendit l’idée d’une plus grande tolérance religieuse. Tandis que Calvin, dans ses écrits sur la politique, ouvrait la voie à une conception moderne de la tolérance.

    C’est au siècle suivant, le XVIIe siècle, dans une Europe en pleine floraison intellectuelle mais profondément marquée par la guerre, où l’opposition religieuse revêt une grande acuité, que l’idée de tolérance prend cette forme moderne.

    Le penseur le plus éminent de cette « liberté intellectuelle », pour cette époque, fut certainement Grotius (Huigh de Groot), l’illustre philosophe et jurisconsulte de la première République Hollandaise. Auteur, en 1609, De la liberté des mers (Mare Liberum) » et, en 1625, de Sur les lois de la guerre et de la paix (De jure belli ac pacis), Grotius est considéré comme le fondateur du droit international qu’il s’agisse du droit des gens vis-à-vis de l’Etat dont il définissait l’essence comme « Un corps parfait de personnes libres qui se sont jointes ensemble pour jouir paisiblement de leurs droits et pour leur utilité commune » ou des « droits de base » attachés aux personnes, en premier lieu le droit de propriété.

    Ce philosophe et juriste érigeait sa réflexion sur un droit naturel qu’il situe au-delà de la volonté de Dieu et qu’il caractérise comme un ensemble de « principes de la droite raison, qui nous font connaître qu’une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu’elle a avec la nature raisonnable et sociable de l’homme ».

    Partant de ce droit et des limites qu’il impose au pouvoir de l’Etat, Grotius, sollicité comme médiateur dans la querelle théologique qui opposa dans les Provinces-Unies les arminiens qui récusaient la prédestination calviniste et les tenants de celle-ci, défendit une tolérance réciproque entre les parties. Il contesta, de ce fait, l’usage de la contrainte par le Stadhouder Maurice de Nassau à l’encontre des arminiens, en plaidant le fait qu’une pensée ne saurait être imposée par la coercition. Il ajoutait que seul était concevable le consensus qui portait sur des thèmes indiscutables.

    Si John Locke fut l’un des grands théoriciens du libéralisme pour lequel « la liberté de l’homme consiste à ne pas être soumis à la domination de quelque volonté », il ne montra guère de tolérance à l’égard des catholiques. Ceux-ci en effet, ne furent admis à participer à la vie publique qu’en 1829 par le Catholic Relif Act.

    Théoricien majeur pour l’influence qu’il exerça sur la philosophie des Lumières, Pierre Bayle énonça une conception spécifique de la tolérance en distinguant celle qui s’impose à l’Etat, la tolérance civile, du droit à l’intransigeance dogmatique pour toute religion, « si l’on peut dire, une intolérance idéologique ». Né dans une famille protestante, dans le Pays de Foix, Pierre Bayle se convertit au catholicisme lors de ses études au collège des jésuites de Toulouse avant abjurer dix-huit mois plus tard.

    Son retour au protestantisme le contraignit à se réfugier dans les Provinces-Unies. C’est en 1686, un an après la révocation de l’Edit de Nantes et la mort, en prison quelque temps avant, de son frère Jacob qui avait refusé d’abjurer, qu’il écrivit  Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer ». Bayle y plaide non pas pour la tolérance mais pour le pluralisme religieux car « la concurrence des idées et des mœurs poussera vers l’émergence de meilleures idées et de meilleures mœurs » (Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains – Philippe Nemo).

    Ce pluralisme religieux s’inscrivait dans ce qu’il définissait comme « les droits de la conscience errante » ce qui signifie qu’un individu ne saurait se convertir à d’autres idées que celles auxquelles il croît, tant qu’il y croît. Cela signifie qu’au nom de la vérité ou de l’erreur, une religion ne peut contraindre la conscience, laquelle doit donc être respectée dans ses choix. Comme exemple de tolérance, il citait l’Empire ottoman où toutes les minorités religieuses avaient le droit de cité. Et pour Bayle, bien sûr, tout chrétien qui considérait que l’on avait le droit de tuer des non-chrétiens, cogitait à partir de fausses prémisses. S’il fut un apôtre de la tolérance et de l’ouverture, il convient d’observer que le jugement du philosophe sur la nature humaine n’était pas empreint d’optimisme au vu de cette considération qui figure dans le Dictionnaire historique et critique : « l’homme aime mieux se faire du mal pourvu qu’il en fasse à son ennemi, que se procurer un bien qui tournerait au profit de son ennemi ».

    Contrairement à Pierre Bayle et à sa défense du droit à une rigueur dogmatique des religions, Leibniz, dans cette recherche de la concorde au sein des sociétés européennes du XVIIe siècle, aura pour but la réconciliation œcuménique entre catholiques et protestants. L’expression de ce dessein a pour élément central la relation épistolaire qu’il entretiendra avec Bossuet de 1678 à 1702. Ce dialogue littéraire entre la grande figure de l’Eglise gallicane, ardent défenseur de la foi catholique, et celui qui fut considéré, à l’époque, comme le plus grand intellectuel d’Europe relevait à l’origine d’une initiative diplomatique du prince de Hanovre. Ce dernier, converti au catholicisme, avait mandaté Leibniz afin qu’il établisse une relation avec Bossuet dans l’objectif d’obtenir du Roi de France une entremise auprès de la papauté pour ouvrir de nouvelles voies de conciliation entre les fidèles de Rome et ceux de la Réforme. Le débat reposait sur le concile de Trente (1545-1563) dont Leibniz discutait le caractère œcuménique et souhaitait, de ce fait, une suspension des décisions jusqu’à la réunion d’un nouveau concile œcuménique entre catholiques et protestants.

    Les deux hommes se livrèrent à un travail de réflexion harassant, échangeant leurs arguments, les approfondissant et les étayant au fil des communications. Cependant, Bossuet refusa tout compromis quant à une mise en cause des conclusions du concile. « L’Eglise est infaillible », son autorité ne pouvait être contestée. Si Leibniz échoua dans sa démarche en cette fin d’un XVIIe siècle où les relations entre catholiques et protestants demeuraient conflictuelles dans toute l’Europe, cela n’empêcha pas que se tint une discussion fondée sur l’expression libre.

    On peut donc dire que la liberté d’expression définit l’une des marques de l’Occident et de sa pensée, et qu’elle en reflète le génie.

    (A suivre)

    Club de l’Horloge, 15/01/2015

    http://www.polemia.com/la-conquete-de-la-liberte-de-pensee-en-occident/