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culture et histoire - Page 1423

  • Un jour, un texte ! La guerre, les Français par Charles Péguy (1)

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.

    Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l'ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s'agit plus d'envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui : la guerre, les Français par Charles Péguy (1)

    Dieu et les français

    « Tels sont nos Français, dit Dieu. Ils ne sont pas sans défauts. Il s'en faut. Ils ont même beaucoup de défauts.

    Ils ont plus de défauts que les autres.

    Mais avec tous leurs défauts je les aime encore mieux que tous les autres avec censément moins de défauts.

    Je les aime comme ils sont. Il n'y a que moi, dit Dieu, qui suis sans défaut.

    Nos Français sont comme tout le monde, dit Dieu. Peu de saints, beaucoup de pécheurs.

    Un saint, trois pécheurs. Et trente pécheurs. Et trois cents pécheurs. Et plus.

    Mais j'aime mieux un saint qui a des défauts qu'un pécheur qui n'en a pas. Non, je veux dire :

    J'aime mieux un saint qui a des défauts qu'un neutre qui n'en a pas.

    Or ces Français, comme ils sont, ce sont mes meilleurs serviteurs.

    Ils ont été, ils seront toujours mes meilleurs soldats dans la croisade.

    Or il y aura toujours la croisade.

    Enfin ils me plaisent. C'est tout dire. Ils ont du bon et du mauvais.

    Ils ont du pour et du contre. Je connais l'homme.

    Je sais trop ce qu'il faut demander à l'homme.

    Et surtout ce qu'il ne faut pas lui demander.

    O mon peuple français, dit Dieu, tu es le seul qui ne fasse point des contorsions.

    Ni des contorsions de raideur, ni des contorsions de mollesse.

    Et dans ton péché même tu fais moins de contorsions.

    Que les autres n'en font dans leurs exercices.

    Quand tu pries, agenouillé tu as le buste droit.

    Et les jambes bien jointes bien droites au ras du sol.

    Et les pieds bien joints.

    Et les deux mains bien jointes bien appliquées bien droites.

    Et les deux regards des deux yeux bien parallèlement montant droit au ciel.

    O seul peuple qui regarde en face.

    Et qui regardes en face la fortune et l'épreuve.

    Et le péché même.

    Et qui moi-même me regarde en face.

    Et quand tu es couché sur la pierre des tombeaux.

    L'homme et la femme se tiennent bien droits l'un à côté de l'autre.

    Sans raideur et sans aucune contorsion.

    Bien couchés droits l'un à côté de l'autre sans faute.

    Sans manque et sans erreur.

    Bien pareils. Bien parallèlement.

    Les mains jointes, les corps joints et séparés parallèles.

    Les regards joints.

    Les destinées jointes. Joints dans le jugement et dans l'éternité.

    Et le noble lévrier bien aux pieds.

    Peuple, le seul qui pries et le seul qui pleure sans contorsion.

    Le seul qui ne verse que des larmes décentes.

    Et des larmes perpendiculaires.

    Le seul qui ne fasse monter que des prières décentes.

    Et des prières et des vœux perpendiculaires.

    Peuple, les peuples de la terre te disent léger parce que tu es un peuple prompt.

    Les peuples pharisiens te disent léger parce que tu es un peuple vite.

    Tu es arrivé avant que les autres soient partis.

    Mais moi je t'ai pesé, dit Dieu, et je ne t'ai point trouvé léger.

    O peuple inventeur de la cathédrale, je ne t'ai point trouvé léger en foi.

    O peuple inventeur de la croisade je ne t'ai point trouvé léger en charité.

    Quant à l'espérance, il vaut mieux ne pas en parler, il n'y en a que pour eux.

    C'est embêtant, dit Dieu, quand il n'y aura plus ces Français,

    Il y a des choses que je fais, il n'y aura plus personne pour les comprendre. »

    Charles PEGUY,
    mort au champ d'honneur le 5 septembre 1914.

    Extrait de : « Le mystère des Saints Innocents »

    Lois Spalwer http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Documentaire « Au-delà d’Internet : PRISM, ECHELON ou la surveillance généralisée » (3/4)

  • Pendant ce temps-là, les adolescents se suicident...

    Les médias ont largement parlé ces derniers jours de la parution du livre de Nora Fraisse Marion, 13 ans pour toujours. Dans celui-ci, l’auteur, mère d’une ado qui s’est donné la mort il y a deux ans, traite d’un sujet très préoccupant et très symptomatique de « notre » société malade : le suicide des adolescents.

    marion.jpg

    « Notre » belle société y est habituée depuis près de 3 décennies. Ce n’est pas une nouveauté et cette cause de mortalité est l’une des principales chez les moins de 20 ans. Cela est connu. Dans un monde d’excès comme le nôtre, il était impensable que cela ne s’arrête qu’aux adolescents et ne finisse pas par toucher les jeunes ados ou pré-ados. C’est chose faite ! Plusieurs affaires ont été traitées par les médias ces derniers mois au sujet d’enfants de 12-13 ans se donnant volontairement la mort. La première constatation que l’on peut en tirer, c’est que nous vivons dans une époque de mal-être généralisé. S’il est choquant de voir des jeunes de 12-13 ans (donc des enfants quelque part) se suicider, ce n’est pas étonnant à mon sens.  Pourquoi ? Premièrement, parce que nous vivons dans un monde sans repères et le passage entre l’enfance et l’âge adulte est une phase souvent difficile. Cette phase s’appelle « l’adolescence ».  C’est une émanation du monde moderne car jadis nos anciens passaient directement de l’enfance à l’âge adulte. Pas de période intermédiaire. Comment se fait le basculement aujourd’hui? A quel moment ? Ce passage est-il évident pour l’enfant ? Y-a-t-il un rite de passage, un évènement qui le fait sortir de l’enfance ? Je ne le pense pas et l’entrée au collège ne joue certainement pas ce rôle… La plupart des groupes sociaux ayant été abattus dans la société libérale (Famille, Eglise, Armée, scoutisme, etc…), les enfants cherchent bien souvent leurs propres rites de passage : le jeu du foulard, la première cigarette, la première cuite, le premier joint, la multiplication des partenaires sexuels, les scarifications, l’identification aux stars, et bien sûr, la consommation effrénée… tout ça participe à cette transition douloureuse et sans repères sociaux et culturels.

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  • La naissance du jihad

    Le Figaro Histoire consacre son nouveau numéro à la conquête musulmane du VIIe et VIIIe siècle et à l'âge d'or du Califat. Voici l'éditorial de Michel De Jaeghere :

    J"Nous étions en guerre, et nous ne voulions pas le voir. Nous n'avons pas reconnu cette guerre parce qu'elle ne se présentait pas sous les mêmes couleurs qu'autrefois. La violence ne s'y manifestait que par spasmes. Elle semblait vouée à épargner notre vie quotidienne, notre territoire. Pas ici, pas pour moi. La télévision, les réseaux sociaux, Internet nous mettaient en contact avec des réalités d'un autre âge: un Etat islamique, des jihadistes, un califat. Des chrétiens expulsés de leurs terres ancestrales. Des otages égorgés par des hommes vêtus de noir. Des villages dévastés, des fillettes enlevées de leurs écoles pour être réduites en esclavage. Nous en regardions en boucle les images avec le sentiment de voyager dans le temps.

    Nous pensions sans le dire que l'avancement de nos technologies, la sophistication de notre confort, la bienveillance de nos institutions, le caractère policé de nos mœurs nous mettaient à l'abri de telles tempêtes. La semaine sanglante ouverte par les assassinats du 7 janvier est venue nous rappeler qu'ils nous en abritaient aussi sûrement que ne l'avait fait la ligne Maginot face aux troupes du Reich. Qu'il suffisait à un petit nombre d'utiliser nos failles. Près de 1200 jihadistes sont aujourd'hui disséminés sur notre sol. Il est peu probable qu'ils en resteront là. Nous savons désormais que l'histoire n'a pas cessé d'être tragique parce que nous avions cessé de nous en apercevoir.

    Les événements ont suscité, à travers le pays, une immense mobilisation. Reste à savoir pour quoi.

    A sortir d'un unanimisme qui nous a d'abord conduits à nous abstenir de désigner clairement l'adversaire auquel on se proclamait décidé à faire face; à le réduire à une identité abstraite, née de rien, venue de nulle part: un mal sans explication, sans visage.

    A dissiper le malentendu qui, devant la folie meurtrière, nous a fait considérer le droit à la dérision, à l'injure, le mépris de toutes les croyances et de toutes les fois, l'obscénité, le blasphème comme le cœur même de l'identité française et de la civilisation occidentale.

    A dépasser la satisfaction quelque peu narcissique qui nous a amenés à nous rassurer devant la seule image qu'un peuple descendu dans la rue pour dire son refus de la violence et du terrorisme, son amour de la liberté, de la patrie, peut-être, nous donnait de nous-mêmes: comme si la volonté de vivre en paix avait la vertu de contaminer l'adversaire, de lui imposer, par mimétisme, l'abandon de la violence, de lui faire déposer les armes; comme si nous pensions vaincre par le seul affichage de notre désarroi.

    Cela suppose que l'on s'efforce de comprendre les ressorts de la tragédie dont le monde musulman est aujourd'hui le théâtre, l'islamisme radical, l'acteur principal.

    Le Figaro Histoire voudrait y contribuer ici en étudiant sans parti pris ce que furent les commencements de l'islam. Quelle place tint le jihad dans la fulgurante cavalcade qui permit aux cavaliers arabes de terrasser l'Empire perse, vaincre les Byzantins, dominer la Méditerranée, et s'imposer jusqu'en Espagne. Comment cette expansion se traduisit pour les populations annexées au fil de la conquête. Comment se développa aussi, par le remploi et la synthèse des cultures asservies, une civilisation originale.

    L'histoire n'a rien, bien sûr, d'une science expérimentale. Les événements qu'elle rapporte ne se reproduisent pas à l'identique, comme dans le huis clos d'un laboratoire. Il n'en reste pas moins qu'elle constitue l'expérience des peuples. Qu'il serait imprudent d'en ignorer les leçons. [...]"

    Michel Janva

  • Georges Orwell V/S Big Brother

    Georges Orwell (de son vrai nom Eric Blair) fut un homme engagé qui échappa pourtant à tout dogmatisme. Quand la majorité des intellectuels de son époque succomberont aux sirènes du totalitarisme, lui, restera un esprit libre (chose qui ne lui fut pas pardonnée). Socialiste convaincu, ses positions politiques s’inspirent plus de son expérience de l’existence que de lectures théoriques. 
    Quand pensée et action s’unissent 
    Né au Bengale en 1903, sa famille fait partie de ses fonctionnaires zélés qui firent la grandeur de l’empire Britannique. Envoyé suivre ses études en Angleterre, il retourne aux Indes pour devenir officier de police en Birmanie. Au bout de cinq ans de service, il rentre en Europe dégoûté à jamais de l’impérialisme. Lui qui avait déjà montré, pendant sa scolarité, son aversion pour toute forme d’injustice, réprouve l’étroitesse d’esprit de la petite caste coloniale et la misère dans laquelle elle maintient les peuples colonisés. Renonçant à toute forme de carrière, il veut se consacrer à l’écriture et se tourne vers le journalisme. Collaborant à la presse de gauche et libertaire, on l’envoie dans les bassins houillers du Nord de l’Angleterre pour faire un reportage sur les conditions de vies des mineurs. Il vécut ainsi plusieurs mois avec les ouvriers de Wigan et Sheffield dans la grisaille du pays houiller. `C’est une révélation pour lui, il tirera de son expérience son style saisissant de vérité et ses convictions socialistes. Il observe la dignité et la solidarité quotidiennes des travailleurs, ce « Common decency », cette civilité de tous les jours des humbles. Hautement moral, ce sentiment d’entraide rejette l’égoïsme du capitalisme marchand. Poursuivant sa vie de journaliste sans le sou pendant les années 30, il connaît la galère et se retrouve au bord de la misère. Il fréquentera même les hospices pour vagabond et multipliera les petits boulots pour survivre. 
    La Catalogne libre : le rêve en arme 
    Quand en 1936, la guerre civile éclate en Espagne, il se précipite à Barcelone pour s’engager dans les rangs républicains. Il se retrouve dans une capitale catalane en pleine ébullition révolutionnaire. Orwell rejoignit les miliciens du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), il mit à contribution sa formation militaire britannique et forma les jeunes miliciens espagnols sans expérience, à la caserne Lénine. Avec eux, il monta vers les tranchées du front d’Aragon. Quand il descend pour une brève permission après un hiver en enfer, il découvre Barcelone plongé dans des combats fratricides entre d’un coté les milices du POUM et de la CNT-FAI anarchistes et les communistes soutenus par les agents soviétiques que Staline a envoyés en masse en Espagne. 
    Dégoûté, il remonte pourtant en première ligne pour fuir cette atmosphère étouffante. Le 20 Mai, Orwell est grièvement blessé d’une balle qui lui traverse la gorge. En convalescence, il apprend l’écrasement du POUM par les staliniens. Les responsables de l’organisation sont kidnappés et exécutés clandestinement par les communistes, les miliciens sont désarmés et versés dans la nouvelle armée républicaine dirigée par le Parti Communiste. Orwell doit quitter en secret l’Espagne pour échapper aux agents staliniens à sa poursuite. Pourtant, si l’aventure finit mal, il restera porteur d’un rêve d’émancipation de la Catalogne Libre. 
    Un homme libre contre le totalitarisme 
    A partir de son retour, son refus de tous les totalitarismes sera absolu et il les combattra par tous les moyens. Le Pacte germano-soviétique est pour lui la confirmation de la convergence des forces autoritaires. Il rejoint le camp des démocraties, avec le sentiment clair qu’entre deux maux, il faut choisir le moindre. Si le gouvernement de son pays était loin d’être parfait, la vieille tradition de liberté individuelle anglo-saxonne présentait infiniment plus de garanties pour son indépendance de pensée que les dictatures nazies ou soviétiques. 
    Durant la guerre, il met sa plume au service des alliés, il est annonceur à la BBC et couvrira comme reporter les derniers combats sur le front Ouest. Il écrit pendant cette période, la Ferme des Animaux, critique du stalinisme et dénonciation de la trahison par les communistes des révolutions russe et espagnole. Le livre ne trouvera pas d’éditeur sous la pression des autorités anglaises qui ne veulent pas froisser la susceptibilité du petit père des peuples qui est encore un allié des démocraties. Quand débutera la guerre froide, les choses vont bien changer, puisque le livre sera récupéré pour servir la propagande anti-communiste la plus primaire (La CIA financera même les adaptations cinématographiques de la ferme et de 1984). Ayant perdu sa femme, Orwell va se retirer dans une petite Île, au large de l’Écosse. Vivant la vie paysanne et élevant son fils adoptif, il réalise son rêve d’un retour à la terre hors des tumultes du monde moderne. Quand la maladie le rattrape, il s’épuise à boucler son dernier livre, 1984. Endurant stoïquement les pires souffrances, il termine son œuvre majeure avant de mourir de la tuberculose, le 21 janvier 1950. 
    L’autre socialisme 
    Orwell ne s’est jamais gêné pour attaquer dans ses écrits les intellectuels de gauche qui prônaient, dans leurs confortables salons, la dictature du prolétariat,mais qui pour rien au monde n’auraient pu supporter de vivre à leurs côtés. Cette « gauche tapette », comme il l’aimait l’appeler sur un ton moqueur, faisait fuir par ses discours vains et creux ceux que le socialisme aurait pu attirer. L’auteur de 1984 avait une vision concrète et pratique du socialisme : « Si quelqu’un commençait par demander qu’est-ce que l’homme ? Quels sont ses besoins ? Quelle est pour lui la meilleure façon de se réaliser ? on découvrirait que le fait d’avoir le pouvoir d’éviter tout travail et de vivre de la naissance à la mort dans la lumière électrique en écoutant de la musique en boîte, n’est nullement une raison de vivre de cette manière. L’homme a besoin de chaleur, de loisir de confort et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, d’un travail créateur et du sens du merveilleux. S’il reconnaissait cela, il pourrait utiliser les produits de la science et de l’industrie en fondant toujours ses choix sur ce même critère : est-ce que cela me rend plus humain ou moins humain ». 
    Un socialisme qui chercherait, à défaut de pouvoir parfaire la société humaine, à la rendre meilleure ne serait-ce qu’en réduisant l’injustice et les inégalités, une société décente basée sur la recherche du bien commun. Orwell savait que si cette société n’arriver pas, l’humanité se verrait plonger dans la barbarie sans fin : « Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain éternellement » écrivait-il dans 1984. Il plaçait ses espoirs dans la prise de conscience des masses populaires, qui tôt au tard, se dresseront contre l’oppression.