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culture et histoire - Page 1476

  • Antigone, Mauriac ou Edouard Louis : qu'est-ce qu'un rebelle ?

    Une anthologie publiée au CNRS regroupe les textes des « rebelles » qui ont fait l’histoire. Eugénie Bastié l’a lu pour FigaroVox, et rappelle que la subversion n’est pas toujours où l’on croit.

    En août dernier, Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie annulaient avec fracas dans les colonnes de Libération leur venue aux rendez-vous de l’histoire de Blois qui avaient pour thème « Les rebelles », au motif de la présence du « réactionnaire » Marcel Gauchet. Ils expliquaient ainsi leur acte de résistance dans une interview aux Inrocks : « Un rebelle est forcément progressiste, il met en question un ordre donné pour plus de désordre et plus de liberté. », ce qui n’était pas le cas de Marcel Gauchet qui avait osé contester la remise en cause de la filiation induite par le « mariage pour tous ».

    Cette vision de la rébellion comme une brise qui rejoint le souffle de l’histoire aurait fait le bonheur de Philippe Muray. Lui qui écrivait : « Le nouveau rebelle est très facile à identifier : c’est celui qui dit oui. Oui à Delanoë. Oui aux initiatives qui vont dans le bon sens, aux marchés bio, au tramway nommé désert, aux haltes garderies, au camp du progrès, aux quartiers qui avancent. Oui à tout. »

    Si les rebellocrates sont faciles à identifier, les rebelles authentiques le sont moins. C’est pourtant le pari qu’a relevé l’anthologie éditée au CNRS sous la direction de Jean-Noël Jeanneney et Grégoire Kauffman intitulée Les rebelles.

    Qu’est-ce qu’un rebelle ? C’est, nous dit Jeanneney, celui qui parvient à « secouer la conviction de l’inéluctable et à restituer la plein intensité d’une liberté en face de tous les conservatismes et de toutes les oppressions ». De Jean-Jaurès au marquis de Sade, de Voltaire à Bernanos, en passant par Proudhon et Chateaubriand, cette anthologie nous fait voyager de textes en manifestes, de poètes en historiens, dans le pays de la révolte, dont on s’aperçoit -chose étrange- que la gauche n’a pas toujours eu le monopole.[...]

    Eugénie Bastié

    La suite sur Figarovox

    Merci pour La Faute à Rousseau pour nous avoir indiqué cette article.

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Antigone-Mauriac-ou-Edouard-Louis

  • Islamisme et liberté religieuse

    En main une imposante base de donnée publiée à Washington. Ordinairement de bon aloi, les rapports du Pew Forum permettent de faire le point sur divers problèmes mondiaux dans une optique plutôt libérale conservatrice en général. Ils nous disent beaucoup à la fois sur les faits et plus encore sur les idées reçues en occident.

    Le document que nous citons ici est consacré aux "Musulmans du monde, religion, politique et société". Publié en avril 2013, il se présente comme un assez fort volume de 226 pages. On y trouve un certain nombre de conclusions peu surprenantes. Par exemple, on y découvre que "dans leur ensemble les femmes musulmanes sont plus attachées aux droits des femmes que les hommes". (page 42)

    Notre étonnement grandit lorsque nous lisons que "dans leur ensemble les musulmans soutiennent largement l'idée de liberté religieuse. Parmi les musulmans qui disent que les gens sont libres de pratiquer leur foi, les trois quarts ou plus dans chaque pays disent que c'est une bonne chose". (page 63)

    Si l'on se base sur une telle évaluation, on sera par conséquent porté à considérer, en toute bonne foi, que, dans leur grande majorité les mahométans opinent en faveur de la liberté de religion pour les autres.

    Et ceci inclinerait certains habiles à croire que leurs interlocuteurs pourraient, pourquoi pas, se mobiliser pour la défendre.

    Ceci prend un tour plus préoccupant dès lors que l'on s'engage contre l'islamisme extrême du néo Califat. Celui-ci s'est affirmé en mai 2014 à Mossoul. Il s'est illustré depuis lors dans des assassinats d'otages innocents.

    Notons à cet égard que ces crimes ont été honteusement étiquetés par les moyens de désinformations français : on les entend présentés comme des "exécutions", ce mot supposant dans notre langue une notion de culpabilité et de décision de justice…

    On pourrait commencer par remarquer que la manière dont ont répondu "dans leur ensemble" les personnes interrogées a quelque chose de conventionnel. De plus, pour oser dire dans le cadre d'un sondage que l'on récuse le droit élémentaire des autres il faut une bonne dose d'arrogance, et de franchise...

    Mais avant tout il conviendrait de s'entendre sur ce que l'on appelle, au XXIe siècle en occident, la liberté religieuse...

    Les musulmans considèrent celle-ci comme établie dès lors qu'ils laissent aux dhimmis la liberté de culte dans des églises ou des synagogues, et que l'on ne les détruit pas. Ils peuvent se rendre aux offices, on ne les emprisonnera pas.

    Cette liberté-là est reconnue en gros dans la pratique, en temps ordinaire. Elle ne se verrait donc contestée "que" par 25 % environ des musulmans du monde entier.

    Mais, d'autre part, tous les autres aspects de la liberté religieuse se trouvent, même dans les périodes de cohabitation calme, systématiquement bafoués.

    Citons d'abord le droit de changer de religion. C'est peut-être le point essentiel.

    La doctrine islamique en matière d'apostasie n'est pas formulée par le Coran. On entend parfois citer, de façon totalement tronquée et détournée, un passage de la Sourate 2, verset 256 : "pas de contrainte en religion". Le contexte de ce bout de phrase dément de façon radicale l'interprétation que l'on imagine. Rien dans le livre saint des mahométans, rien dans la Sîra retraçant la vie du beau modèle ne plaide en fait pour une telle tolérance.

    Ce qui prévaut aujourd'hui encore est apparu au IXe siècle, soit 200 ans après la mort de Mahomet, et dans un seul hadith. Or, aucune puissance islamique ne le remet vraiment en cause. Et pourtant il ne repose que sur un seul témoignage : "celui qui change de religion tue-le" ! Ce hadith est accepté dans les 57 législations des 57 pays de la conférence islamique. Il est reçu sous des formes différentes, mais, dans la pratique, on ne condamne jamais le musulman extrémiste qui obéit et assassine l'apostat.

    Évoquons aussi au titre de la liberté d'expression le droit d'exprimer des critiques contre la religion : face à l'islam la controverse devient très vite blasphème. (1)⇓

    Toute propagation de leur foi est également interdite aux dhimmis. Or, on doit rappeler ici qu'une certaine forme de prosélytisme est un devoir pour un chrétien. (2)⇓

    Ne parlons même pas d'autres aspects, dans le mariage par ex., d'une conception libérale de la pratique religieuse.

    Ne parlons même pas du droit de construire des lieux de cultes.

    Se laisser prendre à la conception que l'islam considère de sa "liberté religieuse" me semble donc une faute majeure commises par les Occidentaux.

    JG Malliarakis
    Apostilles

    1.  Même l'évocation de certains aspects de sa biographie la plus officielle, vus sous l'angle de nos critères occidentaux, peut être considérée comme outrageante pour le Beau Modèle, qui devient "insolite" à nos yeux quand nous lisons, par exemple, que Aïcha avait 6 ou 7 ans quand elle s’est mariée à Mahomet et 9 ans lorsque le mariage fut consommé.
    2.  On se base ici sur la conclusion de l'évangile selon saint Mathieu "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit"… Mt 28,18 -- ce qui peut hélas s'interpréter de manière différente selon les intérêts des États -- Une partie non négligeable des missions occidentales en orient s'est investie dans la conversion de non-musulmans, coptes, arméniens, assyriens, mais aussi juifs etc. Cela était tout à fait permis sous le régime ottoman, et cela a produit des églises dissidentes minoritaires. Mais sur la conversion des mahométans, seules de rares communautés, controversées à ce titre, s'y risquent vraiment.

    http://www.insolent.fr/2014/10/islamisme-et-liberte-religieuse.html

  • « Un dernier mot sur Laval… » : Adrien Abauzit, en complément de la chronique sur Vichy et la Shoah…

    Suite à la mise en ligne de la chronique de Adrien Abauzit sur le livre "Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français" (de Alain Michel), notre auteur a souhaité apporter quelques précisions concernant sa position sur Pierre Laval afin qu'on ne lui reproche pas de faire dire à l'auteur du livre "ce qu'il ne dit pas"...


    Pierre Laval a commis de graves erreurs politiques. En décembre 1940, il a tenté de lancer les troupes de Vichy sur le Tchad, passé au gaullisme. 

    Cet acte contraire aux accords Pétain-Churchill d’octobre 40 et aux accords Halifax-Chevalier de décembre 40, aurait conduit à une déclaration de guerre de la France à l’Angleterre, ce qui eut été une catastrophe difficilement rattrapable.

    Sa fameuse phrase : « je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle, le bolchevisme s’installerait partout », dont il savait qu’elle était ressentie par le peuple français comme des « goutes d’acide sulfurique », même si elle a été prononcée dans une logique de duperie, fait aujourd’hui encore mal à l’honneur français : par définition, on ne souhaite pas la victoire de la nation qui oppresse son peuple, surtout quand à sa tête se trouve un déséquilibré comme Hitler.

    Ceci posé, nous tenons à évoquer au lecteur un détail peu connu.


    Lorsque les Américains ont débarqué en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, Hitler a sommé Laval de se rendre à Munich. Hitler souhaitait convaincre le président du Conseil de déclarer la guerre aux Alliés. Laval pressentait ce qu’on attendait de lui. Il craignait de se faire piéger à la manière d’un Schuschnigg quatre ans plus tôt. En conséquence, il partit pour Munich avec une ampoule de cyanure de potassium dans la poche. En d’autres termes, il préférait se suicider plutôt que de commettre un acte qu’il savait être contraire aux intérêts vitaux de la France.

    Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on peinera à trouver dans la classe politique française actuelle quelqu’un capable d’une telle détermination et d’un tel sacrifice.

    Pour ceux qui l’ignorent, Laval a noyé le poisson lors de son face à face avec Hitler. Ce dernier n’a pas réussi à obtenir de lui la co-belligérance. Le 13 novembre, Hitler adressa un nouvel ultimatum à Pétain. La France était sommée de déclarer la guerre aux Alliés. Pétain refusa et par un télégramme secret, il donna son approbation à Darlan qui, d’Alger, avait relancé l’empire français dans la guerre contre l’Axe.

    Adrien Abauzit

    http://www.scriptoblog.com/index.php/blog/histoire/1498-un-dernier-mot-sur-laval-adrien-abauzit-en-complement-de-la-chronique-sur-vichy-et-la-shoah

  • Un important trésor Viking découvert en Ecosse

    Le plus important trésor Viking jamais trouvé en Ecosse a été déterré par un ex-homme d'affaires, amateur de détecteur de métaux, ont annoncé lundi les autorités.

    Erreur

    Le trésor comporte plus de 100 objets datant du IXe et Xe siècles. «C'est certainement le trésor Viking le plus important d'Ecosse», a déclaré à l'AFP Stuart Campbell, responsable du service public s'occupant des trésors.
    « C'est le plus grand trésor d'objets Viking découvert en Ecosse depuis le 19ème siècle. C'est extrêmement important, non seulement pour la Grande-Bretagne mais aussi pour l'Europe occidentale parce que c'est un trésor très inhabituel», a-t-il ajouté. Derek McLennan, un homme d'affaires à la retraite de 47 ans, l'a découvert le mois dernier. Il était enterré à seulement 60 cm de profondeur dans le comté de Dumfries, dans le sud-ouest de l'Ecosse.
    « Il contient des objets de toute l'Europe. Il y a des amulettes d'Irlande, des bijoux de Scandinavie, des bijoux en or qui sont probablement anglo-saxons et il y a aussi un vase en argent carolingien originaire de ce qui est aujourd'hui l'Allemagne», a détaillé Stuart Campbell. L'emplacement précis de la découverte a été tenu secret afin de permettre aux autorités de préserver le site et de s'assurer qu'il n'accueille aucun autre trésor.
    « La gamme d'objets est exceptionnelle pour l'Ecosse et très inhabituelle pour tout trésor Viking, quelle que soit son origine», a ajouté le responsable. Le trésor est désormais propriété de la Couronne britannique mais l'auteur de la découverte touchera une indemnité fixée en fonction de la valeur sur le marché de l'art des pièces.
    Vase carolingien
    Le vase carolingien pourrait valoir à lui seul près de 200'000 livres (250'000 euros). «Les Vikings étaient bien connus pour avoir pillé ces rivages dans le passé mais aujourd'hui, nous pouvons apprécier ce qu'ils ont laissé derrière eux avec ce merveilleux apport au patrimoine culturel de l'Ecosse», s'est félicité la ministre écossaise de la Culture, Fiona Hyslop.
    En 2007, deux Britanniques avaient découvert, également grâce à des détecteurs de métaux, le plus important trésor Viking mis au jour en Grande-Bretagne depuis plus de 150 ans, selon le British Museum. Le musée londonien avait alors souligné que ce trésor, constitué de 617 pièces en argent, d'un bracelet-manchette en or et d'une timbale en plaqué-argent, revêtait une importance mondiale.

    Sourceafp via 20 minutes :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEFkyluyArydlLXIG.shtml

  • "Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français" : chronique de Adrien Abauzit

    Nous vous présentons ici la chronique rédigée par Adrien Abauzit (auteur de Né en 1984) d'un livre sorti en 2013, de l'historien israélien, Alain Michel : "Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français"


    Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français (2013)
    Alain Michel


    Cet ouvrage n’a pas été écrit par un nostalgique de Vichy, mais par un historien israélien d’origine française, rabbin de son état. Pourquoi le préciser ? Le propos de l’ouvrage ne se suffit-il pas à lui-même ? En théorie si…dans un monde normal. Mais nous ne vivons pas dans un monde normal. L’honnêteté intellectuelle est souvent déniée aux auteurs, suspectés de d’orienter leurs travaux dans le sens de leur intérêt personnel et non de la vérité. En outre, des réflexes de Pavlov colonisent l’esprit des français victimes du lavage de cerveau de l’idéologie dominante. La qualité d’Alain Michel est donc un atout, car elle permet de courcircuiter ces travers.

    L’auteur de cette enquête n’apporte que peu de faits nouveaux. L’histoire du sauvetage des juifs français et des juifs étrangers présents en France durant la guerre avait déjà été écrite et dite par des historiens on ne peut plus académiques et prestigieux, français ou étrangers. Mais depuis plusieurs décennies, il a été interdit de dire une vérité qui pourtant fait honneur à la France.

    Outre le rappel de ce que fut la politique de Vichy, l’intérêt de ce livre réside dans l’étude et la critique des travaux historiques qui font actuellement autorité sur ce sujet houleux.


    L’exemple Poliakov

    En 1940 il y avait en France 330 000 juifs. 195 000 juifs français et 135 000 juifs étrangers, réfugiés politiques pour la plupart d’entre eux. 13 % des juifs français ont été déportés. 37 % des juifs étrangers ont été déportés. 69 000 juifs étrangers et 11 000 juifs français sont morts durant le conflit. Au total, près de 75 % des juifs présents en France en 1940 ont échappé à la mort. Près de 95 % des juifs français et 57 % des juifs étrangers ont survécu.

    Comment expliquer le taux très élevé de survie des juifs français ? Plusieurs explications sont données avant les années 70. Léon Poliakov, premier grand historien de la Shoah et auteur du célèbre Bréviaire de la haine, donne son explication : « Du sort relativement plus clément des juifs de France, Vichy fut en fait le facteur prépondérant. ». Ainsi, contrairement à la thèse de Serge Klarsfeld, reprise stupidement par le bonnet d’âne Jacques Chirac en 1995, Poliakov affirme que les juifs de France ayant survécu doivent prioritairement leur salut à Vichy et non à la société civile. Pour Poliakov l’existence d’une zone libre, l’affirmation des droits de souveraineté de Vichy, la politique de Laval et les refus de Pétain, ont permis de sauver l’immense majorité des juifs français.

    En 1989, dans un livre d’entretien, Poliakov maintient que Laval ne mérite pas sa triste « réputation ».

    La doxa Paxton/Klarsfeld

    A partir des années 70 disions-nous, une doxa nouvelle s’est mise en place. Deux idées matricielles la constituent :

    • La « négativité absolue » de Vichy. L’historien américain Robert Paxton conclue que par définition, rien de bon ne peut venir de Vichy.
    • La survie des juifs de France est due à la population française. Vichy n’y est pour rien. Cette thèse est notamment développée par Serge Klarsfled.

    Il ressort que la doxa pose une culpabilité totale de Vichy interdisant tout réexamen de son contenu : « les bonnes questions posées par les tenants de la réhabilitation de Vichy ne seront ainsi jamais examinées sérieusement par les historiens reconnus, de peur de se voir alors accusés eux-mêmes de servir leurs buts révisionnistes, ou encore d’appartenir à leurs milieux politiques souvent nauséabonds ».

    Le statut des juifs est fait sous pression allemande

    Selon une légende tenace, colportée notamment par Robert Paxton, le régime de Vichy aurait fait adopter le statut des juifs en dehors de toute pression allemande. Un examen du déroulement des évènements suffit à démontrer que cette assertion est un pur mensonge.

    Le 7 septembre 1940, les Allemands annoncent au gouvernement qu’une ordonnance contre les juifs est en préparation. Le 10 septembre, pour la première fois, en Conseil des ministres, la question juive est alors abordée. Le 25 septembre, le ministre des Affaires étrangères Paul Baudouin adresse aux autorités occupantes une lettre de protestation contre l’adoption de l’ordonnance nazie. Les Allemands n’en ont cure et publient une ordonnance d’ « aryanisation » le 27 septembre, c’est-à-dire de confiscation légale des biens des juifs.

    Le 1er octobre, en urgence, le Conseil des ministres adopte sa première loi sur le statut des juifs. Le 4 octobre, la loi est publiée. Ainsi, contrairement à ce qu’ose affirmer Paxton, le statut n’a été adopté que sous pression allemande et pour éviter que l’occupant ne soit seul à s’occuper de la question juive.

    Le statut issu de la loi exclue les juifs de certains domaines d’activité : vie politique, justice, diplomatie, administration, éducation, armée, presse, monde du spectacle. Les anciens combattants juifs des deux guerres, ainsi que les juifs ayant rendu des services exceptionnels à la France sont exemptés de ces mesures.

    Le statut instaure une discrimination qui paraîtra bien évidemment choquante à toute personne attachée à l’égalité devant la loi. Mais, comme l’auteur l’évoque, en aucun cas il n’y a dans cette loi la moindre intention meurtrière. Rattacher le statut à la Solution finale est donc une interprétation téléologique de l’histoire parfaitement malhonnête.

    Le 4 octobre, une autre loi est votée : la loi sur l’internement des juifs étrangers. Ici, l’auteur révèle des faits nouveaux permettant de comprendre le réel objectif de cette loi : le régime de Vichy a tout fait pour faire émigrer les juifs étrangers en Amérique du Nord ou du Sud. L’internement prévu par la loi avait vocation à être précaire. A titre d’exemple, le 30 janvier 1941 a lieu à Cieudad Trujillo, en République dominicaine, une réunion du comité intergouvernemental pour les réfugiés. La délégation française de la conférence fait savoir officiellement sa difficulté à pouvoir accueillir de nouveaux réfugiés, ainsi que son désir de voir les réfugiés actuellement internés en France être accueillis par d’autres pays. Hélas, les gouvernements d’Amérique ont refusé cette émigration.

    Pétain, Laval et Darlan s’opposent au port de l’étoile jaune

    L’information est peu connue, mais l’étoile jaune n’a été portée qu’en zone occupée. Pétain, Laval et Darlan, ont toujours refusé le port de l’étoile jaune en zone libre, notamment parce qu’une telle mesure aurait visé les juifs français. Les images d’Epinal en souffrent, mais c’est ainsi.

    La politique de Laval

    Le 4 mars et le 11 juin 1942, des conférences sont organisées à Berlin au siège de la Gestapo SS. Il y est décidé une accélération des déportations. Dannecker, représentant d’Eichmann et chef de la Gestapo chargé de la « question juive » en France, s’engage à assurer la déportation de 40 000 juifs.

    Début mai 1942, Karl Oberg devient chef suprême de la SS et de la police en France. Si tôt, assisté d’Helmut Knochen, commandant en chef de la sécurité interne à Paris, il engage des négociations avec René Bousquet, délégué à la police au gouvernement de Vichy.

    Le 2 juillet, un compromis est arrêté entre Oberg et Bousquet : «  Vichy accepte d’effectuer les arrestations sur l’ensemble du territoire français en fonction du nombre fixé par les Allemands. De leur côté, les Allemands acceptent que seuls des juifs étrangers soient arrêtés. Il est admis que cet accord devra être confirmé par Laval deux jours plus tard, le samedi 4 juillet. Pourquoi Vichy accepte ce compromis ? C’est parce que cela lui permet de réaliser trois objectifs poursuivis depuis le début : se débarrasser des juifs étrangers, protéger les juifs français, et renforcer son autorité sur tout le territoire français, et pas seulement sur la zone libre. »

    Deux jours plus tard, l’accord est confirmé en même temps qu’il est réduit. Pétain et Laval n’acceptent que l’ « évacuation » des juifs apatrides.

    Les historiens Paxton et Marrus jugent sévèrement Laval, estimant qu’il n’a rien obtenu par ces accords. Pourtant, jusqu’à la fin de l’été 1943 : « il n’y a pratiquement pas de juifs français déportés, sauf, comme le disait Dannecker, dans un cadre de représailles, ou d’infraction à la législation antisémite. » Alain Michel conclue donc que : «  le regard de Marrus et Paxton est erroné, et [que] Laval a effectivement réussi à obtenir une concession de taille. »

    Lors de la rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet, 12 000 juifs apatrides sont arrêtés en région parisienne par la police française.

    Le 2 septembre, Laval demande à Oberg qu’on ne lui signifie plus de nouvelles exigences en matière de déportation. Grâce à cette intervention, une rafle de 5 000 juifs prévue le 22 septembre par Rotchke, nouveau délégué d’Eichmann, est finalement annulée. Selon Alain Michel : «  Si aucun convoi de déportation ne quitte la France au mois d’octobre 1942, on peut l’attribuer, au moins partiellement, à la stratégie de Laval, relayée par Bousquet et Leguay. On le voit, la collaboration de Vichy en matière d’antisémitisme est loin d’être simple. »

    Pétain et Laval roulent les nazis dans la farine

    Si les Allemands ont accepté que les juifs français échappent dans un premier temps aux déportations, c’est parce que Bousquet, puis Laval, leur laissent miroiter une future loi de dénaturalisation. Les juifs ainsi dénaturalisés deviendraient étrangers, voire apatrides, et par conséquent, « déportables » : « En septembre 1942, lorsque les nazis acceptent de ralentir la pression dans le domaine de la question juive, il est entendu qu’en échange le gouvernement de Vichy mettra au point une loi de dénaturalisation, afin d’élargir la catégorie de juifs qui peuvent être déportés. »

    Darquier de Pellepoix, que Pétain soit dit en passant qualifie publiquement de tortionnaire, s’occupe de la rédaction d’un premier projet. René Bousquet prend sa suite, en établissant un texte moins extrémiste. Ce texte prévoit la déchéance de nationalité de tous les juifs naturalisés depuis 1927. Fin juin 1943, la loi est prête. Pour la mi-juillet, Röthke prévoit une nouvelle rafle à Paris, dès le lendemain de la promulgation de la loi. La messe semble être dite. Mais fin août, à leur plus grande stupeur, les nazis apprennent que sur intervention de Pétain, la loi sur les dénaturalisations est abandonnée :

    « Il est donc évident que le fait d’avoir mené les nazis par le bout du nez jusqu’en septembre 1943, en leur promettant de faire passer une loi de dénaturalisation – promesse qui conduit la Gestapo-SS à ne pas engager directement d’opérations d’arrestations-, ce fait, donc, a vraisemblablement évité l’arrestation de milliers de victimes juives supplémentaires. »

    Conscient d’avoir été « mené par le bout du nez », les Nazis envoient alors Aloïs Brunner en France pour prendre en main la politique de déportation. L’automne 1943 va marquer un tournant dans l’histoire de la déportation des juifs de France. Les accords Ober-Bousquet volent en éclat.

    En conclusion…

    Alain Michel au final, aboutit à des conclusions aux antipodes de la doxa Paxton/Klarsfeld.

    Il reconnaît le rôle central de Vichy dans le sauvetage des juifs survivants. Il considère que Vichy a eu en ce domaine des « conséquences plus positives que négatives » :

    « Vichy est certes criminel, mais il est l’élément principal qui explique comment 75 % des juifs de France ont survécu, même si, bien sûr, comme nous venons de le montrer, il n’est pas l’élément unique qui explique ce résultat. »

    « Finalement Vichy, à la fois complice des assassins et en même temps élément indispensable de l’ampleur du sauvetage, nous prouve qu’il est impossible d’écrire l’histoire de cette période en noir et blanc, dès lors que l’on s’intéresse non aux extrémistes, mais aux dirigeants qui se sont retrouvés face à des décisions allemandes qu’ils n’avaient pas prévues, auxquelles ils ont dû donner des réponses en fonction de ce qu’ils pensaient possible ou raisonnable de faire. Qu’ils aient commis des erreurs, et même des crimes, c’est certain. Mais que leur action ait eu finalement des conséquences plus positives que négatives, cela nous semble également une affirmation raisonnable. »

    Adrien Abauzit

  • Adrien Abauzit revient sur la polémique Zemmour/Salamé sur le régime de Vichy

    Alors que 100% des médias mentionnant le livre d'Eric Zemmour contestent les chiffres avancés par ce dernier concernant la responsabilité de Vichy dans le sauvetage des français de confession juive sous l'occupation, Adrien Abauzit revient, au travers d'historiens reconnus pour leurs travaux, sur cette polémique où la rationnalité semble avoir perdu tout ancrage pour laisser place à l'idéologie et l'émotion. 95% des français juifs ont-ils survécu à l'holocauste ? Si oui, qui est responsable de ce taux très élevé ? Entretien avec Agence Info Libre.

    http://www.scriptoblog.com/index.php/blog/actu-site-et-amis-du-site/1556-adrien-abauzit-revient-sur-la-polemique-zemmour-salame-sur-le-regime-de-vichy

  • Julius Evola : « L’Idée Olympienne et le droit naturel »

    II résulte des exemples choisis dans les chapitres précédents que pour comprendre un grand nombre de phénomènes de l’époque contemporaine il faut adopter comme points de référence des idées et des principes appartenant à ce que nous avons l’habitude d’appeler monde de la Tradition. Ceci vaut également pour le domaine politique et social. Aujourd’hui, on ne se rend pratiquement plus compte du niveau auquel nous sommes tombés à cause des forces et des mythes qui mènent l’Occident moderne. La dimension intérieure et le sens profond de nombreuses structures et conceptions font défaut, en raison précisément de l’inexistence de points de référence corrects et de la distance qui est la condition de toute vision claire.

    La décadence de l’idée d’État, l’avènement de la démocratie, l’idée « sociale » et même le nationalisme comme phénomène de masse rentrent dans ce cadre. On ne sait plus du tout ce que cela signifie. Ailleurs, nous nous sommes (1) occupé de cette question et nous avons rappelé que, pour s’orienter, il faut partir de la dualité entre « forme » et « matière ». Pour les Anciens, la « forme » a désigné l’esprit, la matière la nature, la première se rattachant à l’élément paternel et viril, lumineux et olympien (ce terme étant pris dans un sens qui deviendra clair pour le lecteur), la seconde à l’élément féminin, maternel, purement vital. L’État correspond à la « forme », le peuple, le demos, la masse correspondent à la « matière ». Dans une situation normale le principe forme, conçu d’une certaine manière comme doué de vie propre et transcendant, ordonne, freine, limite et dirige vers un niveau plus élevé ce qui se rapporte au principe matière. La « démocratie », dans son sens le plus large, implique non seulement la dissociation de cette synthèse entre les deux principes qui définit toute organisation supérieure, mais aussi l’autonomie et la prédominance du principe matériel – peuple, masse, société – vers lequel se déplace désormais le centre de gravité. De l’État il ne reste plus alors que l’ombre : c’est l’État vide de tout contenu, réduit à la simple structure « représentative » et administrative du régime démocratique, c’est l’État de droit dans lequel un ensemble de lois abstraites, dont le sens originel a été perdu, représente l’extrême point de référence normatif ; on a enfin l’« État socialiste du travail » ou des « travailleurs » et autres choses du même genre.

    C’est de cette mutilation que dérivent le matérialisme foncier et le caractère purement « physique » des organisations sociales modernes. Toute base manque pour que chaque activité acquière un sens supérieur, pour que la « vie » tende à participer à ce qui est « plus-que-vie », selon les voies et les disciplines connues en d’autres temps. Quand on demande aujourd’hui à l’individu de servir, de ne pas envisager seulement ses intérêts personnels égoïstes, on le fait uniquement au nom de la « société », de la « collectivité », c’est-à-dire d’abstractions et, en tout cas, de quelque chose qui n’implique aucune rupture qualitative de niveau, le matérialisme n’étant certes pas refoulé avec le passage de l’individu à la société et à la collectivité, mais pouvant être au contraire renforcé par ce changement. On pourra trouver un développement de ces idées dans notre ouvrage mentionné plus haut.

    Nous nous pencherons ici sur un point particulier, sur ce qu’on appelle le « droit naturel», droit qui a joué un rôle important dans les idéologies subversives modernes. Le fond même de cette idée, c’est une conception utopique et optimiste de la nature humaine. Selon la doctrine du droit naturel, ou jusnaturalisme, des principes immuables, innés chez l’homme et donc universels, existeraient au sujet du juste et de l’injuste, du licite et de l’illicite ; et ce qu’on appelle la « raison ordonnée » pourrait toujours les reconnaître. L’ensemble de ces principes vise à définir le droit naturel, qui revêt ainsi plus ou moins les caractères mêmes de la morale, de sorte qu’on voudrait lui attribuer une autorité, une dignité et une force profondément impérative que le « droit positif » – c’est-à-dire le droit défini par l’État – ne posséderait pas. A partir de là, on a pu mettre l’État en accusation ou du moins minimiser son autorité. Ses lois, en effet, ne seraient justifiées que par la pure nécessité, n’auraient pas de justification supérieure, devraient être mesurées, pour être légitimes, par le « droit naturel ». L’Église catholique elle-même a suivi cet ordre d’idées, non sans raison et sur un plan polémique, pour s’opposer au principe de la pure souveraineté politique au nom des « droits naturels de l’homme », qui s’identifient plus ou moins, sous leur forme moderne, aux « immortels principes » jacobins de 1789. L’Église a souvent été la gardienne et la vengeresse du droit naturel, pour s’arroger justement une position supérieure à celle de l’État.

    Que l’on nage ici parmi les simples abstractions est prouvé par le fait qu’après des siècles et des siècles de controverses personne n’est jamais parvenu à donner une définition précise et univoque de la « nature humaine » au singulier, de la naturalis ratio, et du critère objectif pour estimer ce qui lui est vraiment conforme. En général, on n’a pu se référer qu’à quelques principes élémentaires réputés tacitement nécessaires pour que la vie en société soit possible (c’est ainsi que Grotius parle de « ce qui convient à la nature humaine raisonnable et sociable »). Mais c’est ici que l’équivoque se présente : divers types d’unité sociale sont en effet concevables et ont existé, et les prémisses « naturelles » des uns ne sont pas les mêmes, ou ne sont que partiellement les mêmes, que celles des autres. D’ailleurs, au moment d’abandonner la formule générale et de définir le droit naturel, qui devrait être unique et universel, on a tantôt ajouté, tantôt retranché tel ou tel principe, selon les auteurs et les époques.

    Par exemple le jusnaturalisme des XVll et XVIII siècles s’est bien gardé de se rappeler certaines idées que les auteurs anciens incluaient à coup sûr dans le « droit naturel ; » on signalera seulement que dans l’Antiquité le droit naturel, bien souvent, n’excluait pas l’institution de l’esclavage.

    II est cependant incontestable que partout où il est question de droit naturel on retrouve un certain dénominateur commun, un noyau aux caractéristiques typiques qui ne correspond pas du tout à la nature humaine en général, mais bien à une certaine nature humaine, par rapport à laquelle la « société » prend une forme et un sens tout à fait particuliers. Le droit naturel n’est en rien le droit au singulier, valable et évident partout et pour tous, mais seulement une forme du droit, la conception particulière du droit qu’eurent un type de civilisation et un type d’homme bien définis. Quant à l’idée selon laquelle ce droit, à la différence du droit politique, correspond à la volonté divine, ou qu’il est en lui-même normatif, ou encore qu’il est enraciné dans la conscience de l’homme en tant qu’être de raison, et ainsi de suite jusqu’à l’« impératif caté- gorique » de Kant, tout cela est mythologie pure, tout cela n’est qu’un appareil spéculatif au service de ceux qui défendent et cherchent à faire prévaloir ce qui répond à une mentalité donnée et à un certain idéal de la vie en société (2).

    Le caractère éthique, pour ne pas dire sacré, conféré au droit naturel est nié au droit positif, né, dit-on, de la nécessité, voire même de la violence – et l’on en arrive en effet à concevoir parfois les institutions du droit politique positif comme magis violentiae quam leges. II est assez évident que tout cela est propre à la façon de voir d’une civilisation déjà entrée dans la phase laïque et rationaliste. II est établi en effet qu’aux origines il n’y eut jamais de loi purement politique, de droit purement « positif » ; aux origines le droit fut un ius sacrum, tirant l’essentiel de son autorité normative d’une sphère qui n’était pas simplement humaine.

    Cela fut vrai dans le domaine des constitutions politiques les plus variées, pour les villes comme pour les États et les empires, et même la science moderne de l’Antiquité a dû le reconnaître. Cette situation devait déjà s’être obscurcie dans les consciences en raison d’un processus d’involution lorsqu’on opposa le droit naturel au droit positif, en réservant au premier et en refusant au second une origine et un caractère éthiques et spirituels. II faut donc relever en passant que nous sommes en présence d’un paradoxal renversement de valeurs : on distingue l’existence naturaliste des hommes qui vivent more barbarorum, en dehors de telle ou telle civilisation supérieure, des hommes qui vivent dans un ordre positif, bien articulé, hiérarchique, centré sur l’idée d’État, mais on en conclut que les premiers seraient avantagés sur les seconds. Eux seuls vivraient selon la naturalis ratio, eux seuls suivraient la « loi de Dieu écrite dans le coeur des hommes », tandis que les autres ne respecteraient que des normes créées par la nécessité, révocables, imposées à l’homme par l’homme.

    Les apologistes du « bon sauvage », les Rousseau et compagnie se contentèrent de tirer les conséquences logiques de ce point de vue.

    Étant établi que dans les lois particulières des États antiques il n’y avait pas d’opposition entre droit naturel et droit positif, que ce qu’on appelle le droit naturel ne possède aucune dignité spéciale mais n’est qu’une forme du droit visant à un certain type d’unité sociale, il faut maintenant envisager ce qui est en quelque sorte la « constante » de toutes les théories jusnaturalistes, à savoir l’égalitarisme. Tous les hommes seraient égaux selon le droit naturel ; selon Ulpien, l’égalité ne s’étendrait pas seulement aux êtres humains, elle serait également valable pour tous les êtres vivants. Le droit naturel proclame la liberté illimitée, intangible et innée de chaque individu. C’est pourquoi le même Ulpien, dans l’Antiquité, souligna l’absurdité juridique de la manumissio, c’est-à-dire de l’affranchissement des esclaves, l’état d’esclavage n’existant pas selon le droit naturel tel qu’il le concevait. Sous ses formes pures le droit naturel est lié à une conception communiste de la propriété – communis omnium possessio -, qui procède logiquement de l’idée selon laquelle le droit des égaux est égal. Mais relevons sans tarder un détail révélateur. Selon le droit naturel antique, l’enfant né d’unions naturelles, illégitimes, était considéré comme le fils, non du père, mais de la mère, et ce même dans les cas où il n’était pas difficile d’établir la paternité.

    On doit à un spécialiste génial de l’Antiquité, J-J. Bachofen, presque totalement oublié par la culture actuelle, la définition de l’idée qui est à l’origine de cette façon de voir les choses. Bachofen l’a découverte dans la conception « physico-maternelle » de l’existence. Celle-ci se rapporte à un type de civilisation qui ne sut concevoir rien de plus élevé que le principe physique de la génération et de la fécondité naturelle, personnifié, sur le plan religieux et mythologique, par des divinités maternelles et surtout par la Terre Mère, Magna Mater.

    Devant la Mère génératrice tous les êtres sont égaux. Son droit ignore exclusivismes et différences, son amour a horreur de toute limite, sa souveraineté n’admet pas que l’individu s’arroge un droit particulier sur ce qui appartient « par nature » collectivement à tous les êtres. Ce qui distingue l’individu, ce qui le rend différent d’un autre, est ici insignifiant. La qualité de « fils de la Mère » accorde à chacun un droit intangible, sacré et égal. A l’égalité s’associe l’intangibilité physique et, en général, un idéal spécifiquement fraternel et social de la vie organisée est affirmé comme « conforme à la nature ». Tout cela implique obligatoirement un matriarcat explicite. Les origines peuvent être oubliées, le fond religieux chthonien (lié à la « terre ») peut devenir totalement invisible, mais n’en subsister pas moins dans un esprit et un pathos précis, dans une conformation intérieure : ce qui est le cas lorsqu’on soutient abstraitement, de façon rationaliste, les principes du droit naturel.

    On sait ce que le droit le plus ancien de Rome contient d’irréductible à cet ordre d’idées : la puissance paternelle, l’autorité virile du patriciat, du Sénat et des Consuls, la conception même de l’État et, enfin, la théologie de l’imperium. II y eut donc dans la Rome antique une opposition entre un droit et des institutions correspondant à ces orientations, et des formes particulières, s’appuyant sur certains cultes, appartenant aux couches de l’antique civilisation méditerranéenne généralement appelée pélasgienne, au centre de laquelle on retrouve, sous des expressions typiques, le culte des Grandes Mères de la nature, de la vie, de la fécondité. Si nous nous référons à l’origine du droit qui se concrétisa positivement dans l’État romain, nous avons comme facteur déterminant jusqu’à une certaine période et pour les strates supérieures de la romanité, une conception religieuse, de nouveau, mais opposée cette fois à la conception chthonienne : car la souveraineté de l’État et de sa loi exprima ce que l’homme antique d’origine indo-européenne attribua aux puissances paternelles de la Lumière et du ciel lumineux contre les divinités maternelles de la Terre ou du Ciel. C’est pourquoi Christof Steding a pu parler à juste titre des « divinités olympiennes du monde politique ». Nous avons déjà rappelé que les divinités ouraniennes et olympiennes furent aussi celles qui régissaient le monde conçu comme cosmos et ordo. La conception grecque du cosmos, d’un tout ordonné et articulé, qui équivaut à la notion indo-européenne de rta, revient dans l’idéal romain de l’État et du droit, et une correspondance étymologique (rta, ritus) nous permet de saisir le sens le plus profond du ritualisme sévère qui était la contrepartie du droit patricien romain.

    Ce droit était différencié et, par opposition au droit naturel, avait en propre le principe hiérarchique. Au lieu de l’égalité des individus devant la Grande Mère, on avait le principe d’une dignité différenciée fondée sur une origine donnée, sur une position particulière occupée au sein d’une lignée, d’une gens, sur les rapports avec la res publica, enfin sur des vocations spécifiques. La plèbe, en revanche, posséda une forme de droit et un idéal communautaire où l’origine, la lignée, la distinction particulière de l’individu ne pesaient pas grand-chose. Dans les débuts la communauté fut d’ailleurs placée avant tout sous la protection de divinités féminines et chthoniennes vengeresses.

    En réalité, dans l’État romain antique la plèbe avait surtout adoré, même en des temps assez reculés, des divinités de ce genre, et les plébéiens étaient précisément désignés, dans le langage du droit, « les Fils de la Terre ». La relation entre certaines particularités de ces cultes et l’atmosphère du « droit naturel » est également significative. Les fêtes mêmes, à Rome, en l’honneur de ces déesses comprenaient souvent une sorte de retour à l’état de justice tel que le concevait le droit naturel primordial, l’abrogation momentanée des critères du droit positif : on y célébrait le retour à l’égalité universelle qui ne connaît ni privilèges ni différences de lignée, de sang, de sexe et de caste. En outre, c’est dans le temple de Féronia. une de ces Mères, qu’était situé le trône de pierre sur lequel les esclaves s’asseyaient pour être affranchis, obtenant de la déesse la reconnaissance de leur parité naturelle avec les hommes libres ; Fides et Fidonia étaient deux autres divinités féminines analogues qui, comme l’a rappelé précisément Bachofen, protégeaient maternellement la plèbe contre les invida iura et les malignae leges (équivalant aux formes du droit positif politique et patricien), ce qui explique la présence d’un temple construit en leur honneur par les affranchis. Nous retrouvons d’autres divinités ou figures féminines légendaires liées aux premières revendications de la plèbe ; elles apparaissent aussi dans les cultes de l’Aventin, le mont si cher à la plèbe. Et lorsque Ulpien justifie par le droit naturel l’attribution à la mère des fils engendrés hors des normes du droit positif, il ne fait que reprendre un vieux point de vue matriarcal (resté très vivant parmi les Étrusques), selon lequel les enfants étaient avant tout enfants de la mère, non du père, et portaient le nom de la mère. Bien d’autres détails du même genre pourraient être allégués ; ils renvoient tous à la même perspective.

    Les formes du « droit naturel » qui l’emportèrent toujours plus dans le cadre de la Rome tardive et décadente doivent donc être considérées comme le reflet de la domination alors exercée, à Rome, par les classes sociales inférieures et mêlées. II ne s’agit donc pas – il importe de le souligner – d’une école juridique précise, mais d’un ethnos donné et d’une civilisation donnée qui réapparurent durant la période de l’écroulement universaliste de l’Empire. Le personnage d’Ulpien, homme de sang phénicien, est d’ailleurs très probant. Le présumé « droit naturel » doit être jugé en fonction d’une phase de la contre-offensive menée par le monde méditerranéen asiatique et pélasgien contre Rome, et qui se faisait aussi par la diffusion croissante de cultes et de moeurs exotiques dans la romanité décadente. Sous différents aspects, le christianisme poursuivit cette action, et après la justification théologique donnée au principe de l’égalité de tous les hommes, il n’y a pas lieu de s’étonner de la place accordée par le catholicisme au droit naturel.

    Sans aller plus loin dans le cadre de ces références aux origines, ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que les principes du droit naturel ne sont pas les principes indispensables à la vie en société, mais des principes qui visent à fonder et à légitimer un certain type de société. En langage moderne, ils correspondent à une « éthique sociale », opposée à une « éthique politique » . Un certain type d’homme existe, et a toujours existé, pour lequel ce qui est « conforme à la nature » , profondément impératif, c’est un ensemble de principes et de valeurs qui non seulement ne sont pas identiques à ceux du droit naturel, mais qui les contredisent partiellement, tout en conservant eux- mêmes un certain caractère d’uniformité et d’universalité. A la place de l’égalité, de la liberté et de la fraternité, on trouve ici au premier plan les principes de la différence, de l’inégalité, de la justice (au sens du suum cuique) et donc de la hiérarchie ; l’idéal d’une unité non fraternaliste, communautaire et naturaliste, mais héroïque et virile ; non l’éthique de l’« amour », mais l’éthique de l’« honneur ». Celui qui lira notre ouvrage Révolte contre le monde moderne y découvrira justement la récurrence d’orientations et de formes typiques possédant ces caractères, qui furent évidentes pour une certaine humanité et qu’elle reconnut sur des bases essentiellement spirituelles. pour en faire les fondements d’un autre type de civilisation et de société.

    Mais on ne peut ignorer le fait que le « droit positif » a lui aussi revêtu, par la suite, des caractères qui l’ont souvent fait ressembler à ce qu’il aurait toujours été si l’on en croit les jusnaturalistes. II peut avoir représenté la codification de formes imposées par un pouvoir brutal, privé de toute légitimité ; encore plus souvent, il a été ramené au droit courant qui régit la société bourgeoise au niveau d’une routine (3) de l’État-administration.

    Quant à l’État de droit, il repose, comme nous l’avons signalé, sur une sorte de fétichisme du droit positif, un droit positif vidé et sans âme, auquel on prétend attribuer une immutabilité et une validité absolues, comme s’il était descendu du ciel propre et net, comme s’il n’était pas la solidification d’une situation politique et sociale donnée, la création d’un certain groupe humain dans l’histoire. Toutes ces choses ne sont que sous-produits et déviations. Mais le reconnaître n’entame en rien ce que nous avons dit au sujet de toute revendication s’inspirant du « droit naturel » dans le cadre de la démocratie, de l’idéologie sociétaire et même d’un certain christianisme engagé dans une lutte contre l’idée politique et éthique de l’État.

    Notre excursus, nécessairement sommaire, fait comprendre le sens profond de ces bouleversements subversifs : il ne s’agit pas ici de concepts abstraits et philosophiques, mais des indices signalétiques d’une régression, de l’apparition et de la victoire de l’homme d’une certaine race intérieure, du déclin d’un type d’homme supérieur, de ses symboles et de son droit. La crise du monde traditionnel a favorisé la renaissance d’un substrat foncièrement « matriarcal »et naturaliste aux dépens du prestige dont jouissait précédemment le symbole paternel, qui subsista dans les grandes dynasties européennes « de droit divin ». La « matière » qui se libère de la « forme » et qui devient souveraine : démocratie, masse, « peuple », « nation », communauté ethnique et de sang opposée à tout ce qui est État – ce sont autant de variantes de ce bouleversement ; ce sont les principes d’un idéal politique et d’un lien entre les individus qui ne sont plus virils et spirituels, mais qui se rapportent essentiellement à une substance naturaliste, au monde de la quantité et, éventuellement, aux sentiments collectifs irrationnels enflammés par des « mythes ».

    La remarque d’un auteur déjà cité, Steding, selon laquelle ce sont les natures spirituellement féminines, « matriarcales », qui se déclarent pour le « peuple » et la «société», qui conçoivent la démocratie comme l’apogée de toute l’histoire mondiale, cette remarque garde une valeur incontestable.

    Dans un autre chapitre nous verrons sur quel plan se situent certaines revendications contemporaines typiques touchant au domaine sexuel (la « révolution sexuelle ») ; et nous pourrons alors constater que d’autres courants de l’époque convergent aussi vers le même point que celui dont nous avons parlé.

     Notes

    (1) Dans notre livre Les hommes au milieu des ruines. Paris, 1972, chapitre III.

    (2) Rappelons un exemple historique significatif de l’origine d’un certain droit naturel. La Couronne anglaise avait accordé progressivement aux citoyens certains droits dans le domaine purement politique, à la suite de différents conflits. Ces droits furent absolutisés par Locke et dans la déclaration américaine d’indépendance et ils reçurent carrément un fondement théologique : ces droits historiques furent transformés en « droits naturels » antérieurs et supérieurs à toute société politique, inaliénables et conférés par Dieu à la créature.

    (3) En français dans le texte (N.D.T.).

    Julius Evola, Chapitre VIII de L’Arc et la Massue

    http://la-dissidence.org/2014/10/12/julius-evola-lidee-olympienne-et-le-droit-naturel/