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culture et histoire - Page 1475

  • Le soutien des banques anglo-saxonnes aux Nazis

    Dans son livre « Aggression », Otto Lehmann-Russbeldt nous raconte que « Le 4 janvier 1933, Hitler fut convié à une réunion à la Schroder Bank de Berlin. Les industriels et les banquiers les plus importants d’Allemagne réglèrent ses difficultés financières et lui permirent de faire face à la dette énorme qu’il avait contractée en relation avec le maintien de son armée privée. En échange, Hitler promit de casser le pouvoir des syndicats. Le 2 mai 1933, il remplit sa promesse. » 

         A la réunion du 4 janvier 1933, étaient présents les frères Dulles, John Foster Dulles & Allen W. Dulles de la firme juridique new-yorkaise, Sullivan & Cromwell, qui représentait la Banque Schroder. Les frères Dulles étaient souvent présents aux réunions importantes. Ils avaient représenté les Etats-Unis à la Conférence de Paix de Paris (1919) ; John Foster Dulles se tuera à la tâche en tant que Secrétaire d’Etat de Eisenhower, tandis qu’Allen Dulles dirigera la CIA pendant de nombreuses années. Les apologistes des frères Dulles ont rarement tenté de défendre leur apparition à la réunion qui installa Hitler comme Chancelier d’Allemagne, préférant prétendre que cela ne s’est jamais produit. Un biographe, Leonard Mosley, contourne cela indirectement dans « Dulles », en exposant : « Les deux frères avaient passé beaucoup de temps en Allemagne, où la firme Sullivan & Cromwell avait des intérêts considérables au début des années 30, ayant représenté plusieurs gouvernements provinciaux, quelques grands groupes industriels, un grand nombre de sociétés américaines qui avaient des intérêts dans le Reich et quelques riches particuliers. » 

         Allen Dulles accéda plus tard à la direction de la J. Henry Schroder Company. Ni lui, ni J. Henry Schroder ne seront soupçonnés d’être pro-nazi ou en faveur de Hitler ; le fait auquel on ne peut échapper était que si Hitler ne devenait pas Chancelier d’Allemagne, il y avait peu de chances que la Deuxième Guerre Mondiale – guerre qui doublerait leurs profits – devint réalité. 

         Voici ce que déclare la Grande Encyclopédie Soviétique : « La maison bancaire Schroder Bros. (c’était la banque de Hitler) fut établie en 1846 ; ses associés actuels sont les barons von Schroder, apparentés à des branches états-uniennes et anglaises. » 

         Le rédacteur en chef de la rubrique financière du « Daily Herald » de Londres écrivit, le 30 septembre 1933, un article sur « La décision de M. Norman d’accorder aux Nazis le soutien de la Banque (d’Angleterre). » John Hargrave, dans sa biographie de Montagu Norman dit ceci : 

         « Il est pratiquement certain que Norman, opérant depuis son fief de Threadneedle Street [N. de l’E. : c’est-à-dire, de la Banque d’Angleterre], fit tout ce qu’il put afin d’aider sur le plan financier l’hitlérisme à prendre le pouvoir politique et à le conserver. » 

         Le Baron Wilhelm de Ropp, un journaliste dont le plus proche ami était le Commandant F.W. Winterbotham, chef des Renseignements Aériens des Services Secrets Britanniques, fit venir à Londres le philosophe nazi Alfred Rosenberg et le présenta à Lord Hailsham, Ministre de la Guerre, à Geoffrey Dawson, rédacteur en chef de The Times, ainsi qu’à Norman, le Gouverneur de la Banque d’Angleterre. Après s’être entretenu avec Norman, Rosenberg rencontra le représentant de la Banque d’Angleterre. Voici ce qu’en dit Hargrave, « Au début de 1934, un groupe privilégié de financiers de la City se réunit dans le bureau de Norman, dont les murs étaient dépourvus de fenêtres : Sir Robert Kindersley, associé dans Lazard Brothers, Charles Hambro, F.C. Tiarks et Sir Josiah Stamp (un autre directeur de la Banque d’Angleterre). Le Gouverneur Norma disserta sur la situation politique en Europe. Une nouvelle puissance s’était établie, une très grande « force stabilisatrice » : l’Allemagne nazie. Norman recommanda à ses collègues d’inclure Hitler dans leurs plans en vue de financer l’Europe. Il n’y eut aucune opposition. » 

         Dans Wall Street and The Rise of Hitler, Anthony C. Sutton écrit: « Le baron nazi Kurt von Schröder servit d’intermédiaire pour faire passer en 1944 de l’argent d’ITT à l’organisation SS de Heinrich Himmler, alors que la Seconde Guerre Mondiale était en cours et que les Etats-Unis étaient en guerre contre l’Allemagne. » Kurt von Schröder, né en 1889, était un associé de la Maison bancaire de Cologne, J.H. Stein & Co, laquelle avait été fondée en 1788. Après la prise du pouvoir par les Nazis en 1933, Schroder fut nommé représentant allemande à la Banque Internationale des Règlements. La Commission Kilgore exposa en 1940 que l’influence de Schroder sur l’Administration d’Hitler était si grande qu’il obtint la nomination de Pierre Laval à la tête du gouvernement français durant l’Occupation nazie. La Commission Kilgore a donné la liste de plus d’une douzaine de titres importants que détenait Kurt von Schröder dans les années 1940, dont ceux de président de Deutsche Reichsbahn [les chemins de fer allemands], de président du Conseil du Reich aux Affaires Economiques, de dirigeant principal de la Schutztaffel, la SS, de conseiller à la Poste du Reich, de conseiller de la Deutsche Reichsbank et d’autres banques, ainsi que de groupes industriels de première importance. Schroder a siégé au conseil d’administration de toutes les filiales d’ITT (International Telephone & Telegraph) en Allemagne. 

    Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve fédérale

    http://www.oragesdacier.info/2014/10/le-soutien-des-banques-anglo-saxonnes.html

  • Obsidienne : L’or noir du néolithique

    Documentaire archéologique sur la pierre volcanique obsidienne et son incroyable histoire. L’étude de cette pierre a révolutionné les connaissances scientifiques sur notre histoire.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Robert Paxton, la fin d’un mythe

    Lorsque Léa Salamé interrogea Éric Zemmour à propos de Robert Paxton, je gage que les téléspectateurs familiers de ce nom-là étaient peu nombreux. Et pourtant, rares sont les historiens qui ont eu autant d’influence sur notre mémoire collective. Sans lui, Bernard-Henri Lévy n’aurait sans doute pu écrire son pamphlet L’Idéologie française (Grasset, 1981), qui a tant contribué à formater la pensée « politiquement correcte » contemporaine. Sans lui, Serge Klarsfeld ne serait probablement pas devenu ce parangon de la bien-pensance vénéré par les médias. Sans lui, Jacques Chirac n’aurait pas pu prononcer son fameux discours du Vel’ d’Hiv’ (1995) et le décret Jospin d’indemnisation des orphelins des déportés juifs (2000) n’aurait pas eu de base légale. La thèse de Paxton développée dans La France de Vichy (Seuil, 1973), vous la connaissez : il n’y a pas eu double jeu de la part de Vichy, et le régime n’a pas joué l’effet de « bouclier » en épargnant certaines souffrances aux Français.

    Incomparablement plus fouillée et malgré son énorme succès auprès du public, La Grande Histoire des Français sous l’Occupation d’Henri Amouroux (Stock, 1976) fut loin d’avoir le même impact, un paradoxe qui préfigurait la fracture consacrée par la loi Gayssot entre une histoire officielle et figée et une histoire en permanente évolution.

    Ni juif, ni français, Paxton présentait a priori tous les attributs du parfait historien sans parti pris. Sauf que Paxton, comme il se définissait volontiers, était un intellectuel engagé de gauche, de cette gauche iconoclaste omniprésente dans les campus américains des années 60, et notamment à Berkeley où il enseignait. Cinq ans après mai 1968, trois ans après la mort du général de Gaulle, un an après la sortie (confidentielle) du Chagrin et la Pitié, son timing était parfait ! Paxton s’insérait avec un opportunisme remarquable non seulement dans une nouvelle phase de l’histoire de l’Occupation que l’historien Henry Rousso appelle fort à propos « le miroir brisé », mais aussi au sein d’un grand courant de résurrection de la mémoire de l’Holocauste orchestré aux États-Unis à la fin des années 60 (voir Peter Novick, The Holocaust in American Life, 1999).

    Nul ne saura jamais si Robert Paxton n’a fait que documenter une thèse qu’il voulait défendre a priori où s’il est parvenu à sa conclusion de bonne foi, mais là n’est pas la question. Les archives relatives à l’histoire de la France sous l’Occupation sont inépuisables. La seule documentation léguée par Henri Amouroux représente une bibliothèque large comme un terrain de football. Pourquoi la recherche historique devrait-elle s’arrêter aux travaux vieux de plus de quarante ans, d’un seul individu ?

    Alain Michel, historien israélo-français, résidant en Israël et rabbin de son état, a publié Vichy et la Shoah – Enquête sur le paradoxe français (CLD 2012). C’est à cet ouvrage qu’Éric Zemmour se réfère dans son Suicide français. Sa conclusion prend le contre-pied de la thèse de Paxton. « L’historien peut montrer les faits, l’engrenage des situations, les choix possibles, mais en tant qu’historien, il n’a aucune capacité pour juger véritablement du bien et du mal, ni de la responsabilité des hommes au regard de lois éthiques comme la définition du crime contre l’humanité… le mélange des deux points de vue, celui du professionnel de l’histoire et celui du jugement moral, entraîne une déformation de la vérité historique que l’on retrouve, finalement, à la base même de cette “doxa” que j’ai tenté de dénoncer dans cet ouvrage comme obstacle principal d’une véritable compréhension du comportement de Vichy face à l’application de la solution finale en France. »

    Avant de faire d’Alain Michel un nouveau Faurisson, les inconditionnels de Paxton devraient y réfléchir à deux fois. Asher Cohen – Juifs et Français sous l’Occupation et sous Vichy (Armand Colin, 1993) – ou encore Maxime Steinberg – Le Vel’ d’Hiv’ français dans la solution finale en Europe, dans Points critiques, n° 306, mai 2010 –, eux aussi, ont défendu la thèse dite du « moindre mal ».

    Christophe Servan

    source : Boulevard Voltaire 

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EuEFEllFkpCuUtqzdA.shtml

  • Capitalisme (1/6) : Adam Smith, à l’origine du libre marché ?

    Considéré aujourd’hui comme une évidence, le capitalisme n’a, de fait, pas toujours existé… Cette série documentaire, tournée dans vingt-deux pays, offre des clefs de compréhension du système capitaliste. Ce premier volet remonte à Adam Smith, philosophe écossais du XVIIIe siècle, considéré comme le “père du capitalisme”.

    Son livre, La richesse des nations, best-seller mal lu depuis plus de deux siècles, aurait posé les bases du libre marché, à la veille de la révolution industrielle. Or, si Adam Smith, philosophe écossais du XVIIIe siècle, considéré comme le “père du capitalisme”, croyait aux lois naturelles de l’économie et à l’inclination des hommes au commerce, le capitalisme ne résulte pas d’un concept, mais bien d’un processus historique, amorcé avec la découverte de l’Amérique, la colonisation et le commerce triangulaire.

    Un Nouveau Monde où les Aztèques n’accordaient d’ailleurs aucune valeur matérielle à l’or. Considéré aujourd’hui comme une évidence, le capitalisme n’a, de fait, pas toujours existé.

    Réalisé par Ilan Ziv (France – 2014)

    http://fortune.fdesouche.com/358745-capitalisme-16-adam-smith-lorigine-du-libre-marche

  • Le capitalisme de la séduction

    Il y a des livres nous divertissant et d’autres bouleversant foncièrement notre vision du monde. Des livres en mesure de réellement nous émanciper s’ils étaient plus partagés et mieux compris. Mais le système n’aurait rien à gagner d’une telle contagion, alors, pour préserver sa mainmise, il distille ces ouvrages pour qu’on ne puisse les lire que de manière fortuite et inopportune.

    Il en va ainsi du livre Le capitalisme de la séduction, publié la première fois en octobre 1981 et rédigé par Michel Clouscard, un irréductible marxiste, violent en concept et virtuose de la dialectique. Ce sociologue y désosse notamment toute lasophistique bourgeoise au sein de notre société marchande en démontrant comment l’idéologie peut conditionner la sensibilité.

    Initiation

    Le plan Marshall, communément présenté comme une aide économique aux pays européens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, favorisa, de fait, la pénétration de l’impérialisme américain. Ce fut en effet l’occasion de soumettre notre occident à la civilisation du grand Capital via la consommation des surplusmade in U.S.A. C’est le point de départ de notre aliénation à la nouvelle société capitaliste.
    Qui dit aliénation dit conditionnement. Clouscard parle d’initiation puis dedressage. Il constate dans un premier temps que le système capitaliste s’est employé à préserver chez l’adulte la fonction de consommation inhérente à l’enfant en bas âge, et à laquelle est nécessairement associée, dès qu’elle est rassasiée, la sensation de plaisir. Il s’agit ainsi de maintenir le principe de plaisirau détriment du principe de réalité, de par une éducation plus ludique et plusémancipée, jusqu’à rendre le désir de consommer aussi puissant qu’un besoin. Une éducation domestiquant les corps pour qu’ils n’aspirent qu’à la répétition de ces satisfactions opportunément calibrées. Ce monde de l’enfance – cet univers magique où l’absence d’effort s’accompagne de plaisir -, se prolonge ainsi dansun système fonctionnel où nos pulsions consuméristes s’enchantent dans un pragmatisme ludique.

    Industrie et culture du plaisir

    Une mécanique bien huilée : des objets fétiches, des rituels grossiers, des rythmes binaires et des gestes simplifiés répondant aux stimuli de l’oligarchie marchande et mondaine. Un minimum d’effort pour un maximum de plaisir. Se divertir de l’instant présent, oublier le passé et refuser le futur. Une industrie de la voluptéau service de nos désirs conditionnés et cloisonnés. Peu nous importe comment sont produits ces gadgets du bonheur, on consomme, on jouit, on jette. C’est la nouvelle règle du jeu. Des biens de consommation dilapidés d’autant plus laconiquement aujourd’hui que la technologie du XXIème siècle les paramètre aux confins de subterfuges virtuels.
    C’est donc ici toute la casuistique d’un capitalisme dénoncé il y a déjà plus de trente ans par Michel Clouscard. Les masques sont ainsi tombés et l’on découvre alors l’un des visages les plus pernicieux de notre social-démocratie libérale-libertaireoù s’exhibent des bourgeois dilapidant ce qu’ils ne produisent pas, préservant ainsi les intérêts de leur classe – celle qui domine.
    Affermis en réseaux, érigés en modèles, ils excitent la concupiscence du peuple sans jamais le laisser accéder au festin. Des stars, des films, des photos, des magazines, des égéries, des miss, des top-modèles, des héros, des champions, des chanteurs, des bouffons, des présentateurs TV, des prime times, des nuits blanches, des fiestas, des festivals, des danses, des transes et des opiums pour exaspérer des envies qui ne pourront au final jamais être totalement satisfaites.
    Mais la jouissance n’est plus de combler ses rêves. L’important désormais, c’est de persévérer dans son fantasme, perpétuant ainsi ses élans consuméristes tout en s’imaginant qu’en singeant les usages de nos idoles nous pourrons, peut-être un jour, subodorer les étoiles d’un Eden avoisinant Hollywood.
    En outre, se dévoile un système invitant les narcisses à s’émanciper et s’affirmer jusqu’à instaurer des modes fixant les nouvelles normes de l’esthétique et de laculture. Culture d’une consommation à la fois frivole et excessive favorisant encore et toujours la vente des surplus d’un marché qui, par delà toute morale et toute histoire, ne cherche qu’à prospérer.
    Rajoutons la caution de quelques sophistes avant-gardistes ou dialecticiens de pacotille, quelques subversifs postiches ou providentiels chroniqueurs, quelques Dany le rouge ou BHL, pour introniser ce nouveau pouvoir faussement démocratique et franchement libéral. Il suffit à notre modernité de quelques fariboles bien combinées pour qu’elles s’instituent en mythes. Ou comment est conçu une nouvelle mythologie. Une mythologie dont les fondements sont occultés par la prestigieuse psychanalyse les reléguant opportunément dans l’inconscient collectif de la masse aliénée par les éclats d’une Olympe travestie…

    Une libido déterminée ?

    La société capitaliste a ainsi inventé la libido par laquelle nous revendiquons un nouveau droit à la jouissance. Tout un processus idéologique créant dubesoin et de l’usage pour asseoir une civilisation se révélant alors comme la meilleure pour assouvir nos désirs déterminés.
    Qui encore pour croire que nos pulsions sont à l’origine de notre parcours libidinal ? Comment peut-on ignorer tout ce formidable appareil d’incitation esthétiques, économiques, politiques et tous ces déterminismes culturels et moraux, quand on constate le nombre croissant de névroses objectives suscitées par notre consommation oscillant entre excès et frustration ?

    D’ailleurs, si le système capitaliste a fabriqué des poisons, c’est pour mieux vendre ses remèdes. Un système exhortant donc jouissances épidermiques et orgasmes corrompus qu’il s’empresse par la suite d’anesthésier par analgésiques, drogues, temps de repos, de loisirs ou de divertissements. Un cercle vicieux fomenté par une surconsommation devenue nécessaire au nouvel ordre social. La priorité n’est plus de pourvoir aux besoins quotidiens d’une société en quête d’épanouissement, mais plutôt d’inciter le peuple à s’aliéner toujours davantage au rouage consumériste qui préservera ainsi l’oligarchie mondaine au sommet de la pyramide.

     Citoyen de la social-démocratie libérale-libertaire

    Qu’en est-il de ces biens de subsistance et d’équipement qui, auparavant, étaient essentiellement destinés à optimiser le quotidien des familles et des travailleurs ? N’ont-ils pas été substitués par des hochets grisants, futiles et périssables, parfaits pour maintenir le peuple en sujétion ?
    Le pire c’est que notre racaille politique prône désormais sans retenue cette nébuleuse d’usages : en effet, après que la droite en ait administré sa production, la gauche en a libéralisé sa consommation. Et cette homogénéisation gouvernementale – certains parlent d’alternance -, fruit d’une complémentarité complaisante, caractérise singulièrement depuis notre social-démocratie libérale-libertaire.

    Intoxiqués et aveuglés par des désirs tronqués estampillant plaisirs précaires et fugaces, nous errons de concert comme marionnettes béates et citoyens déchus. Que nous reste-t-il d’autre, d’ailleurs, que de persévérer dans cet engrenage sibyllin nous divertissant à merveille de réalités qu’il faudrait pourtant bouleverser afin de vivre plus souverainement ?
    Des adultes aux préoccupations adolescentes, des électeurs aux ambitions serviles, des esclaves se croyant libres, des résistants collaborant , des consommateurs aux velléités formatées…voilà en définitive ce qu’a fait de nous cette société capitaliste. Notre conscience politique est ainsi inhibée et sourde, nos révoltes symboliques et notre citoyenneté irresponsable ! Nous nous fichons de savoir comment sont produits nos soi-disant biens, du moment qu’ils satisfassent notre avidité libidinale. Cette consommation du surplus est pourtant la consommation du manque de l’autre. Autrement dit : le travail des uns autorise la libido des autres. Aussi, jouir de ces rapports de production, revient à jouir de l’exploitation de l’homme par l’homme.

     Peut-on jouir de l’amour ?

    Certains objecteront que la vraie jouissance se perche dans l’amour et non dans le contentement matériel. Mais de quel amour parlent-ils ? Evoquent-ils cet amour se structurant sur l’échange non marchand, échappant de la sorte à la logique du capital ? Relatent-ils cet amour sur lequel les familles se charpentent et se fortifient, et ce malgré les tribulations auxquelles elles sont nécessairement confrontées au regard de la nature fantasque des hommes et capricieuses des femmes ? Songent-ils à cet amour façonné sur la durée et non sur son paroxysme, permettant ainsi d’appréhender le réel par delà nos fantasmes ? S’épanchent-ils sur cet amour dont le pragmatisme harmonieux démontre à quel point les efforts et les responsabilités peuvent être source d’autonomie et dejoie ? Il est malheureusement certain que leur contestation ne se réfère pas à ces interprétations aujourd’hui sournoisement diffamées, mais plutôt à quelques nuées romanesques qui font frémir les âmes pubères de consommateurs poètes.

    Nous sommes aujourd’hui des assistés et la moindre blessure narcissique, la moindre défaillance affective, la moindre remise en cause s’altère en échec existentiel auquel nous tentons de remédier par de frénétiques achats, du blabla avec psy vénal, des fêtes à perdre la raison ou des médicaments assourdissants…
    Seul prime désormais le plaisir, et si ce dernier tarde, alors notre vie pourrait s’avérer un désastre. Tout doit contribuer à soulager l’appétit du consommateur compulsif, plus convaincu de réussir sa vie et d’être libre quand il se rassasie de son présent que lorsqu’il s’investit laborieusement pour un avenir plus substantiel. Mythologie de l’instant stimulant compulsion de répétition. La matrice capitaliste génère ainsi la parfaite dynamique consumériste.
    Briser les socles, les cadres, les piliers de la tradition et snober l’histoire pour mieux jubiler de l’ici et maintenant. Pacs, divorces, sites de rencontres, pornos à foison, pilules, avortements, sexe à crédit, femmes jetables ou femmes libérées pour phallocrate comblé…sous prétexte de progrès tout est agencé pour qu’on puisse ricocher de plaisir en plaisir et ainsi combler à coup sûr ses réflexes libidineux attisés par notre société d’hyper consommation. Aussi faut-il avoir les moyens pour subvenir à ses désirs débridés. De même faut-il avoir beaucoup d’arrogance pour prétendre au grand amour quand il s’agit trivialement de bagatelles à paillettes… Tout cela demeure donc le privilège d’une certaine catégorie sociale : une nouvelle bourgeoisie décomplexée et frivole, à laquelle aspirent depuis plus de quarante ans les couches moyennes persuadées que la quête de paradis mondains est la clé de voûte d’une existence heureuse.
    Ces aspirations libidinales sacralisées ont, au final, corrompu le destin des hommes au point qu’ils se réjouissent désormais de servir dans un monde où la richesse peut acheter l’amour et la liberté.

    Cédric Bernelas

    SourceDiktacratie

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/10/12/le-capitalisme-de-la-seduction-5464118.html