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culture et histoire - Page 1545

  • 885, les Danois à Paris : des Carolingiens aux Capétiens

     

    Entre 885 et 886 les Danois assiégèrent Paris. Nous avons connaissance des péripéties grâce à un texte, extrait du livre Le siège de Paris par les Normands, écrit par un contemporain, Abbon qui fut moine à l’abbaye de Saint Germain des Près. Il s’agit d’une rédaction à posteriori, basé sur la mémoire de l’auteur mais corroboré par d’autres ainsi que par l’archéologie. Le siège a fait des ravages dans les faubourgs, les assiégeants n’ayant pu prendre la cité fortifiée défendue vaillamment par les Parisiens. L’empereur Charles le Gros montra sa faiblesse lors de ce siège, tant et si bien que cela fut annonciateur du début de la fin des Carolingiens, et l’occasion pour une autre dynastie, celle des Capétiens de préparer son avènement.

    La ville est sauvée par la présence et les troupes d’Eudes, Comte de Paris, grand oncle d’Hugues Capet, soutenus par l’évêque Gozlin. Ces deux personnages sont emblématiques de la montée en puissance de l’aristocratie territoriale qui renversera les Carolingiens et imposa les Capétiens.

     

    Si Aix la Chapelle au cœur géographique de l’Empire, était la capitale, Paris était toujours une cité prospère et un point stratégique sur la Seine. Or les Normands, en l’occurrence des Danois, remontaient les fleuves en bateau pour piller les riches campagnes et abbayes de l’Empire. Celui-ci commençait à se déliter suite aux divisions territoriales consécutives à chaque succession. Et aussi suite à la faiblesse des descendants de Charlemagne. Les Danois entendaient remonter la Seine en amont de Paris afin d’aller commettre leurs rapines au-delà, et pensaient que par lâcheté, les Parisiens leur céderaient le passage.

    La détermination de l’évêque Gozlin et le courage de ses ouailles qui leur opposèrent une résistance acharnée à l’abri de l’antique rempart de l’ile de la Cité, les amenèrent à dévaster les faubourgs nord autour de l’abbaye de Saint-Denis. L’Empereur fut sollicité pour venir les combattre : il préféra négocier avec eux et leur accorder le libre passage. Nous comprenons de ce fait, l’opportunité laissée à Eudes, et sa montée en puissance. Issu d’une nouvelle famille de l’aristocratie guerrière, il s’illustra aux côtés des Parisiens.

    I. Des marins redoutables

    Le texte qui nous est parvenu de cette époque lointaine est malgré tout suffisamment précis pour qu’une une étude scrupuleuse lui accorde du crédit. Il évoque « sept cent navires » à « deux lieues en aval » qui se présentèrent sur la Seine au niveau de Paris. On a retrouvé, lors de la construction des fondations du pont d’Iéna, des navires datant de cette époque pouvant transporter huit hommes. Or les bateaux retrouvés en Scandinavie mesurent environ vingt mètres de long sur cinq mètres de large et sont munis d’avirons des deux côtés. Ils étaient équipés de canots, canots mentionnés également dans le récit : « une multitude innombrable de plus petits ». Si on évalue la place que devait tenir une escadre de navires de telles dimensions, l’estimation de « deux lieues » soit huit kilomètres, n’est pas visiblement exagérée, plusieurs navires pouvant avancer de front.

    Les hommes du nord, littéralement « nor mans », étaient divisés en plusieurs peuples, très proches les uns des autres mais qui, selon leurs origines, sont allés commettre des raids à des endroits différents. Les Danois ont beaucoup parcouru la Mer du Nord et la Manche. C’est après l’adoption de la voile au VIIIe siècle qu’ils entreprirent des expéditions plus lointaines jusqu’à Terre Neuve, et en contournant l’Europe par le sud, jusqu’en Sicile. Auparavant ils faisaient du cabotage et remontaient le cours des fleuves, de là leurs incursions et leur installation en Russie. Ils emportaient des chevaux légers pour leurs pillages là où il les commettaient mais ne s’éloignaient jamais des navires qui étaient leurs bases de repli. Dans le cas présent de Paris, ce fut une expédition assez facile, pour eux que de longer les côtes et de remonter le cours de la Seine.

    II. Des païens qui ne respectaient rien

    Les Danois n’avaient pas été encore été convertis au Christianisme, un abîme les séparait des Francs qui avaient vraiment l’impression d’avoir affaire au Diable. Abbon évoque la « race danoise, amie de Pluton » (le Dieu des ténèbres). Les Danois étaient considérés comme cruels par nature. Ils furent décrits souvent par des ecclésiastiques qui ont amplifiés leurs crimes, pourtant leurs raids firent moins de victimes que les guerres civiles internes à cette époque.

    Ils avaient avec eux leur roi, Siegfried, mais celui-ci n’étant pas couronné, encore moins sacré -et pour cause !- comme un roi chrétien. Sa royauté ne signifiait rien aux yeux des Parisiens, en tous cas aucune légitimité. Et ne parlons pas de leurs croyances et de leurs rites dont les contemporains de l’époque n’étaient pas en mesure d’appréhender la moindre signification spirituelle. Lors du siège, leur comportement montra une incompréhension totale de l’ordre Chrétien, ils tuaient sans considération pour l‘âge ou le sexe de leurs victimes, libéraient des serfs, et asservissaient des hommes libres… Un choc culturel pour les Parisiens ! Ils commencèrent par un raid meurtrier sur les habitants des faubourgs nord, près de la tombe du « bienheureux Denis ». L’île de la Cité était protégée, même si une des tours très ancienne donna des inquiétudes quant à sa résistance. Les Parisiens étaient les témoins horrifiés et impuissants de ce qui se passait à l’extérieur des remparts, tentant parfois de venir à la rescousse des victimes.

    III. La fin annoncée des Carolingiens

    ● L’évêque et le comte, Dieu et le glaive

    Siegfried le roi des Danois alla voir l’évêque pour négocier car il représentait néanmoins l’autorité suprême, même s’il y avait partage d’autorité entre l’évêque et le comte. Il était fils de comte, il avait été aussi diplomate et homme de guerre, ayant combattu les Normands et fait prisonnier par eux en 858. C’était un homme d’expérience qui appartenait à cette caste aristocratique qui se partageait autant les bénéfices ecclésiastiques que civils. Mais Eudes, le Comte fit son apparition sur les sommets de Montmartre accompagné de ses guerriers aux casques étincelants sous le soleil, montrant aux Danois que qu’il fallait compter avec lui aussi. Il était le fils de Robert le Fort, mort au combat contre les vikings en 866. Cette présence aux côtés des Parisiens lui vaudra de devenir roi, ce que le narrateur n’oublie pas de mentionner dans son récit : « le futur roi… il allait devenir le rempart du royaume ».

    Au moment de ces évènements, les Carolingiens régnaient sur la Francie occidentale. On sait que ce siège a constitué un des évènements majeurs de ces temps. La situation de Paris inquiétait tout le pays, l’archevêque de Reims avait écrit à l’empereur Charles le Gros pour lui rappeler que la chute de Paris entraînerait celle du royaume tout entier.

    ● Le crépuscule de l’empire

    Avec celui qui était encore Empereur au moment des faits, Charles le Gros, était né l’espoir de la reconstitution de l’Empire, morcelée après le partage de Verdun en 843. Ce petit fils de Charlemagne avait réuni sous son sceptre la Germanie et la Francie occidentale. Mais les partages antérieurs avaient porté atteinte à l’unité de cet ensemble, déjà ses troupes n’avaient plus d’unité linguistique. On sait que le Traité de Verdun signa la séparation linguistique de l’Empire puisqu’il fallut en faire deux versions, l’une étant la version ancestrale du Français et l’autre de l’Allemand. L’Empereur jouissait pourtant encore d’un très grand prestige…

    Las, il laissa pourtant les Danois, aller piller plus en amont, dans le pays de Sens, ce qui n’était jamais que leur visée première, obtenir le passage contre l’assurance de ne pas ravager Paris. Mieux, Charles leur distribua « sept cent livres d’argent » et les Parisiens durent supporter leur présence jusqu’au printemps. En fait, les Danois eurent gain de cause. L’Empereur, déjà malade, et devant affronter beaucoup de problèmes liés à l’immensité de l’empire, ne tarda pas à mourir. Suite à ces évènements, si l’idée d’empire perdura chez les Germains, les Francs de l’ouest se détachèrent et élurent roi, Eudes. Eudes et son frère Robert qui lui succéda sont considérés comme un intermède dynastique, celui des Robertiens, entre les Carolingiens et les Capétiens dont la dynastie ne commença qu’avec Hugues Capet – petit fils de Robert, un siècle plus tard en 987.

    ● Paris au coeur des enjeux

    Au moment du siège, le souvenir de Lutèce est encore vivace même si elle est devenue Paris sous Clovis au Ve siècle, prenant le nom de ses habitants, les Parisii. L’enceinte qui la protégeait datait du IIIe siècle. La Cité était fortifiée au temps des gallo-romains, la ville s’étendait au sud et au sud ouest où avait été fondée l’abbaye de Saint-Germain-des-Près. Saint-Germain-l’Auxerrois, dite « Saint-Germain-le-Rond » est au nord. Le Nord était habité mais à découvert ce qui fit son malheur. Il y avait aussi un vignoble, dont nous avons l’ultime vestige à Montmartre, une des multiples curiosité de la butte.

    A cette époque Paris était déjà reconnue comme une ville magnifique, qui bénéficiait d’un statut de premier plan par ses richesses et leur symbole. Les abbayes déjà nommées étaient détentrices de nombreux trésors, raison de la convoitise des pillards venus du Nord… Il est amusant de voir les aléas du statut de capitale pour Paris, la ville ayant du s’effacer pour Aix la Chapelle quand le territoire de l’Empire s’était « déplacé » plus à l’est alors qu’elle avait été de première importance sous l’Antiquité, des empereurs romains dont Julien l’Apostat et Valentinien y ayant séjourné. Au moment du siège des Danois, Paris n’était pas assuré de redevenir la capitale d’un royaume, celle-ci ne le redevenant que du fait de la sécession de la Francie occidentale dont elle était le coeur.

    * * *

    La siège de Paris et son dénouement augurent de la donne politique du Xe siècle. Les attaques des Normands ont ravagé l’Europe du VIIIe au Xe siècle. Les Pippinides avaient mis un peu plus d’un siècle à supplanter les Mérovingiens pour imposer la dynastie carolingienne. Ils s’étaient hissés au pouvoir par le biais des conquêtes territoriales et en contenant l’expansion arabo-musulmane. Ils se montrèrent, moins d’un siècle après le couronnement de Charlemagne, impuissants devant le péril normand. Ceux qui parvinrent à protéger le royaume les supplantèrent, mais ils mirent un siècle pour y parvenir définitivement. Ce haut fait d’armes des Parisiens sous la protection spirituelle de Dieu incarné par l’évêque mais grâce aux qualités guerrières du comte Eudes, en constituèrent les prémisses.

    Bibliographie :
    ABBON, Le siège de Paris par les Normands, poème du IXe siècle, Paris, Société d’édition les Belles Lettres, Paris, 1942.
    BÜHRER-THIERRY, Geneviève, L’Europe carolingienne, Sedes, Paris, Campus Histoire, 1999.
    ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS, « les Vikings » et « Paris ».

    http://histoire.fdesouche.com/1586-885-les-danois-a-paris-des-carolingiens-aux-capetiens

     

  • Ce que nos enfants n’apprennent plus au collège

    Le saviez-vous ? Clovis, Saint Louis ou François I er , mais aussi Henri IV, Louis XIV ou Napoléon ne sont plus étudiés dans les collèges français ! Rayés des programmes ou relégués en option. Raison invoquée par l’Education nationale: il faut consacrer du temps, entre la sixième et la cinquième, à «l’enseignement des civilisations extra-européennes», de l’empire du Mali à la Chine des Hans. C’est ce scandale pédagogique et culturel que dénonce l’historien Dimitri Casali dans son salutaire Altermanuel d’histoire de France (Perrin), dont Le Figaro Magazine publie des extraits. Superbement il lustré, l’ouvrage se présente comme un complément idéal aux manuels scolaires recommandés (ou imposés) par les professeurs de collège. Qui fixe les programmes scolaires en histoire ? L’enquête du Figaro Magazine montre que la question engage l’avenir de notre société.

    Clovis, Charles Martel, Hugues Capet, Louis IX, dit Saint Louis, François Ier, Louis XIII ont disparu des instructions officielles de sixième et de cinquième. Le programme de sixième passe sans transition de l’Empire romain au IIIe siècle à l’empire de Charlemagne, soit une impasse de six siècles. Les migrations des IVe et Ve siècles (les fameuses «invasions barbares»), pourtant fondamentales dans l’histoire de l’Europe, ne sont plus évoquées.Ces absences sont incompréhensibles. Comment comprendre la naissance du royaume de France sans évoquer Clovis? Comment mesurer «l’émergence de l’Etat en France » sans appréhender le règne de Louis IX? La Renaissance sans connaître François Ier? «L’affirmation de l’Etat » sans expliquer Louis XIII et Richelieu? Tous les historiens s’accordent sur l’importance de ces personnages et de leur œuvre, non seulement politique, mais aussi économique et culturelle.Le règne de Louis XIV est quant à lui relégué à la fin d’un programme de cinquième qui s’étend sur plus de mille ans d’Histoire. Faire étudier aux élèves en fin d’année scolaire cette longue période (1643-1715) tient de la mission impossible, sachant que les enseignants peinent à boucler des programmes surchargés. Ce règne est de plus noyé dans un thème «L’émergence du "roi absolu" » qui s’étend du début du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle. C’est ainsi tout un pan de l’histoire de France qui risque d’être partiellement ou – au pire – pas du tout traité. Le règne de Louis XIV est pourtant décisif, tant dans l’affirmation du «pouvoir absolu» que dans le rayonnement de la civilisation française, en France et à l’étranger, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Le Brun, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Lully, La Fontaine, Corneille… Autant d’artistes et d’écrivains qui risquent de n’être jamais évoqués dans les classes.

    Lire la suite sur LeFigaro.fr

    Bonus : 

    Voici la réponse du manuel Vuibert "Concours professeur des écoles – Système éducatif – L’essentiel en 50 fiches – Concours 2014/2015"  à la question « Qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ? ».

    manuel

     

  • Histoire d’un mensonge : Napoléon n’a pas perdu l’Alsace et la Moselle !

    La guerre de 1870 et la perte de l’Alsace-Moselle qui en a découlé est le principal reproche formulé à l’égard de Napoléon III. Or, la perte des trois départements est davantage le fait de la République naissante que de l’Empereur alors prisonnier, car la perte de ces provinces fut avant tout la sanction infligée par l’Allemagne à la France pour la guerre à outrance voulue par les républicains.

     

    I. Napoléon III et l’impératrice hostiles à la guerre

    Il faut rappeler d’abord que Napoléon III, alors usé par la maladie, était hostile à la guerre et a cherché à l’éviter jusqu’au bout. Le Corps législatif l’a votée sous ses yeux catastrophés, ce même Corps législatif qui avait repoussé la loi Niel de 1867 visant à mettre l’armée française au niveau de l’armée prussienne avec un renforcement des effectifs mobilisables. Il faut rappeler aussi que c’est Bismarck qui voulait la guerre, et non la France.

    La princesse de Metternich, épouse de l’ambassadeur d’Autriche en France, rapporte dans ses Mémoires l’état d’esprit de Napoléon III :
    « l’empereur me parla de ses préoccupations au sujet de la guerre qui menaçait d’éclater ! L’impératrice s’en montrait tout aussi affectée, et on en a menti impudemment en prétendant qu’elle y poussait avec acharnement. Je puis affirmer que tous deux en étaient également effrayés, et qu’ils éprouvaient le plus grand et le plus ardent désir de voir ce fléau évité à leur pays. « On fera tout au monde, disait l’empereur, pour empêcher que la guerre n’éclate, je crains seulement que les esprits ne s’échauffent, et qu’on ne puisse pas endiguer le torrent d’un enthousiasme dangereux qui, s’il se répand, forcera la main au gouvernement. L’opinion publique ne se laisse guère maîtriser par le temps qui court ! » […]
    « Nous allons à l’encontre d’événements d’une gravité extrême, et le meilleur serait d’éviter toute collision ! ». L’impératrice abonda dans son sens et s’écria : « Ah ! que Dieu fasse qu’il n’y ait pas de guerre, mais la paix achetée au prix du déshonneur serait un malheur égal, et la France ne s’en accommoderait pas ! ». Voilà comment l’impératrice Eugénie voulait la guerre. »(Souvenirs). (1)

    II. Les républicains repoussent des propositions de paix avantageuses

    Le 19 juillet, la guerre fut déclarée, puis vint les défaites successives dues à l’infériorité numérique, aux désaccords entre les généraux sur la stratégie à suivre, et à leur incompétence sur le champ de bataille.

    Jules Favre
    Jules Favre.

    Le 4 septembre 1870, deux jours après la capitulation de Sedan, les républicains, appuyés par la trahison de Trochu, proclamèrent la République à l’Hôtel de ville de Paris. La défaite fut une divine surprise pour les républicains comme l’avouèrent certains d’entre eux.

    Voici alors ce que rapporte le baron Eugène Eschassériaux, député bonapartiste, dans ses Mémoires :
    « Le gouvernement du 4 septembre voulant se maintenir à tout prix, avait résolu de ne pas faire la paix et de se lancer dans une guerre à outrance. Le moyen était de tromper le pays et de lui faire croire que la Prusse voulait continuer la guerre. […] Le refus d’armistice était un odieux mensonge sur lequel s’est appuyée toute la politique des gens du 4 septembre et dont la fausseté a été reconnue plus tard par Jules Favre lui-même ». (2)
    Le 18 septembre 1870 eut lieu l’entrevue secrète de Ferrières entre Bismarck et Jules Favre. Bismarck ne demanda que la cession de la ville de Strasbourg et sa banlieue : « [La sécurité de l'Allemagne] ne peut être garantie que par une cession de territoire. Strasbourg est une menace perpétuelle contre nous. Il est la clef de notre maison et nous la voulons. » (3)
    « Nous demandons l’occupation de toutes les forteresses assiégées dans les Vosges, celle de Strasbourg et la garnison de cette place prisonnière de guerre. » (4). Le républicain fit pourtant croire et publier que Bismarck réclamait déjà l’Alsace-Moselle. Jules Favre avouera lui-même son mensonge, comme on le verra par la suite. Par ailleurs, les deux dernières citations de Bismarck sont tirées des écrits de Favre lui-même. Les républicains craignaient un renversement s’ils acceptaient les conditions. « Il n’y avait qu’un moyen d’entraîner le pays, c’était de lui cacher la vérité, et de lui présenter une peinture si exagérée des exigences de la Prusse, que les cœurs se soulevassent d’indignation, et qu’il ne sortît de toutes les poitrines qu’un même cri : la guerre ! »(Paul de Cassagnac, 5).

    Le 20 septembre, Favre déclara que le gouvernement ne céderait « pas un pouce de nos territoires, pas une pierre de nos forteresses ». Le Journal officiel du 22 septembre porta la déclaration mensongère aux Français, lesquels purent y lire que la Prusse réclamait l’Alsace-Lorraine.

    Le 1er novembre 1870 eut lieu une nouvelle rencontre, Bismarck imposa des conditions plus dures qu’à Ferrières : l’Alsace (pas encore la Moselle) et deux milliards de francs-or, ainsi que la convocation immédiate d’une Assemblée nationale. Adolphe Thiers essaya de convaincre, en vain, le gouvernement provisoire de faire la paix, sans quoi la France risquait de subir des pertes plus dures encore, notamment la Lorraine. Le gouvernement républicain resta sourd.

    Finalement, la paix ne fut signée que le 10 mai 1871, la France cédant alors l’Alsace (à l’exception de Belfort) et la Moselle, et versant une indemnité de guerre de 5 milliards de francs-or.

    Quant au mensonge de Jules Favre sur l’entrevue de Ferrières, il ne fut éventé que le 17 février 1871 dans un bureau de l’Assemblée nationale. M. de Valon, député du Lot, alors secrétaire, consigna les propos de Favre. Il les divulgua le 16 juin 1871 à la Chambre. Voici ce qu’écrit le bonapartiste Paul de Cassagnac à ce propos : « Cette révélation était foudroyante. Elle apprenait tout à coup au pays qu’il avait été odieusement trompé par le gouvernement du 4 septembre ; et qu’il aurait pu conclure la paix six mois plus tôt sans céder deux provinces, et sans répandre inutilement le sang de tant de malheureux. » (6). Jules Favre donna alors à la Chambre des députés le 17 juin 1871 une autre version de l’entrevue de Ferrières (7), ce qui revenait à admettre son mensonge. Il affirma que de toute façon, qu’aucun Français n’était prêt à concéder Strasbourg aux Prussiens (!!!) …

    III. Pourquoi les républicains ont menti

    Bismarck ne considérait pas les républicains comme représentants légitimes de la France en 1870-1871. C’est pour cela qu’il demandait comme condition non négociable à la paix la tenue de nouvelles élections. Or, en septembre 1870, les républicains craignaient d’essuyer une large défaite (et de perdre ainsi le pouvoir) dans le cadre d’élections législatives : quatre mois auparavant, plus de sept millions de suffrages venaient encore acclamer l’Empire !
    Les rapports des préfets adressés au gouvernement insurrectionnel en 1870 assuraient d’autre part que les populations rurales étaient restées fidèles à la dynastie impériale.

    Le camouflet pour les républicains aux élections ne vint qu’en février 1871, quand il ne fut plus possible de repousser la paix. A défaut de bonapartistes (Gambetta les empêcha de se présenter par son arrêt du 31 janvier), ce sont les royalistes que les Français envoyèrent en masse à la Chambre des députés.

    L’Empereur eut bon dos pour la perte des trois départements …
    Rappelons qu’il fut favorable à la paix moyennent Strasbourg et sa banlieue.

    Notes : 
    1. METTERNICH Pauline (von), « Je ne suis pas jolie, je suis pire ». Souvenirs. 1859-1871, Paris, Le Livre de Poche, 2010, pp. 176-177.
    2. ESCHASSÉRIAUX Eugène (baron), Mémoires d’un grand notable bonapartiste, 1823-1906, présentées par François Pairault, Saintonge, Sire de Pons, 2000, p. 109.
    3. FAVRE Jules, Gouvernement de la Défense nationale, tome I, Paris, Plon, 1871, p. 165.
    4. Ibid., p. 183. Voir aussi page 440.
    5. CASSAGNAC Paul (de), Histoire de la Troisième République, Paris, Lachaud et cie, 1876, p. 101.
    6. Ibid., pp. 106-107.
    7. « Assemblée nationale » (rapport des débats du 17 juin) dans Journal des débats politiques et littéraires, n° du 18 juin 1871, pp. 2-3. « Je demande quel est le Français qui au 18 septembre aurait accepté la paix en cédant Strasbourg. Strasbourg qui versait son sang, Strasbourg qui était incendiée et qui donnait l’exemple du plus patriotique courage ! » (Favre) – Consulter sur Gallica.

    D’autre part, Journal officiel du 17 juin 1871 :
    De Valon : « M. Jules Favre ne s’est pas contenté de nous déclarer que, contrairement à ce qui avait été mentionnné dans des documents antérieurs, la Prusse, à la date du 17 février, n’avait pas exigé la cession de l’Alsace et de la Lorraine ; il nous a dit qu’à Ferrières, c’est-à-dire le 18 septembre, il avait été question d’autre chose que de l’armistice, que le mot de paix avait été prononcé. Il nous a dit qu’à Ferrières, le 18 septembre, M. de Bismarck lui avait proposé de faire la paix, moyennant la cession de Strasbourg et de sa banlieue. » 
    Plusieurs membres : « Oui, oui, c’est vrai » !« 

  • A lire : La tyrannie médiatique de Jean-Yves Le Gallou

    La-Tyrannie-mediatique-Le-Gallou.jpgLa France et l’Europe vivent à l’heure de la tyrannie médiatique. L’opinion y est façonnée par les grands médias qui infligent leur rythme, dictent leur idéologie et véhiculent les préjugés dominants. Ainsi, les informations adressées aux citoyens et aux agents économiques tendent à imposer, par leur nature, une vision déformée de la réalité. 

         Le phénomène ressemble à la réfraction de la lumière décrite par les physiciens : un rayon lumineux change d’orientation quand, après traversé une couche d’air, il traverse un liquide ; c’est ainsi qu’un pinceau nous paraît brisé lorsque son plumet est plongé dans l’eau. A la réfraction de la lumière répond la réfraction de l’information : il n’y a pas d’événement indépendamment de celui qui en rend compte. Avant d’accéder à un auditeur, un spectateur ou un lecteur, un fait brut est traité par le média qui le diffuse et impose tout à la fois : 

    - Son tempo ; 

    - Sa grille d’analyse idéologique, généralement en phase avec le conformisme dominant (antiracisme, mondialisation, repentance, rupture de la tradition) ; 

    - Ses angles d’approche de l’événement, la focalisation, la marginalisation, voire l’occultation de l’information. 

    - Son vocabulaire, simplificateur mais aussi signifiant au regard du politiquement correct ; 

    - Les intérêts particuliers – électoraux, économiques ou publicitaires – qu’il défend. Informer, c’est porter à la connaissance d’autrui des faits précis, si possibles exacts et vérifiés, mais aussi replacés dans leurs contextes, notamment historique et géographique. Ce travail est long et compliqué pour celui qui informe... et parfois rébarbatif pour celui qui est informé. Mais tel est le prix d’une véritable démarche journalistique. 

         Communiquer, en revanche, implique de scénariser et théâtraliser des données – vraies ou fausses – dans un but idéologique, politique ou commercial. De même que la mauvaise monnaie chasse la bonne (loi de Gresham), la communication sature et remplace l’information : on l’a vu, durant la campagne présidentielle française de 2012, lorsque les équipes des candidats en meeting filmaient leurs propres images, avant de les distribuer aux grandes chaînes, réduites au rôle de simples relais de communication ! Comment traiter un sujet de manière indépendante, voire originale, si l’on ne maîtrise pas la sélection et la production du contenu ? La réponse est simple : ce n’est pas possible. 

         Commercialement, le marché de la communication est beaucoup plus important que le marché de l’information. L’offre y est plus importante notamment grâce à l’explosion des budgets com’ des organismes publics et des entreprises. En outre, la communication exige moins d’efforts pour le consommateur : plus facile à avaler que l’information, elle est plus distrayante et correspond aux exigences du « story telling » - ces contes pour (grands) enfants. 

         Le remplacement de l’information par la communication participe de la marchandisation du monde. Elle est aussi un moyen de le changer puisque l’information transformée en communication n’est plus gouvernée par des règles éthiques de véracité, mais par des jeux de puissance et des règles de marketing, adoptées dans l’objectif de distraire des clients ou de servir les intérêts idéologiques, politiques ou commerciaux des commanditaires. 

         A titre d’exemple, une grande marque d’automobile n’accordera pas de publicité à un journal souhaitant faire une enquête « anxiogène » sur les accidents de la route... En revanche, elle achètera une double page ou un spot de 50 secondes si les journalistes se rabattent sagement sur un sujet ludique vantant les mérites des grosses berlines ou les joies de la conduite sportive. Pour un patron de rédaction dépendant des actionnaires, le choix est alors vite fait entre l’information et la communication. Et le pigiste de bonne volonté peut aller faire des avions en papier avec ses statistiques routières.

    http://www.oragesdacier.info/2014/06/a-lire-la-tyrannie-mediatique-de-jean.html

  • Le dernier Chef d’Etat qui a vécu la guerre...

    Ce 6 juin est sans doute le dernier qui voit autant de vétérans se presser autour des plages du Débarquement : combien seront-ils encore dans une décennie ? Mais, parmi les chefs d’Etat eux-mêmes, il n’y a plus qu’un témoin de ces temps sombres d’une guerre qui a ravagé notre pays et bien au-delà de nos terres et des mers : c’est la reine Elisabeth II,... 

    ...pour laquelle notre République, née orpheline, a des égards tout particuliers, comme si elle avait quelque crime ancien à se faire pardonner, y compris aux yeux de la souveraine britannique...

    Elisabeth durant la guerre, future reine d’Angleterre

    Dans le quotidien La Croix (31 mai-1er juin 2014), c’est Geneviève Jurgensen qui rend un bel hommage à cette vieille dame au regard malicieux qui fut aussi une jeune fille courageuse au moment des bombardements sur l’Angleterre des années 1940 : « (…) Vous étiez à Londres sous les bombes, près de vos parents. Une bombe est tombée sur votre propre maison, le palais de Buckingham, dans les tout premiers jours des tout premiers bombardements. « Grâce à cela, a dit votre mère, je peux regarder dans les yeux les habitants des quartiers est », quartiers populaires et fort peuplés, victimes des premiers Blitz. Pressée par l’opinion publique de vous mettre avec votre soeur à l’abri au Canada, votre mère a répondu : "Mes enfants ne partiront pas sans moi. Je ne partirai pas sans le roi. Et le roi ne partira jamais." » [...]

    Jean-Philippe Chauvin - La suite sur Nouvelle Chouannerie

     
  • Secte : La parole est d’argent

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