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culture et histoire - Page 1548

  • Boko Haram : le prétexte US-raélien ou le 11/9 bis, par Laurent Glauzy

    « Le groupe sanguinaire Boko Haram, de mouvance salafiste, qui revendique la création d’un État islamique dans le Nord du Nigeria, serait-il une construction des États-Unis servant à justifier une intervention au Nigeria ? Ainsi, Boko Haram ne serait qu’une répétition du fameux le 11 septembre, qui a permis, en 2001, l’invasion de l’Afghanistan et du puissant Irak de Saddam Hussein.

    Alain Chouet, officier du renseignement français, ancien chef de poste de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à Damas, avance dans la publication numérique Mondafrique (certainement avec l’approbation de ses supérieurs, dont celui de Hollande) que « Boko Haram est un monstre utile ». Concernant le chef de Boko Haram, Aboubakar Shekau, Chouet demande s’il est « un fou, un drogué irrationnel, un ancien chef de bande ? Les média l’ont décrit ainsi. Mais je l’ai entendu sur des vidéos faire ses revendications dans un arabe classique parfait. Ce qui est loin d’être commun en Afrique. »

    Le groupe armé Boko Haram existe depuis 2002. Mais, aujourd’hui, il ressemble à une armée de milliers d’hommes. Or, un fou drogué et inculte ne peut pas gérer une telle rassemblement.
    Avec l’enlèvement, à la mi-avril, de 223 étudiantes, Aboubakar Shekau donne même l’impression qu’il inscrit sa mouvance dans une logique internationale. Cette action terroriste a nécessité une importante organisation et a entraîné un coût économique.

    Alain Chouet souligne que Boko Haram possède d’importants capitaux lui permettant de rémunérer ses hommes de main, ainsi que d’embrigader et de séquestrer des personnes. Alain Chouet évoque même le va-et-vient, entre Ryad et Kano (repaire de Boko Haram), de valises pleines de dollars.

    L’officier du renseignement ajoute que des valises ont été vues, avec des porteurs différents, transiter par le Soudan, l’Afghanistan, la Lybie, la Syrie, le Mali et la Tunisie.

    Il affirme qu’« il y a une grande quantité de riches donateurs privés » en Arabie Saoudite et au Qatar prêts à fournir des fonds à Boko Haram. Alain Chouet assure que le Nigeria « est un pays où l’intégralité de la rente pétrolière est confisquée par les élites. Ce système a tenu pendant une vingtaine d’années, parce que les cadres de l’administration d’État et de l’armée étaient essentiellement des musulmans du Nord (45 % de la population est islamique), qui distribuaient une petite partie des bénéfices, assez pour calmer la colère populaire, chaque jour confrontée à la corruption du pouvoir. Cependant, à partir de 2000, la situation s’est inversée : la population du Sud a augmenté son contrôle sur le secteur public et l’armée. La finance islamique, entre les mains des banques internationales, a permis d’instrumentaliser cette colère. Jusqu’alors, Boko Haram était un mouvement de révolte locale, agité par des revendications économiques locales. Il n’était donc pas intéressé par le djihad, qui sort plutôt du moule saoudien.

    L’enlèvement des lycéennes, leur conversion de force annoncée le 12 mai par Aboubakar Shekau, et leur libération en échange de celle de prisonniers du groupe islamiste aux mains du gouvernement, ont bien entendu suscité la plus grande indignation dans le monde (à commencer par la femme du président américain Obama). Cette mise en scène sonne bien comme un prétexte orchestré pour légitimer une nouvelle ingérence « humanitaire » occidentale en Afrique. Plusieurs organisations non gouvernementales ont d’ailleurs appelé à l’intervention de l’entité supranationale Illuminati qu’est l’ONU.

    Il est à ce propos intéressant de constater que le nom officiel du groupe est Jama’atu Ahlul Sunna Lidda’awati Wal Djihad, est traduit en arabe par « la communauté des disciples de la tradition de l’Islam pour la prédication et la guerre sainte ». Quant à l’appellation de Boko Haram, qui proviendrait des populations locales du Nord-est du Nigeria, elle signifie en langue haoussa « l’éducation occidentale est un péché » : « boko », de « book », « livre » en anglais, et « haram », « interdit » en arabe - soit le rejet d’un enseignement perverti par l’occidentalisation. Dans un tel contexte terroriste, montée de toute pièce et aussi grossier que le 11 septembre, l’intervention de l’Occident devient une « nécessité ».

    Comment aussi ne pas imaginer que le président nigérian, Jonathan Goodluck a provoqué l’enlèvement de ces étudiantes pour consolider son pouvoir, et celui du pétrole anglo-américain ? De plus, Jonathan Goodluck, évangéliste baptiste – mouvance religieuse proche des États-Unis et de la CIA à laquelle appartient John Davison Rockefeller - a demandé l’aide d’agents secrets israéliens, dans le but unique de libérer les étudiantes (Nigeria News du 20/5/14) ! Voilà une belle occasion offerte à Israël pour s’ingérer dans les affaires de la première puissance économique d’Afrique, pays que connaît néanmoins Jonathan Goodluck pour y effectuer ses pèlerinages. »

     Laurent Glauzy

    http://www.contre-info.com/boko-haram-le-pretexte-us-raelien-ou-le-119-bis-par-laurent-glauzy#more-32873

  • Le chevalier dans l’imaginaire européen

    Malgré l’envahissement des sociétés modernes et, en conséquence, de l’existence quotidienne par les sciences et les techniques, le chevalier demeure un personnage exemplaire car nimbé d’un prestige qui joint les contingences de l’humain aux orbes de la métaphysique. Prestige qui, dans toute l’Europe et bien au-delà, devait survivre à la disparition de l’ancien régime royal et féodal ou, selon les nations, à sa transformation en monarchie constitutionnelle. C’est pourquoi, par exemple, la République française a le pouvoir de conférer, entre autres, le titre de « chevalier de la Légion d’Honneur ». De plus, à travers notre « vieux continent », comme disent les natifs d’outre Atlantique (qui, eux aussi, associent médailles et chevalerie), des ordres célèbres issus du Moyen Âge – de la Toison d’Or à la Jarretière en passant par Calatrava – existent toujours. Tout cela semble dire que l’image du chevalier manifeste quelque chose de fondamental et, de la sorte, d’indissociable de l’identité européenne. 

     

    Dans l’imagination populaire, où se télescopent reliquats de l’Histoire, séquences de cinéma, séries télé et album de B.D. (pardon, de « romans graphiques », selon la dénomination désormais académique), le chevalier est un personnage possédant un ensemble de qualités qui font de lui un être hors du commun, différencié du troupeau de l’humanité ordinaire. À l’exemple de Bayard, « sans peur et sans reproches », on l’imagine prêt à défendre « la veuve et l’orphelin » ; il est le « chic type » qui, semblablement à Martin de Tours, saint patron de notre nation, se montre immédiatement secourable au malheureux quémandant secours. Jadis, il y a trente ans, tout personnage sympathique et courageux qui, de façon fictionnelle ou tangible captivait le public, participait un peu – sinon beaucoup – de la figure du chevalier. Ainsi, sur le petit écran, Tanguy et Laverdure étaient-ils Les Chevaliers du ciel, tandis que le refrain du générique de Starsky et Hutch qualifiait ces policiers de « chevaliers qui n’ont jamais peur de rien ! ». Certes, la comparaison est outrée mais néanmoins fort significative. De façon émouvante, Georges Rémi, alias Hergé, en rédigeant une lettre à son fils Tintin, écrit que la carrière qui attendait ce dernier devait être journalistique mais qu’en réalité elle fut au service de la chevalerie (1). Et même dans l’univers futur que déploie la plus célèbre saga du Septième Art – Star Wars, rassemblant des fans par millions sur toute la planète – l’harmonie et la pax profunda galactique dépendent de l’ordre de chevalerie Jédi.

    CHEVALIER RIME AVEC JUSTICIER

    Nous avons brièvement fait allusion aux qualités du chevalier. Trois d’entre elles émergent et caractérisent le comportement existentiel de ce personnage. En premier le courage, ce « cœur » immortalisant le Rodrigue de Pierre Corneille et qui, dans l’esprit des anciens, impliquait aussi la générosité. Le courage se raréfiant, il ne reste du « cœur » que sa synonymie de générosité ; ce qu’illustre « les restos du cœur » à l’initiative de Coluche. Selon le monde médiéval, celui qui n’est pas avare de son sang est obligatoirement généreux. En second intervient la droiture, qualité exigeant que l’on ne transige pas et que symbolise l’épée du chevalier. Puis s’impose l’humilité, car le chevalier véritable s’interdit tout sentiment d’orgueil, toute hubris aurait dit les Grecs par la voix d’Hésiode. Courage, droiture et humilité, ouvrent une brèche dans la densité de ce que d’aucuns, usant d’un néologisme, nommeront l’ « égoïté », le haïssable « moi-je ». Par ces trois notions, le chevalier prend ses distances d’avec « l’humain trop humain », insatiable accumulateur de médiocrité, dénoncé par Fréderic Nietzsche, le « philosophe au marteau ».Refuser l’hubris et même la combattre farouchement, tant en soi-même qu’à l’extérieur, dans la société, implique de vivre guidé par la diké, c’est-à-dire la justice, affirme encore Hésiode (2). De fait, le chevalier est, par excellence, l’individu qui s’efforce d’avoir en toute circonstance une attitude juste. Gouvernant spirituellement la chevalerie, saint Michel archange tient, comme Thémis, la balance et l’épée. Parce qu’il préside à la psychostasie du Jugement Dernier, la seule référence à sa personne nécessite de se comporter avec équité. Le chevalier est obligatoirement un justicier.Nous venons de citer Hésiode à propos de ces antinomiques polarités que constituent l’hubris et la dyké. Il nous faut revenir sur ce que cet auteur en dit afin de découvrir l’un des soubassements possibles de la chevalerie. Hésiode considère en effet que l’hubris est symptomatique d’une humanité éloignée de l’Âge d’Or. Toutes les conséquences négatives de cette démesure de l’ « égoïté » allaient se précipiter durant le dernier Âge voué au métal du dieu de la guerre, Arès. C’est la raison pour laquelle Zeus, dont Thémis fut une épouse, donna naissance aux héros « ceux-là mêmes qu’on nomme demi-dieux » (3). Les armes à la main, ils œuvrent pour ladyké, même si certains d’entre eux sombrent parfois dans l’hubris (4). Ancêtre d’Héraclès, le modèle même du héros pourrait se nommer Persée. Il annonce les chevaliers de légende en ce que, vainqueur de deux monstres, on le voit brandir l’épée et monter Pégase, le plus mythique de tous les chevaux (5) puisque les ailes dont il est pourvu font que son galop devient un envol. Blasonnant de la tête de Méduse (6), le bouclier offert par Athéna, Persée se révèle un justicier dès lors qu’il renverse la tyrannie que Polydectès exerçait sur l’île de Sériphos et qu’il chassera Acrisios de la cité d’Argos. Le mythe de Persée est apparu d’une telle importance aux yeux des Grecs que pas moins de cinq constellations, sur les quinze principales constituant l’hémisphère boréal, au-dessus du zodiaque, lui sont consacrées (7). C’est également porté par Pégase que Bellérophon affrontera une horreur — et erreur — génétique, la chimère.

    LE CHEVAL ET L’ÉPÉE

    L’équipement du chevalier pourrait se ramener à sa monture et à l’épée (8). Dans l’ancien monde, tout objet, parallèlement à sa destination utilitaire, pouvait revêtir une signification symbolique. Cette omniprésence du symbole contribuait à une mise en mémoire de ce qui s’imposait comme essentiel, fondamental même, pour les individus et la société qu’ils composaient. Un cheval ou une épée relèvent de l’utilitaire : avec un coursier, on augmente les possibilités de couvrir de longues distances et, par une arme, on peut sauvegarder son intégrité corporelle. Mais l’animal et l’objet se chargent également de significations symboliques explicitant ce que Mircea Eliade nommerait un « changement radical de statut ontologique » (9).Le cheval, « la plus belle conquête de l’homme » selon un dicton bien connu, permet donc d’aller plus vite et plus loin. Ce qui sous-entend que le dressage de l’équidé confère une capacité à outrepasser le conditionnement temporel et spatial. La monture représente le corps d’un individu – sa composante animale (10) – et l’équitation est métaphorique d’une totale maîtrise des instincts inhérents au corps. La maîtrise, voila le mot clef. Le chevalier idéal se distingue du commun des mortels ou même d’un simple cavalier par la faculté de se dominer, de posséder le commandement absolu sur son corps et sur le psychisme que conditionne la densité physiologique (11). Ajoutons que le déplacement du cheval s’opère selon un triple mode : le pas, le trot et le galop. Le pas s’accorde au rythme de l’homme et, par conséquent, au monde des corps physiques, au domaine matériel qui nous entoure. Le trot représenterait le monde subtil, celui de l’âme ou, si l’on préfère et pour se rapprocher de l’interprétation des anciens, du « Double », le corps de nature subtile, la « physiologie mystique »(12) dirait encore Eliade. Enfin, le galop qui, métaphoriquement, à l’image de Pégase, faisant que le coursier s’envole, correspond à l’illimité des corps glorieux, là où règne la pure lumière divine (13). Ces trois états résument la constitution de l’être et de ce qui, au-delà du perceptible, appartient à l’éternité.Celui qui possède la maîtrise qu’illustre l’équitation a le droit de porter une arme, en l’occurrence l’épée. Par la brillance de sa lame, l’épée apparaît métaphorique d’un éclairement car l’acier bien fourbi reflète la lumière et se confond avec. Comme le note Gilbert Durand, cette arme — surtout brandie par un chevalier — se mue en un« symbole de rectitude morale » (14). Dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, le maître d’armes de Perceval, lors de l’adoubement chevaleresque de son élève, lui dit qu’avec l’épée « il lui confère l’ordre le plus élevé que Dieu ait établi et créé, l’ordre de chevalerie qui n’admet aucune bassesse » (15). Gilbert Durand ajouterait que « La transcendance est toujours armée » (16). D’autant plus que dans le symbolisme chrétien, saint Paul nous le rappelle (17), l’épée c’est le Verbe ; ce que confirme saint Jean l’Évangéliste lors de sa la vision d’un être au corps glorieux dont le visage ressemblait « au soleil lorsqu’il luit dans sa force » tandis que « de sa bouche sortait un glaive aigu à double tranchant » (18). Le Verbe, autrement dit la parole, ce qui implique l’écriture et les mots qui naissent des lettres, se change en épée ; comme pour dire que, selon l’ancien monde, le langage à la source d’une civilisation est indissociable de la lumineuse rectitude joignant, par l’ethos qu’elle nécessite, l’humain au divin.Prenant en quelque sorte le relaie des helléniques pourfendeurs de monstres, le Christianisme suscite, sous l’autorité de l’Archange de justice, toute une phalange de saints combattants : Georges, Théodore, Victor, si bien nommé, ou encore Véran. À côté de ces bienheureux en armes, le chevalier idéal, tel que le Moyen Âge l’a imaginé et que le monde moderne en rêve encore, s’oriente spirituellement vers une source de clarté divine. D’autant plus qu’à la même époque, passage du XIIè au XIIIè siècle, surgissent les cathédrales gothiques – vouée à la lumière de par la prépondérance des vitraux — et toute une littérature chevaleresque consacrée à un objet illuminant comme l’astre diurne et synonyme de suprême connaissance : le Graal.Pour les auteurs de ces récits en vers ou en prose, il ne fait aucun doute que le but et l’idéal de toute chevalerie consiste à rejoindre un calice miraculeux. Mais qu’est-ce que le Graal ? Le symbole d’une transformation radicale de l’être, sa rencontre avec le principe divin qu’il porte en lui. Mon regretté maître en Sorbonne, Jean Marx, disait que la signification du Graal était exposée sur une pièce archéologique d’une extrême importance découverte au Danemark et datée du premier siècle avant notre ère. Il s’agit du célèbre chaudron celtique de Gundestrup (19) dont la signification rituelle ne fait aucun doute puisque huit divinités, occupant sa surface extérieure, le situe symboliquement in medio mundi dès lors qu’elles semblent regarder vers les directions cardinales et intermédiaires de l’espace.

     

     

     

  • [Paris, 6 juin 2014] Colloque sur la Charte de 1814

    Le vendredi 6 juin 2014 de 9h à 17h

    l’Institut Michel Villey organise une journée d’études intitulée

    La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 Réflexions pour un bicentenaire

     

  • Faux et truquages historiques : 200 photographies et documents commentés

    « C’est le faux dans ses applications quotidiennes, ban­caires, artisti­ques, commerciales, historiques, diplomatiques, qui est étalé et démontré dans ce livre, à l’aide de docu­ments photographiques » 

    (par Fabrice Dutilleul)

    Qui est l’auteur ?

    Paul Allard a été un soldat affecté aux service de la Censure durant la Grande Guerre. Durant l’Entre-deux-Guerres, il devient un auteur fort connu pour ses livres : Les secrets de la censure durant la guerre, Les dessous de la guerre et Les dessous du Traité de Versailles, tous écrits grâce à des documents recopiés dans les services de la censure. Il devient un publiciste des classes moyennes, opposé à l’inquisition fiscale.

    En 1941, il publie un excellent petit livre Les provocateurs à la guerre, où il dénonce pêle-mêle les Reynaud, Daladier, « Mandel »-Rothschild, Blum et Zay, les écrivains et journalistes bellicistes, juifs, marxistes et ni juifs ni marxistes (les Benda, Duhamel, « Pertinax », Kérillis, Tabouis, Bois, Buré, etc.)…

    Et que devient-il ?

    À la fin de la guerre, ce livre lui vaut d’être inscrit sur les deux listes « infâmantes » des vengeurs du Comité National des Écrivains (la liste du 19 septembre et celle du 21 octobre 1944).

    Arrêté, il meurt en prison, en 1945, avant d’avoir été jugé. Il a toujours été anti-communiste. Il est taxé « d’antisémitisme » pour avoir dénoncé, dans son livre de 1941, les politiciens, journalistes et écrivains juifs qui réclamaient depuis 1933 la guerre contre le Reich. (Il ne doit pas être confondu avec l’immigré italien Giulio Cerreti, communiste ayant fui l’Italie fasciste et devenu membre du Comité Central du PCF de 1932 à 1945 sous le pseudonyme de Paul Allard).

    De quand date la première éditon de Faux et truquages historiques et de quoi traite le livre précisément ?

    Il est paru en 1934 sous le titre Usines de faux. L’auteur y dénonceune industrie que n’atteint pas la crise : celle du faux ! Car c’est une industrie. Développée par le machinisme, elle possède ses techniciens. Favorisée par le capitalisme, par le mercantilisme, elle travaille à pleins bras, « en tous genres », rémunératrice, multiforme, et internatio­nale. Elle ne redoute pas la surproduction. Ses adeptes ne con­naissent pas le chômage, et, chaque jour, de nouveaux dé­bouchés lui sont offerts.

    C’est le faux dans ses applications quotidiennes, ban­caires, artisti­ques, commerciales, historiques, diplomatiques, qui est étalé et démontré dans ce livre, à l’aide de docu­ments photographiques. Certes, le faux est de toute éternité, et Paul Allard aurait pu remonter au déluge s’il s’était donné pour objet d’en retracer l’histoire intégrale. C’est un témoignage de son temps. La grande diffi­cul­té a été de choisir. La guerre a donné un essor considérable à l’industrie du faux. La guerre est le triomphe du mensonge.

    Sommaire : La fraude fiscale… Michel Chasles et Vrain-Lucas… La tiare de Saïtapharnès… Quelques gangsters du crédit… Retrouvons la monnaie… Truquages pour amateurs d’antiquités… Et l’affaire Stavisky ?… Le faux d’Utrecht… L’affaire Dreyfus… Les Protocoles de Sion… 200 photographies et documents sont ainsi commentés.

    Faux et truquages historiquesPaul Allard, en collaboration avec Jean loubèsÉditions Déterna, collection « Documents pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 230 pages, 25 euros.

    www.francephi.com

  • Georges Clemenceau (1841 - 1929)On l'appelait « le Tigre »

     

    Georges Clemenceau (*) est une figure majeure des débuts de la IIIe République et de la Première Guerre mondiale.

    Il fut aussi une personnalité d'exception dans tous les sens du terme : journaliste hyperactif et spirituel, grand voyageur, collectionneur d'art féru d'Histoire ancienne et de spiritualité asiatique, amateur de femmes, duelliste etc.

    Élu de gauche ou d'extrême-gauche, contestataire-né et laïc militant, il dénonça les conquêtes coloniales et l'influence du clergé.

    Mais c'est seulement à 65 ans qu'il entra au gouvernement et il attendit encore quelques mois pour en prendre la tête... Songeons que c'est au même âge qu'une autre personnalité d'exception,Winston Churchill, devint Premier ministre.

    Au gouvernement, Georges Clemenceau se montra un farouche partisan de l'ordreet réprima sévèrement les manifestations de mineurs ou de viticulteurs tout en déployant une intense activité réformatrice en vue d'améliorer la condition ouvrière. Il négocia aussi la séparation des Églises et de l'État 

    Il donna enfin sa pleine mesure à la fin de la Grande Guerre, quand, appelé une nouvelle fois à la présidence du Conseil, il rassembla toutes les énergies en vue de la victoire finale.

    André Larané

    Un médecin en politique

    Georges Clemenceau est né à Mouilleron-en-Pareds (Vendée) le 28 septembre 1841. Enfant, il séjourne dans le manoir médiéval de l'Aubraie. Son père, médecin, laïc et ardent républicain, par ailleurs peintre et dessinateur talentueux, le rallie très tôt à ses idées.

    Étudiant à Paris, le jeune homme bénéficie de la protection d'Étienne Arago, un ami de la famille.

    Il est emprisonné pendant dix semaines, sous le Second Empire, pour avoir tenté de commémorer avec ses amis l'insurrection républicainede février 1848. Incarcéré dans la prison de Mazas, sur le boulevard Diderot, à Paris, cela lui donne l'occasion de faire la connaissance d'Auguste Blanqui, un éternel insoumis.

    Suite à une peine de coeur, il prend le bateau pour les États-Unis en 1865. Il va y séjourner quatre ans comme professeur de français et d'équitation et correspondant du journal Le Temps. Il en revient quatre ans plus tard avec une bonne connaissance de la langue anglaise (rarissime chez les Français de sa génération) et une jeune épouse américaine, Mary Plummer, dont il se montre très amoureux, au moins dans les premières années du mariage.

    À 29 ans, il s'apprête comme son père à suivre une carrière de médecin, « monte » à Paris et ouvre un cabinet à Montmartre, 23, rue des Trois-Frères. À cette occasion, il se lie d'amitié avec Louise Michel, institutrice dans le quartier. Mais la guerre le rattrape.

    Après la défaite de Sedan, l'amitié d'Étienne Arago lui vaut d'être nommé maire provisoire de Montmartre par le gouvernement de la Défense nationale, en septembre 1870. Il dénonce l'armistice de janvier 1871 qui consacre la défaite de la France face aux armées prussiennes et affiche une proclamation où l'on peut lire : « On vous a livrés sans merci. Toute résistance a été rendue impossible ».

    Le 18 mars 1871, il assiste, impuissant, au massacre des généraux Lecomte et Clément-Thomas par la populace de Montmartre. De ce massacre va sortir laCommune. Révulsé par la violence de la foule, Clemenceau en comprend néanmoins l'origine : les souffrances du siège et l'exaspération devant le défaitisme des dirigeants. Il va dès lors plaider pour l'amnistie des Communards, sans cacher son mépris pour « Monsieur Thiers », propagandiste de la République conservatrice.

    Un leader radical

    Sous la IIIe République, en 1876, Clemenceau se fait élire député de Paris sans interrompre son activité de médecin. Grâce à ses talents d'orateur, il prend la tête de la gauche que l'on dit « intransigeante » ou« radicale ».

    À cette place, il s'en tient longtemps à un rôle d'opposant actif qui lui vaut le surnom de « tombeur de ministères ». Ainsi combat-il avec succès les gouvernements « opportunistes » de Jules Ferry.

    Injustement soupçonné d'avoir reçu de l'argent de Cornelius Herz, lors duscandale de Panama, il est battu aux élections et doit vendre une bonne partie de ses collections d'art asiatique pour rembourser ses dettes. 

    Il se consacre dès lors au journalisme mais revient en grâce avec l'Affaire Dreyfus. Convaincu de l'innocence du capitaine par son frère Mathieu Dreyfus, il s'engage résolument dans le camp dreyfusard et, lors d'une conférence de rédaction épique, donne à l'article d'Émile Zola, dans son journal L'Aurore, le titre qui fera sa célébrité : J'Accuse !

    Clemenceau retrouve enfin une tribune en étant élu sénateur du Var en 1902 et s'impose comme le chef du mouvement radical, à l'extrême-gauche de l'échiquier politique, sans pour autant s'affilier au nouveau « parti républicain radical » (ni à aucun autre parti d'ailleurs).

    Le 13 mars 1906, à 65 ans, le « tombeur de ministères » accède pour la première fois à un poste ministériel.

    Ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Ferdinand Sarrien, il est aussitôt mis à l'épreuve par la catastrophe de Courrières survenue trois jours plus tôt : après avoir courageusement tenté de raisonner les mineurs éprouvés par le drame, il fait donner la troupe pour éviter que leur grève ne paralyse le pays.

    Sept mois plus tard, le 18 octobre 1906, Clemenceau forme enfin l'un des plus longs ministères de la IIIe République, du 18 octobre 1906 au 20 juillet 1909 (trente-trois mois ! un exploit sous la IIIe République). L'énergie qu'il met dans la modernisation de la police et la lutte contre les malfrats lui vaut le surnom de « Tigre » (et c'est encore le profil d'un tigre et de Clemenceau qui figure dans le logo de la police nationale !).

    Dans son équipe figure pour la première fois un ministre du Travail, le socialiste René Viviani. Le ministre de la Guerre n'est autre que le général Picquart, quelques années plus tôt sanctionné par sa hiérarchie pour avoir pris fait et cause en faveur de Dreyfus.

    Le président du Conseil confirme son sens particulier du dialogue social lors des manifestations de vignerons languedociens victimes de la surproduction et de la mévente du vin. Il mène aussi à son terme la séparation des Églises et de l'État avec Aristide Briand, ministre de l'Instruction publique et des Cultes.

    Son ministre des Finances, Joseph Caillaux, qui deviendra pendant la guerre son ennemi inexpiable, propose l'impôt progressif sur le revenu mais le projet est bloqué par le Sénat.

    Va-t-en-guerre  

    De retour dans l'opposition, pendant les années qui précèdent la Grande Guerre, Clemenceau trouve le temps de faire un grand voyage en Amérique latine, notamment en Argentine et au Brésil, en 1910, où il est accueilli en héros. Mais de retour en France, il s'applique à préparer le pays à un nouveau conflit avec l'Allemagne.

    En 1913, il fonde un journal L'Homme libre. On peut y lire un article intitulé « Vivre ou mourir » avec cette adresse aux jeunes (lui-même a 72 ans) : « Un jour, au plus beau moment où fleurit l'espérance... tu t'en iras... au-devant de la mort affreuse qui fauchera des vies humaines en un effroyable ouragan de fer. Et voilà qu'à ce moment suprême... ta cause te paraîtra si belle, tu seras si fier de tout donner pour elle que, blessé ou frappé à mort, tu tomberas content ! »

    Dès le début de la Grande Guerre, il ne se prive pas de critiquer le gouvernement et l'état-major, l'un et l'autre trop soumis à l'autorité du général Joffre. Le 7 octobre 1914, son journal L'Homme libre devient L'Homme enchaîné, en guise de protestation contre la censure. Mais lui-même multiplie les visites sur le front, ce qui lui vaut un regain de popularité chez les combattants. 

    À l'automne 1917, à un moment crucial de la guerre, son vieux rival le président Raymond Poincaré se résout à l'appeller à la tête du gouvernement, prenant acte de sa détermination à poursuivre la guerre jusqu'à la victoire totale. Georges Clemenceau rassemble alors toutes les énergies du pays en vue de lavictoire, ce qui lui vaut un nouveau surnom, « Le Père de la Victoire ». Avec affection, les combattants des tranchées l'appellent plus simplement « Le Vieux ».Jusqu'au-boutiste

    Clemenceau, qui veut combattre jusqu'à l'écrasement de l'adversaire, n'hésite pas à poursuivre en justice les partisans d'une paix de compromis, tel Joseph Caillaux. Il torpille aussi les négociations de paix du jeune empereur d'Autriche Charles 1er en publiant ses lettres secrètes échangées avec le quai d'Orsay.

    Mais à l'heure de la victoire, il décide, contre l'avis du président Poincaré, de signer l'armistice sans délai, renonçant à pénétrer en Allemagne, voire à gagner Berlin. Scrupule humanitaire ? Ou crainte que les Américains ne volent la victoire aux Français en arrivant les premiers à Berlin ? Les nationalistes allemands tireront plus tard argument de ce que leur territoire n'a pas été envahi pour attribuer la défaite à un « coup de poignard dans le dos » porté par des traîtres, essentiellement juifs...

    Une fois le conflit terminé, Clemenceau introduit dans le traité de paix de Versailles des termes humiliants qui, à son corps défendant, serviront, plus tard, les desseins d'Adolf Hitler. Sous la pression des négociateurs anglais et américains, il ne peut  empêcher d'autre part l'éclatement de l'Autriche-Hongrie en une myriade de petits États indéfendables qui se révèleront des proies idéales pour le IIIe Reich hitlérien.

    Il doit malgré tout essuyer des critiques de ceux qui lui reprochent d'avoir été trop modéré dans les négociations de paix avec les vaincus et le qualifient ironiquement de  « Perd-la-Victoire ».

    Immensément populaire, Georges Clemenceau est élu par acclamation à l'Académie française - où il ne siègera jamais - et va rester à la tête du gouvernement jusqu'au 18 janvier 1920. L'attentat manqué d'un jeune anarchiste, Émile Cottin, lui vaut un surcroît de popularité... et une balle dans le poumon, qui ne sera jamais extraite. Retraite active

    Quand ses amis évoquent une possible candidature à la présidence de la République, il ne s'y oppose pas car il pense de la sorte pouvoir veiller à l'application stricte du traité de Versailles, face au laxisme supposé des Anglo-Saxons. Mais comme ni la droite, ni les socialistes et Briand ne veulent de lui, il renonce à présenter sa candidature et laisse la place à Paul Deschanel. Celui-ci devra démissionner neuf mois plus tard pour raisons de santé.

    Clemenceau se retire en Vendée, à Saint-Vincent-sur-Jard, dans sa « bicoque » de Bélébat, face à l'océan.

    Il effectue aussi d'ultimes et grands voyages. D'abord en Orient de septembre 1920 à avril 1921, s'arrêtant dans la vallée du Nil puis traversant de bout en bout les Indes britanniques et les Indes néerlandaises (Indonésie), de Peshawar à Bali avec un détour par Ceylan et une halte aux grottes d'Ajanta (haut lieu du bouddhisme) ! Au printemps 1921, il rend visite en Angleterre à Churchill et Kipling. À l'automne 1922, il est invité aux États-Unis et acclamé par les foules.

    Globe-trotter impénitent, il ne va toutefois jamais atteindre le Japon en dépit de sa passion pour le bouddhisme et la culture nippone, en phase avec le « japonisme » de son époque.

    Cette passion remonte à ses années d'études, quand il se lia d'amitié avec Saionji Kinmochi, un étudiant japonais qui allait devenir lui aussi le chef du gouvernement de son pays et retrouver Clemenceau à la table de négociations du traité de Versailles, en 1919 !

    Après que le « Tigre », dans ses années de jeunesse, se fut battu en duel avec un énergumène qui avait craché sur l'Olympia de Manet, il se lia avec le milieu artistique et noua une amitié durable avec le critique d'art Gustave Geoffroy.

    Il conserva des rapports étroits avec les artistes de son temps comme Bourdelle ou Rodin et défendit avec la dernière énergie la peinture de son vieil ami Claude Monet, lequel, reconnaissant, offrit les Nymphéas à la République française après la Grande Guerre. Cette série de toiles monumentales bénéficie aujourd'hui d'un écrin lumineux à l'Orangerie des Tuileries (Paris) où elle a été installée officiellement le 17 mai 1927.

    Georges Clemenceau meurt le 24 novembre 1929, dans son appartement parisien, 8, rue Benjamin Franklin. Inhumé dans le parc de la maison familiale de Mouchamps, auprès de son père, il emporte dans la  tombe un bouquet de fleurs que lui ont remis des poilus lors d'une visite du front et qui ne l'a jamais quitté.À la retraite, le vieil homme trouve encore le temps d'écrire. Il rédige Grandeurs et misères d'une victoire pour justifier son intervention au traité de Versailles, et également une biographie de Démosthène, sur une suggestion de sa dernière amie de coeur, Marguerite Baldensperger.

    Une personnalité explosive

    Georges Clemenceau ne fut pas seulement un homme d'État exceptionnel mais aussi une personnalité explosive et caustique, connue pour ses bons mots. Redoutable bretteur et doté d'un grand courage physique, Clemenceau ne rechignait pas à convoquer sur le pré ses adversaires. Il se battit ainsi en duel, au sabre ou au pistolet, avec Déroulède, Drumont et également le pauvre Deschanel.

    Clemenceau nourrissait par ailleurs une grande tendresse pour les femmes, même s'il n'a pas eu autant de liaisons que lui en prête la rumeur. Il n'est que de considérer le volumineux recueil de ses Lettres à une amie, adressées dans son grand âge à Marguerite Baldensperger. Lui-même ne s'est jamais vanté de ses succès féminins et son biographe Jean-Baptiste Duroselle relève qu'aucune femme, y compris parmi les comédiennes de son entourage, n'a confessé une liaison avec le grand homme.

    Il ne pardonna pas pour autant à sa propre épouse, dont il vivait séparé de fait, une fugace liaison avec le jeune précepteur normalien de ses enfants : en personne, il conduisit la police dans la chambre d'hôtel où les deux amants s'étaient réfugiés et permit que l'épouse infidèle fut envoyée en prison. Après quoi, en mars 1892, ayant obtenu le divorce et sans laisser à la pauvre Mary le temps de rentrer chez elle et voir leurs trois enfants, il la renvoya aux États-Unis avec un billet de troisième classe.

    On peut lire bien évidemment de nombreuses biographies sur le « Tigre », dont celles de Jean-Baptiste Duroselle (de loin la plus complète et la plus dense) et de Michel Winock, qui met l'accent sur la personnalité du Tigre (Perrin, 2007). La biographie de Philippe Erlanger (Grasset, 1968) est sans doute la plus caustique de toutes.

    Citons également un ouvrage très richement illustré : Portrait d’un homme libre (Mengès, 2005), par Jean-Noël Jeanneney, dont le grand-père Jules Jeanneney fut un proche collaborateur de Clemenceau et participa à son gouvernement de guerre.. Jean-Noël Jeanneney a aussi préfacé la réédition de Grandeurs et misères d'une victoire (Perrin, 2010).

    Clemenceau et Churchill, deux génies de la guerre

    À trois décennies d'écart l'un de l'autre, trois hommes d'exception ont croisé le destin de leur pays respectif, à un moment clé de l'Histoire : Lincoln (1809-1865), qui mena son camp à la victoire dans la guerre de Sécession, Clemenceau (1841-1929) dans la Grande Guerre, Churchill (1874-1965) dans la Seconde Guerre mondiale.

    Il est piquant de recenser les fortes similitudes entre le Français et le Britannique... L'un et l'autre ont témoigné tout au long de leur longue vie d'une énergie hors du commun. Ils ont gagné la notoriété grâce à leurs articles et leurs livres et ont accédé enfin à un rôle historique à l'heure où la plupart des gens avaient déjà pris leur retraite.
    - Clemenceau devint ministre à 65 ans et c'est à 76 ans seulement, en 1917, qu'il assuma la charge de chef de guerre qui lui valut la reconnaissance éternelle de ses concitoyens,
    - Churchill accéda aux postes ministériels beaucoup plus tôt mais c'est à 66 ans, en 1940, qu'il dut à lui tout seul contenir la furie hitlérienne. 
    Quelques mois décisifs ont suffi à l'un et l'autre pour gagner une place de premier plan dans l'Histoire, le premier avec le surnom de « Tigre », le second avec celui de « Vieux Lion » (en référence au symbole héraldique de la monarchie anglaise !

    Relevons tout de même aussi ce qui les différencie : Clemenceau, issu d'une vieille famille de la bourgeoisie de province, a mené un train de vie honorable et sans ostentation ; Churchill, cadet d'une famille ducale, a mené un train de vie de grand aristocrate - mais avec les revenus de ses livres bien plus que de ses héritages. Le premier était opposé aux conquêtes coloniales, le second un fervent partisan de l'Empire britannique. Enfin, il semble que le premier était beaucoup plus enclin aux aventures féminines que le second
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    http://www.herodote.net/On_l_appelait_le_Tigre_-synthese-205-430.php

     

  • Extrêmes droites mutantes en Europe

    Lundi 26 mai 2014. Avec un Front national obtenant 25,6 % des voix, la France ne fait malheureusement pas figure d’exception en Europe. Au Danemark, le Parti populaire (Dansk Folkepartis) prend la première place avec 26,7 % des suffrages. Comme attendu, le parti nationaliste flamand gagne la partie en Belgique (18,4 %). On pourrait ajouter à cette liste l’Ukip, au Royaume Uni (27,5 %) ou le FPÖ (20,5%) en Autriche. Cette montée de partis parfois antisémites, le plus souvent antimusulmans, qui défendent une conception ethnique de la nation s’inscrit dans une longue mutation (voir aussi le récent Manière de voir intitulé « Nouveaux visages des extrêmes droites »). 

    Extrêmes droites mutantes en Europe

    Depuis une trentaine d’années, un peu partout en Europe, les extrêmes droites ont le vent en poupe. Si quelques partis imprègnent leurs diatribes de références néonazies, la plupart cherchent la respectabilité et envahissent le terrain social. Se présentant comme le dernier recours et comme un rempart contre une supposée islamisation de la société, ils poussent à une recomposition des droites.

    par Jean-Yves Camus, mars 2014

    Si l’on fait remonter l’émergence des populismes d’extrême droite au début des années 1980, plus de trente ans ont passé sans qu’apparaisse plus clairement une définition à la fois précise et opérationnelle de cette catégorie politique. Il faut donc tenter d’y voir plus clair dans la catégorie fourre-tout de ce que l’on nomme communément « extrême droite » ou « populisme » (1).

    En Europe, depuis 1945, le terme d’« extrême droite » désigne des phénomènes très différents : populismes xénophobes et « antisystème », partis politiques nationaux-populistes, parfois fondamentalismes religieux. La consistance du concept est sujette à caution, dans la mesure où, d’un point de vue plus militant qu’objectif, les mouvements affublés de cette étiquette sont interprétés comme une continuation, parfois adaptée aux nécessités de l’époque, des idéologies nationale-socialiste, fasciste et nationaliste autoritaire dans leurs diverses déclinaisons. Ce qui ne reflète pas la réalité.

    Certes, le néonazisme allemand — et le Parti national-démocratique d’Allemagne (NPD) dans une certaine mesure — comme le néofascisme italien (réduit à CasaPound Italia, Flamme tricolore et Force nouvelle, soit 0,53 % des voix au total) s’inscrivent bien dans la continuité idéologique de leurs modèles, de même que les avatars tardifs des mouvements des années 1930 en Europe centrale et orientale : Ligue des familles polonaises, Parti national slovaque, Parti de la Grande Roumanie. Toutefois, au plan électoral, seul le défunt Mouvement social italien (MSI), dont l’histoire s’interrompt en 1995 avec le tournant conservateur impulsé par son chef Gianfranco Fini, a réussi à sortir cette famille politique de la marginalité en Europe occidentale (2) ; et à l’Est, elle marque aujourd’hui le pas (voir « Scores de l’extrême droite en Europe »). Même si les succès d’Aube dorée en Grèce et du Jobbik en Hongrie (3) prouvent qu’elle n’est pas définitivement enterrée, en 2014 elle est très minoritaire.

    Acceptation de la démocratie parlementaire

    L’époque ne prisant guère les grandes idéologies qui prônent l’avènement d’un homme et d’un monde nouveaux, les valeurs de cette extrême droite traditionnelle s’avèrent inadaptées. Le culte du chef et du parti unique convient mal aux attentes de sociétés éclatées, individualistes, dans lesquelles l’opinion se forge à travers les débats télévisés et la fréquentation des réseaux sociaux. Toutefois, le legs idéologique de cette extrême droite « à l’ancienne » reste fondamental. C’est d’abord une conception ethniciste du peuple et de l’identité nationale, dont découle la double détestation de l’ennemi extérieur — l’individu ou l’Etat étranger — et de l’ennemi intérieur — les minorités ethniques ou religieuses et l’ensemble des adversaires politiques. C’est aussi un modèle de société organiciste, souvent corporatiste, fondé sur un antilibéralisme économique et politique niant le primat des libertés individuelles et l’existence des antagonismes sociaux, si ce n’est celui opposant le « peuple » et les « élites ».

    Les années 1980-1990 ont vu le succès électoral d’une autre famille, que les médias et nombre de commentateurs ont continué à appeler « extrême droite », même si certains sentaient déjà que la comparaison avec les fascismes des années 1930 n’était plus pertinente, qu’elle empêchait la gauche d’élaborer une réponse autre qu’incantatoire à ses adversaires. Comment nommer les populismes xénophobes scandinaves, le Front national (FN) en France, le Vlaams Belang en Flandre, le Parti libéral d’Autriche (FPÖ) ? La grande querelle terminologique commençait, qui n’est pas encore close. « National-populisme » — utilisé par Pierre-André Taguieff (4) —, « droites radicales », « extrême droite » : l’exposé des controverses sémantiques qui opposent les politistes nécessiterait un livre entier. Suggérons donc simplement que les partis mentionnés ont muté de l’extrême droite vers la catégorie des droites populistes et radicales.

    La différence tient à ce que, formellement et le plus souvent sincèrement, ces partis acceptent la démocratie parlementaire et l’accession au pouvoir par la seule voie des urnes. Si leur projet institutionnel reste flou, il est clair qu’il valorise la démocratie directe, par le moyen du référendum d’initiative populaire, au détriment de la démocratie représentative. Le slogan du « coup de balai » destiné à chasser du pouvoir des élites jugées corrompues et coupées du peuple leur est commun. Il vise tout à la fois la social-démocratie, les libéraux et la droite conservatrice.

    Le peuple est pour eux une entité transhistorique englobant les morts, les vivants et les générations à venir, reliés par un fonds culturel invariant et homogène. Ce qui induit la distinction entre les nationaux « de souche » et les immigrés, en particulier extra-européens, dont il faudrait limiter le droit de résidence ainsi que les droits économiques et sociaux. Si l’extrême droite traditionnelle reste à la fois antisémite et raciste, les droites radicales privilégient une nouvelle figure de l’ennemi, à la fois intérieur et extérieur : l’islam, auquel sont associés tous les individus originaires de pays culturellement musulmans.

    Les droites radicales défendent l’économie de marché dans la mesure où celle-ci permet à l’individu d’exercer son esprit d’entreprise, mais le capitalisme qu’elles promeuvent est exclusivement national, d’où leur hostilité à la mondialisation. Ce sont en somme des partis nationaux-libéraux, qui admettent l’intervention de l’Etat non plus seulement dans les champs de compétence régaliens, mais aussi pour protéger les laissés-pour-compte de l’économie globalisée et financiarisée, comme en témoigne le discours de Mme Marine Le Pen, présidente du FN (5).

    En quoi les droites radicales se distinguent-elles finalement des droites extrêmes ? Avant tout, par leur moindre degré d’antagonisme avec la démocratie. Le politologue Uwe Backes (6) montre que la norme juridique en vigueur en Allemagne admet comme légitime et légale la critique radicale de l’ordre économique et social existant, tandis qu’elle définit comme un danger pour l’Etat l’extrémisme, qui est un rejet en bloc des valeurs contenues dans la Loi fondamentale. Sur la base de cette classification, il semble pertinent de nommer « droites extrêmes » les mouvements qui récusent totalement la démocratie parlementaire et l’idéologie des droits de l’homme, et « droites radicales » ceux qui s’en accommodent.

    Un ethnicisme explicite ou latent

    Ces deux familles occupent une place différente dans le système politique. Non seulement l’extrême droite se trouve dans la situation de ce que le chercheur italien Piero Ignazi appelle le « tiers exclu » (7), mais elle se fait aussi gloire de cette position et en tire des ressources. Les droites radicales, elles, acceptent de participer au pouvoir, soit comme partenaires d’une coalition gouvernementale — la Ligue du Nord en Italie, l’Union démocratique du centre (UDC) en Suisse, le Parti du progrès en Norvège, soit comme force d’appoint parlementaire d’un cabinet dans lequel elles ne siègent pas : le Parti pour la liberté (PVV) de M. Geert Wilders aux Pays-Bas, le Parti du peuple danois. Leur pérennité est-elle assurée ? Ce type de parti vit sur le fil, entre une marginalité qui, si elle dure, mène à un « plafond de verre » électoral et une normalisation qui, si elle s’avère trop évidente, peut conduire au déclin.

    L’exemple grec est un cas d’école. Après presque trente ans d’existence groupusculaire, le mouvement néonazi Aube dorée remporte près de 7 % des voix lors des deux scrutins législatifs de 2012 (8). Faut-il en déduire que son racisme ésotérico-nazi a subitement gagné quatre cent vingt-six mille électeurs ? Nullement. Ceux-ci ont d’abord préféré l’extrême droite traditionnelle, incarnée par le LAOS (Alarme populaire orthodoxe) entré au Parlement en 2007. Mais entre les deux scrutins législatifs de 2012 s’est produit un événement clé : la participation du LAOS au gouvernement d’union nationale dirigé par M. Lucas Papadémos, dont la feuille de route consistait à faire approuver par le Parlement un nouveau plan de « sauvetage » financier, accordé par la « troïka (9) » au prix de mesures d’austérité drastiques. Devenu une droite radicale (10), le LAOS a perdu de son attrait au profit d’une Aube dorée qui refusait toute concession. A l’inverse, dans la plupart des pays européens, les droites radicales ont soit totalement supplanté leurs rivales extrémistes (Suède, Norvège, Suisse et Pays-Bas), soit réussi, comme les Vrais Finlandais, à émerger dans des pays où celles-ci avaient échoué.

    Dernier cas de figure, qui devient fréquent : celui où la droite radicale subit la concurrence électorale de formations « souverainistes ». La volonté de sortir de l’Union européenne constitue le cœur du programme de ces partis, mais ils exploitent aussi les thématiques de l’identité, de l’immigration et du déclin culturel, sans pour autant porter le stigmate d’une origine extrémiste et en évacuant la dimension raciste. On mentionnera l’Alternative pour l’Allemagne, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), le Team Stronach pour l’Autriche et Debout la République, dirigé par M. Nicolas Dupont-Aignan, en France.

    Ce n’est pas le moindre défaut du terme « populisme » que d’être utilisé à tort et à travers, en particulier pour discréditer toute critique du consensus idéologique libéral, toute remise en question de la bipolarisation du débat politique européen entre conservateurs-libéraux et sociaux-démocrates, toute expression dans les urnes du sentiment populaire de défiance envers les dysfonctionnements de la démocratie représentative. L’universitaire Paul Taggart, par exemple, malgré les qualités et la relative précision de sa définition des populismes de droite, ne peut s’empêcher d’établir une symétrie entre ces derniers et la gauche anticapitaliste. Il évacue ainsi la différence fondamentale que constitue l’ethnicisme explicite ou latent des droites extrêmes et radicales (11). Chez lui comme chez bien d’autres, le populisme de la droite radicale ne se définit pas par sa singularité idéologique, mais par sa position de dissensus au sein d’un système politique où seul serait légitime le choix de formations libérales ou de centre gauche.

    De même, la thèse défendue par Giovanni Sartori selon laquelle le jeu politique s’ordonnerait autour de la distinction entre partis du consensus et partis protestataires, les premiers étant ceux qui ont la capacité d’exercer le pouvoir et qui sont acceptables comme partenaires de coalition, pose le problème d’une démocratie de cooptation, d’un système fermé. Si la source de toute légitimité est le peuple et qu’une partie conséquente de celui-ci (entre 15 et 25 % dans de nombreux pays) vote pour une droite radicale « populiste » et « antisystème », au nom de quel principe faut-il la protéger d’elle-même en maintenant un ostracisme qui tient ces formations à l’écart du pouvoir — sans d’ailleurs, sur la durée, réussir à réduire leur influence ?

    Ce point de philosophie politique est d’autant plus important qu’il concerne aussi l’attitude des faiseurs d’opinion à l’égard des gauches alternatives et radicales, délégitimées parce qu’elles veulent transformer — et non aménager — la société. Ce qui leur vaut souvent, selon la vieille et fausse idée des « extrêmes qui se rejoignent », d’être désignées comme le double inversé des radicalités de droite. Le politiste Meindert Fennema construit ainsi une vaste catégorie des « partis protestataires », définis comme s’opposant à l’ensemble du système politique, blâmant celui-ci pour tous les maux de la société et n’offrant, selon lui, aucune « réponse précise » aux problèmes qu’ils soulèvent. Mais qu’est-ce qu’une « réponse précise » aux problèmes que la social-démocratie et la droite libérale-conservatrice n’ont pas réussi à résoudre ?

    Le problème de l’Europe est-il d’ailleurs la montée des droites extrêmes et radicales ou le changement de paradigme idéologique des droites ? L’un des phénomènes majeurs des années 2010, c’est que la droite classique a de moins en moins de réticences à accepter comme partenaires de gouvernement des formations radicales telles que la Ligue du Nord en Italie, l’UDC suisse, le FPÖ en Autriche, la Ligue des familles polonaises, le Parti de la Grande Roumanie, le Parti national slovaque et désormais le Parti du progrès norvégien.

    Il ne s’agit pas que de tactique et d’arithmétique électorales. La porosité croissante entre les électorats du FN et de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) le démontre, au point que le modèle des trois droites — contre-révolutionnaire, libérale et plébiscitaire (avec son mythe de l’homme providentiel) — élaboré naguère par René Rémond, même si on y ajoute une quatrième incarnée par le Front national (12), ne rend plus du tout compte de la réalité française. Sans doute va-t-on vers une concurrence entre deux droites. L’une, nationale-républicaine, opérerait une synthèse souverainiste et moralement conservatrice de la tradition plébiscitaire et de la droite radicale frontiste ; ce serait le retour de la famille « nationale ». L’autre serait fédéraliste, proeuropéenne, libre-échangiste et libérale au plan sociétal.

    Avec bien sûr des variantes locales, la lutte de pouvoir au sein de la grande nébuleuse des droites se joue partout en Europe autour des mêmes clivages : Etat-nation contre gouvernement européen ; « une terre, un peuple » contre une société multiculturelle ; « soumission totale de la vie à la logique du profit (13) » ou primat de la communauté. Avant de penser la manière de battre les droites radicales dans les urnes, la gauche européenne devra admettre les mutations de son adversaire. On en est loin.

    Jean-Yves Camus

    Chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, fondation Jean-Jaurès. Auteur de l’ouvrage Les Droites extrêmes en Europe, Seuil, Paris, à paraître.

    notes

    (1) Lire Serge Halimi, « Le populisme, voilà l’ennemi ! », et Alexandre Dorna, « Faut-il avoir peur du populisme ? », Le Monde diplomatique, respectivement avril 1996 et novembre 2003.

    (2) Son parti Futur et liberté pour l’Italie a obtenu 0,47 % des voix aux élections de février 2013.

    (3) Lire G. M. Tamas, « Hongrie, laboratoire d’une nouvelle droite », Le Monde diplomatique, février 2012.

    (4) Pierre-André Taguieff, L’Illusion populiste, Berg International, Paris, 2002.

    (5) Lire Eric Dupin, « Acrobaties doctrinales au Front national », Le Monde diplomatique, avril 2012.

    (6) Uwe Backes, Political Extremes : A Conceptual History From Antiquity to the Present, Routledge, Abingdon (Royaume-Uni), 2010.

    (7) Piero Ignazi, Il Polo escluso. Profilo storico del Movimento Sociale Italiano, Il Mulino, Bologne, 1989.

    (8) Aucune majorité ne s’étant dégagée pour former un nouveau gouvernement après les élections législatives de mai 2012, un nouveau scrutin s’est tenu un mois plus tard.

    (9) Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne.

    (10) M. Georgios Karatzaferis, qui le dirige, appartenait auparavant à la Nouvelle Démocratie du premier ministre Antonis Samaras.

    (11) Paul Taggart, The New Populism and the New Politics : New Protest Parties in Sweden in a Comparative Perspective, Palgrave Macmillan, Londres, 1996.

    (12) René Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Aubier, Paris, 1954. Ajout pris en compte par l’auteur dans Les Droites aujourd’hui, Louis Audibert, Paris, 2005.

    (13) Robert de Herte, Eléments, n° 150, Paris, janvier-mars 2014.

    source : Le Monde Diplomatique :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EupEEEyylpBlubuAnd.shtml