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culture et histoire - Page 1791

  • Madiran, un pourfendeur de la société technicienne et un prophétisme pragmatique hérité de Charles Maurras

    L'hommage de Joël Prieur lu dans Minute :

     

    "C'est cette radicalité de Jean Madiran (ce qui fait son génie propre) que je voudrais – en un ultime hommage à sa personne – tenter de définir ici : comment la fréquentation de son oeuvre peut-elle nous enraciner dans une vérité aperçue sur notre temps ?

    La force de Jean Madiran tient d’abord au fait qu’il fut un           maître d’attitudes, se tenant obstinément entre deux exigences de l’esprit : ni compromis ni compromission d’une part, et d’autre part jamais d’idéologie.
    Il faut suivre les principes que l’on a mis au jour, mais pas anticiper sur leur application, en la rendant systématique et universelle ; ne pas avoir peur de la pensée et de ce qu’elle peut livrer comme jugement définitif, et en même temps garder la certitude que le réel est plus grand que toutes nos analyses et qu’il les corrige à chaque instant ; saisir l’idée lorsqu’elle se présente dans son évidence native, mais ne pas chercher à trop vérifier la théorie en la mettant partout.

    Un pourfendeur de la société technicienne

    Jean Madiran a fait ses classes de maître penseur pendant et surtout après la Deuxième Guerre mondiale, période qui fut particulièrement difficile – entre autres pour la pensée, il faut le dire, y compris la sienne.
    Dans un livre qu’il publia en 1947, sous le nom de Jean-Louis Lagor, Le Temps de l’imposture et du refus, il se présente déjà tel qu’en lui-même. Il ne s’agissait pas seulement pour lui de « dénoncer » l’imposture politique de la Libération, cette épuration véritablement révolutionnaire, mais de la « refuser ». De toutes ses fibres. En ne prenant aucune part à la chasse aux sorcières et aux lynchages collectifs qui fleurissaient en ce temps-là, quitte à paraître défendre certains collaborateurs.
    Il me semble à cet égard que sa manière, à cette époque, de défendre Robert Brasillach (auquel il consacrera un ouvrage important) contre Maurras lui-même, participe de ce noble souci : devant le spectacle de la haine qui s’étalait partout chez les Gaulois à l’époque, ne pas céder un pouce de terrain à l’emballement collectif ; être capable de refuser toute compromission, même seulement apparente, avec « l’imposture », sans pour au tant partager l’idéologie collaborationniste – sa ferveur nationale et maurrassienne le tenait éloigné de telles extrémités.
    Ce qui lui permet de tenir cette ligne de crête imprenable – sur laquelle ils devaient se compter et se trouver bien peu nombreux à l’époque –, c’est la gravité de la situation, qui ne tolère aucune lâcheté. Je cite son introduction au Temps de l’imposture, oeuvre de jeunesse. Notre auteur a 27 ans : « Notre gouvernement ose associer la France à la hideur de ce qui se fait dans le monde, il l’associe à l’oppression d’une partie de l’Europe par une domination de fer et de sang, mécanique exactement montée et fonctionnant exactement, qui supprime le Ciel et courbe les hommes sur leurs machines, sur leurs outils et sur leur misère comme jamais esclaves n’ont été courbés, leur enlevant tout espoir et toute indépendance, les anéantissant dans la masse et dans la matière – ignoble mécanique qui se gonfle comme une tumeur, progresse et se propage comme une suppuration mécanique infernale. »

    Dans son dernier livre, Dialogues du Pavillon bleu (2011), le diagnostic s’est affiné mais la pensée est la même et le même Jean Madiran, ayant dépassé les 90 ans, conclut ces Dialogues par ces mots : « Nous vivons quelque chose de beaucoup plus profond qu’une crise politique, intellectuelle ou morale ; de plus profond qu’une crise de civilisation. Nous vivons ce que Péguy voyait naître et qu’il nommait une “décréation“. Dans l’évolution actuelle du monde, on aperçoit la domination à de mi-souterraine d’une haine atroce et générale, une haine de la nation, une haine de la famille, une haine du mariage, une haine de l’homme racheté, une haine de la nature créée… »

    Un prophétisme pragmatique hérité de Charles Maurras

     

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  • [Présent] L’esprit d'abandon selon le P. de Caussade (arch 2009)

    Le P. Jean-Pierre de Caussade (1675-1751), jésuite de la grande époque, est célèbre pour un livre qu’il n’a pas écrit : L’Abandon à la Providence divine. Plus exactement, ce traité, publié au XIXe siècle par son confrère le P. Ramière, a été réalisé à partir de différentes sources, composé de manière arbitraire et doté d’un titre qui n’est pas de Caussade.
    Caussade n’a publié, de son vivant, qu’un ouvrage, les Instructions spirituelles en forme de dialogues sur les divers états d’oraison. L’Abandon à la Providence divine a pourtant été composé à partir de textes authentiques : soit des lettres adressées à des dirigées, soit des conférences données à des religieuses.
    Les Editions du Carmel proposent une édition intégrale et annotée des principaux recueils qui sont à l’origine de l’édition du P. Ramière. L’un, le « manuscrit Cailhau, est connu depuis le XIXe siècle, mais le second, le « recueil de Langres », n’a été découvert qu’en 1988.
    Cette publication de deux recueils inédits ne bouleverse pas la connaissance que l’on pouvait avoir de la spiritualité de Caussade, mais elle nous en donne un exposé plus authentique parce que plus immédiat.
    De manière hâtive et très abusive, certains auteurs ont relié la doctrine de « l’esprit d’abandon », qui est au centre des écrits de Caussade, au quiétisme et aux écrits de Mme Guyon et de Fénelon.  Comme l’avait souligné il y a longtemps déjà le P. Olphe-Gaillard, « le P. de Caussade n’innove pas. L’histoire de la doctrine de l’abandon commence bien avant lui. Son mérite est d’avoir vécu cette doctrine, d’avoir compris qu’elle offrait un centre à toute une synthèse spirituelle profondément cohérente et souple, d’en avoir dégagé les applications essentielles ».
    Si l’on veut chercher les sources du P. de Caussade, on les trouvera chez Ignace de Loyola et chez saint François de Sales (ce qui se comprend facilement : Caussade a longtemps été confesseur et directeur spirituel des Visitandines de Nancy).
    Un combat « avec douceur »
    L’éditeur actuel des recueils caussadiens, Marie-Paule Brunet-Jailly, avertit d’éviter un contre-sens sur la notion d’ « abandon », qui n’est en rien, chez Caussade, une passivité : il « accepte d’avoir à mettre résolument en œuvre les conseils qu’il adresse aux autres : lutte contre les désordres de l’imagination, défiance à l’égard des ruses de l’amour de soi, acceptation du prochain. Une fausse légende de douceur s’est attachée à son nom avec le titre de la première édition à succès, au XIXe siècle, d’une œuvre qu’on lui attribuait, L’Abandon à la providence divine. En réalité, loin de proposer une voie de facilité, il se tient toujours, dans ses lettres, là où se déclare le combat spirituel. […] on l’entend redire sans se lasser l’infinie bienveillance de Dieu, sa Providence, et, pour tout homme, l’élan du cœur toujours possible vers Dieu et vers les autres. Avec une imperturbable conviction, il rappelle à temps et à contretemps les efforts sur soi et les dispositions pratiques qu’exige tout progrès. »

    L’esprit d’abandon à Dieu n’est pas seulement une disposition intérieure, mais doit être une conduite, se traduire par des comportements. C’est un double mouvement : « sans négliger vos soins pour le spirituel, écrit Caussade, laissez-en tout le succès à Dieu, n’espérant rien que de lui ».
    Au lieu de se décourager et d’être triste à cause de ses insuffisances, imperfections et médiocrités, Caussade conseille : « supportez-vous vous-même avec douceur, reprenez-vous avec douceur, revenez à Dieu avec douceur, repentez-vous avec douceur, faites tout avec douceur, sans empressement ni précipitation extérieure ou intérieure ».
    On n’avance pas dans les « affaires de l’intérieur » (c’est-à-dire la vie spirituelle) aussi rapidement que dans les affaires temporelles. A une dirigée, le P. de Caussade écrivait : « tant que vous sentirez une bonne volonté d’être à Dieu, un goût, une estime pour ce qui vous conduit, quelque peu de courage pour vous relever après vos petites chutes, vous êtes en bon état devant Dieu ; prenez patience, tranquillisez-vous, apprenez à supporter vos faiblesses et misères avec douceur, comme il faut supporter celles du prochain, contentez-vous de vous en humilier tout doucement devant Dieu et n’espérez votre avancement que de lui seul et de sa sainte opération qui se fait le plus souvent au fond de l’âme sans qu’on en sente rien ».
    Yves Chiron http://yveschiron.blogspot.fr/

    Jean-Pierre de Caussade, Lectures caussadiennes, Editions du Carmel (33 avenue Jean Rieux, 31500 Toulouse), 325 pages.

  • Et si nous lisions les classiques cet été ?

    Au début du siècle dernier, l’université américaine a été touchée par le mouvement des Grands Livres. De quoi s’agissait-il ? Dans une perspective interdisciplinaire, ce programme invitait les étudiants à lire les grands textes de la tradition occidentale afin d’acquérir une base culturelle indispensable mais aussi de puiser dans l’expérience morale des siècles passés. Pour le professeur Mortimer Adler de l’université Colombia, un grand livre se caractérisait par le fait qu’il offrait des éléments de réflexion par rapport aux problèmes contemporains, que sa lecture pouvait être sans cesse reprise sans que l’intérêt s’épuise et, enfin, qu’il reflétait les grandes questions qui avaient toujours agité l’humanité. Une liste (forcément discutable) avait été mise au point, proposant aussi bien Platon, Aristote, Homère ou Virgile (photo) que Shakespeare, Voltaire, Corneille ou Chaucer. On y trouvait aussi des œuvres de saint Augustin, de saint Thomas d’Aquin ou de Martin Luther. Dans un essai paru aux États-Unis, puis traduit en français, Jacques Maritain avait salué l’effort du mouvement des Grands Livres dans lequel il voyait « le moyen d’éducation primordial ».

    Dans les années soixante-dix, le professeur John Senior, ancien élève de Columbia, alors enseignant à l'université de Kansas, a dressé le constat de l’échec de cet effort. Non, parce que l’idée était mauvaise en soi, mais parce que proposée aux étudiants, elle arrivait trop tard. L’imagination encombrée, l’intelligence déviée dès le plus jeune âge, les étudiants n’arrivaient pas à en tirer un réel profit. D’une certaine manière, la situation est pire aujourd’hui et explique aussi bien les erreurs anthropologiques de nos contemporains que leur capacité à se laisser mouvoir par la propagande.

    C’est pourquoi, sans lui donner l’ampleur de l’époque de Colombia, ne serait-il pas malgré tout utile de reprendre chacun pour soi-même quelques idées de ce mouvement ? Entre le dernier Marc Lévy et un dialogue de Platon ou un texte de Virgile, choisissons l'un de ces derniers cet été. Il faudra faire un effort au début mais la récompense sera au rendez-vous. Entre le dernier livre de spiritualité à la mode et nos grands auteurs spirituels,  saint François de Sales ou sainte Catherine de Sienne par exemple, n’hésitons pas non plus. Nous y gagnerons personnellement et nous favoriserons autour de nous le terrain de la reconquête spirituelle et culturelle.

    http://caelumetterra.hautetfort.com/

  • Festival Interceltique de Lorient : la culture celte à l’honneur jusqu’au 11 août

    Festival Interceltique de Lorient : la culture celte à l’honneur jusqu’au 11 août

    LORIENT (NOVOpress) – Lorient (Morbihan) vit depuis le week-end dernier au rythme du Festival Interceltique (photo). Dimanche, des dizaines de milliers de spectateurs ont assisté à la grande parade des nations celtes : 3 500 artistes en costumes traditionnels, danseurs, musiciens, bagadoù, cercles, groupes de danzas et bandas de gaita, venus de tous les pays celtes, ont défilé dans les rues de la cité bretonne, du stade du Moustoir au port de pêche. Cette parade a débuté par un hommage aux victimes de l’accident ferroviaire en Galice.

    Ce grand spectacle identitaire, qui continuera jusqu’au 11 août, propose aussi des animations quotidiennes : ateliers de danses de Bretagne et des Pays celtes, ateliers de broderie, cours de breton, exposition de costumes au Palais des congrès, ateliers de musique et de danse traditionnelles irlandaises, embarquement sur des voiliers traditionnels au port de plaisance, jeux traditionnels bretons… Toute la programmation en cliquant ici.

    Crédit photo : Erminig Gwenn , via Flickr, (cc).http://fr.novopress.info/

  • « L’art français de la guerre » de Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011)

    Sous un titre énigmatique, Alexis Jenni a écrit avec grand talent un roman ambigu qui s’immerge dans l’histoire française de notre temps. Tout commence en 1944 et se prolonge jusqu’à ce jour. L’intrigue couvre une période brûlante, celle de toutes nos guerres perdues, en attendant une sorte de guerre ethnique que le narrateur voit se profiler à l’horizon. Pour un premier roman, c’est du grand art !
    L’auteur fait se croiser deux récits, celui de la vie du personnage prétexte, ancien officier des paras coloniaux, le capitaine Victorien Salagnon, un reître au cœur noble. Sa vie commence dans les maquis de 1944, se poursuit en Indochine, puis en Algérie jusqu’à la défaite politique de 1962 et l’exode affreux des Européens abandonnés. Sur cet épisode, on a rarement écrit dans un roman des pages aussi saisissantes.
    L’autre récit, habilement entrecroisé, est formé des réflexions du narrateur (qui n’est pas l’auteur). Précisons qu’à la ville, Alexis Jenni est professeur de biologie, alors que le narrateur inventé par ses soins est une sorte de chômeur professionnel dans le genre « indignez-vous ! », qui passe beaucoup de temps à caresser les jambes des filles. Surviennent bien d’autres personnages, notamment un deuxième officier béret rouge, un méchant, celui-là, pour qui Victorien Salagnon a cependant toutes les indulgences. Il faut dire que l’autre l’a sauvé de la mort, en Indochine, dans des circonstances qui rappellent un peu ce qu’a vécu le commandant Faulques à Cao-Bang.
    Intervient ensuite une description artificielle et outrée de la Bataille d’Alger (1957), avec tortures et autres gracieusetés qui chargent la barque à l’excès. Bien que les options « antiracistes » et « antifascistes » du narrateur soient longuement développées (sur le mode romanesque bien entendu), ce curieux et foisonnant roman n’est pas manichéen. Surgit toujours en effet un contrepoint aux options véhémentes des uns et des autres. L’un des épisodes les plus intenses évoque les massacres d’Européens à Sétif et Guelma, le 8 mais 1945. Le souvenir atroce en est rapporté par un ancien médecin militaire d’origine juive, père d’une des deux femmes qui comptent dans ce roman. On en reste saisi.
    Dominique Venner http://www.polemia.com/
    Octobre 2011
    La Nouvelle Revue d’Histoire n° 57 (novembre-décembre 2011)
    Alexis Jenni, L’art français de la guerre, éditions Gallimart, collection : Blanche, août 2011, 633 pages – Prix Goncourt 2011.

  • Chronique de livre: Dominique Venner, Un samouraï d’Occident, Le Bréviaire d’un insoumis

     Dominique Venner, Un samouraï d’Occident, Le Bréviaire d’un insoumis, Edition Pierre-Guillaume de Roux, 2013

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    Dominique Venner fut un personnage d’exception qui œuvra toute sa vie au réveil des Européens. Il fut pour moi un maître dont les idées prolongeaient brillamment certaines de mes intuitions. Son décès fut un choc terrible. J’ai donc acquis cet ouvrage en prenant bien en compte la dimension et l’importance qu’il pouvait avoir. Plonger dans un tel livre, quelques semaines après la mort rituelle de son auteur, est une sorte de parcours initiatique. Rares sont les livres qui ont un tel poids que celui-ci. Les mots choisis par le maître prennent tout leur sens et leur portée doit être bien mesurée.

    Ainsi je me refuse dans cette chronique de détailler les idées principales de l’ouvrage comme je le fais habituellement, je me contenterai de quelques remarques sur le contenu de l’ouvrage. Je considère que ce livre doit être lu pour au moins trois raisons.

    Pour ceux qui ont découvert Dominique Venner le 21 mai 2013, il sera un excellent moyen d’entrer en contact avec le parcours et la pensée de l’auteur. Pour ceux qui connaissent l’auteur, il me semble que consacrer quelques heures de sa vie à lire un livre est la moindre des choses quand celui qui l’a écrit a consacré une vie complète à son combat et s’est donné la mort pour ses idées. Pour ceux qui cherchent une boîte à outil militante, Dominique Venner donne quelques pistes.

    Dominique Venner apporte son regard historique et philosophique, celui d’un Européen terriblement meurtri par la déliquescence de son continent et de son peuple mais un regard plein d‘espoir. Le regard porté est sans compromis comme le fut la vie de l’auteur qui refusa les mondanités et les compromissions. L’Eglise catholique est souvent égratignée, tout comme la morale chrétienne et Augustin d’Hippone, l'auteur de La Cité de Dieu. L’auteur ne fait aucun mystère sur son « paganisme »* et puise ses racines dans deux traditions de l’Antiquité, les mythes de l’Iliade et l’Odyssée et le stoïcisme de Marc-Auréle ou Caton d’Utique. Le premier combat que nous devons mener est d’abord un combat contre nous-même, ou plutôt, un combat sur nous-même. C’est surement l'un des enseignements les plus importants de l’ouvrage et j’y reviendrai dans un article.

    Pour certains, il réservera quelques « surprises ». Je songe par exemples aux quelques considérations sur le néo-capitalisme. Le jour de son décès, Dominique Venner avait publié un ultime article qui faisait la part belle à l’islamisation, ce qui a été souvent mal compris. Le bréviaire lève le voile, si je puis dire, sur cette question. Dominique Venner ne vise pas l’islam pour l’islam, mais l’islam comme la manifestation la plus visible de l’immigration de masse qui atteint l’Europe. Phénomène très explicitement relié dans l’ouvrage au capitalisme. Il n’est donc pas à classer dans la case des « islamophobes » pathétiques et pathologiques qui pullulent à l’extrême-droite. Il était un homme clairvoyant préoccupé tout autant par l’américanisation que par l’immigration de masse et son corollaire islamique.

    L’autre grande force de l’ouvrage consiste au dialogue établit avec le monde extrême-oriental et particulièrement le Japon. Dialogue qui donne tout son sens au titre de l’ouvrage. Le Japon féodal et la culture japonaise y sont analysés. Je ne perçois pas dans ce dialogue la volonté d’imposer le Japon comme un modèle pour les Européens. Les Européens ont leur propre histoire, leur propre philosophie, mais il permet de comprendre le fonctionnement d’une autre civilisation et d’en saisir à la fois les points communs avec la nôtre (essentiellement fondée sur l’héritage grec ancien) mais aussi les différences, comme le rôle moindre joué par la Raison.

    Les lecteurs de la Nouvelle Revue d’Histoire et de Dominique Venner retrouveront beaucoup de réflexions dont ils sont déjà familiers. Ce Bréviaire est une lecture indispensable pour réfléchir sur le monde, sur nous-même et pour envisager le combat sur le long terme. Il est remarquablement bien écrit et certaines phrases fusent comme des balles. Le livre est ponctué de quelques conseils pratiques. Je ne trahirais aucun secret en rappelant que Dominique Venner n’a jamais caché qu’il trouvait un certain nombre de limites au militantisme dans des structures politiques et qu’il faut peut-être, pour certains, envisager d’agir autrement. C’est surement à la fois l’enjeu de sa mort et de son livre, quel est le message que nous devons recevoir, intérioriser et transmettre ? Le livre donne quelques éléments de réponse.

    * plutôt que paganisme, nous pourrions dire que Dominique Venner est fidèle à la tradition originelle de l’Europe.

    Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • La révolution ontologique de Francis Cousin par Georges FELTIN-TRACOL

     

    En janvier 2012, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, des folliculaires d’une célèbre feuille de choux vespérale, spécialisés dans la dénonciation de tous ceux qui pensent mal, s’alertaient des accointances coupables entre Francis Cousin et Marine Le Pen. Celle-ci citait en effet dans Pour que vive la France des extraits de La société de l’indistinction, un essai en partie rédigé par Francis Cousin.

     

    Diplômé en philosophie et philo-analyste de métier, Francis Cousin participe à un groupe informel de rédaction nommé « Gustave Lefrançais » qui a intégré un inter-collectif officieux, « L’Internationale ». D’émanation clairement situationniste et d’ultra-gauche, ces équipes n’ont pas hésité à collaborer à Europe Maxima sans en partager le dessein. Contrairement à maints de leurs « camarades » sectaires et arrogants, ces militants ont montré à diverses reprises leur esprit d’ouverture, leur goût pour la discussion franche, directe et courtoise et leur désir de confronter des idées sans s’invectiver. En leur sein, Francis Cousin en est l’éminent maïeuticien.

     

    Longtemps réticent à publier un écrit sous sa signature, l’ami Cousin s’est finalement décidé à sortir L’être contre l’avoir, un ouvrage de haute volée, à la lecture exigeante et à la réflexion ciselée. Ce livre déclare une guerre totale à la présente société marchande et à ses pâles idoles. Lecteur assidu de Guy Debord, de Karl Marx, de Friedrich Engels, de Pierre Clastres, de Marshall Sahlins et de quelques présocratiques, l’auteur y défend la « tradition primordiale de l’être ». Attention cependant au risque compréhensible de confusion ! Cette « tradition primordiale »-là n’a rien à voir et ne se compare pas avec la Tradition primordiale d’un René Guénon ou d’un Julius Evola. Pour Cousin, leur raisonnement s’est arrêté prématurément !

     

    La thèse de L’être contre l’avoir est résolument anti-politique et anti-économique. Pour son auteur, l’« essence du politique » chère à Julien Freund résulte de la fragmentation de l’unité totale originelle. Il dénie ainsi toute pertinence à la tripartition indo-européenne mise en évidence par Georges Dumézil. La tripartition est déjà pour Cousin une solide avancée de l’avoir aux âges anciens. À l’aube de l’humanité, aux temps pré-historiques donc, l’homme vivait dans la concorde, une « unité sacrale du cosmique originel qu’économie, religion, politique et science ont séparé (p. 316) ». « L’homme des vieilles communautés de l’être a vécu durant des millénaires anti-économiques et anti-politiques au rythme des saisons cosmiques dans une vie harmonique d’anti-argent avec la nature sacrale (p. 49). » Bref, pour Cousin, « la communauté primitive n’est pas une société sans argent et sans État, mais une société contre l’État et contre l’argent (p. 155) ». Il est donc légitime qu’à ses yeux, « toute l’histoire de la modernité est l’histoire du déploiement de la dialectique par laquelle l’avoir s’est employé à effacer le souvenir de l’être (p. 95) ». Mieux encore, il explique que « la communauté est le site cosmique de la pro-venance de l’homme en l’être alors que la polis est le site mercantile de sa relégation en l’avoir (p. 86) ».

     

    Francis Cousin s’affirme communiste et estime que le communisme réel n’a jamais été appliqué, car il s’est toujours confronté à la présence mortifère de la politique (soviétisme) et de l’économique (capitalisme). En fait, « le but de la révolution communiste pour la communauté humaine n’est pas de fonder un système de gestion économique nouveau, mais d’engendrer au-delà et contre toute gestion et toute économie une activité différente qui rompe avec la falsification de la vie sociale (p. 283) ». Malgré la pesante domination de l’avoir, « la révolution communiste du refonder le cosmos de l’être […] permettra aux hommes de la qualité de redevenir des êtres de la qualité humaine (p. 115) ». Le retour à l’être s’impose ! Mais pas n’importe comment. « L’époque actuelle, apogée de l’humanisme de la marchandise, a voulu faire de chacun un simple objet d’échange et de désir chosifié. Elle nous offre ainsi la preuve permanente que la classe capitaliste est la classe de l’organisation de la mort généralisée (p. 209). » Il s’agit de retrouver, de reconstituer l’unité perdue en se reliant au sol, à la terre. « L’être est […] ce qui pose comme énergie du tenir, en tant que force de l’auto-mouvement du vivre des puissances de la terre… (p. 237) », car « dans la communauté de l’être, être, penser et parler sont le même mouvement de vie de l’être (p. 84) ».

     

    Dans ce cadre enfin libéré de l’emprise de l’argent surgit « l’homme de l’être [qui] est l’homme qui saisit l’être qui est en le recueillant et en y demeurant aux racines de terre de l’existence véridique (pp. 131 – 132) ». Francis Cousin s’oppose à toutes les structures politiques de l’histoire : l’État, l’Empire, la cité, le royaume, la république, la théocratie, etc., aliènent l’être de l’homme. S’appuyant sur les vieux Germains décrits par Tacite et sur le quotidien des Amérindiens des Grandes Plaines, l’auteur esquisse une alternative utopique (dans les deux sens du mot) : une fédération mondiale de communes libres. Fidèle à une pensée communarde délaissée, il considère, d’une part, que « la Commune est […] la communauté réunie pour toute délibération ordinaire ou extra-ordinaire de son habitat unitaire en tant qu’assemblée (éventuellement insurrectionnelle !) du mouvement de sa préservation générique (p. 183) » et, d’autre part, que « contre la mondialisation cosmopolite de l’avoir (la formule est de Marx !), la résistance du prolétariat pour faire jaillir l’être de l’homme par l’auto-abolition de la condition prolétarienne s’est dès les origines, d’emblée et immédiatement, auto-intitulée : Internationale, cela pour bien mettre en perspective l’inter-activité nécessaire de tous les espaces-temps du foyer du naître… (p. 263) ».

     

    Cette « révolution internationale communarde de l’être » devra impérativement s’inspirer des révoltes populaires qui ont égrené l’histoire européenne. Francis Cousin rend hommage à l’exemplarité de ces insurrections françaises et européennes. Souvenons-nous des Flagellants, des Jacques, des Maillotins, des Croquants et des Nu-Pieds. Il s’enthousiasme pour la méconnue « Guerre des Demoiselles » qui concerna l’Ariège entre les années 1830 et 1870. Il salue aussi la Vendée de 1793, la Chouannerie et la Commune de Paris de 1871. Il indique que leur facteur déclencheur est souvent la prise par quelques particuliers enrichis de terres communes qui bénéficiaient jusqu’alors à l’ensemble de la communauté. Les paysans pyrénéens déguisés en jeunes filles pour ne pas être reconnus, d’où leur surnom de « Demoiselles », agissent physiquement contre l’interdiction des pratiques communautaires forestières ! L’auteur souligne que le premier à s’indigner du « populicide » vendéen fut le partageux Gracchus Babeuf. Comme plus tard les fédérés parisiens, « les Vendéens s’emparant des villes républicaines de la marchandise et les communards de 1871 mettant la main sur les édifices de la servitude, auront toujours le même comportement insurrectionnel d’aller vouloir enflammer les papiers aliénants de l’administration étatique (pp. 114 – 115) ».

     

    Francis Cousin demande aux Européens de renouer avec cet état d’esprit protestataire et de relancer, renouer et reprendre une intense lutte des classes. « L’homme de l’être est l’homme qui se lève et qui refuse le monde échangiste où l’assurance de posséder la détresse du patrimonial se troque contre l’obligation de mourir d’ennui (p. 112). » Ce combat n’est pas civique, car « le prolétariat n’a rien à faire sur le terrain de la votation qui organise les territoires de la Cité du maintien de l’ordre capitaliste, pas plus à participer qu’à s’abstenir (p. 303) » d’autant que « les élections constituent un terrain de mystification destiné à perpétuer la dictature démocratique de la marchandise totalitaire librement circulante (p. 303) ». Il préférerait que l’« Europe [… redevienne un] espace historique de la tradition critique radicale (p. 212) » parce qu’à la différence des autres aires humaines d’Asie, d’Afrique et d’Amérique, le continent européen détient une vieille conscience révolutionnaire si bien que « toute l’histoire des luttes radicales qui ont fini par positionner la nécessité du subversif conscient sont nés sur le terrain pagano-christianiste des ancestrales communautés paysannes dont est sorti ultérieurement le prolétariat européen, dans la tradition primordiale du souci de l’être et du refus de sa réduction en avoir calculé (p. 185) ». Cette habitude à la contestation propre aux Européens ne serait-elle pas due précisément à la particularité longtemps vivace de privilégier le politique ? Si les Asiatiques, les Africains, les Américains ne possèdent pas ce Logos radical de l’être, cela signifierait-il peut-être qu’ils sont potentiellement plus communistes (au sens que l’entend Francis Cousin) que les Européens ?

     

    Loin des proclamations enflammées et intéressées de ses zélateurs stipendiés, l’avoir n’implique pas le bien-être. Il le détruit plutôt par un changement profond et insidieux des mentalités. Francis Cousin rappelle qu’au Moyen Âge, l’Européen mangeait beaucoup plus de viande qu’à partir du XVIe siècle. En plus, loin de l’hygiénisme ambiant de ce début de XXIe siècle, « les hommes du Moyen Âge boivent beaucoup plus qu’aujourd’hui et surtout beaucoup mieux des crus de véridique qualité de terre (p. 257) ». Outre l’alimentation (il s’approche à ce sujet des idées de l’écologiste radical Bernard Charbonneau) et le divertissement qui rend idiot, le caractère ontologiquement réfractaire de l’esprit européen tend à s’éroder, à s’émousser, à se corrompre sous les effets dévastateurs du « Grand Remplacement (Renaud Camus) » démographique. « Si l’immigrationnisme est la clef de voûte du capitalisme contemporain, c’est avant tout parce que l’immigré y est bien toujours la matière première la plus maniable, la plus inféodée et la plus malléable (p. 228). » Il souligne que « l’immigration se révèle […] comme une stratégie capitaliste de vaste envergure pernicieuse qui vise fondamentalement à disloquer la spontanéité historique des solidarités prolétaires naturelles en hétérogénéisant le substrat de la réalité du sentir et du ressentir ouvrier. De la sorte, l’immigration est toujours l’expression de la contre-révolution du capital car elle permet avant tout de dé-manteler la combativité ouvrière en désarticulant l’identité de ce qui structure les cohésions et les immanences de l’éco-système de sa longue durée (pp. 27 – 28) ». C’est une action de destruction du fond réfractaire européen puisque « à partir du moment où l’envisageable du métisser cesse d’être une possible rencontre personnelle pour devenir un commandement idéologique de la tyrannie spectaculaire des obligations marchandes générales, il est clair qu’est alors bien advenu l’âge du camp de concentration de la liberté du totalitarisme cosmopolite du marché planétaire (p. 46) ». Francis Cousin prévient par conséquent que « le principe de la production de la société de l’avoir, c’est le fractionnement quantitativiste de la vie en la coupure de l’être, la perte de soi dans la production tourmentée et inconsciente d’un monde qui échappe totalement à ses producteurs puisque leur existence y devient justement le procès universel de la détention permanente où tout regard s’y perd dans le bagne de la possession (p. 21) ».

     

    « La liberté démocratique est la tyrannie de la marchandise comme seule consommation autorisée et comme seule opinion permise dans la circulation sans fin des hommes falsifiés par la domination spectaculaire du temps – argent (p. 21). » À ce stade, il ne faut rien attendre – sinon le pire – des oppositions marginalisées et théâtrales du Système. « La gauche et l’extrême gauche du Capital en tant qu’avant-garde du progrès de la raison mercantile, sont là les meilleurs serviteurs du melting-pot mondialiste qui aspire à créer cet homme hors-terre, hébété, nomade et vagabond qui n’a plus pour seul repère que les grandes surfaces spectaculaires de la possession, là où l’existence se mesure exclusivement à l’aune des calculs du fétichisme marchand, de l’errance narcissique et du coloriage stupide de la vie fausse (p. 27). » La collusion et le reniement sont inévitables parce que « le spectacle moderne de la dictature démocratique de la marchandise se révèle comme le règne autocratique de la liberté de marché enfin parvenu à mettre en mouvement la plénitude mondiale de sa logique appropriative (p. 22) ». Jeux politiciens et campagnes électorales ne sont donc que des diversions qui neutralisent le potentiel contestataire, révolutionnaire, des Européens. « La démocratie de la marchandise spectaculaire est un énorme carnaval parodique qui se confond avec la fin désormais manifeste de toute possibilité pour l’intelligence d’apparaître de manière perceptible dans aucun domaine qui se prétend officiellement compétent pour causer de sa spécialité. Le seul fait que le faux soit désormais reconnu pour le vrai sans aucune discussion lui a donné cette qualité magique tout à fait exceptionnelle de faire que le vrai a maintenant cessé d’exister pratiquement en tout lieu puisqu’il est de la sorte réduit à l’état d’une hypothèse indémontrable qui ne pourra par principe jamais être discutée (p. 17). » L’auteur ne réserve pas que ses coups à la gauche. La « droite » reçoit de belles raclées. Il s’en prend ainsi au « concept équivoque de désinformation, mise en vogue ces temps derniers par ceux qui souhaiteraient voir se mettre en place une autre forme d’économie politique de l’aliénation et qui aboutit finalement à faire croire que le mensonge résulterait d’une simple utilisation inadéquate et malveillante de l’authenticité qu’il conviendrait uniquement de changer en bon usage de réinformation, oublie que c’est la marchandise qui est en soi pure contre-vérité. tant que le fétichisme de la marchandise existera, et peu importe là quelle faction étatique en assume la gestion, le renseignement et l’investigation, la vérité officielle du spectacle démocratique ne saurait être chose que la perfidie impérialiste du marché, puissance la plus hostile qui puisse être pour la vraie passion de vérité humaine. Ainsi, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, tous les contre-médiatiques qui voudraient simplement changer d’État et modifier la donne de l’argent, omettent de voir que le faux ne résulte nullement de soi-disant mauvais jugements, observations ou déductions mais qu’il est, a contrario, l’impeccable conclusion du bon raisonnement spectacliste de l’intellection marchande (p. 19). »

     

    Pour Francis Cousin, non seulement « le temps médiatique du spectaculaire mercantile purge chaque soir le déroulement des événements pour réinventer chaque matin la comédie d’un nouveau théâtre où le triomphe du pouvoir culturel du profit emprisonne toujours plus les hommes dans la consommation illusoire d’objets inutiles et dans la prosternation devant la puissance universelle de la marchandise totale ravageant l’ensemble des domaines du vécu (p. 11) », mais « le fétichisme de la marchandise étant devenu le Tout du monde, la seule chose qui puisse s’y présenter c’est, d’entrée, l’imprimature systémique, irréfléchi et stéréotypé de tout ce par quoi la cybernétique du ministère de la Vérité a fait du monde le spectacle du Tout de la marchandise (pp. 17 – 18) ». Implacable dans son jugement, il assène que « le héros journalistique comme tous les héros scientifiques, artistiques ou bancaires est toujours un supplétif de la Bourse, de la Maffia ou de l’État. Il se rêvasse toujours en conseiller du Prince et c’est pourquoi il est l’ennemi des vérités indésirables, chargé simplement d’aider à passer le temps de la liberté dictatoriale du marché (p. 20) ». Francis Cousin en profite aussi pour se moquer de « l’actuelle mode orwelliste qui voit tous les thuriféraires du spectacle critique faire aujourd’hui obstacle massif à une véritable critique du spectacle de la marchandise en tant que telle, il convient sans cesse de rappeler que la décence commune, la réputée common decency (comme cœur radical de toute protestation humaine contre l’in-humain) sur laquelle insiste avec tant de justesse Orwell est, pour paraphraser Marx, d’abord et avant tout une activité pratique – critique puisque la discussion sur la réalité ou l’irréalité d’une pensée qui s’isole de la pratique, est d’emblée et purement la scolastique de l’illusoire (p. 14) ». Cet illusoire est solidement cadenassé. Il conduit les populations à accepter un sort sordide.

     

    « Le XXIe siècle, né du triomphe des perfectionnements totalitaires de la finance occidentale par les vétustés carcérales du capitalisme soviétique, s’impose dorénavant planétairement comme abondance fastueuse de la sur-vie dans les galeries marchandes des droits de l’homme commercialisé (p. 22). » Dans ce nouveau totalitarisme sophistiqué et indolore, l’État joue le rôle de gardien vigilant, voire de garde-chiourme attentif. Il assure à la domination de l’avoir les moyens de perdurer. Il y a d’abord « l’alliance militaire États-Unis/O.T.A.N./Israël [qui] n’a qu’un seul but : […] vassaliser davantage les Européens en tentant de les distancier toujours plus de la perspective de s’installer fortement sur le marché des vraies décisions mondiales (p. 215) ». Ensuite, « les fauves urbains de l’économie souterraine qui brûlent rituellement des voitures ne sont pas des enfants d’ouvriers en révolte qui se battent par haine de la marchandise, mais des paumés incultes adorateurs du fric, de ses modes insanes et de toutes ses grossières insipidités. Bien loin d’être des persécutés en rupture, ce sont les enfants chéris du système de la discrimination positive de l’anti-subversif, les talismans médiatiques de l’ordre capitaliste à révérer (pp. 30 – 31) ». Les racailles des banlieues sont les mercenaires du terrorisme d’État. Certes, « l’État a toujours été terroriste [… et] a toujours recruté ses troupes de choc dans la faune des truands et des proxénètes et il a toujours usé du lumpenprolétariat abruti pour écharper le prolétariat insoumis. À l’heure où des groupes financiers peuvent s’acheter des pays entiers, il est normal qu’à côté des polices et des armées officielles, la tyrannie démocratique du marché puisse lever dans toutes les banlieues racailleuses de la planète des milices privées, des polices parallèles et des cohortes de toutes sortes chargées d’aider à la défense des sanctuaires du profit (p. 44) ». On a compris que « le terrorisme d’État est la continuation de la politique de l’économie de crise par d’autres moyens et sur d’autres modes plus expéditifs. Il accomplit ici la force supérieure des manœuvres obscures de l’État de droit (p. 41) ». Bref, « le spectacle terroriste mondial est le prolongement de la politique de guerre commerciale (p. 217) ».

     

    Anti-politique conséquent, Francis Cousin ne soutient aucun régime en place sur le globe. Il les vomit tous. « La mythologie tiers-mondiste sud-américaine de Chavez n’est pas mieux en l’être que les fadaises éthico-monétaristes nord-américaines d’Obama… (p. 247). » Un puissant pessimisme semble pourtant le tenir. Il juge que « les peuples vont immanquablement disparaître et s’y substitueront alors des populations informes de libres consommateurs serviles de la temporalité échangiste du métissage obligatoire en l’adoration des galeries marchandes de la dépense (p. 301) ». Aurait-il compris que le retour à l’être est impossible et que son unité primordiale est irrémédiablement perdue ? Cela n’empêche pas que L’être contre l’avoir soit un grand ouvrage subversif et vivifiant.

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/

     

    • Francis Cousin, L’être contre l’avoir. Pour une critique radicale et définitive du faux omniprésent…, Le retour aux sources, 2012, 331 p., 21 €.

  • L’Iran, de la “révolution blanche” à la révolution tout court

     

    shah011.jpgJanvier 1978-janvier 1979. C’est au moment où elle se modernisait que la monarchie des Pahlavi s’est défaite dans la confusion. De là date l’essor de l’islamisme radical.

    Une tasse de thé, un dernier regard, Mohammad Réza Pahlavi quitte son palais presque vide, le 16 janvier 1979. Dans les jardins, il retrouve la chahbanou, puis gagne l’aéroport international de Téhéran. Un petit groupe les attend, mais ni ambassadeur étranger ni ministre. Des militaires supplient le chah de rester. Le général Badreï, chef de l’armée de terre, s’agenouille selon un vieil usage tribal et lui baise les genoux. Le chah enlève ses lunettes, le relève. Il pleure en public. À Chapour Bakhtiar, nommé à la tête du gouvernement deux semaines plus tôt, le 31 décembre 1978, il dit : « Je vous confie l’Iran et vous remets entre les mains de Dieu. »

    Le chah pilote lui-même son Boeing 707 jusqu’à la sortie de l’espace aérien iranien. Il craint une attaque surprise. Commence pour le souverain une longue errance. Rongé par un lymphome, repoussé par tous, il trouve asile en Égypte où il mourra le 27 juillet 1980. Il régnait depuis le 16 septembre 1941 et allait avoir 61 ans.

    Moins de dix ans plus tôt, il avait célébré à Persépolis les 2 500 ans de l’Empire perse dont il se voulait le continuateur. En même temps, son régime exaltait la modernisation de l’Iran et la “révolution blanche”, ce plan ambitieux de réformes lancé en 1963. La “grande civilisation” à laquelle le chah avait rendu hommage semblait de retour.

    Mais à quel prix ! Omniprésence de la Savak (la police politique), pouvoir autocratique, cassure entre la capitale et la province, fracture entre une élite occidentalisée et le peuple, autisme du chah qui ignore l’aspiration de la société à intervenir dans la vie politique, corruption, vénalité, et hausse des prix. À ceux qui évoquent les ravages sociaux et politiques de l’inflation, le chah répond : « Mon gouvernement m’assure du contraire. Vous ne répercutez que des bavardages de salon ! »

    La “révolution blanche” a heurté les plus traditionalistes de la société iranienne, les chefs de tribus et une partie du clergé conduite par un mollah nommé Ruhollah Khomeiny. Né en 1902, celui-ci nie toute valeur au référendum qui doit approuver la “révolution blanche”. C’est surtout la proclamation de l’égalité entre homme et femme et la modernisation du système judiciaire qui le font réagir car il estime que ce sont deux atteintes aux préceptes de l’Islam et du Coran. Sans oublier que la réforme agraire est, dit-il, préparée par Israël pour transformer l’Iran en protectorat…

    De Qom, ville sainte du chiisme, Khomeiny provoque le chah le 3 mai 1963. Il est arrêté. Suivent trois jours d’émeutes, les 15, 16 et 17 juin, 75 victimes, 400 arrestations et un constat : l’alliance “du rouge et du noir”, une minorité religieuse active et fanatisée avec les réseaux clandestins du Toudeh, le parti communiste iranien. Pour éviter la peine de mort à Khomeiny, des ayatollahs lui accordent le titre de docteur de la loi faisant de lui un ayatollah. Libéré, il récidive en 1964 et s’installe en Irak.

    Ces oppositions, le chah les connaît. Elles le préoccupent. Il lance un appel aux intellectuels pour qu’ils en discutent en toute liberté. En avril 1973 se réunit le “Groupe d’études sur les problèmes iraniens”, composé de personnalités indépendantes. En juillet 1974, un rapport est remis au chah qui l’annote, puis le transmet à Amir Abbas Hoveida, son premier ministre. « Sire, lui répond-il, ces intellectuels n’ont rien trouvé de mieux pour gâcher vos vacances. N’y faites pas attention, ce sont des bavardages. » En fait, il s’agit d’un inventaire sans complaisance de l’état du pays complété de mesures correctives avec cet avertissement : si elles ne sont pas prises au plus vite, une crise très grave pourrait éclater. Cinq mois plus tard, le chef de l’état-major général des forces armées remet à son tour un rapport confidentiel et aussi alarmant que celui des intellectuels : l’armée résistera à une agression extérieure mais un grave malaise interne peut mettre en danger la sécurité nationale.

    Ces deux avertissements venus du coeur même du régime restent lettre morte. Un nouveau parti officiel créé en 1975, un nouveau premier ministre nommé en août 1977 ne changent rien : les ministres valsent, les fonctionnaires cherchent un second emploi, le bazar de Téhéran gronde. Or dès l’année 1976, le chah sent que la maladie ronge son avenir. « Six à huit ans », lui a dit le professeur français Jean Bernard. C’est un homme fatigué qui affronte la montée de la violence révolutionnaire dans son pays.

    D’Irak, Khomeiny redouble ses attaques. Le chah, dit-il, n’est qu’« un agent juif, un serpent américain dont la tête doit être écrasée avec une pierre ». Le 8 janvier 1978, un article paru dans un quotidien du soir de Téhéran fait l’effet d’une bombe. Il s’agit d’une réponse virulente à Khomeiny, qui a été visée au préalable par le ministre de l’Information. Or la polémique mêle vérités et mensonges. Le lendemain, à Qom, des manifestants envahissent la ville sainte : un mort, le premier de la révolution. Le 19 février, quarante jours après ce décès, le grand ayatollah Shariatmadari organise à Tabriz une réunion commémorative. À nouveau, du vandalisme, des morts, des blessés. L’engrenage manifestation-répression est engagé. Et à chaque quarantième jour, à Téhéran, à Tabriz, à Qom, se déroule une manifestation qui tourne à l’émeute. La police appréhende des jeunes gens rentrés récemment des États-Unis et connus pour leur appartenance à des groupes d’extrême gauche, ou des activistes sortis des camps palestiniens, des individus ne parlant que l’arabe. Les forces de l’ordre ne tentent quasi rien contre eux.

    Le pouvoir s’affaiblit et s’enlise. Le chah nie la réalité, ignore le raidissement du clergé, continue à raisonner en termes de croissance de PIB. Et puis les Britanniques et les Américains ont leur propre vision de la situation ; ils conseillent de pratiquer une ouverture politique et de libéraliser le régime : le général Nassiri, cible de la presse internationale et qui dirigeait la Savak depuis 1965, est écarté en juin 1978. Loin de soutenir le chah, comme le faisait Richard Nixon, le président Carter envisage son départ et son remplacement. Au nom des droits de l’homme, les diplomates américains poussent aux dissidences les plus radicales. Une ceinture verte islamiste, pensent-ils, est plus apte à arrêter l’expansion du communisme soviétique.

    Le 5 août 1978, le chah annonce des élections “libres à 100 %” pour juin 1979, une déclaration considérée comme un signe de faiblesse. Le 11, débute le ramadan. Des manifestations violentes éclatent à Ispahan : pour la première fois, des slogans visent directement le chah. Le 19, se produit un fait divers dramatique : un cinéma brûle, 417 morts. Un incendie criminel. L’auteur ? Des religieux radicaux ? La Savak ? Le soir même, la reine mère donne un dîner de gala. L’effet sur l’opinion est désastreux, alors que les indices orientent l’enquête vers l’entourage de Khomeiny.

    Le nouveau premier ministre, Jafar Sharif- Emami, surnommé “Monsieur 5 %” tant il prélève de commissions, déclare sous le coup de l’émotion “la patrie en danger”. Le 7 septembre, 100 000 personnes manifestent à Téhéran avec des ayatollahs : des portraits de Khomeiny apparaissent. La loi martiale est décrétée pour le lendemain 8. Les manifestants prennent de vitesse police et armée. Ils veulent occuper la “maison de la Nation” et y proclamer une “République islamique”. Le service d’ordre tire en l’air, des tireurs embusqués ouvrent le feu sur la foule. C’est le “vendredi noir”, soigneusement « préparé et financé par l’étranger » affirment les auteurs. Au total, 191 victimes. La rupture entre le régime et les partisans de Khomeiny est totale.

    Le chah est anéanti. « Jamais, confie-t-il, je ne ferai tirer sur mon peuple ! » Lui qui croyait être tant aimé se sent trahi : « Mais que leur ai-je donc fait ? ». Un seul souci l’habite : éviter la guerre civile, sa hantise. Le “vendredi noir” marque le début de son inexorable chute.

    Le désordre et l’anarchie s’installent ; Khomeiny gagne la France, reçoit intellectuels et journalistes (mais pas ceux de Valeurs actuelles à qui les auteurs de l’ouvrage que nous citons en référence rendent hommage) qui raffolent de l’ermite de Neauphle-le-Château ; en Iran, les marches en sa faveur se multiplient et façonnent l’image d’une révolution romantique et démocratique ; les Américains organisent en secret la phase finale de leur plan : neutraliser l’armée iranienne et le haut état-major fidèles au chah. Les jeux sont faits.

    « L’Iran des Pahlavi n’était certes pas parfait, mais il était en pleine modernisation, écrira Maurice Druon dans le Figaro du 12 novembre 2004. Fallait-il pousser à le remplacer par un régime arriéré, animé par un fanatisme aveugle ? L’essor de l’islamisme radical date de là. »

    À lire Mohammad Réza Pahlavi. Le Dernier Shah/ 1919-1980, de Houchang Nahavandi et Yves Bomati, Perrin, 622 pages, 27 €.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • "JE N'AI QUE FAIRE D’ÊTRE BEAU. IL ME SUFFIT QUE LES MÉCHANTS TREMBLENT ET QUE LES BONS SE RASSURENT."

    A Tolède, dès le 18 juillet, les officiers nationalistes ont rallié le mouvement, en se mettant sous les ordres du colonel Moscardo. 
         A l'annonce de l'insurrection, le Cadet Jaime Milan del Bosch a quitté Madrid, avec cinq de ses camarades, pour rentrer immédiatement à Tolède, où d'autres Cadets les ont rejoints le soir même. 
         Dans la ville, il n'y a, au reste, que six cent cinquante gardes civils qui refusent de rallier les casernes de gendarmerie de la capitale, où le gouvernement a donné l'ordre de concentrer toute la garde ; par contre, cent cinquante gardes du 14e Tercio de Madrid sont venus se joindre à eux. 
         C'est avec ces huit cents hommes, commandés par le lieutenant-colonel Romero Bazar, et avec quelques officiers en stage à la fabrique d'armes, que les Cadets organisent la résistance de Tolède, où ils ont la haute main pendant les trois premiers jours.
         Dès que Madrid a appris que Tolède était passée aux rebelles, le gouvernement a fait partir un corps de gardes d'assaut et de miliciens pour y rétablir la situation à son profit : et, le 18 juillet, à huit heures du soir, le général Riquelme, commandant les troupes gouvernementales, téléphone au colonel Moscardo d'avoir immédiatement à se rendre. 
         Mais, quelques instants plus tôt, le ministère de la Guerre, où l'on ignore sans doute la rébellion de Tolède, n'a-t-il pas téléphoné de son côté au même Moscardo :
         - Faites-vous livrer d'urgence le million de cartouches qui se trouvent à la fabrique d'armes, et dirigez-le au plus vite sur Madrid. 
         C'est ainsi que le colonel Moscardo apprend l'existence de ce dépôt, dont il exige qu'il lui soit livré sur-le-champ. En même temps, il se fait remettre des fusils, des instruments de chirurgie et le stock d'armes disponibles. Quand les miliciens de Madrid arrivent, le lendemain, pour dégager la fabrique de munitions, tout a déjà pris le chemin de l'Alcazar. 
         Pendant trois jours, la lutte se poursuit à les ruelles étroites et tortueuses de Tolède, entre les hommes du général Riquelme et ceux du colonel Moscardo. Lutte de quartier à quartier, de maison à maison, où l'on se dissimule derrière les fenêtres grillées, dans l'embrasure des portes cloutées, le long de ces âpres couloirs dallés, de ces pentes pierreuses qui dévalent au flanc de la ville. 
         La canaille et la populace ne tardent pas à se joindre aux miliciens, dont les forces sont manifestement de beaucoup supérieures. 
         Pour ne point tomber entre les mains des coquins qui font la loi dans Tolède, le colonel Moscardo et les Cadets décident, le 22, de s'enfermer dans l'Alcazar avec leurs troupes, auxquelles vont bientôt se joindre tous ceux qui préfèrent soutenir un siège que se rendre. Mais les femmes ont voulu suivre leurs maris, les enfants, leurs mères, et près de deux mille personnes ont réussi à gagner la forteresse.
         Quand commence le siège, il y a dans la haute citadelle huit cents gardes civils qui vont constituer le gros de la résistance et qu'encadrent quelques officiers, les Cadets, des artilleurs détachés à la fabrique de munitions, des ingénieurs civils, deux médecins militaires, des intendants, deux cents petits Cadets de l’École de gymnastique, quatre-vingt-cinq "phalangistes" de Tolède, de tout jeunes gens pour la plupart, quelques nationaux militants rassemblés autour de M. Ardias, le propriétaire du Café Suisse, l'un des grands cafés de la ville. L'ancien gouverneur civil, don Manuel Gonzalez Lopez, n'a pas tardé à les rejoindre. 
         La discipline intérieure a été placée sous la surveillance du capitaine Vela et du lieutenant Lopez Rialt, la loi martiale proclamée dans l'enceinte de la forteresse. Tous les insurgés ont pu trouver place parmi les vastes bâtiments militaires. Et la résistance se prépare derrière les murs de ce lourd palais qui proclame du haut de son roc décharné :
         "JE N'AI QUE FAIRE D’ÊTRE BEAU. IL ME SUFFIT QUE LES MÉCHANTS TREMBLENT ET QUE LES BONS SE RASSURENT." (1)

    Les Cadets de l'Alcazar, Henri Massis et Robert Brasillach
    (1) Maurice Barrès, Greco ou le secret de Tolède

    http://www.oragesdacier.info/