culture et histoire - Page 1789
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Jean Raspail et le Royalisme
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Gyp 1849-1932
Gyp est le pseudonyme en littérature de Sibylle, Gabrielle, Marie, Antoinette de Riquetti de Mirabeau, devenue comtesse de Martel par son mariage. Mirabeau, le talentueux homme politique révolutionnaire, était son arrière-grand-oncle mais elle descendait en ligne directe du frère de ce dernier, le célèbre Mirabeau-Tonneau, dont l'engagement contre-révolutionnaire fut flamboyant. Romancière prolifique et à succès, elle ne se contenta pas de décrire son époque et d'en déplorer certaines évolutions mais elle fut aussi une militante acharnée et participa à tous les combats d'une droite qui, héritière du bonapartisme, se voulait à la fois nationaliste et populaire.
Gyp est née en 1849 dans le château breton de Coètsal près de Mériadec. Ses parents ne s'entendent pas. Elle a un an lorsqu'ils se séparent. Son père reste en Bretagne; sa mère rentre en Lorraine, à Nancy, et récupère très vite sa fille. Elle passera sa jeunesse à Nancy dans la belle demeure de son grand-père, monsieur de Gonneville. Sa mère menant une vie très mondaine, elle sera élevée par son grand-père qui l' éduquera comme un garçon: exercices physiques, équitation, escrime ... Une préceptrice lui donnera une certaine instruction. La petite fille est très tôt fascinée par l' épopée napoléonienne. Elle rencontre assez régulièrement son père en Bretagne ou en Lorraine. Ce dernier, légitimiste, se rend avec elle à Frohsdorf où il la présente au comte de Chambord, en 1859. Gyp demeure bonapartiste. En 1860, son père, engagé chez les zouaves pontificaux afin de défendre le pape, est tué accidentellement.
Elle est bientôt inscrite au Sacré-Cœur de Nancy, établissement pour les jeunes filles de la bonne société. Elle y fait preuve d'hostilité envers les jésuites auxquels elle reproche d'être des religieux entremetteurs et d'esprit cosmopolite. Durant plusieurs années, chaque été, elle passe quinze jours auprès de la reine de Prusse qui apprécie sa vivacité.
En 1869, elle épouse Roger de Martel, frère d'une de ses amies. Le jeune couple réside quelques mois à Paris. Mais la guerre de 1870 éclate. Pour Gyp le choc est rude. Elle souffre de la défaite et de la chute de Napoléon III pour lequel elle éprouvait beaucoup de sympathie. Le couple séjourne à Nancy de 1873 à 1879. Trois enfants vont naître : deux garçons en 1873 et 1875, une fille en 1877. Puis, la famille s'installe à Neuilly. Les liens entre les époux se distendent rapidement et chacun va désormais multiplier les aventures sans se soucier de l'autre mais tout en maintenant des relations amicales. Gyp commence à écrire et fréquente les milieux intellectuels. Sa propre mère, depuis des années, mène une carrière littéraire assez médiocre. En 1882, le couple est partiellement ruiné par le krach de l'Union générale, la grande banque catholique. Gyp doit intensifier sa production pour faire vivre sa famille et éduquer ses enfants. Elle multiplie les articles et fait paraître plusieurs livres. Le succès est réel. Elle bénéficie de l'amitié d'écrivains de talent comme Anatole France. Cela n'empêche pas certaines jalousies. En 1884, on l'agresse au vitriol et, en 1885, on lui tire dessus.
Peu à peu, elle va se laisser tenter par l'action politique. Elle se lance dans le combat en faveur du général Boulanger qui tente de réunir les opposants à la république parlementaire et libérale et se pose en incarnation de la revanche face à l'Allemagne. À partir de 1887, elle se montre très active chez les boulangistes et demeurera fidèle à cette cause jusqu'à son lamentable effondrement en 1890. Elle fait la connaissance de plusieurs personnalités nationalistes qui deviendront ses amis : Barrès, Rochefort, Déroulède ... Son salon est fréquenté par des célébrités intellectuelles et artistiques. Quoique catholique affichée, Gyp est aussi une femme très libre qui choque certains de ses contemporains. Sur le plan politique, elle s'affirme nationaliste, défenseur du peuple, critique envers le règne de l'argent. Hostile à la franc-maçonnerie, elle affiche aussi un antisémitisme aussi excessif qu'obsessionnel, tout en conservant des amis juifs. Toujours très militante, elle s'intéresse à l'action du marquis de Morès dans les milieux populaires, mais elle est surtout attirée par le dynamisme de Paul Déroulède. Collaboratrice de La Libre Parole et d'autres publications nationalistes, elle se retrouve parmi les principaux animateurs de la droite nationaliste durant l'affaire Dreyfus. Elle participe aux activités de la Ligue des patriotes de Déroulède ainsi qu'à celles de la Ligue de la patrie française. Elle joue un rôle de liaison entre les différents courants de cette famille politique. En 1900, elle est victime d'une mystérieuse tentative d'enlèvement. La même année, Gyp a la douleur de perdre un de ses fils, officier de cavalerie, mort du typhus au Soudan. Elle ne renonce pas à l'action politique mais le coup est terrible. Elle refuse de se rallier à l'Action française et lui deviendra même bientôt très hostile. Elle l'accuse en effet d'être velléitaire et de contribuer à la division de la droite. Durant la guerre 1914-1918, elle se montre très patriote, soutient l'action de Clemenceau et dénonce sans relâche embusqués et profiteurs. Son fils, chirurgien célèbre, fait preuve de courage et son petit-fils est tué au combat. La mort de son époux en 1920 et celle de Barrès en 1923 l'éprouvent beaucoup. Elle commence en 1927 la rédaction de ses mémoires qui se révèlent passionnants. Ils constituent un remarquable tableau de la société ancienne. Elle décède en 1932. Les plus hautes personnalités littéraires et politiques assisteront à ses obsèques. Son fils, le docteur Thierry de Martel, engagé lui aussi à l'extrême-droite, se donnera la mort en juin 1940 lors de l'entrée des Allemands dans Paris.
Elle laisse une œuvre abondante composée d'innombrables articles et de nombreux livres, essentiellement des romans. Le seul qui a réellement survécu est Le Mariage de Chiffon (1894). Toute son œuvre a été écrite sous la pression des difficultés financières. La dimension militante de cette œuvre est incontestable. Son style, très direct, avec de nombreux dialogues, est étonnamment moderne. Elle fut aussi une dessinatrice et une caricaturiste de talent. Gyp mérite de ne pas être oubliée .
Jacques Saint-Pierre Monde&Vie octobre 2007 -
Le nouveau numéro de la revue L’Héritage est disponible
Sous-titrée revue d’études nationales, c’est une publication de qualité dont nous vous recommandons vivement la lecture !
Un moyen agréable (format A4 en couleur et bien illustré) de se former et de s’informer.
On peut commander ce numéro en ligne ici.
Pour un achat par chèque ou un abonnement, voir sur le site www.lheritage.netDans ce numéro, nous avons retenu en particulier :
- un article de fond, synthétique, sur la question du « mariage homosexuel » : fondements, manipulations, perspectives… signé Thibaut de Chassey
- une excellente présentation de la querelle des universaux : une question philosophique très concrète.
- une étude introductive sur la question raciale
- un article de l’abbé Schaeffer sur sainte Jeanne d’Arc
- dans les recensions de livres, celui à grand succès de Laurent Obertone sur l’insécurité, la France Orange mécanique, est lui-même victime d’un lynchage de la part de Paul Thore. Vous comprendrez pourquoi en lisant ce numéro. -
Monarchie active, premiers éléments de définition
Dans un monde globalisé, que peut l’Etat et, en particulier, l’Etat royal ?
Je me place ici dans l’hypothèse d’une Monarchie fraîchement instaurée en France, ce qui, pour l’instant, relève évidemment de la simple théorie, puisque nous sommes présentement en République.
Avouons d’abord que les conditions mêmes de l’instauration royale pèseront sur ses capacités d’action, non pas qu’elles handicapent forcément l’Etat mais qu’elles le placent en position de ne pas décevoir et, donc, de tenir compte, sans en être prisonnière, d’une Opinion publique attentive et impatiente.
La Monarchie « à la française » se signale, traditionnellement, par une force particulière de l’Etat, par l’autonomie du politique à l’égard des forces économiques et une volonté d’intervention qui ne se confond pas, néanmoins, avec l’étatisme, maladie d’hypertrophie invasive de l’Etat.
Cette force, cette autonomie et sa capacité d’inscrire sa volonté et son action dans le long terme sont d’autant plus « permises » que la monarchie est bien enracinée dans le temps et la suite des générations, et qu’elle n’a plus l’obligation pour l’Opinion de prouver sa légitimité ou son utilité, celles-ci étant avérées par son « temps passé » et les services rendus, pour autant qu’ils soient reconnus. Cela est sans doute plus délicat dans les premières années de l’instauration, dans le « règne inaugural ». Mais, quoiqu’il en soit, le simple fait de la transmission héréditaire annoncée procure à la magistrature suprême de l’Etat une certaine liberté qui a des possibilités de se vérifier et de se fortifier au fil des règnes.
Cela étant, il est nécessaire de rappeler que la monarchie, nouvelle ou adulte, ne peut pas tout faire et que, surtout, elle ne doit pas tout faire : son principe lui donne l’autorité nécessaire pour parler et agir, mais lui interdit de monopoliser les pouvoirs et les libertés.
Son rôle est de donner l’impulsion aux grands projets qui ont besoin d’une garantie politique sur le temps long, d’arbitrer entre les grandes assemblées, conseils ou syndicats, qu’ils soient nationaux ou régionaux, mais aussi d’ouvrir les grands chantiers institutionnels, politiques, sociaux, économiques, environnementaux, … par la convocation de conseils et le lancement de grands programmes de recherche et de prospective. Cette action qui mêle volonté, rapidité d’initiative et enracinement dans la durée, est rendue plus facile qu’en régime électif présidentiel par l’essence même de l’Autorité suprême qui n’a pas à remettre son destin tous les cinq ans entre les mains de ceux qui font (ou défont…) les élections et les opinions. Au contraire du système de la Cinquième République où le calendrier, sauf accident (démission du président ou décès, deux cas possibles, comme en 1969 et 1974), est réglé comme la minuterie d’une bombe à retardement, la monarchie n’est pas maître de son calendrier mais accompagne le temps, offrant, par son principe successoral, la garantie d’une « respiration humaine » et de la continuité statutaire.
L’action politique n’est pas réductible à la seule parole, et elle se doit de poser des actes : tout l’intérêt d’une monarchie héréditaire est d’en assumer la responsabilité, y compris d’un roi à son successeur, mais le renouvellement par le remplacement d’une génération par une autre au travers du monarque permet aussi de remettre en cause ce qui pourrait s’avérer obsolète sans, pour autant, menacer la continuité et la garantie de la permanence de l’Etat.
La Monarchie active ne peut être juste une magistrature morale, elle se doit d’être politique : de Gaulle, en établissant la Cinquième République, avait sans doute en tête ce que pourrait être une monarchie au-delà même de celle qu’il fondait, d’une certaine manière, incomplète et inachevée. En somme, le mieux ne serait-il pas de faire de cette Cinquième République qui, par le jeu des partis et des ambitieux, se caricature aujourd’hui en monocratie pipolisée, une monarchie véritable, hors d’atteinte des querelles partisanes et libre de toute attache clientéliste et financière, libre de parler et d’agir, avec le garde-fou des obligations constitutionnelles, des Conseils et des Assemblées, entre autres. C’était le vœu du comte de Paris, de Pierre Boutang et, au moins un temps, du général de Gaulle lui-même. Pour aller au bout de la logique gaullienne (je n’ai pas dit gaulliste…), et restaurer la politique, assumer le souci politique au sommet de l’Etat…Jean-Philippe CHAUVIN http://www.actionroyaliste.com -
Pour une offensive royaliste
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Le phénomène New Age ou l'individualité sous surveillance 1/2
Mettre l'Espèce à la place de Dieu - c'est-à-dire être toujours obsédé par l'Un -, alors que c'est l'individu qui peut seul la revendiquer, voilà donc le dénominateur commun des totalitarismes rouge et brun, et donc la source de toute Terreur, et aussi de notre désir contemporain de standardisation (le phantasme du clone!). Parce qu'ils voulaient éradiquer l'âme, le "moi", les régimes totalitaires du vingtième siècle postulaient que l'homme est totalement malléable, indéfiniment réformable par le collectif. Il s'agissait de le reconstruire via le conditionnement, la propagande, l'eugénisme. Le fantasme de l'homme nouveau ne visait que la réification de la personne. Et l'on est bien forcé de constater qu'une certaine philosophie New Age imprégnant fortement notre temps, si chère au cœur des soixante-huitards et "bourgeois bohèmes" de toutes sortes, s'inscrit nettement dans cette filiation, via l'idée du "Cerveau global". Elle est encore un autre visage du rêve totalitaire "mou", un visage également serein, car elle ne croit pas, elle non plus, à la violence physique. Son projet de réforme radicale de l'humain, de transformation personnelle n'est souvent que le synonyme de cette réduction de l'homme à un simple matériau de construction.
Pourquoi le soixante-huitard cultive-t-il d'ailleurs son penchant New Age ? Il trouve ça chic et plaisant : c'est une marque (c'est-à-dire un "produit de luxe") et une manière de diminuer le stress ! Bref, le New Age est carrément tendance... Le côté "pouvoir des fleurs" ne lui déplaît pas ! Cette touche de désinvolture et de distance qu'apportent les pratiques du "Nouvel Age", ou supposées telles, le font passer pour un "sage" épris de spiritualité, en quête d'"authentique", et attentif à "ce monde qui nous parle". Le soixante-huitard adore passer pour un autre ! Depuis tout petit il aime bien se déguiser. Il paraît que c'est un passe-temps très répandu entre le 7e et le 16e arrondissement de Paris... Il y a là plein de types en Mercedes et de nymphes évaporées qui adorent se prendre pour ceux qu'ils ne sont pas...Mais le fond de l'affaire, c'est que le soixante-huitard adore les climats de douce torpeur, celui-là même qu'il retrouve dans le New Age. Il y a dans tout cela une claire volonté de sortir de l'Histoire qui n'est pas pour lui déplaire. Pourquoi ne pourrait-on pas en avoir assez du bruit et de la fureur ? Des siècles de combats, de conquêtes et de vastes constructions politico-idéologiques ont épuisé l'espèce humaine au-delà du supportable. Désormais, le temps vient du repos... Le soixante-huitard pense sincèrement que le "bobo" est l'avenir de l'homme... Pétards, parties fines, soirées branchées et séjours réguliers sur des plages ensoleillées : oui, pourquoi pas après tout... Le problème est que tout cela a un prix : celui de notre humanité. Le soixante-huitard l'accepte. Il acquiesce à la mort de l'individu souverain, solaire, et il fait siens les oukases du politiquement correct, de la pensée unique et de la novlangue qui assurent la tranquillité de l'esprit. Il acquiesce également au creusement des inégalités sociales puisque la douceur de vivre pour une minorité exige l'adaptation de la majorité à une précarité socio-économique plus ou moins relative et chronique. Le New Age est donc une manière de condenser cet état d'esprit global. Mais voyons de plus près comment se constitua se mouvement sociétal.Pour les "maîtres du Verseau", il n'existe pas de nature humaine immuable, définissable : l'homme n'est qu'un programme, une variable constamment révisable, adaptable à volonté. Ils s'échinent à nous convaincre que nous pouvons "gérer" nos croyances, les modifier, ou même les éradiquer : on imagine aisément qu'ils n'hésiteraient guère à procéder au décapage mental nécessaire pour que certains récalcitrants "s'émancipent" de cadres de pensée jugés inadéquats.Né en Californie et en Écosse au milieu des années 1960, à Big Sur, près de San Francisco, et à Findhorn, le New Age portait le message d'une nouvelle ère, celle du Verseau, évoquée pour la première fois par Paul Le Cour, et qui succédait à l'ère sombre des Poissons. Un "Nouvel Age" débuterait, tissé d'harmonie et communication entre les hommes ! Véritable "changement de paradigme", comme aiment à le qualifier ses adeptes, ce nouveau cadre de pensée marquerait l'élargissement décisif de la conscience humaine et l'actualisation de soi, c'est-à-dire la réalisation du potentiel intellectuel, affectif, spirituel et mystique de l'individu. Le nouveau millénaire, exploré par Marylin Ferguson dans Les Enfants du Verseau, publié au cours des années 1970, serait censé ouvrir une époque de synthèse des connaissances humaines (et donc d'équilibre et de bonheur). Il est en effet frappant de constater à quel point le New Age pioche dans toutes les sciences, qu'elles soient physiques ou humaines. Dans le corpus doctrinal des fils spirituels du fondateur d'Esalen - Michael MacMurphy -, et des "Écossais" - Peter Caddy, David Spangler ou George Trevelyan -, la Gnose de Princeton, les théories du physicien Fritjof Capra, auteur du Tao de la physique et les thèmes écologiques côtoient les thèses d'Helena Petrovna Blavatsky, pivot de la Société théosophique, créée en 1875, ou celles du transcendantalisme d'Henry David Thoreau, Ralph Waldo Emerson et Louisa May Alcott. A l'instar de la gnose, la mouvance New Age postule que c'est le savoir qui sauve, et non la foi ou la grâce.Éric Delbecque, La métamorphose du pouvoir
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Le phénomène New Age ou l'individualité sous surveillance 2/2
Le "Nouvel Age", c'est également des pratiques : celle du channeling - que l'on peut traduire en français par spiritisme, dont la figure emblématique fut Allan Kardec -, celle aussi du voyage astral, du lying, c'est-à-dire de la régression dans des vies antérieures, ou celle encore du tantra sky dancing, mariage du sexe et de la spiritualité. Il faut y ajouter l'exercice certainement salutaire du yoga ou de la respiration holotropique - chère à Stanislas Grof -, la propagation de la sophrologie ou du biofeedback, c'est-à-dire l'apprentissage du contrôle de ses propres réactions physiologiques.
Qu'importe toutefois de croire aux chakras, à la possibilité d'applications médicales de l'occultisme - enseignées par Eliphas Lévi - où l'astrologie karmique, de réciter des mantras ou d'articuler son existence autour de l'enseignement de la Gnose : qui peut dire où est la vérité ? Il semble vain de vouloir discuter les croyances les plus répandues chez les new-agers. Pourquoi disserter pour savoir si nous avons ou non plusieurs corps - trois, cinq ou sept - qui seraient des champs d'énergie vibratoire formant autour du corps physique un corps de lumière, c'est-à-dire l'aura ? Quel intérêt d'engager le fer pour démontrer ou infirmer qu'il n'y a pas de hasard, que nous sommes entraînés dans le flux des réincarnations, que l'au-delà a été exploré, que le corps est notre inconscient, que l'on peut communiquer avec les anges, qu'à force de croire nous pouvons rendre vrai, c'est-à-dire que la visualisation de ce que nous désirons est créatrice de ce rêve ? En faisant connaître à l'Occident les philosophies de l'Orient et en cherchant à percer à jour la tradition commune à toutes les religions, Helena Blavatsky œuvra peut-être utilement ; de même, les mouvements de développement du potentiel humain présentent bien des aspects stimulants : d'Alice Bailey, qui créa avant l'heure l'expression de "Nouvel Age", à la divinisation équivoque de l'homme, but de la transformation personnelle, en passant par la "Jesus Révolution" et Woodstock, l'éventail des chemins spirituels est large et ne mérite pas systématiquement la suspicion...Il importe en effet de ne pas se méprendre : si un certain recyclage de ces différentes approches intellectuelles et philosophiques du phénomène humain apparaît lourd de menaces, on ne peut invalider pour autant la démarche de ces pensées alternatives.En revanche, c'est le paradigme holistique, et donc désindividualisant, qui peut rendre inquiétant l'univers de pensée New Age. Le millénarisme du grand tournant ou l'impératif de la transformation personnelle ne prennent souvent sens, positivement ou négativement, qu'à travers le prisme holiste. Il n'est pas anodin que les new-agers les plus résolus fréquentent les écrits de René Guénon tout autant - et parfois plus - que les textes de Teilhard de Chardin ou les nombreux ouvrages de Papus, pourtant une référence essentielle à leurs yeux. Il n'est pas indifférent non plus que l'on retrouve Maître Eckart, Paracelse ou Tommaso Campanella dans leurs auteurs favoris.Ce qu'ils recherchent essentiellement chez tous ces théoriciens, comme dans certaines interprétations du bouddhisme ou de la gnose, de la philosophie orientale et la mystique, c'est l'apologie d'un monisme panthéiste dressé contre le moi souverain. Pour les accros du New Age, autrui n'est pas unique. Ils ne veulent d'ailleurs pas l'envisager comme un objet de désir, comme le seul être pouvant combler la béance qui nous mutile. Leur conception fusionnelle de l'espèce humaine est férocement anti-humaniste. Leur obsession de bâtir une communauté organique, indivise, les rend inaptes à la rencontre de l’altérité, les enfonce conséquemment dans le solipsisme le plus désespérant, et leur fait croire qu'ils n'ont nul besoin d'autrui.Eric Delbecque, La métamorphose du pouvoir -
C’était un 9 août : Nagasaki ou la guerre selon les démocrates
Le 9 août 1945, les Etats-Unis, champions de la Démocratie, lâchaient sur la ville japonaise de Nagasaki une bombe atomique.
Il s’agissait bien d’une politique de terreur destinée à faire plier plus vite l’Etat nippon (dont la défaite était en cours) en massacrant ses civils.
Notons que les Etats-Unis attaquent, depuis, un peu partout sur la planète au motif de la défense des civils, et qu’ils s’indignent que d’autres qu’eux puissent avoir l’arme atomique, alors qu’ils sont les seuls à l’avoir utilisée (par deux fois), sans même qu’il s’agisse de se défendre.La première bombe A avait été lâchée sur Hiroshima trois jours plus tôt (entre 100 000 et 200 000 morts).
Nagasaki a été entièrement soufflée (au moins 60 000 morts).
Rappelons que cette ville était celle qui comptait le plus de catholiques japonais. Un hasard ?L’URSS en profita pour déclarer (enfin!) la guerre au Japon, et s’accaparer ainsi les îles Kouriles et Sakhaline.
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Frakass - Guerre Urbaine
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Identité française : relire Renan !
Quand on parle d’identité française, « Qu’est ce qu’une nation » d’Ernest Renan reste un texte incontournable. Le seul problème c’est que cette très belle conférence du 11 mars 1882 est davantage commentée que réellement lue et comprise.
Retour au texte : http://www.bmlisieux.com/archives/nation01.htm
Le socle objectif d’une nation : race, langue, religion, intérêts, géographie
Les commentateurs rapides retiennent souvent du texte de Renan une et une seule chose : « la nation est un plébiscite de tous les jours » ; ils en tirent la conclusion que Renan a défendu une conception exclusivement subjectiviste de la nation. Ce qui est parfaitement inexact. La partie la plus longue du texte – le chapitre II – est consacrée à une longue discussion sur les bases objectives de la nation. Renan s’écarte effectivement d’une conception purement déterministe de la nation tout en reconnaissant l’importance de données objectives.
Certes, pour Renan la nation n’est pas la race (au sens de peuple : celte, germain ou romain) et « Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas » (…) « La religion ne saurait non plus offrir une base suffisante à l’établissement d’une nationalité moderne ». Mais « La communauté des intérêts est assurément un lien puissant entre les hommes ». (…) et « La géographie, ce qu’on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. »
Il faut bien comprendre ce que Renan dit ici : refus du déterminisme mais prise en compte de la réalité. La dernière phrase du chapitre II est déterminante pour comprendre : « Nous venons de voir ce qui ne suffit pas à créer un tel principe spirituel : la race, la langue, les intérêts, l’affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires. Que faut-il donc en plus ? »
Deux phrases sont ici essentielles : « ce qui ne suffit pas » et « Que faut-il donc en plus ? ». En clair la race, la langue, la religion, les intérêts, le territoire ne sont pas des conditions suffisantes à l’existence d’une nation mais ce sont des conditions, sinon nécessaires, du moins préalables.
Le socle subjectif d’une nation : « Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes »
La suite montre d’ailleurs l’idée très exigeante que Renan se fait de la nation et l’importance qu’il attache à l’héritage moral et historique, à l’inscription dans le temps long : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, Messieurs, ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : « Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes » est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. »
Pour Renan, il n’y a pas pour une nation de présent commun possible, sans passé commun revendiqué ou assumé. Le socle subjectif d’une nation renvoi à un socle objectif : l’héritage.
Jean-Yves Ménébrez,30/11/2009
Polémia