Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

plus ou moins philo - Page 25

  • Philosophie : un nouveau livre bienvenu

    encart-web
    Celui qui s’intéresse aux changements de notre monde, qui nous affectent tous, doit s’intéresser à la politique.
    Celui qui s’intéresse à la politique doit s’intéresser à la philosophie car de celle-ci découle celle-là.
    Cet ouvrage d’initiation, complet et synthétique, mérite donc d’être signalé et sa sortie est une heureuse nouvelle.
    254 p. 20 €, Ed. des Cimes, disponible ici.

    4e de couverture :

    Lire la suite

  • Le jugement

    Juger revient à établir un rapport entre deux notions. On peut par exemple juger les autres, ce qui peut paraître insupportable pour certains : « Un tel est un minable », « Telle femme est belle ou laide », « Un tel est un psychopathe ».

    Dans tout jugement il y a une part de création de vérité, d'affirmation de soi, d'engagement, ce qui peut s'opposer à l'humilité judéo-chrétienne : « Qui suis-je pour juger ? » (Pape François). On ne juge pas uniquement les autres, mais aussi tout objet, tout acte. En plus des jugements de valeurs et de faits (« le toit est gris »), existent les jugements de goûts (« telle œuvre est belle ou réussie »). Juger est en fin de compte lié à l'activité de penser. Penser, c'est juger. Penser est aussi dominer, car juger est aussi s'approprier le monde ou les autres.

    Kant

    Dans la critique du jugement (Urteil) Kant analyse le terme. En logique, tout énoncé relie deux concepts : le sujet et le prédicat. « Le mur est blanc » (S est P). Ce jugement peut être vrai ou faux. La critique du jugement analyse la raison en tant qu'elle a la faculté de porter des jugements.

    Dès que nous parlons nous jugeons. Le philosophe distingue les jugements analytiques et les jugements synthétiques.

    Il y a aussi les jugements a priori nécessaires et universels. Ils ne viennent pas de l'expérience. Ils conditionnent notre pensée comme les énoncés mathématiques. Les jugements empiriques viennent de l'expérience « la mer est bleue ».

    Un jugement est analytique lorsque le prédicat ne fait que dire ce qui est déjà dans sujet (« les corps sont étendus »). Dans la notion de corps se trouve déjà l'étendue.

    Dans le jugement synthétique, le prédicat ajoute quelque chose au sujet (« les corps sont pesants »).

    Pour Kant seuls les jugements synthétiques a priori sont « scientifiques ». Ils nous apprennent quelque chose tout en étant nécessaires et universels.

    Le philosophe dans « Critique de la raison pure » se pose la question : comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? Il verra dans le sujet les formes a priori qui constituent l'objet.

    Les deux sources de la connaissance sont la sensibilité par laquelle les impressions sont reçues et l'entendement qui permet de les penser. Sans résumer ici la critique de la raison pure, l'espace et le temps sont les formes a priori de la sensibilité.

    La sensibilité est passive, l'entendement est une fonction active.

    Les formes a priori de la pensée sont appelées par Kant catégories de l'entendement. La catégorie capitale est celle de la causalité. Elle est a priori et ne provient pas de l'habitude à la différence de Hume. Les catégories a priori viendraient sans qu'il le dise de la structure de notre cerveau.

    Descartes - Spinoza

    Pour Descartes, le jugement est l'expression de ma liberté. C'est décider en face de l'existant en engageant sa responsabilité. Juger est prendre parti dans un monde qui peut sembler sans signification.

    Spinoza qui a critiqué l'idée de la liberté ne voit bien sûr dans le jugement aucun acte libre. Si j'ai l'idée d'un triangle et que je vois une forme géométrique qui a l'aspect d'un triangle, comment pourrais-je juger autrement ?

    « Nul, ayant une idée vraie, n 'ignore que l'idée vraie enveloppe la plus haute certitude ; avoir une idée vraie, en effet ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible ; et certes, personne ne peut en douter, à moins de croire que l'idée est quelque chose de muet comme une peinture sur un panneau et non un mode de penser, savoir l'acte même de connaître ». (Spinoza - Ethique)

    L'erreur n'est qu'une connaissance mutilée et imparfaite pour Spinoza, à la différence de Descartes pour qui l'erreur nait d'un acte de volonté. On accorde son assentiment alors qu'il n'y a pas lieu de la donner à une idée confuse. À la différence de Descartes, Spinoza ne voit pas l'engagement du sujet dans le jugement.

    Jugement et croyance

    Saint Augustin avait déjà remarqué que la foi n'est pas limitée au religieux. Toute connaissance est aussi une croyance. Dans toute connaissance, il y a un pari, comme dans le pari de Pascal sur la foi.

    « Savoir, c 'est toujours engager le sujet dans l'objet, risquer une hypothèse, une idée dans les faits et y croire d'autant plus qu'elle explique davantage. Toute connaissance est un mixte de science et de foi, une croyance : croire est le propre de l'homme » (Jean Lacroix).

    « J'ai donc du supprimer le savoir pour y substituer la croyance » (Kant, Critique de la raison pure).

    L'acte de juger ne se limite pas au monde des idées. Juger est un acte social qui agit sur les êtres. Le psychiatre qui jugeant qu'un tel est fou, quels que soient les termes techniques à sa disposition, décide l'enfermement. Le juge au tribunal déclare un tel « coupable » ou « irresponsable ». Tel jugement sur une œuvre peut faire la gloire ou la ruine d'un artiste. L'homme politique juge parfois l'adversaire ou même l'ennemi. « Le Front National est le mal absolu » (Pierre Mauroy). Quelle métaphysique de la politique !

    Juger établit des relations entre les représentations, mais parfois à quel prix et avec quelle violence ? Le jugement des hommes avec ses effets autoréalisateurs peut parfois à juste titre faire peur.

     

    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • Julius Evola : "Le troisième sexe"

    Nous avons précédemment considéré la constitution des individus à l’égard du sexe (leur « sexualisation », le degré différent de leur qualité homme ou femme) comme quelque chose de préformé et de stable. Or, il faut faire entrer en question le cas où, au contraire, certains changements deviennent possibles sous l’effet de processus régressifs, favorisés éventuellement par les conditions générales du milieu, de la société et de la civilisation.

    A titre de prémisse, il importe d’avoir une idée plus exacte du sexe, dans les termes suivants. Le fait qu’exceptionnellement seulement on soit homme ou femme à cent pour cent et qu’en chaque individu subsistent des résidus de l’autre sexe est en relation avec un autre fait, bien connu en biologie, à savoir que l’embryon n’est pas sexuellement différencié au début, qu’il présente à l’origine les caractéristiques des deux sexes. C’est un processus plus tardif (à ce qu’il paraît, il commence à partir du cinquième ou du sixième mois de la gestation) qui produit la « sexualisation » : alors les caractéristiques d’un sexe vont prévaloir et se développer toujours plus, celles de l’autre sexe s’atrophiant ou passant à l’état latent (dans le domaine purement somatique, on a comme résidus de l’autre sexe les mamelons chez l’homme, et le clitoris chez la femme). Ainsi, lorsque le développement est accompli, le sexe d’un individu masculin ou féminin doit être considéré comme l’effet d’une force prédominante qui imprime son propre sceau, tandis qu’elle neutralise et exclut les possibilités originellement coexistantes de l’autre sexe, spécialement dans le domaine corporel, physiologique (dans le domaine psychique, la marge d’oscillation peut être beaucoup plus grande). Or, il est permis de penser que ce pouvoir dominant dont dépend la sexualisation s’affaiblisse par régression. Alors, de même que politiquement, par suite de l’affaiblissement dans la société de toute autorité centrale, les forces d’en bas, jusqu’alors freinées, peuvent se libérer et réapparaître, de même on peut vérifier chez l’individu une émergence des caractères latents de l’autre sexe et, par conséquent, une bisexualité tendancielle. On se trouvera donc de nouveau face à la condition du « troisième sexe », et il est évident qu’un terrain particulièrement favorable au phénomène homosexuel sera présent. La condition, c’est un fléchissement intérieur, un affaiblissement de la « forme intérieure » ou, mieux, du pouvoir qui donne forme et qui ne se manifeste pas seulement dans la sexualité, mais aussi dans le caractère, dans la personnalité, dans le fait d’avoir, en règle générale, un « visage précis ». On peut alors comprendre pourquoi le développement de l’homosexualité même parmi les couches populaires et éventuellement sous des formes endémiques est un signe des temps, un phénomène qui rentre logiquement dans l’ensemble des phénomènes qui font que le monde moderne se présente comme un monde régressif.

    Dans une société égalitaire et démocratisée (au sens large du terme), dans une société où n’existent plus ni castes, ni classes fonctionnelles organiques, ni Ordres ; dans une société où la « culture » est quelque chose de nivelé, d’extrinsèque, d’utilitaire, et où la tradition a cessé d’être une force formatrice et vivante ; dans une société où le pindarique « Sois toi-même » est devenu une phrase vide de sens ; dans une société où avoir du caractère vaut comme un luxe que seul l’imbécile peut se permettre, tandis que la faiblesse intérieure est la norme ; dans une société, enfin, où l’on a confondu ce qui peut être audessus des différences de race, de peuple et de nation avec ce qui est effectivement en dessous de tout cela et qui a donc un caractère informel et hybride – dans une telle société agissent des forces qui, à la longue, ne peuvent pas ne pas avoir d’incidence sur la constitution même des individus, avec pour effet de frapper tout ce qui est typique et différencié, jusque dans le domaine psychophysique. La « démocratie » n’est pas un simple état de fart politique et -social ; c’est un climat général qui finit pas avoir des conséquences régressives sur le plan existentiel. Dans le domaine particulier des sexes, peut sans doute être favorisé ce fléchissement inférieur, cet affaiblissement du pouvoir intérieur sexualisateur qui, nous l’avons dit est la condition de la formation et de la propagation du « troisième sexe » et, avec lui, de nombreux cas d’homosexualité, selon ce que les moeurs actuelles nous présentent d’une façon qui ne peut pas ne pas frapper. D’un autre côté, on a pour conséquence la banalisation et la barbarisation visibles des relations sexuelles normales entre les jeunes des dernières Générations (à cause de la tension moindre due à une polarité amoindrie). Même certains phénomènes étranges qui, à ce qu’il semble, étaient très rares précédemment, ceux du changement de sexe sur le plan physique – des hommes qui deviennent somatiquement des femmes, ou vice-versa -, nous sommes portés à les considérer selon la même grille et à les ramener à des causes identiques : c’est comme si les potentialités de l’autre sexe contenues en chacun avaient acquis, dans le climat général actuel, une exceptionnelle possibilité de réapparition et d’activation à cause de l’affaiblissement de la force centrale qui, même sur le plan biologique, définit le « type », jusqu’à saper et à changer le sexe de la naissance.

    Dans tout ce que nous avons pu dire de convaincant jusqu’ici, il faut seulement enregistrer un signe des temps et reconnaître l’inanité complète de toute mesure répressive à base sociale, moraliste et conformiste. On ne peut pas retenir du sable qui glisse entre les doigts, quelle que soit la peine qu’on veuille se donner. Il faudrait plutôt revenir au plan des causes premières, d’où tout le reste, dans les différents domaines, y compris celui des phénomènes considérés ici, n’est qu’une conséquence et agir sur ce plan, y produire un changement essentiel. Mais cela revient à dire que le commencement de tout devrait être le dépassement de la civilisation et de la société actuelles, la restauration d’un type d’organisation sociale différencié, organique, bien articulé grâce à l’intervention d’une force centrale vivante et formatrice. Or une perspective de ce genre ressemble toujours plus à une pure utopie, parce que c’est dans la direction exactement opposée que va aujourd’hui le « progrès », dans tous les domaines. A ceux qui, intérieurement, n’appartiennent pas et ne veulent pas appartenir à ce monde il reste donc seulement à constater des rapports généraux de cause à effet qui échappent à la bêtise de nos contemporains et à contempler avec tranquillité toutes les excroissances qui, selon une logique bien reconnaissable, fleurissent sur le sol d’un monde en pleine décomposition.

    Julius Evola, L’Arc et la Massue, chapitre III (1968).

    http://la-dissidence.org/2014/04/03/julius-evola-le-troisieme-sexe/

  • Jean-François Mattéi : la philosophie en deuil

    par Hilaire de Crémiers

    Né en 1941 à Oran, en Algérie, ancien élève de Pierre Boutang, philosophe de haute volée, notre ami Jean-François Mattéi est décédé le 24 mars dernier à Marseille.

     

    La philosophie est en deuil. Jean-François Mattéi est décédé. Il a été enlevé à cette terre soudainement le 24 mars dernier. Nous ne verrons plus son visage si fin qui respirait l’intelligence. Ce pied-noir qui n’avait rien renié de ses origines, aimait le soleil et détenait dans le secret de son être quelque mystère solaire. Pudique et discret, seuls ses amis qui étaient favorisés de sa lumineuse conversation décelaient dans sa personnalité une transcendance qui l’apparentait à ces sortes de demi-dieux de l’Antiquité qu’étaient les philosophes. Il en était un ; il avait une longue familiarité avec eux, ce qui ne l’empêchait pas d’aimer la musique, le piano, le jazz et la vie.

    Il côtoyait Platon qu’il lisait dans le texte. La philosophie grecque, la vraie, pas celle des sophistes, dès les pré-socratiques s’est posée, en quelque sorte définie, par rapport à l’Être et donc au Non-Être. Abîme de pensée dont toute pensée est sortie, de même que dans la Bible Dieu se définit comme Celui qui est, source de tout être. [...]

    La suite sur Politique Magazine

  • Apprendre à penser à l'école du réel

    Jean de Rouen vient de publier une initiation à la philosophie (tome 1). Voici l'avant-propos :

    "Le premier tome de cette initiation à la philosophie, Tout passe. Ne faut-il pas que quelque chose demeure ? comprend trois parties distinctes

    PA la découverte de la philosophie introduit le lecteur à la science philosophique : il y découvre que la philosophie est une connaissance dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus ultime. L’esprit du philosophe épouse en effet la richesse et la densité du réel ; il s’introduit dans son intimité, pénètre ses secrets et le rejoint finalement dans ses principes les plus hauts et dans ses causes les plus profondes. 

    Origine, balbutiements, essor de la philosophie : histoire et cheminement de la pensée grecque fait observer au lecteur, à travers les premiers bégaiements de la pensée, le questionnement et la recherche philosophique prendre forme et aboutir en s’inscrivant dans la trame et les méandres du temps, en s’immisçant dans les vicissitudes de l’histoire. Genèse et développement d’une pensée qui, trois siècles durant, va mûrir un trésor intellectuel dans lequel puisera abondamment l’âme de notre civilisation européenne.

    Le christianisme lui-même assumera finalement les ressorts de la pensée grecque, tant il est vrai que toute théologie repose sur une structure de pensée philosophique et que la Révélation s’adresse à une intelligence formée et disposée à la recevoir. Comme la grâce se greffe sur la nature et la chrétienté s’enracine dans l’ébauche d’une cité temporelle, la Révélation suppose l’intelligence à laquelle elle s’adresse et dont elle sollicite moins l’abdication que l’adhésion. Nous admirerons en quoi et comment la philosophie grecque, portée à son achèvement par Aristote, s’avérera être le terreau intellectuel providentiellement le plus favorable et le plus fécond pour recueillir avec fruit le joyau de la Révélation chrétienne.

    La démarche intellectuelle du philosophe : logique et méthodologie exposera les exigences intellectuelles requises pour construire et mener à son terme une réflexion philosophique. La méthodologie ainsi étudiée, qui se conforme à la démarche de l’intelligence qui opère, s’enracine dans la logique dévoilée par Aristote, laquelle sera par conséquent esquissée. Quelles dispositions l’intelligence doit-elle adopter face à une question philosophique ? L’étudiant trouvera dans cette partie les armes intellectuelles pour réaliser une dissertation ou un commentaire de texte.  

    Quant au deuxième tome à venir, dans le prolongement de celui-ci, il consistera dans une approche notionnelle et thématique : 

    Car la philosophie jette les plus hautes lumières de la raison naturelle sur l’ensemble des réalités, des plus communes aux plus ultimes. Elle répond ainsi aux questions fondamentales que se pose l’intelligence humaine à propos, tout aussi bien, de la nature, de l’homme, de Dieu, de la vérité, de la morale, de la politique, ou encore de l’art.

    L’ouvrage soulèvera alors les grandes problématiques que rencontre et formule l’intelligence lorsqu’elle affronte ces différentes réalités. Ces problématiques sont l’expression de l’étonnement et du questionnement de l’homme face au réel : car l’homme, fondamentalement en quête de sens, cherche à comprendre.

    L’ouvrage exposera ensuite les pistes de réflexions qu’apportent les différents courants philosophiques, ainsi que les divergences qui les distinguent : c’est précisément dans la confrontation des idées qu’apparaissent avec davantage d’évidence, et que sont révélés avec plus de clarté, les problèmes philosophiques.

    Viendra enfin le temps d’éclairer la résolution des problèmes à la lumière de la tradition philosophique européenne dont la sagesse puise ses racines dans la Grèce antique.

    Se dessinent alors, à travers l’étude de ces différentes notions, les grandes structures de pensée, sous-jacentes aux différents positionnements, ainsi que la vision dernière de l’homme et du monde sur laquelle elles reposent."

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • L'interprétation

    « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer » (Marx). « Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations » (Nietzsche).
    Ces deux citations montrent à quel point la philosophie est liée à l'interprétation. Quand Marx propose de transformer le monde, il se réfère à une interprétation du monde qu'il veut changer. On ne peut donc sortir de l'interprétation.
    Pourtant, il existe des domaines où l'interprétation serait inexistante comme les mathématiques ou les sciences dites « exactes ». On comprend la démonstration d'un théorème en suivant les chaînes de raison. Il n'y a pas de place à l'interprétation.
    La physique cherche à expliquer le monde par des lois ou des relations mathématiques établies par l'expérience. L'interprétation se trouve donc à mi-chemin entre l'opinion et la science. Feyerabend verra dans la Science aussi une interprétation du monde.
    Les domaines du savoir humain où l'interprétation est omniprésente sont la littérature, les « sciences humaines » (économie, droit, sociologie, psychologie, histoire), la politique... L'interprétation devient même infinie.
    Interpréter, c'est donner le sens puisque l'homme est un animal qui veut du sens. Le sens de l'Histoire peut être la lutte des classes, la lutte des nations, la raison se constituant comme l'expose Hegel ou le choc des civilisations... en psychanalyse, on interprète les rêves. L'interprétation des textes (sacrés ou non) s'appelle l'herméneutique.
    L'herméneutique
    L'herméneutique est donc l'étude des textes sacrés à l'origine. Elle a pris un sens plus large pour désigner toute interprétation d'un texte. Les juifs et les protestants pratiquent plus l'herméneutique des textes sacrés que les catholiques. Ils ont un rapport direct aux textes à la différence des catholiques qui se réfèrent à l'enseignement de l’Église. Les musulmans veulent aussi toujours revenir au Coran.
    Pour Paul Feyerabend, aucun domaine n'échappe à l'interprétation, même la science soi-disant objective. Dilthey distinguera expliquer et interpréter. Pour lui, les sciences de la nature cherchent à expliquer. Les « sciences humaines » interprètent pour comprendre.
    En sociologie, on retrouve la différence d'approche entre Durkheim et Max Weber. Pour Durkheim, la sociologie se trouve au même plan que les sciences de la nature avec des lois « objectives ». Les faits sociaux sont des choses à expliquer. Max Weber cherche à comprendre les faits sociaux à partir de la subjectivité des individus. On ne peut comprendre qu'en interprétant le sens que les individus donnent à leur action. « Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ». (Max Weber)
    Ricœur verra dans l'herméneutique une interaction entre l'auteur et le lecteur. Ce qu'a écrit l'auteur n'est pas figé et toute lecture est une interprétation liée aux attentes, aux croyances, au final à la subjectivité du lecteur. Le lecteur peut même dépasser ce que l'auteur a voulu dire. L'écrit a une portée ontologique à la différence de la parole qui est furtive et liée aux circonstances.
    Un domaine où l'interprétation est sans limite est la poésie. Le poète pour Platon est un interprète des dieux. Il donne le sens ; il est aussi un interprète de la nature, du monde et des hommes.
    L'œuvre d'art n'existe que par son interprétation. Elle est un moment du passé interprété dans notre moment présent.
    L'interprétation des rêves
    La psychologie fait sans cesse appel à l'interprétation et particulièrement la psychanalyse. Le rêve par exemple révèle l'inconscient. « Tout le psychique étouffé apparaît dans le rêve ». Avant le rêve relevait de l'ordre du délire insignifiant. Comme de donner une signification au lapsus, on interprète le rêve. Il est la réalisation d'un désir refoulé. Les « idées latentes du rêve » sont cachées par la censure qui existe aussi dans le sommeil. Les désirs sont masqués. Pour la psychanalyse, tout a une signification dans le rêve puisqu'il traduit l'inconscient.
    Tout a aussi une symbolique. Le roi et la reine représentent les parents. Les enfants sont représentés par de petits animaux. L'organe sexuel de l'homme a une multiplicité de symboles : serpents, poissons, tiges, parapluies, ... Cette symbolisation déguise le désir. Freud dans son livre « L'interprétation des rêves » donne plusieurs analyses de rêves qui n'ont pas tous une signification sexuelle. Une mère rêve que sa fille est morte (alors qu'elle l'aime). C'est pour Freud une réminiscence de son désir d'avorter avant la naissance de sa fille.
    Nietzsche
    Le sens qu'a donné Nietzsche est que le monde n'a pas de sens, ce qu'on peut appeler le nihilisme. Pourtant le philosophe n'a fait qu'interpréter le monde. Dans sa généalogie de la morale, les valeurs bien et mal sont liées à leur généalogie. La morale, celle des faibles s'imposant par leur nombre, est fondée sur le ressentiment, comme l'impuissant qui prône la chasteté.
    Nietzsche interprète le monde de façon bipolaire entre les forts et les faibles. Il est dans ce domaine un psychologue et un sociologue hors pair.
    L'homme veut du sens et selon le philosophe « un sens quelconque vaut mieux que pas de sens du tout ».
    Il explique ainsi l'idéal ascétique comme si l'homme avait à racheter une faute. L'homme donc trouve un sens à sa souffrance.
    Pour Nietzsche, l'homme se sauvera lorsqu'il acceptera l'absence de sens. Ce que l'on appelle le nihilisme actif qui le différencie du nihilisme passif : « Nihiliste est l'homme qui juge que le monde tel qu 'il est ne devrait pas être et que le monde tel qu 'il devrait être n 'existe pas. De ce fait l'existence (agir, souffrir, vouloir, sentir) n'a aucun sens : de ce fait le pathos du « en vain » est le pathos nihiliste, et une inconséquence du nihiliste. ».
    Pour Platon, les sens étaient les interprètes des phénomènes. Dans la philosophie médiévale, l'interprétation était l'exégèse de la Bible.
    De cette vision antique ou religieuse on est passé à une interprétation des textes quelconques ou même plus généralement à celle de toute action sociale (ou individuelle comme le fera la psychologie). La psychanalyse interprétera même notre inconscient. L'interprétation est liée à l'essence de l'homme. L'homme veut donner un sens à tout objet, au monde qui l'entoure et à tout acte.
    Patrice GROS-SUAUDEAU