
Le concept de dignité a été à la source de l'abolition de la peine de mort. Monde et Vie a rencontré Anne Vial-Logeay, maître de conférences en langue et littérature latines à l'Université de Rouen, et Stamatios Tzitzis, directeur de recherche en droit au CNRS et directeur adjoint de l'Institut de criminologie de Paris II. Ils font le point sur la philosophie sous-jacente à cette question cruciale.
Monde et Vie : La peine de mort a été abolie au nom d'une certaine idée de l'homme : pouvez-vous nous expliquer le changement qui s'est opéré dans cette conception entre le moment où l'on pensait possible de sanctionner le criminel par la mort et le moment où l'on a supprimé cette sanction ?
Stamatios Tzitzis : Ce n’est pas au nom de l'homme qu’on a voulu supprimer la peine de mort, mais au nom de l'humanitarisme…
Anne Vial-Logeay : Qu’entendez-vous par " humanitarisme " ?
ST : J'oppose l'humanitarisme, né du courant des Lumières et de la Révolution, à l'humanisme qui l'a précédé au cours des siècles depuis l'Antiquité. Durant cette Antiquité, justement, on estimait que l'on pouvait être déchu de sa dignité et que cette déchéance pouvait être sanctionnée par la peine de mort. L'homme était alors homme en tant que membre de la cité. L'humanitarisme, quant à lui, tire ses racines du premier cosmopolitisme et d'une phrase de Cicéron, empruntée à Térence : " Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ". Avec ce premier cosmopolitisme, la notion d'espèce humaine naît au détriment de la notion plus concrète de l'homme compris comme membre d'une cité. L'époque moderne est influencée par ce cosmopolitisme. l'homme y est perçu comme un être général et privilégié.
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