Politologue, juriste et constitutionnaliste, Carl Schmitt (1888-1985) a appartenu à cette riche et vaste mouvance intellectuelle de la Révolution conservatrice allemande, dans les années 1920-1930. Théoricien de la décision politique et de la désignation géopolitique de l'ami et de l'ennemi, il a éprouvé de la sympathie pour le national-socialisme durant les premières années du régime avant de prendre ses distances avec lui.
Fustigées de nos jours par quelques livres moralisateurs qui font autorité auprès des bien-pensants - comme en témoigne la biographie inédite et traduite de l’allemand en français, parue tout récemment, Carl Schmitt. Un esprit dangereux, par Jan-Werner Muller (Armand Colin) -, les thèses de Carl Schmitt peuvent captiver également des jeunes chercheurs, universitaires et esprits libres. Bon connaisseur de sa pensée, Alain de Benoist la projette sur l'actualité mondiale dans un essai aussi clair que profond et agréable à lire. Quatre grands thèmes le structurent guerre « juste », terrorisme, état d'urgence, « Nomos de la Terre ». Alain de Benoist fait observer que Carl Schmitt distingue la guerre juridiquement codifiée naguère par le jus publicum europaeum, de la guerre juste qui institue la figure de l'ennemi comme étant celle du Mal à éradiquer. Alors que la « guerre réglée » visait la paix, la guerre « juste » sollicite la morale humanitaire des droits de l’homme) dans une optique dominatrice. D'ailleurs, si le « partisan » était reconnu au sein des conflits classiques, le « terroriste global » apparaît, de nos jours, comme un criminel inhumain qu'il faut placer hors humanité. Les États traditionnels pratiquaient l’ « État d'urgence » lorsqu'ils devaient répondre à une menace conjoncturelle. Les États modernes le prolongent en « état d'exception permanente » pour légitimer leur emprise sur le monde incertain qu'ils dirigent.