Nous savons bien que les tests de QI, ce fameux quotient intellectuel qui fascine lorsqu'il dépasse les 140 ou 150 et qui rebute les esprits rêveurs, ne mesurent qu'une fraction indéterminée de l'intelligence humaine. Mais force est d'admettre qu'il existe certains tests de QI proposés aux élèves, étudiants, patients, génies et autres fous qui n'ont pas évolué d'une virgule depuis leur introduction dans l'histoire de l'évaluation de l'intelligence humaine. Si le test d'Alfred Binet de 1911 ne fait plus guère figure de référence aujourd'hui, le test de QI qui avait été finalisé dans les années quarante par quelques scientifiques communautaires américains a toujours été appliqué sans discontinuité depuis son intronisation et l'est encore de nos jours dans l'ensemble des nations occidentales. C'est officiel, médiatiquement, scolairement, professionnellement officiel, ce test de QI constitue le reflet de l'intelligence d'un individu soumis au pal mental, et la radiographie de l'intelligence d'un peuple ou d'un pays lorsqu'une moyenne de tous les tests de QI d'une société donnée est calculée et analysée.
Depuis des décennies, le pouvoir politique par le biais de ses appareils médiatiques s'enorgueillissait des statistiques annuelles qui indiquaient, disaient les savants, une croissance continue de l'intelligence humaine en générale (en Occident et dans le Tiers-Monde, parti, lui, de très bas, éducation nationale déficiente aidant) et de l'intelligence des jeunes en particulier, grossièrement des 15-30 ans. Cette courbe montante dont se glorifiaient certains évolutionnistes faisait en outre le bonheur des progressistes et des pédagogues affiliés au pouvoir en place : les systèmes éducatifs des pays occidentaux et des démocraties étaient d'une extrême efficience puisque le QI moyen des lycéens et des étudiants de ces sociétés explosait chaque année tous les records...
On imagine le séisme qu'ont dû vivre tous ces fiérots dans leur tête carrée lorsqu'ils prirent connaissance de l'étude du maître mondial incontesté de la science "QIiste" et de son histoire, le légendaire Néo-Zélandais James Flynn (le découvreur de l'effet Flynn) qui, dans une étude toute chaude retranscrite dans un article de la revue American Psychologist du mois de mars 2012, démontre parfaitement, imparablement, oserions-nous dire, non la stagnation de l'évolution du QI moyen des jeunes Danois et des jeunes Norvégiens (le Danemark, la Norvège et la Suède sont considérés comme les nations disposant du meilleur système éducatif mondial et sont parmi les plus riches au monde proportionnellement au nombre d'habitants) mais son affaissement, sa décroissance structurelle ! L'information scientifique est d'autant plus sérieuse qu'elle est diffusée par ce James Flynn qui affirmait encore il y a quelques années que le gonflement moyen du QI était en quelque sorte linéaire et "mathématique"... « Pour la première fois, écrit Flynn en mars, le QI moyen pourrait atteindre une limite » et donc reculer.
Mais l'inquiétude principale des savants réside dans le fait qu'il n'est pas sûr que le QI des autres pays occidentaux et des pays en voie de développement atteignent ce même pic Scandinave avant de décroître ou de s'écrouler. Car il faut dire que les pays nordiques ont joui longtemps non seulement d'une éducation efficace comme nous le disions plus haut mais aussi de conditions sanitaires et sociales très en pointe au sein du monde industrialisé. Un système médical rigoureux et au-delà de cela une alimentation très complète, très qualitative tout en étant suffisamment riche pour donner au cerveau (qui consomme 20 % des calories dont le corps humain a besoin) une source optimale d'énergie. Les chercheurs du monde entier s'efforcent d'ores et déjà d'apporter des explications à cette décroissance de l'intelligence occidentale. Quelle serait la cause principale de cette soudaine médiocrité cérébrale ? D'aucuns voient dans l'essor et le triomphe des nouvelles technologies une raison majeure de cet abêtissement. Il y a d'ailleurs quelques mois des scientifiques de l'université de Columbia prétendaient voir dans les moteurs de recherche (Google) une source d'abrutissement, ce genre d'outil contribuant à l'hypotrophie de la mémoire, des « facultés mnésiques ».
D'autres pensent que l'homo sapiens a tout simplement atteint son pic d'intelligence pour diverses raisons physiologiques... Mais ces derniers sont des drôlets puisque si une stagnation du QI peut corroborer leur conjecture, une diminution générale des résultats des tests, qui a été observée et bien observée, répétons-le, infirme cette thèse bizarre de « l'intelligence parvenue à son âge adulte ». Bref la seule alternative explicative crédible admise par nos savants stipendiés réside dans l'idée de la malfaisance pour l'intelligence d'Internet et des jeux vidéo. Nous voulons bien croire à la nocivité relative de ces technologies qui inondent l'univers mental des enfants, des adolescents et des adultes. Mais aucune grande barbe n'a seulement osé évoquer l'influence grandissante d'un phénomène tout autant croissant qu'est l'immigration extra-européenne qui sévit aussi bien en Scandinavie qu'en France (où l'outil statistique est archaïque et bricolé sans cesse). Une nouvelle population s'installe d'une manière volontairement pérenne en Europe. Avec ses repères, ses coutumes, sa vision du monde et ses caractéristiques propres... Ses membres sont "QIsés" comme les autochtones. Leurs spécificités culturelles de "primo-arrivants" ne pourraient-elles pas expliquer, aussi, dans une certaine mesure, cette nouvelle déroute de l'intelligence globale ?
François-Xavier ROCHETTE. Rivarol du 20 avril 2012