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Stéphane Hessel et les vertus du Bien


Que ceux qui sont pour le Bien et contre le Mal lèvent le doigt. Hormis quelques brebis noires au bêlement dissonant et particulièrement louche, vous aurez pour réponse une majorité écrasante d’assentiments très corrects. Il ne faut pas creuser plus loin pour expliquer le succès d’opinion d’un Stéphane Hessel, le triomphe commercial, en 2010, de son opuscule à trois sous « Indignez-vous ! », vendu à plus de 2 millions d'exemplaires en France, traduit dans une trentaine de langues. La France, lisant ce brûlot ampoulé, aurait dû mille fois se soulever, coiffée de ce bonnet phrygien dont le « Grand homme » s’était affublé un jour, comme une sorte de Stroumpf sans culotte. Mais rien ne se passa, sauf les éternels embouteillages du week end…

Il y avait bien eu pourtant des attroupements, en Europe ou à Nouillorque … très peu en France… Indignados d'Espagne, indigneti d'Italie, indies d'Occupy Wall. Mais on s’époumone, on s’indigne véhémentement, et le monde tourne toujours en écrabouillant les innocents... Sale Monde immonde ! Méchants riches ! …

Le vieillard très digne de 95 ans a bien eu, le cabotin, son enterrement de première classe dans la Cour d’honneur des Invalides, avec trompettes et drapeau, garde d’honneur et discours ronflants. Pourquoi, au juste ? Certes, il fut Résistant, comme d’autres, et déporté, comme d’autres. Il fut diplomate, comme certains. Et militant.

Voilà… Il fut courageux, sans doute. Mais cela suffit-il, soixante ans plus tard, à forger un prophète ?

Que reconnaissons-nous en lui ? Ecoutons le chef de l’Etat : c’était donc «un homme qui fut une conscience, un grand Français, un juste», « un homme libre : libre de ses choix, libre de ses engagements, libre de sa vie». «La liberté, c’était sa passion, son idéal», «c’est en son nom qu’il fut un Français libre». Soit, voilà qui est bien. Mais tous ces mots emphatiques, cette répétition insistante sur le terme « libre », la connotation qui s’attache au substantif « juste », la formule quelque peu publicitaire qui inclut le vocable très affecté « passion », tout cela sent un peu la rhétorique de classe d’instruction civique de collège, vague à souhait, déclamatoire, un brin pompeux. En somme, de l’huile de moteur pour République un peu poussive. Certes, c’est la loi du genre, mais on aurait aimé un peu plus de précision, plutôt que le rappel ridicule qu’ « il lança à la face des fatalistes, des résignés, des frileux son slogan "Indignez-vous !"». Et cette précision : ce fut une invitation «non à la révolte mais à la lucidité». On n’est jamais trop prudent !

Et quelle action proposer ? François Hollande a rappelé son engagement auprès de Pierre Mendès France puis de Michel Rocard, «dont il partageait la conception de la gauche ». La gauche américaine, quoi… Le Victor Hugo à la sauce hollywoodienne mis en comédie musicale (pensez-vous, il était gaillard, pour son âge ! Et comme il sautait comme un cabri, en compagnie de cet autre cabotin hargneux, Cohn-Bendit !).

Hollande n’a pas enterré un nom bien dangereux ! Etait-il, du reste, notre « président normal », the right man pour ce faire ? On en doute, et l’amitié qui le liait à l’Indigné professionnel a de quoi surprendre. On lui passera, si l’on veut, l’intervention en Libye, mais que dire de sa participation au terrorisme perpétré par les très sanguinaires djihadistes, qui mettent actuellement la Syrie à feu et à sang, sans d’ailleurs que le Vieillard sublime y ait vu autre chose que le flash des photographes ? Que dire aussi de la précarité, de la misère programmée par un libéralisme cyniquement assumé, bien qu’enfumé par des réformes sociétales dilatoires ? On aurait aimé plus de « lucidité » de la part du patriarche !

L’Ancien, on le sait maintenant, poussait l’amour de la gloriole jusqu’à mentir sur son pedigree, et il faut avouer que c’est là un bon lazzi dans cette Commedia ! Plusieurs fois, selon les mauvaises langues, il s’est vanté d’avoir « participé » « à la rédaction (…) de la charte des droits de l'homme ». Il aurait été « associé à la rédaction » de cette charte. Les médias, non démentis, se sont hâtés d’en faire un «  co-rédacteur ». Le gros mensonge ! Certes, en 2008, il a avoué à mi-mot la semi-supercherie. Mais en 2010, lors de la publication de « Indignez-vous », il a repris à son compte cette usurpation flatteuse.

Mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! A 95 ans, il est normal d’anticiper sur les délices du paradis, même si c’est contre la vérité ! Et puis l’ivresse des plateaux, des micros, des grelots de la renommée… Il faut bien que vieillesse passe !

Il y a eu bien sûr les jérémiades acrimonieuses du venimeux Prasquier, président du Crif, qui a accusé le héros d’être antisémite, un peu comme on avait osé le reprocher au Juif Edgar Morin. Pour mériter l’apothéose, il faut, pour le lobby sioniste érigé en tribunal, se mettre au garde-à-vous devant l’Etat d’Israël, et se taire, comme le font la plupart des intellectuels français et des médias, complices ou terrorisés, devant les crimes de Tsahal. On peut alors bien reconnaître à Stéphane Hessel un certain courage, qui lui interdira sans doute le Panthéon. Pensez-vous, un antisémite à côté des plus grandes gloires de la France (à l’exception des autres…).

Mais bon, les méfaits d’Israël sont tellement gros que, si l’on bénéficie d’un brin d’honnêteté, on ne peut qu’en dire du mal. Pas de quoi casser la patte à un canard. Le Crif aurait mieux fait de se taire, car voilà une publicité supplémentaire dont les criminels de guerre israéliens se seraient bien passés.

C’est du reste la faute inexpiable que les organes de propagande sionistes, dont l’éventail est considérable, condamnaient avec virulence chez Hugo Chàvez. Le hasard a voulu en effet que L’Indigné et l’Homme d’Etat mourussent à peu près au même moment. Les deux aimaient les mots. Mais le second prenait les risques que l’autre avait abandonnés depuis belle lurette. Et il se coltinait avec de la chair et de l’âme humaines, non avec le souffle éthéré des mots (bien que le mot, bien sûr, puisse être une arme), mais avec de l’action.

A propos d’arme, le mot hessellien fait penser à une carabines à air comprimé, qui ne fait pas bien mal.

Seulement, la vie, le combat politique, ce n’est pas seulement la lutte entre le Bien et le Mal, comme voudrait nous le faire croire cet autre phénomène de foire qu’est BHL. Bien sûr, d’une certaine façon, les intellectuels de cour, qui hésitent entre rôle de bouffon ou de clown triste, ont toujours quelque part un peu de sang sur les mains. BHL, lui, en est imprégné, du sang des innocents. Une éponge. Stéphane Hessel, pour sa part, c’est un peu le Capitan de la Commedia dell Arte, un antique soldat, qui eut son heure de prestige, mais dont l’épée flageole, et le nez hume un peu trop au vent les vapeurs du songe.

Qui seront donc les « indignés » de demain ? Ces bobos phraseurs qui se la jouent dans la rue en ne voilant le sein qu’ils ne veulent pas voir ? Foin de cette réalité scandaleuse de la vie telle qu’elle est ! Il faut se salir les mains, parfois, dirait Sartre. Eh oui ! Les Grillini, qui veulent refuser la nationalité italienne aux fils d’immigrés nés sur la botte, tout « indignés » qu’ils sont, auraient-ils reçu la bénédiction du pape de l’ « Indignation » ? On peut en douter. Seront-ce les ouvriers licenciés qui vont « tout casser » pour protester, et peut-être interdire aux travailleurs immigrés de briser leur grève, comme on l’a vu à Peugeot Citroën ? Des « indignés » peu recommandables, loin des romans à l'eau de rose...

Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

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