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Des réseaux criminels à l’assaut de nos allocs ! Faire des économies ? Chiche !

Pour conclure (très provisoirement) notre série sur les économies possibles à réaliser en France, « Minute » se penche sur le puits sans fond des arnaques aux aides sociales. Loin de ne concerner que de petits fraudeurs, notre système social est la proie de groupes criminels organisés, originaires de pays du tiers-monde. Avec 20 milliards d’euros de préjudice l’année dernière, voilà un secteur où le gouvernement pourrait facilement trouver les 6 milliards d’euros nécessaires pour boucler son budget…

L’arnaque a été découverte il y a quinze jours, en Seine-Saint-Denis. C’est l’histoire d’un gérant de société d’ambulances, Saïd Samir, qui employait de faux brancardiers et facturait des courses fictives pour se faire « rembourser » par la Sécurité sociale. Pendant plus de deux ans, l’escroc d’origine marocaine et son frère, à la tête de quatre sociétés différentes, ont piloté un mini-ré seau bien rodé: l’arnaqueur embauchait des brancardiers agréés avant de les licencier au plus vite, tout en conservant leur numéro d’agrément. Il faisait ensuite appel à des immigrés illégaux qui utilisaient lesdits numéros… mais n’effectuaient pas la course [l'arnaque à la Sécurité sociale est de 1,65 million d’euros]. L’Urssaf de son coté estime son préjudice à plus de 500.000 euros. Les services de lutte contre la fraude aux prestations sociales ont évidemment mené une enquête, mais une bonne partie de l’argent détourné dormait déjà à l’abri, dans des banques marocaines.

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[Campagne audio de la CAF contre la fraude. Là ils sont trois . Il y a Jennifer comme sur l'affiche mais aussi  Sylvain son mari et devinez… ou écoutez... mais bien sûr, c'est Paul.

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L’arnaque de Saïd Samir n’est hélas qu’un exemple parmi les milliers d’autres voyous qui pillent le système social français. RMI perçus dans plusieurs départements par un seul individu, faux malades, personnes mariées bénéficiant de l’allocation pour personne isolée, certificats médicaux de complaisance, faux chômeurs, titres de séjour bidon ouvrant droit à des aides… Selon un alarmant rapport parlementaire présenté par le député (UMP) des Bouches-du-Rhône Dominique Tian et consacré aux moyens de contrôle des aides sociales, le montant net des fraudes s’élève à 20 milliards d’euros – dont 17 milliards pour les assurances chômage – et représente 10 % du budget de la Sécurité sociale!

Le plus grave, selon le commissaire Fougeray, ancien patron du groupe d’intervention régionale (GIR) des Yvelines, c’est qu’à côté des nombreux resquilleurs individuels, des réseaux mafieux extrêmement organisés sont désormais en train de mettre à sac le modèle d’Etat-providence des pays développés: « Pour les voyous, le calcul est vite fait. La fraude sociale est plus rentable et moins risquée que le trafic de drogue et les braquages. »

Ces groupes, originaires du tiers-monde, profitent des failles de la mondialisation pour étendre leurs réseaux en Europe via leurs diasporas. Selon Christian Kalck, chef de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), « il n’est pas rare de trouver à la tête de ces réseaux des individus issus du grand banditisme, voire évoluant dans la mouvance terroriste ».

De fausses fiches de paie au salaire très généreux

Loin du petit fraudeur d’occasion, ces criminels développent des méthodes quasi industrielles. L’un des plus grosses prises de la BRDA fut ainsi le démantèlement, il y a quelques années, d’un réseau de fraudes aux indemnités chômage s’appuyant sur plus de… 6000 sociétés fantômes émettant des bulletins de paye fictifs!

Plus récemment, un escroc « marseillais » avait créé plus de 200 fausses entreprises, puis licencié 2400 employés tout aussi inexistants afin d’empocher leurs indemnités chômage, pour un préjudice (bien réel) de 20 millions d’euros!

 

Selon le commissaire Fougeray, ces fraudes à l’assurance chômage s’appuient sur des « kits Assedic », grâce auxquels « des personnes se prétendent licenciées par des sociétés pour lesquelles elles n’ont, en fait, pas travaillé et qui souvent n’ont aucune activité ».

Le point de départ de la fraude est donc la constitution d’une société fictive. Légalement immatriculée, cette société ne sert qu’à générer des opérations frauduleuses, à commencer par la perception des indemnités de chômage, mais sans négliger, évidemment, d’autres infractions: escroqueries au crédit, blanchiment d’argent sale, etc.

Dominique Tian évoque aussi le cas d’entreprises « ayant une activité commerciale effective mais sans commune mesure avec le nombre de salariés qui prétendent y avoir été employés ». Dans d’autres cas, les kits Assédic sont remis, en guise de rémunération, à des personnes qui ont travaillé dans une entreprise, mais sans avoir été déclarées. D’autres, par le bouche-à-oreille, parviennent à acheter un kit Assedic comportant contrat de travail, bulletins de salaire et lettre de licenciement, qui leur permet alors de bénéficier d’allocations chômage. Les aides correspondant à 70 % du salaire brut durant un an, puis 60 % la deuxième année, les fausses fiches de paie annoncent souvent des salaires généreux, permettant de vivre confortablement aux crochets des contribuables.

Ainsi, il y a quelques mois, le tribunal correctionnel de Pontoise a condamné treize escrocs à des peines de six mois à trois ans de prison pour avoir escroqué les Assedic à hauteur de 600000 eu ros! Le réseau avait été démantelé à l’issue d’une enquête lancée après la liquidation judiciaire d’une entreprise dépourvue de documents comptables. L’enquête, me née par la police judiciaire avec le GIR du Val-d’Oise, a permis de mettre la main sur une cinquantaine de faux dossiers déposés par des racailles de Seine- Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise.

 Il arnaque la Sécu pour financer une mosquée

La création de ce genre de « sociétés-écrans » est désormais pratiquée de façon intensive. Une étude de l’Unédic (organisme chargé de l’assurance chômage) a mis en lumière les dérives de la « multigérance ». Elle évoque par exemple le cas de « 10 personnes assurant (ou ayant assuré) la gérance de 651 sociétés » ou « 20 personnes assurant la gérance de 2112 sociétés »!

Et la situation n’est pas moins préoccupante avec l’Assurance maladie ou les aides sociales. Le commissaire Fougeray évoque le cas d’un médecin tunisien mis en examen pour « escroquerie en bande organisée » au préjudice de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Les contrôleurs se sont lancés sur la piste du toubib indélicat en constatant un beau jour que là où un médecin procède en moyenne à 40 consultations par jour, ce dernier en faisait… 147, six jours par semaine! Après enquête, « Le Figaro » a révélé que le suspect était « connu de la communauté musulmane pour prescrire des arrêts et traitements de complaisance à des assurés de la France entière, bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ». Mais il ne s’arrêtait pas là : « En contrepartie, il conservait la carte vitale de ses patients quelques jours et faisait de fausses consultations, la nuit ou les jours fériés ». Avec un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros, il pouvait donc jouer les bienfaiteurs de l’islam, car, dixit « Le Figaro », « une partie des fonds aurait servi à financer une mosquée au Sénégal ».

Le remboursement des médicaments par la Sécurité sociale est également à l’origine de juteux trafics. Le principe est simple. Des patients se font prescrire des traitements dont ils n’ont pas besoin, puis les expédient à l’étranger, où ils sont ensuite revendus. Le Subutex, substitut de l’héroïne, figure parmi les produits les plus prisés. Consommé à haute dose, ce médicament a en effet les effets d’une drogue, mais coûte beaucoup moins cher. Il fait donc l’objet d’un trafic d’autant plus lucratif que les trafiquants se font « rembourser » par la Sécu la marchandise qu’ils revendent par ailleurs! Ici aussi, les quantités écoulées donnent le vertige et révèlent l’implication de réseaux structurés à l’échelle internationale. Le 15 mars dernier, Déborah Dangla, jeune femme de nationalité française, a été condamnée à 17 ans de prison par la Cour suprême de l’île Maurice: elle transportait plus de 6000 pilules de Subutex dans ses bagages! Plusieurs Français accusés de s’être livrés à un tel trafic sont d’ailleurs détenus à Maurice, où le Subutex fait l’objet d’un vaste trafic. Farah Nachi, originaire de région parisienne, avait ainsi été arrêtée, le 9 décembre 2011 à l’aéroport de Plaisance, avec près de 9600 cachets de Subutex. De manière globale, en 2011, les douanes françaises ont intercepté 65 000 boîtes de médicaments illicites à Roissy.

Les fraudes au RSA, aux allocations familiales et aux aides en tous genres sont de toute évidence moins risquées… Là encore, l’arnaque à grande échelle repose sur la possibilité de se procurer de faux papiers pour ouvrir un compte et… échapper à d’éventuelles poursuites! On peut se procurer une carte d’identité de mauvaise qualité pour 300 euros dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il faut compter dix fois plus pour un document faisant illusion. En 2010, au moins 25000 escrocs ont usurpé une identité dans le but d’ouvrir frauduleusement un compte bancaire puis toucher des prestations sociales (avec, au passage, quelques juteux crédits à la consommation). Selon Arnaud Naudin, criminologue au département de recherches des menaces criminelles contemporaines (MCC) de Paris, « le taux de fraudes franchit désormais la barre des 6 % concernant les pièces administratives présentées pour obtenir des aides sociales ».

« Plus nous contrôlons, plus nous trouvons »

Selon lui, « le sujet est politiquement incorrect car il met en cause des personnes en difficulté financière, des précaires, des immigrés et des chômeurs, note le criminologue. A ce titre, les responsables des caisses d’assurances familiales ne veulent pas voir cet te réalité en face et ont tendance à esquiver quand des élus de la représentation nationale viennent demander un état des lieux. Pourtant, les fraudes s’exercent aujourd’hui à une échelle industrielle. »

Face à « un système social basé sur la confiance et la solidarité », pour reprendre les mots de Christian Jacquier, président du Reso-Club (cercle de lutte contre la fraude identitaire), le nombre des escroqueries explose. La Cour des comptes estime que la fraude aux prestations sociales, toutes branches confondues, s’accroît chaque année de 2 à 3 milliards d’euros pour le régime général de la Sécurité sociale. Toutefois, le montant exact est par nature impossible à connaître. Voici quelques années, Jean-Pierre Revoil, secrétaire général de l’Unedic, admettait que les fraudes constatées ne représentaient « sans doute que la partie visible de l’iceberg », car, précisait-il, « plus nous contrôlons, plus nous en trouvons ».

Une loi du 14 mars 2011 renforce le dispositif de lutte contre les fraudes en matière sociale en permettant notamment aux agents assermentés des organismes de sécurité sociale et à ceux des impôts de s’échanger tous renseignements et tous documents utiles pour confondre les contrevenants. Toutefois, de l’avis général, le problème ne pourra être réglé sans un changement dans les mentalités. Pour ce la, il faut persuader les agents de rejeter le schéma victimaire voulant que la fraude serait le fait de malheureux contraints d’enfreindre la loi pour survivre, alors que notre système social est la cible d’un véritable hold-up de la part de bandes criminelles résolues à le piller pour réinvestir leurs gains dans le terrorisme islamiste ou d’autres activités criminelles.

Simultanément, il faut convaincre le législateur qu’il est désormais vital de verrouiller le système social de manière à contrer les bandes organisées qui s’y servent à pleines mains. Nous n’y sommes pas encore: une proposition de loi relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales a été déposée le 13 mars à l’Assemblée nationale, par le député UMP de Gironde, Yves Foulon. Son projet prévoit « la suppression définitive des allocations sociales pour tout fraudeur récidiviste ». Autrement dit, il s’agit de cogner sur les fraudeurs à la petite semaine, et en aucun cas les escrocs chevronnés, qui changent d’identité comme de chemise. Pour combler le trou de la Sécu, il va falloir trouver autre chose…

Patrick Cousteau

Article de l’hebdomadaire “Minute” du 27 mars 2013 reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.
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