Il s’en va, repu, le sentiment du devoir accompli. C’est un peu l’utopie d’un monde meilleur, quelque part, qui s’en va au loin. Ce truculent personnage, que Victor Hugo lui-même aurait jalousé pour son sens rare du verbe, toujours haut et juste, oui, le même qui avait su faire renouer la capitale avec son glorieux passé communard (1) a décidé de s’en aller, le cœur léger… Le temps des cerises, éternelle nostalgie…Tu vas nous manquer Bertrand, o fidèle compagnon du Marais… Mais que les insatiables esprits inquiets et étroits qui sont les nôtres se rassurent, l’œuvre et l’héritage de l’ami Bertrand risque encore de hanter la capitale un moment, au grand dam de la Haine et de l’intolérance, jugeons en plutôt par la qualité inestimable des dignes prétendants à la succession de notre citoyen d’honneur : Pèle mêle la délicieuse et délicate Rachida Dati, la péripatéticienne et égérie Dior de la droite forte, Annie Hidalgo, femme de conviction pour certains, BHL du pauvre pour d’autres, Roselyne Bachelot, émérite poissonnière du marché dominical reconverti pour l’occasion en sage femme de nos amis du lobby pharmaceutique ou encore Nathalie Kosciusko Morizet, sorte de Zorro gaulliste boboïsé féminin moderne pourfendeur du fascisme le plus nauséabond, reconnaissons tout de même que nos petits gavroches ont été gâtés. Mais je chipote. Le plus important dans tout cela n’est-il pas que la parité soit respectée ? Signe de la vigueur tout à fait remarquable de notre modèle républicain… Grâce lui soit rendu.
Ailleurs aux quatre coins du monde, de grands destins se jouent, des forces se mettent en branle…Toi aussi, as-tu vu le peuple Vénézuélien enterrer dans la douleur et la dignité son héros, te faisant subitement sortir de cette torpeur que tu connais presque comme une sœur qu’ailleurs l’histoire se conjugue encore au présent, que des peuples se tiennent encore debout, là, sous tes yeux… Un peu plus loin, as-tu vu le vieux continent eurasiatique enfin gronder, montrer les crocs et se dresser face à cette Europe cancéreuse éternelle esclave de ses maîtres anglo-saxons, comme satisfaite de se précipiter elle même dans le chaos de demain, nous condamnant malgré nous au rôle dégradant de simples spectateurs attendant la fin d’un âge sombre qui n’en finit plus d’y prendre ses aises…
Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir de voir la crédibilité de notre bonne vieille sociale - démocratie s’effriter toujours un peu plus chaque jour, lentement mais sûrement, comme un fruit que l’on regarderait pourrir avec une certaine délectation…Au diable les conventions, au peuple les paradis artificiels, aux élites les paradis fiscaux et les vaches seront bien gardées ! Quel formidable message de propagande que le vilain petit canard Cahuzac brandissant et menaçant la sainte austérité comme un conquistador espagnol une bible à la main posant les pieds sur le nouveau monde…Une fois le bouc émissaire de nos maîtres cloué au pilori après avoir expié médiatiquement ses pêchés et demandé pardon avec une sincérité désarmante et à proprement parlé bouleversante, ( J’avoue en avoir pleuré ) si on grattait un peu plus ? Juste pour voir ? Chiche ? Populisme !!! Méfions nous de cette odeur putride fleurant bon les ligues fascistes de 1934, ils ont jurés de détruire la République, souvenez vous ! CQFD.
Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, j’ai plutôt humé le doux parfum de cette république à deux doigts de la mort clinique, comme une promesse d’une caresse emplie de volupté… Malheureusement comme il est souvent de mise dans ce genre de scandales médiatico-politiques, la garde faiblit mais ne rompt pas, mais le compte à rebours a déjà commencé, la défaite idéologique du système acté et gravé dans la roche, devenue irréversible… Espérons que nous serons encore à table pour le dessert… En attendant ce jour béni, surtout pas de populisme messieurs dames !!! Qui ferait le lit de la Haine, patronne et maîtresse de tous les vils instincts du peuple, ce cancer incurable de la sainte démocratie, de grâce Monsieur Apathie guidez nous vers la lumière ! Oui, la lueur de la République immaculée et vertueuse, mais laquelle au fait ? Celle du « social-démocrate » Thiers qui remplira ses fosses communes des communards sous l’approbation goguenarde d’un Bismarck comptant les points tout en lissant sa belle moustache, ou moins d’un siècle plus tard, comme un éternel recommencement, celle de la collaboration d’un gouvernement « socialiste » qui livra sans coup férir et toute honte bue le pays et le peuple de France à un autre illustre petit moustachu ?
Mais je m’égare. Surtout, pas d’amalgames ! Revenons à nos moutons, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, à qui il suffit d’agiter le chiffon rose du mariage gay pour faire oublier toutes les trahisons de classe du gouvernement, ravie de cesser sa respiration en mode apnée, une technique vieille comme le Parti Socialiste, mais qui a déjà largement fait ses preuves…Plus grotesque toujours, cette foule d’autoproclamés « anti–fascistes »,’brandissant un poing vengeur en hommage à leur camarade décédé tout en entonnant le chant des partisans au beau milieu du gratin des notables du PS, les mêmes qui ratifient chaque semaine tous les traités d’austérité, héritiers des mêmes qui avaient jadis en leur temps avaient abandonnés leurs « frères » républicains espagnols à la merci de la vermine franquiste triomphante… Mais, maintenant, je sais que le ridicule ne tue pas… Mais le fascisme oui, aurait été tenté de dire l’inénarrable Harlem Désir, le visage pénétré par la douleur et la colère, comme une énième mauvaise pièce de théâtre dont la société du spectacle ne semble jamais se lasser… Les esprits avisés et maîtres en art de propager la lumière, surtout pendant les heures les plus sombres de notre histoire, n’auront de cesse de me convaincre que tout ceci n’est que mauvais esprit et supposition dialectiquement dangereuse et nous amenant tout droit aux tragédies que vous savez, d’accord, soit, je veux bien faire amende honorable…
Mais voyez, je m’interroge toujours, excusez-moi, mais où était cette détresse pétrie d’humanisme - propriété exclusive de nos chers énarques socialistes – lors des licenciements massifs de tous les ouvriers d’Aulnay, de Peugeot, de Psa, ainsi que tous les autres, condamnés à survivre le restant de leur vie avec leurs familles dans la misère la plus indicible… Votre indignation sélective ne serait-elle pas digne de tous les sans-abris que l’on ramasse sans cesse crevés au petit matin après chaque hiver rugueux dans l’indifférence la plus totale… Egalité républicaine toujours, la mort stupide d’un petit nervi de la pensée unique aurait-elle plus d’importance que celles de dizaines et de dizaines de jeunes qui se fument semaine après semaine à coups de kalachnikovs aux alentours de la cité phocéenne, faisant régner impunément la terreur dans ces quartiers populaires dont vous vous faites si souvent la caution solidaire – surtout quand il s’agit de balancer le petit papier dans l’urne, après réflexion - aspirant par la même occasion les honnêtes gens et travailleurs dans une spirale nous rappelant malheureusement toujours un peu plus chaque jour le sinistre rêve américain ?
Il faut croire qu’il y a certaines indignations plus utiles que d’autres… Démagogie, démagogie, oui je sais… Je suis un indécrottable esprit malade.
Jon Hegoburu http://cerclenonconforme.hautetfort.com/
Note: (1) C'était la première fois depuis 1871 - lors de la Commune de Paris - que la gauche (grâce à son alliance avec les écologistes) prenait, hors contexte révolutionnaire, la tête du conseil municipal (il n'y a pas eu de maire de Paris de 1871 à 1977, année d'élection de Chirac, mais le conseil municipal avait toujours été dominé par la droite).