Un argument souvent avancé est l'incohérence politique du NON, ce qui est faux ! Quant au OUI, les partisans de droite disent que la Constitution européenne sortira la France du socialisme, ce à quoi François Hollande répondait que la Constitution permettra une Europe plus sociale, en un mot, plus socialiste. Où est donc la cohérence politique du OUI ?
La grande différence avec le vote sur Maastricht, c'est qu'en 1992, on avait pu faire croire n'importe quoi sur l'euro qui allait amener une croissance forte, faire diminuer le chômage... Edmond Alphandéry avait écrit un livre sur le Soleil de l'euro. Les Français n'ont vu qu'une croissance très faible, très inférieure à la croissance mondiale et américaine dans toute la zone euro, le chômage qui augmentait, les délocalisations accentuées par un euro trop fort ...
Les électeurs ont voté cette fois en connaissance de cause. Les fondamentaux sont comme toujours économiques et le vote est une somme de votes individuels qui sont fondés pour chacun sur la perception que chaque individu a de l'Europe et de son apport ou non pour lui et pas sur la lecture d'un texte dont tout le monde se fiche.
La grande question sous-jacente à l'Europe est son utilité dans un contexte de mondialisation. L'Europe est-elle déjà une idée dépassée, est-elle un rempart contre la mondialisation ou alors l'a-t-elle au contraire accélérée ?
Les partisans du OUI disent pieusement que l'Europe nous protège contre la mondialisation. Ceci est démenti par les faits. Cela fait une belle affaire pour un futur licencié de savoir que son entreprise délocalise en Tchécoslovaquie plutôt qu'en Chine. On a fait miroiter l'Europe-puissance aux Français. Ils s'aperçoivent qu'on a construit dans les faits une Europe libérale qui fait du dumping social vers le bas. On a souvent entendu ce slogan ridicule : « L'Europe, la France en plus grand ». Que ne dirait-on pas si les Allemands disaient « L'Europe, l'Allemagne en plus grand », pourquoi pas la Belgique en plus grand ?
Il faut aussi rappeler que l'article 1-41 stipule l'intégration constitutionnelle de l'Europe dans l'OTAN. Quelle marque d'indépendance vis-à-vis des Etats-Unis ! On ne construit donc que l'Europe du pacifisme, des droits de l'homme et du libéralisme débridé qui fait sortir les usines et installer les mosquées. Quel sentiment de puissance peuvent donc éprouver les européistes ? La Constitution fait aussi la part belle à l'islam puisque les musulmans auront le droit garanti par la Constitution de manifester leur religion collectivement en public. Les Français en viennent à se demander si le cadre national n'aurait pas été plus souple face au défi de la mondialisation qu'on nous décrit comme irréversible. Autrefois, le capitalisme a pratiqué de façon heureuse une politique de hauts salaires pour les ouvriers. Maintenant le seul discours est qu'ils sont trop chers quoi qu'ils fassent, comparés aux autres pays, parfois même d'Europe.
Patrice Gros-Suaudeau