Haziza : victime ou porte-flingue ?
Depuis la fin de l’année 2012, Frédéric Haziza est en guerre ouverte contre Alain Soral. Tout a commencé lorsque ce dernier, par la voix de son attaché de presse, a demandé une invitation sur LCP dans le cadre de la sortie de son dernier ouvrage, Chroniques d’avant guerre. Frédéric Haziza adresse alors un courrier :
« Je suis tout à fait ouvert au débat et à la confrontation d’idées. Avec un seul bémol : l’impossibilité pour moi d’offrir quelque tribune que ce soit à ceux qui véhiculent d’une manière ou d’une autre des messages de haine, de violence, de racisme ou d’antisémitisme. Le problème c’est que la pseudo-littérature d’Alain Soral est tout cela à la fois. Il me semble en outre très difficile d’inviter un antisémite sur le plateau de mon émission, en souvenir de mon grand-père assassiné à Auschwitz par ceux qui à l’époque propageaient la même idéologie que ce monsieur. »
Le message sera diffusé sur le site de l’organisation d’Alain Soral, Égalité & Réconciliation, le 25 novembre 2012. Dans une vidéo publiée le 12 décembre 2012, Alain Soral qualifie Haziza d’« escroc à la Shoah », mettant en doute l’assassinat du grand-père de Frédéric Haziza compte tenu de l’origine algérienne de ce dernier. Le 17 décembre 2012 Frédéric Haziza exige par la voix de son avocat la suppression des commentaires postés sur le site quant à deux articles le concernant. Ainsi la police judiciaire demandera-t-elle le 19 juin 2013 à Égalité & Réconciliation de fournir les adresses IP des auteurs des commentaires, ce que l’association ne pourra faire, ne gardant les adresses IP des commentateurs que pour une durée de quatre mois.
Fin janvier, Frédéric Haziza a porté plainte contre X pour injure publique à caractère racial et a reçu les soutiens publics de la LDJ (23/01/2013) et du vice-président du FN Louis Aliot :
« Alain Soral n’est plus du tout proche de nous. Je suis d’ailleurs en procès avec lui. Il est à la tête d’une secte. »
(Journal du dimanche du 27/01/2013)
Le 25 juillet 2013, dans le contexte de dissolutions successives de groupes nationalistes (JNR, Troisième voie, Jeunesses nationalistes, œuvre Française), Haziza se fend d’un tweet pour le moins explicite :
Par ailleurs, une pétition a été lancée sur Change.org le 31 juillet, demandant qu’Haziza soit renvoyé de LCP :
« Pour son incompétence, son tribalisme, sa partialité, sa totale agressivité et ses multiples provocations contre ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sur le plateau de son émission sur LCP ainsi que sur Twitter. »
Averti le jour même, Frédéric Haziza n’hésite pas, à tort, à attribuer la pétition à Serge Ayoub :
Serge Ayoub avait en effet relayé la pétition mais n’en était en aucun cas à l’origine. Attaqué, il questionne l’intéressé :
La réponse de Haziza, tout en modération, ne se fait pas attendre :
Insolent, Serge Ayoub s’exprimait en effet avec Dieudonné et revenait sur « l’affaire Méric », dans une vidéo diffusée la veille sur Youtube. Le 1er août, Égalité & Réconciliation relaye à son tour la pétition. Rapidement, tout s’emballe. L’ensemble de la classe politique apporte son soutien à Frédéric Haziza via Twitter entre le 31 juillet et le 1er août 2013.
On compte parmi les soutiens, pêle-mêle : Claude Bartolone, Jean-François Copé, Harlem Désir, Xavier Bertrand, Bruno Le Roux, Patrick Devedjian, Jean Luc Romero, François Rebsamen, David Assouline, Denis Beaupin, Anne Hidalgo, Jean-Luc Melenchon, François de Rugy, Jean-Christophe Cambadélis, Frédéric Lefebvre, Yves Jego, Cécile Duflot, Aurélie Filippetti… Sous la pression, Change.org retire la pétition alors qu’elle avait reçu quelques 1685 signatures en moins de 48 h.
Le Premier ministre en personne enverra même un texto de soutien à Frédéric Haziza : « Ayez confiance, vous avez beaucoup de gens qui comme moi ne transigeront pas avec ces gens-là » (lesechos.fr, 04/08/2013). « L’affaire Haziza » est devenue une affaire d’État.
Le 7 août 2013, Le Canard Enchaîné questionne :
« Comment des vidéos nauséabondes et délirantes, accompagnées de centaines de commentaires qui le sont encore plus, peuvent-elles s’étaler pendant des mois sur la Toile sans que ni la police ni la justice s’en émeuvent ? »
Bernard-Henri Lévy intervient à son tour :
« Faut-il fermer ces sites qui, même intellectuellement indigents, énoncent ou relaient le pire ? Faut-il les contraindre à respecter la loi qui, en République, proscrit, comme chacun sait, la libre expression de l’antisémitisme et l’incitation à la haine raciale ? Ou faut-il exiger des agrégateurs de contenus et autres réseaux sociaux dont les robots ramassent indistinctement un éditorial du Monde et une élucubration sur les “escrocs à la Shoah”, qu’ils fassent eux-mêmes la différence entre opinion et appel au meurtre ? [ …] La question, désormais, est posée. Et il faudra bien que l’opinion éclairée d’abord, puis les pouvoirs publics et les tribunaux, y apportent une réponse claire. »
(Le Point du 08/08/2013).
La chasse aux sorcières est désormais ouverte sans que ni la grande presse ni la classe politique ne tiennent compte de la véracité des griefs adressés à Frédéric Haziza par les auteurs de la pétition annulée et par Alain Soral. Répondons à la question qu’il ne faut pas se poser : qui est Frédéric Haziza ? Est-il vraiment la « bête noire de la Fachosphère » victime d’un « délire antisémite » ?
Frédéric Haziza, un journaliste communautaire
Frédéric Haziza est né le 6 décembre 1960 à Marnia (Algérie française, aujourd’hui Maghnia), où son père, Isaac Haziza, était instituteur. En décembre 2012, la visite de François Hollande en Algérie sera pour Frédéric Haziza l’occasion d’un pèlerinage. En effet, avec l’aide du conseiller à l’Élysée Faouzi Lamdaoui, et des autorités algériennes (Le Journal du dimanche du 23/12/2012), il retournera dans son village natal et se verra remettre, par le directeur de l’école du Matemore, le registre d’appel de l’année 1960-1961 signé de la main de son père, qui y officia pendant trois ans, avant le départ contraint de sa famille pour la métropole.
Après des études d’ingénieur, vraisemblablement à l’ESI-SUPINFO, Frédéric Haziza s’oriente vers le journalisme communautaire et entre à Radio J (1986). Il y gravira rapidement les échelons pour devenir un incontournable de la station présidée par Serge Hajdenberg (frère de l’ancien président du CRIF Henri Hajdenberg). Il a créé et anime l’émission politique Le Forum Radio J (depuis 1988), et est devenu chef du service politique de l’antenne (2001). Wikipédia explique que Radio J « est la plus matinale des 4 [radios de la fréquence NDR], ses programmes débutent très tôt. C’est la plus traditionnelle, et l’on peut encore y entendre parler yiddish, ainsi que de la musique klezmer, de vieilles ballades et des chansons folkloriques traditionnelles. Elle diffuse également des informations communautaires et israéliennes, et des chroniques religieuses et culturelles. Elle est plutôt à droite et religieuse. »
Radio J et le Front national
C’est en tant que journaliste à Radio J que Frédéric Haziza est présent, par exemple, en 1992, à la conférence « Assumer le passé pour porter l’avenir » organisée par le B’nai B’rith en l’Hôtel de Lassay, résidence du président de l’Assemblée nationale de l’époque, Henri Emmanuelli (Emmanuel Ratier, Mystères et secrets du B’nai B’rith).
Toujours en tant que journaliste à Radio J, il est accrédité pour une conférence de presse de Jean-Marie Le Pen en mai 1997. Pressant, il questionne le président du FN sur ses propos tenus sur RTL le 13 septembre 1987. Un garde du corps de Le Pen aurait alors mimé un sourire kabyle en le regardant. Haziza s’explique dans France Soir du 21 mai 1997. Il raconte la réaction de ses confrères journalistes : « Certains m’ont dit : “Il ne faut pas être arrogant comme cela” […] Un autre a lancé : “Vous nous empêchez de travailler.” » À la question « Mais est-ce que d’autres vous ont soutenu ? », Haziza reconnaît : « Bof, bof… pas vraiment, non. Ils s’en sont pris à nous, pas à eux », précisant : « On se dit que Le Pen est un homme politique comme un autre. Mais nous, à Radio J, nous pensons qu’il ne faut pas agir avec lui comme avec les autres. […] Il ne faut pas faire comme en 1933, il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, ne pas laisser faire. »
Pourtant, le 13 mars 2011, Marine Le Pen est programmée sur le forum politique Radio J, avant d’être désinvitée suite à un véritable imbroglio. En effet Serge Hajdenberg explique sur Radio J le 9 mars :
« J’ai entendu les protestations des auditeurs. […] J’ai aussi appris via Facebook qu’un appel à manifester devant l’immeuble de notre radio avait été lancé pour dimanche. […] J’ai donc estimé qu’il valait mieux tout annuler. »
(Rapporté par Actualité juive du 17/03/2011.)
Ce même Serge Hajdenberg qui expliquera à Guysen.com :
« Nous n’avons pas lancé d’invitation à Marine Le Pen. C’est elle qui, dans le cadre de la loi sur l’audiovisuel, dans le contrat signé avec le CSA, a demandé à participer. Nous sommes dans une période électorale qui impose un temps de parole égal aux candidats. Ce n’est pas notre initiative, en aucun cas. »
Or Radio J n’était pas à l’époque dans la liste des médias soumis à la surveillance du CSA, comme le fit remarquer fort justement Guysen.com. Finalement il s’avérera que Frédéric Haziza était à l’initiative de l’invitation, selon à la fois Alain Vizier, directeur de la communication de Marine Le Pen, et Michel Zerbib, directeur de l’information sur Radio J : « Au niveau interne, une seule personne seulement tenait à ce que l’on reçoive Marine Le Pen, les autres étaient contre » (Actualité juive du 17 mars 2011), Haziza en l’occurrence, qui expliquera :
« Je comprends le tollé et l’émoi de la communauté juive. Je rappelle toutefois que je souhaitais juste faire mon travail de journaliste et mon intention n’était absolument pas de lui servir la soupe. En outre, je me demande aussi si cette intolérance que nous reprochons à Marine Le Pen et à son parti, nous n’en faisons pas preuve nous-mêmes. »
(Idem.)
Sur les raisons de l’annulation, il expliquera en balbutiant au micro de Pascale Clark : « C’est les auditeurs qui ont téléphoné […] Les auditeurs de Radio J ont eu un réflexe républicain », précisant avoir reçu des « pressions très fortes d’organisation juives » (France Inter, le 10/03/2011). En effet, Richard Prasquier (alors président du CRIF) avait jugé cette invitation « irresponsable », mais la raison profonde et véritable de ce revirement ne sera connue que plus tard, quand Frédéric Haziza racontera :
« À une heure du matin, je reçois un coup de fil de Bernard-Henri Lévy qui me dit : “À votre place je ne le ferais pas, c’est une faute politique.” »
(« La face cachée du nouveau Front », diffusé le 18 décembre 2011 sur Canal+)
Frédéric Haziza, un militant sioniste actif…
Actif au sein de la communauté juive, Frédéric Haziza est, en novembre 2007, avec l’Union des patrons juifs de France (présidée par Claude Barouch), à l’initiative du voyage en Israël de dix députés du groupe d’amitié France-Israël du parlement (présidé par Claude Goasguen), accompagné par Raoul Gozhlan (CRIF) et Joël Mergui (président du consistoire de Paris). Au programme du déplacement : de nombreux entretiens, notamment avec Shimon Peres et Ehoud Olmert. Pour clôturer l’opération, un film sur ce voyage sera diffusé devant plus de 240 invités, le 30 janvier 2008 à la soirée de l’Union des patrons juifs de France qui se déroule à la mairie du XVIème arrondissement.
Mais ses relations avec certaines franges de la communauté juive n’ont apparemment pas toujours été de tout repos. En avril 2008, il a déposé une plainte après avoir reçu des menaces par mail suite à une tribune parue dans Libération du 3 avril 2008 dans laquelle il demandait la dissolution de la Ligue de défense juive (LDJ) « comme c’est le cas pour toutes les organisations dangereuses d’extrême droite ». Il s’indignait en fait qu’une dizaine de militants aient accueilli Shimon Peres aux cris de « traître » le 13 mars 2008 à Paris, lors d’une soirée offerte par le CRIF en l’honneur du président israélien. Haziza critiquait également « l’illusion » du « Grand Israël », mais enjoignait surtout les Français juifs à soutenir Israël : « Quand le Premier ministre israélien s’apprête à prendre des décisions difficiles pour l’avenir de son pays, le rôle de la communauté juive de France n’est-il pas de le soutenir, de faire bloc derrière lui ? », assumant à l’antenne de Radio J : « Dans ma carrière de journaliste, j’ai toujours défendu Israël, je me suis toujours attaqué aux islamistes (...) On ne peut pas me reprocher d’être anti-israélien, d’être antisioniste ou je ne sais quoi. Je me suis toujours attaqué aux organisations extrémistes palestiniennes ou organisations d’extrême droite françaises. »
… journaliste au Canard enchaîné
Dans les médias grand public, outre quelques ouvrages inoubliables tel que Le Roman de la présidentielle (Plon, 2001), Chirac ou La victoire en pleurant (Ramsay, 2002), et un livre d’entretiens avec la sénatrice socialiste de Paris Marie-Noëlle Lienemann, Ma part d’inventaire (Le Grand livre du mois, 2002), Frédéric Haziza est journaliste au Canard enchaîné. Dans Le Vrai Canard (2008) Karl Laske et Laurent Valdiguié racontent :
« Si son nom est prononcé, c’est que Brice Hortefeux est effectivement une “source” de première importance pour le Canard enchaîné. Le copain d’enfance du président, devenu ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, s’est rapproché du journaliste Frédéric Haziza, l’un des pigistes de “La Mare aux Canards”. Ces contacts sont devenus notoires parmi les journalistes après qu’Hortefeux a fait un bon mot au sujet d’Haziza lors d’un déplacement en province : “J’ai décidé de demander un pourcentage à Haziza pour tous les échos que je lui file.” […] Mais Frédéric Haziza est l’un des très discrets chasseurs de la page 2. Et il est assez proche d’Hortefeux. “Une fois sur deux, quand mon portable sonne, c’est Haziza”, a confié le ministre à un journaliste politique. […] C’est le “loup blanc” assure un pigiste. À telle enseigne qu’on lui a attribué, en interne, la paternité de l’affaire Gaymard, mais par un autre canal sarkozyste, celui d’un ancien conseiller de Patrick Devedjian. »
Les caprices de Frédéric Haziza
Frédéric Haziza est également membre de l’Association de la presse présidentielle. En mars 1996, il fait un scandale après que sa demande d’accompagnement de la visite présidentielle au Liban fut refusée. Le Canard enchaîné du 27 mars 1996 explique :
« Un des assistants le rappelle et justifie ainsi la position de l’Élysée : “Il a été convenu dès le départ avec l’ambassade du Liban que les journalistes accompagnant le président ne devaient pas avoir de visa israélien sur leur passeport […] Vous n’avez qu’à produire un passeport sans visa israélien et vous pourrez accompagner le président.” »
Ce que Haziza refusera, précisant à Actualité juive du 25 mars 1996 qu’en aucun cas il ne se ferait « établir un nouveau passeport pour pouvoir suivre Jacques Chirac dans son déplacement », Actualité juive interprétant ce refus de se plier à une norme administrative comme « une interdiction par l’Élysée d’exercer son métier », précisant que Frédéric Haziza avait pu accompagner François Mitterrand en Jordanie en 1992 alors que son passeport comportait déjà des visas israéliens.
Depuis 2003, il est animateur dans les émissions Questions d’info (partenariat avec France-Info, Le Monde et l’AFP) et Parlons-en (partenariat avec Le JDD) sur La Chaîne parlementaire (LCP). Lors de la réception de Jacques Cheminade dans Questions d’info en mars 2012 dans le cadre de la campagne de l’élection présidentielle, il se montrera particulièrement odieux avec ce « petit candidat » :
« Vous ne représentez pas grand-chose […].
Est-ce qu’il n’aurait pas acheté des parrainages, M. Cheminade ? […]
La tradition des Rothschild, je vois pas ce que vous voulez dire […].
Avec le nez crochu, c’est ça ? […]
Les banquiers juifs ? »
Suite aux protestations de téléspectateurs, LCP porte plainte contre le caractère injurieux de certains commentaires, Frédéric Haziza espérant que les auteurs des messages insultants soient identifiés grâce à leurs adresses IP (lefigaro.fr, 24/03/2012).
À l’occasion d’un déplacement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault à Lyon le 21 juin 2013, il adresse un doigt d’honneur à des manifestants rassemblés pour protester contre le projet de loi sur le mariage homosexuel, tout en les filmant avec son téléphone portable.
Très présent sur le réseau social Twitter, il poste, à l’annonce de la mort d’Hugo Chavez :
Sur Twitter toujours, il se joint à Patrick Cohen suite à la polémique déclenchée sur le plateau de l’émission C’est à vous, où ce dernier avait reproché à Frédéric Taddeï de recevoir des « cerveaux malades » (Alain Soral, Tarik Ramadan, Dieudonné et Marc-Édouard Nabe) (France 5, 12/03/2013) :
Dans la foulée, il sera qualifié de « rabbin du PAF » par Riposte laïque (Alain Charrier, 17/03/2013).
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.