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Devoir d’obéissance : quand la loi est votée, on l’applique !

Le mariage gay est la manifestation d’un désordre institué. Néanmoins, certains veulent user contre cette manifestation du désordre d’un moyen qui alourdira bien plus encore le règne du chaos.

On parle de liberté de conscience pour les maires, terme abusif pour désigner en réalité l’objection de conscience. Kant, l’un des penseurs les plus puissants de la loi morale inscrite au fond de notre cœur, condamne cette « liberté » avec la plus grande vigueur. Il conteste même le droit à la résistance, au nom de l’idée même de loi : « Contre le législateur suprême de l’État il n’y a donc point d’opposition légale du peuple ; car un état juridique n’est possible que par soumission à sa volonté législatrice universelle » (Doctrine du droit, 2e partie, 1e section, 1e remarque). L’idée est la suivante : une loi étant universelle et nécessaire, elle ne peut pas admettre qu’on puisse ne pas l’appliquer ou s’opposer à elle ; c’est là une contradiction conceptuelle, qui mène dans la réalité à l’autodestruction de la loi, et à terme à celle de l’état juridique et de l’État, donc à la guerre civile.

Est-ce excessif ? Prenons concrètement les choses. On voudrait que les maires puissent ne pas appliquer la loi. Disons-le clairement, il s’agit ici pour ceux qui ont échoué à faire abroger la loi Taubira, et qui ont choisi un autre cheval de bataille plutôt que d’élever l’intensité du combat, d’affaiblir par la bande l’application de la loi. Mais deux problèmes se posent ici. Qu’est-ce qui garantit que ce procédé se limitera à cette loi ? Et dans quelle mesure cette liberté de conscience pour les maires ne contaminera-t-elle pas l’ensemble de la société (perspective libérale explicitement souhaitée par des gens comme Chantal Delsol) ?

Le souverain ne peut qu’être absolument souverain. Laisser à chacun la possibilité de faire son commerce dans les lois en fonction de son jugement personnel, de sa convenance ou de ses positions morales subjectives mène droit au chaos. À court terme, on applaudira des deux mains (ce qu’on s’était bien gardé de faire quand Noël Mamère avait fait de même, mais cette fois pour défendre le mariage gay au nom de « l’égalité républicaine »). Mais à moyen et long terme, on verse dans la contestation même du caractère absolu de la souveraineté, sans lequel il ne peut y avoir d’ordre social viable.

Curieux que ceux qui contestent l’ordre libéral politique quand il s’agit du mariage gay le fassent revenir par la fenêtre en parlant d’une liberté fondamentale qui garantirait à certains de ne pas appliquer la loi. Mais seulement quand ça les arrange. Cela veut-il dire qu’il faut accepter la loi comme elle est ? Absolument pas. Mais cela implique deux choses :

– L’intérêt de la loi, c’est de s’appliquer dans toute sa rigueur, y compris à ceux qui la désapprouvent. Si chacun pouvait être libre de décider en son for intérieur, alors inutile de faire des lois. Cela signifie que l’on ne peut pas s’opposer à une loi parce qu’elle nous déplaît, parce qu’elle serait contre-nature ou autre. On ne peut s’opposer à une loi qu’en s’opposant au système qui la sous-tend, si et seulement s’il est fondamentalement vicié. Il n’y a pas de demi-mesure.

– Il ne peut y avoir de sédition que totale. On ne peut demander à des institutions ou à des lois la permission juridique ou politique de s’y opposer.

Le chemin est donc révolutionnaire : soit on conteste le système qui a permis la loi Taubira, soit on doit accepter la loi Taubira. On ne peut demander son accord au système qu’on conteste.

Certains se réclament de l’esprit d’Antigone. Celle-ci a accepté la contestation radicale, elle ne s’est pas traînée aux pieds de Créon pour lui demander un droit à la liberté de conscience.

Romain Lasserre

Source: Boulevard Voltaire

http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/10/19/devoir-d-obeissance-quand-la-loi-est-votee-on-l-applique-5199881.html

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