De Jeanne-Emmanuelle Hutin dans Ouest-France :
"En ces jours de retrouvailles familiales, on se souvient de ceux qui ne sont plus, qui nous ont aimés, précédés. Mais c'est aussi l'occasion de méditer le mystère de la vie et sa fragilité : tant de grandeur dans un vase d'argile qui se brise sur les rivages du temps. L'absence, la maladie, la mort rappellent que nous sommes de passage sur la terre, en marche vers un horizon inconnu. Comme il est difficile d'accepter cette fragilité humaine. En particulier dans les sociétés comme la nôtre qui accordent tant d'importance à l'image, souvent, au détriment de la réalité de la vie tissée de bonheurs et de malheurs. L'habitant de la société de consommation, à force de s'employer à fabriquer de lui-même une image valorisante, oublie d'apprivoiser sa fragilité. Lorsque survient la maladie ou les épreuves de la vie, alors ses repères factices s'effondrent : il ne peut plus « paraître », il est exclu du jeu, il n'est plus « utile». Devant son miroir brisé, démuni, il devient extrêmement vulnérable.
Dans de telles circonstances, la possibilité de l'euthanasie et, dans certains pays, du suicide assisté pose un grave problème. Comment, dans des moments de grande vulnérabilité, résister aux sirènes mensongères ? Celles qui murmurent que lorsqu'un individu n'est plus « utile » ou qu'il « coûte cher » à la société, l'acte ultime de sa liberté serait d'accepter qu'il soit mis fin à ses jours ?
Ce qui est présenté comme un acte de liberté ou comme un sacrifice nécessaire est, en réalité, une terrible aliénation, une soumission de l'être humain au conditionnement d'une société aveuglée par son matérialisme. Cette aliénation est combattue par les sources des religions monothéistes. En rappelant la Présence divine, elles ouvrent un espace de liberté entre la personne et la pression de la société. Elles invitent « ceux qui croient au ciel comme ceux qui n'y croient pas » à relever la visière du quotidien, à s'interroger, à se tourner vers l'infini, à refuser les jougs qui la réduiraient à n'être qu'un pion au milieu d'une masse manipulable, à reconnaître que la vie déborde de toute part les constructions humaines. Les racines des religions démasquent l'imposture des systèmes qui prétendent s'ériger en guide des consciences. Il est donc important que les grandes religions puissent prendre part au débat public.
En France, le Comité national d'éthique se prononce sur ces questions. [...] Cependant, les discussions éthiques sont l'affaire de tous car elles dessinent la société de demain ainsi que la ligne de démarcation entre la pression publique et la liberté de la personne fragile. Il serait dangereux de se priver du questionnement de ceux qui considèrent que l'être humain est sacré et qui refusent que sa mort puisse être déterminée en fonction des modes du moment, des contingences économiques ou des pressions sociales."
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